Morad El Hattab nous conte l’histoire des crises financières
Après l’analyse des causes de la crise, « La vérité sur la crise » de Morad el Hattab et Irving Silverschmidt consacre de longs développements aux expériences du passé, qui ont malheureusement été oubliées.
Le parallèle avec 1929
Les auteurs reviennent sur les crises bancaires de la deuxième moitié du 19ème siècle dans toute l’Europe. Ils prennent l’exemple de la spéculation sur le guano (excrément d’oiseau utilisé comme engrais) de 1889, qui avait abouti à des règles prudentielles très strictes en France : « 80% des dépôts à vue étaient affectés à des actifs réescomptables par la Banque de France », ce qui « explique en grande partie l’absence d’une faillite systémique bancaire française en 1931 ».
Dans un récit proche de celui de James Galbraith, Ils font un parallèle avec la Grande Dépresion, conséquence de « la liquidation d’une bulle boursière financée par des pyramides de crédits ». Les cours de la bourse avaient progressé d’un tiers par ans de mars 1926 à l’automne 1929 s’appuyant sur la promesse d’un « nouvel âge » économique théorisé par Irving Fischer, avec le développent de la radio et l’aviation, dans une répétition de bulle internet…
Mais cette bulle s’est aussi appuyée sur deux innovations. La première était les call loans, qui ont financé jusqu’à 90% des achats d’action par des crédits à court terme (un mois au plus) à 12 ou 15% et garantis par les actions. La deuxième innovation était les investment funds, qui faisaient appel aux petits porteurs pour investir en bourse, mais qui utilisaient également l’effet de levier, souvent à court terme, et investissant dans d’autres fonds dans de dangereuses pyramides de crédit…
Au cours de l’été 1929, l’endettement privé étasunien atteint 230% du PIB (176% en 2007). Mais la baisse des cours impose de vendre pour trouver des liquidités, accentuant la baisse et provoquant l’effondrement de la bourse (le Dow Jones baisse de 90%). Les faillites créent alors une crise bancaire. La dernière étape est l’effondrement de l’économie réelle. Ils dénoncent les politiques de déflation, menée en France par Pierre Laval, en soulignant que si « les actifs s’évaporent, les dettes s’accrochent ».
Ils reviennent sur la politique du crédit pendant les Trente Glorieuses : « le Trésor définissait un plancher de pourcentage des dépôts bancaires obligatoirement déposés auprès de lui et la Banque de France variait son plafond d’acceptation des billets réescomptables ». Ainsi, le crédit pouvait être freiné en cas de trop forte inflation et accéléré pour pousser la croissance. C’est ce que fait la Chine aujourd’hui, qui a fortement augmenté les dépôts des banques pour calmer la bulle immobilière.
Le précédent de 1987
Les auteurs reviennent également sur le krach de 1987. Ils incriminent une bulle immobilière financée à crédit par les caisses d’épargne (déréglementées par les lois DIDMCA de 1980 et de 1982) et qui se livraient à une concurrence effrénée et risquée. La hausse conjointe des taux de la Fed et de la Bundesbank, en septembre, a augmenté le coût de refinancement des banques. Le 3ème lundi d’octobre, le Dow Jones baisse de 22.6% en une séance, du fait de programmes de vente informatique.
En 1989, le Trésor reprend les 750 établissements, rembourse les dépôts, et devient propriétaire de 450 milliards de dollars d’actifs pourris. Au final, la revente des actifs permettra de réduire des deux tiers le coût pour le contribuable. Les pays européens ont connu une crise bancaire plus limitée, mais « en Grande Bretagne, les bénéfices des banques ont baissé de plus de 60% et en France, deux banques ont frôlé la faillite, le Crédit Lyonnais et Paribas » avec la fin de la bulle immobilière.
Les auteurs étudient également le cas Japonais : « l’inflation correspondante des actifs, à la fois immobiliers et boursiers, atteint de 1986 à 1989, le triple du PIB nippon. La déflation des actifs qui a suivi est presque symétrique ». Ils soulignent à quel point l’inflation des actifs doit être surveillée au même titre que celle des prix courants. Et ils dénoncent la lenteur des autorités à régler l’insolvabilité cachée des banques en ayant recourt à des astuces comptables.
Après avoir étudié la crise économique et financière dans sa globalité et à travers les époques, les auteurs se penchent davantage sur l’Europe, la crise de l’euro et des dettes souveraines en plein cœur des débats d’aujourd’hui.
Source : « La vérité sur la crise », Morad el Hattab, Irving Silverschmidt, Editions Léo Scheer, texte publié en septembre 2011
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