1929 ou le retour vers le futur de Galbraith
« La crise économique de 1929, anatomie d’une catastrophe financière » de James Kenneth Galbraith est un des livres de référence sur la crise des années 30. Il est aujourd’hui forcément utile de s’y replonger.
L’avant crise
Il est proprement sidérant de constater à quel point on peut faire des parallèles entre la grande crise des années 30 et les récentes crises boursières du début du 21ème siècle. Dans ce livre, l’un des disciples les plus célèbres de Keynes propose son récit et son analyse de la Grande Dépression. Il se concentre sur le récit de la catastrophe financière, depuis la catastrophe de Floride jusqu’à l’automne 1929.
Il démarre en effet son récit par l’explosion de la bulle immobilière de Floride. Dans les années 20, emportés par une frénésie spéculative irréelle, le marché immobilier local fut une réplique avec quelques années d’avance du grand krach de Wall Street. Le parallèle est stupéfiant : montée des prix déconnectée de la réalité, grâce à l’afflux d’argent que permettait l’utilisation du levier…
Ce n’est pas le moindre paradoxe que le krach de 1929 ait été précédé de trois années d’un effondrement similaire du marché immobilier de Floride, qui aurait dû inciter à la prudence. La raison est bien absente des phases « d’exubérance irrationnelle ». Et dieu sait que le marché fut exubérant de 1924 à 1929. L’indice des prix du New York Times est passé de 106 à 134 en 1924, puis 181 en 1925, s’est stabilisé à 176 en 1926 avant de progresser à 245 en 1927, 331 en 1928, pour atteindre 453 le 3 septembre 1929.
Les moutons et les visionnaires
L’auteur rappelle les erreurs de jugement de la plupart des analystes et dirigeants de l’époque. Ainsi, le président Coolidge déclarait en décembre 1928 « qu’aucun congrès des Etats-Unis jamais réuni, en examinant l’état de l’Union, n’a eu de perspective plus agréable que celle qui apparaît aujourd’hui » et début 1929 que les valeurs étaient « bon marché aux prix courants ». Il cite un professeur affirmant en juin 1929 que « la situation économique du monde semble sur le seuil d’un grand bond en avant (sic) ».
Pourtant, certains avaient réussi, comme avant 2008, à voir les dangers de la bulle. Il cite le patron d’une banque, Paul Warburg qui souhaitait en mars 1929 une action de la Fed pour mettre fin à « l’orgie de spéculation effrénée » pour éviter un « effondrement désastreux » et une « crise générale pour le pays tout entier ». Il cite également une partie de la presse, Poors, parlant de « la grande illusion des actions ordinaires » ou le New York Times qui annonçait régulièrement la catastrophe à venir.
Le grand krach
John Galbraith nous fournit un récit journalistique des évènements qui ont abouti au krach. Il note la position ambiguë de la Fed, qui dénonce la spéculation en février 1929. Mais, lors d’un décrochage du marché les 25-26 mars, qui propulsa les taux courts à 20%, son dirigeant affirma que « nous avons une obligation (…), c’est d’écarter toute crise grave sur le marché de l’argent ». Comme l’auteur le souligne bien, les autorités semblaient préférer une « mort prochaine » à une « mort immédiate ».
En fait, Wall Street a atteint son sommet le 3 septembre à 453 points puis a commencé à baisser. La baisse s’est accéléré le samedi 19 octobre (perte de 12 points), puis à nouveau le mercredi 23 octobre, où l’indice du Times passa de 415 à 384 avant de connaître un jeudi très chaotique. La baisse commença par s’amplifier, mais les banques se coordonnèrent pour acheter des actions et soutenir le marché, ce qui permit de limiter la baisse à seulement 12 points. Roosevelt, isolé, dénonça alors la « fièvre de la spéculation ».
L’effondrement eut lieu le lundi 28 octobre : la bourse perdit 49 points, soit une baisse de plus de 12%, suivie par une nouvelle baisse de 43 points le lendemain. La baisse continua brutalement le mardi 5 novembre (-37 points) puis les 11, 12 et 13 novembre, avec une perte de 50 points en trois jours, menant l’indice du Times à 224, une perte de près de 50% en moins d’un mois… L’indice toucha son point bas le 8 juillet 1932 à 58 points, soit une baisse de plus de 85%…
Cette grave crise boursière provoqua un effondrement économique sans précédent puisqu’en 1932, un quart de la population (13 millions de personnes) étaient officiellement au chômage. À titre d’exemple, la production d’acier représentait 12% des capacités.
Source : « La crise économique de 1929, anatomie d’une catastrophe financière », Payot, 1954, texte publié en août 2009
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