Maurice Allais, le libéral qui a pensé le protectionnisme européen
Cela faisait depuis longtemps que je souhaitais lire un livre de notre prix Nobel* d’économie. Mais il m’a été difficile de trouver un de ses livres, y compris sur Internet. Voici donc le résumé d’un de ses ouvrages de référence, dont la matière intellectuelle compense une forme pas toujours attrayante.
La cassure de 1974
En bon économiste libéral, c’est en analysant les chiffres que Maurice Allais démarre son analyse. En effet, il s’est rendu compte d’une forte discontinuité dans les résultats économiques de la France à partir de 1974, qui semble indiquer un changement majeur. Le chômage, alors sous le cap des six cent mille personnes, s’envole jusqu’à trois millions, alors que le sous-emploi, selon une étude du ministère du travail, touche six millions de personnes à la fin des années 90. L’emploi industriel, qui regroupe 6 millions de personnes en 1974, décroît alors de plus de 25%, soit seulement 16% de la population active contre 28%.
Comme il le dit : « l’année 1974 apparaît comme une année de rupture entre la période 1950-1974 de prospérité continue et la période 1974-1997 (le livre est publié en 1999) essentiellement marquée par une croissance massive du chômage, une diminution considérable des effectifs industriels, et une très forte réduction de la croissance ». Ce phénomène n’est pas spécifiquement Français mais touche l’ensemble de l’Union Européenne qui connaît à peu de choses près les mêmes évolutions, contrairement aux Etats-Unis, ce qui montre une particularité européenne.
Les raisons de la cassure
Maurice Allais récuse l’explication communément admise du choc pétrolier, arguant que le second choc n’avait pas provoqué de même changement de tendance. Pour lui, la raison est « la politique, à partir de 1974, de libéralisation mondialiste des échanges extérieurs de (…) Bruxelles dont les effets ont été aggravés par la dislocation du système monétaire international et l’instauration généralisée du système des taux de change flottants ». Il souligne en effet que la mise en concurrence de salariés occidentaux gagnant jusqu’à 20 fois plus que dans les pays émergents ne peut qu’aboutir à un chômage massif puisqu’une baisse drastique des rémunérations n’est ni possible, ni souhaitable.
Pour prouver sa théorie, notre prix Nobel a donc construit un modèle mathématique pour expliquer la variation du taux de chômage. Il suppose qu’il a quatre origines principales : un chômage structurel (consécutif au coût trop élevé du travail par rapport à sa productivité), un chômage issu du libre-échange, un chômage issu des changements technologiques et un chômage conjoncturel. Son modèle, développé en 1994 a eu le mérite de très bien prédire les quatre années suivantes et conclut que 61% du sous-emploi pour la période 1995-1997 est issu du libre-échange (30% pour le structurel).
Vers un protectionnisme européen
Maurice Allais conclut, tant par l’utilisation de la micro-économie que de la macroéconomie que le libre-échange non régulé avec des pays aux salaires beaucoup plus bas que les nôtres aboutit à une augmentation du chômage, du moment que l’on refuse l’ajustement à la baisse des salaires. Il prédit que « les pays à bas salaires représentent aujourd’hui des milliards d’hommes et leur compétition dans un monde de libre-échange ne peut qu’entraîner inexorablement dans les pays développés un nivellement des salaires vers le bas et une explosion du sous-emploi ».
Il reprend les travaux d’un économiste Américain, Adrian Wood, qui a écrit « Comment le commerce fait du mal aux travailleurs non qualifiés » pour montrer que les Etats-Unis ont choisi la voie de la régression salariale quand l’Europe a préféré le chômage de masse. C’est pourquoi il recommande la mise en place d’une « préférence communautaire », en soulignant que « le véritable fondement du protectionnisme, sa justification majeure et sa nécessité, c’est la protection indispensable contre les désordres et les difficultés de toutes sortes engendrées par tous les disfonctionnements de l’économie mondiale ».
Pour lui, « la libéralisation des échanges ne vaut ainsi qu’à l’intérieur d’Associations régionales, dotées de marchés communs prenant place dans des cadres politiques communs. Il est de l’intérêt de toute Association régionale de se protéger vis-à-vis des autres pour maintenir des activités industrielles dont la disparition, en raison de circonstances temporaires, se révélerait à l’avenir fondamentalement nocive ».
S’il ne rejette pas le libéralisme, Maurice Allais se fait précurseur en en rejetant les excès, suivant l’exemple d’Hayek qui disait en 1946 que « rien n’a tant nui à la cause libérale que l’insistance butée de certains libéraux sur certains principes massifs, comme avant tout la règle du laissez faire ».
Source : Maurice Allais, « La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance », Clément Juglar, *communément admis comme tel, texte publié en janvier 2009
Gestionnaire d'un site internet de réflexion tous azimuts-spiritualité,politique,économie- et PRO-VIE qui ne lâche rien de rien et à personne,j cherche à recevoir toute information et réflexion dans ces domaines mais il est hors de question que je passe par ces crétins américains de tweeter, ne pensant pas en 144 caractères!Gaulliste de gauche à la Malraux , Vallon,Capitant,Philippe de Saint Rober,d'Astier de la Vigerie-un peu fada comme on dit chez moi à Marseile- et anciens de "notre république" puis de "l'appel",pouvez-vous transférer les vôtres sur ma messagerie brandenburg.olivier@orange.fr ou mon site erlande.wordpress.com?Merci de me rpondre et avis aux amateurs!
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