dimanche 25 septembre 2011
Maurice Allais, le précurseur des économistes alternatifs
Par-delà son analyse sans œillère des conséquences du libre-échange, Maurice Allais nous laisse en héritage une réflexion sur le sens de l’économie, une critique radicale des erreurs des dirigeants occidentaux et des pistes de réflexion pour penser une alternative économique.
Maurice Allais écrit ainsi que « l’économie doit être au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie ». Il soutient que « dans le cadre d’une société libérale et humaniste, c’est l’homme qui doit constituer l’objectif final et la préoccupation essentielle. C’est à cet objectif que tout doit être subordonné », dans un écho de la célèbre phrase du Général de Gaulle sur « l’homme, la seule querelle qui vaille ». Il dénonce le scandale du chômage de masse, dont l’ampleur est camouflée par les différentes politiques de l’emploi, comme il le montre bien en s’appuyant sur des études du ministère de l’emploi.
Il fait du chômage la racine de tous les maux: augmentation des inégalités, limitation de la mobilité sociale, et insécurité. Il soutient que « la prospérité de quelques groupes très minoritaires ne doit pas nous masquer une évolution qui nous mène au désastre ». Il dénonce un « capitalisme sauvage et malsain » et souligne « qu’il ne saurait être d’économie de marchés efficace si elle ne prend pas place dans un cadre institutionnel et politique approprié, et une société libérale n’est pas et ne saurait être une société anarchique ».
Il souligne également que la pensée ultralibérale a beaucoup de failles. Tout d’abord il est extrêmement naïf de croire que la libéralisation va profiter à tous les pays et tous les groupes sociaux. Ensuite, en accordant une trop grande importance au consommateur, cette théorie néglige le fait que ces consommateurs ont besoin de produire pour consommer. Enfin, elle fait complètement l’impasse sur les coûts d’ajustement, qui peuvent se révéler extrêmement élevés, tant d’un point de vue économique que psychologique.
Suit alors une critique radicale de nos dirigeants dont il attaque le dogmatisme libre-échangiste. Il souligne le rôle des institutions internationales, comme l’Europe dont le traité de Rome indiquait déjà que « les Etats membres entendent contribuer au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières ». Il cite l’OCDE qui affirme que « le fonctionnement libre et spontané des marchés conduit à une allocation optimale des ressources » ou que « le protectionnisme a pour effet de réduire le niveau de prospérité ».
À cela, Maurice Allais oppose une lecture radicalement différente soulignant que la Grande Dépression des années 30 « a eu une origine purement monétaire et a résulté de la structure et des excès du mécanisme du crédit. Le protectionnisme en chaîne des années 30 n’a été qu’une conséquence et non une cause de la Grande Dépression ». Il insiste sur la responsabilité des « désordres monétaires », « une instabilité permanente et des taux de change qui peuvent être très éloignés de leur valeur d’équilibre ». Pour lui, la responsabilité vient des politiques, les patrons ne faisant que suivre les règles du jeu.
L’intérêt de ce libre très complet est de présenter les grandes lignes d’un plan B économique global. Pour le commerce, il propose donc que les pays se regroupent en « ensembles régionaux groupant des pays économiquement et politiquement associés, de développement économique et social comparable, tout en assurant un marché suffisamment large pour que la concurrence puisse s’y développer de façon efficace et bénéfique » (proposition reprise par Jean-Luc Gréau). Il propose ensuite une préférence communautaire qui reviendrait à instaurer des quotas d’importation à hauteur de 20% des marchés.
Plus globalement, il souligne l’importance d’une répartition acceptable des revenus, de la mobilité sociale, de l’aide pour traverser les ajustements économiques, de la protection contre les perturbations économiques et des institutions internationales pour organiser le tout. Il souligne également que « discuter de la libéralisation des échanges dans le cadre du Gatt est dénué de sens véritable » étant données les fluctuations monétaires et recommande par conséquent la fusion du Gatt et du FMI. Il plaide fermement pour que l’euro soit une monnaie commune et pas unique, soulignant les trop grandes différences des pays participants.
Bref, Maurice Allais appelle à une refondation du capitalisme qui semble tarder malgré la crise. Jacques Bainville disait que « pour que les conséquences apparaissent aux nations, il leur faut des catastrophes ou le recul de l’histoire ». La crise n’a sans doute pas été assez forte et le recul encore trop faible…
Source : Maurice Allais, « La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance », Clément Juglar, texte publié en janvier 2009
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