dimanche 25 septembre 2011
Patrick Artus développe les dangers de la globalisation
En juin 2008, Patrick Artus et Marie-Paule Virard ont publié un ouvrage intitulé « Globalisation, le pire est à venir ». S’il ne traite naturellement pas des événements de l’automne, ce livre constitue un bon résumé des problématiques actuelles de la globalisation.
Ce livre ne s’adresse pas forcément aux plus spécialistes qui pourront le trouver un peu basique ou à ceux qui recherchent une analyse de la crise de cet automne. Néanmoins, alors que le débat dérive un peu trop sur des comportements individuels malhonnêtes comme ceux de Bernard Madoff, il est utile de se voir rappeler l’ensemble des problèmes que pose la globalisation, dans un petit livre de 150 pages, facile à lire et qui contient des explications très pédagogiques de l’ensemble des notions abordées.
Il faut dire que Patrick Artus, professeur à Polytechnique et à la Sorbonne et Marie-Paule Virard, ancienne rédactrice en chef des Enjeux-Les Echos, ont un certain don pour présenter de manière simple et agréable à lire les problématiques économiques. Ce livre part d’un constat très juste : « si la globalisation entre dans un nouvel âge, fait d’instabilité, de désordres et de craintes de toutes sortes, c’est bien parce qu’elle est livrée à elle-même, que les élites politiques et économiques ont préféré jusqu’à maintenant ignorer combien elle leur créé, et exige qu’ils assument, tous, de nouvelles responsabilités ».
Ils dénoncent la « bulle (qui) s’est formée sur les matières premières, expression même de la stupidité d’une spéculation qui n’hésite pas à s’enrichir sur le prix du riz et sur la ruine des plus pauvres, tandis que les autorités monétaires semblent se résigner à réguler les cycles économiques par la liquidité, c’est-à-dire par les bulles, quel qu’en soit le prix pour les acteurs de l’économie réelle ». Ils présentent les cinq dangers de la globalisation actuelle : « les inégalités croissantes, le gaspillage des ressources, la spéculation financière, la course absurde aux profits et l’implosion de l’Europe ».
Le livre commence par une citation du Prix Nobel d’économie, auteur en 96 de « La mondialisation n’est pas coupable », Paul Krugman, qui affirme « qu’il n’est plus sans risque, comme cela l’était il y a douze ans, d’affirmer que les effets du commerce sur la répartition des revenus dans les pays riches sont relativement mineurs. On peut désormais affirmer qu’ils sont plutôt importants et ne font que s’accroître ». Ils soulignent que la mondialisation provoque une déflation salariale dans les classes populaires et moyennes en Occident et que les (faux) exemples anglo-saxons n’ont tenu que par une hausse considérable de l’endettement.
Ils citent une étude réalisée par Camille Landais, pour l’EHESS qui montre que de 1998 à 2005, si les revenus des ménages ont progressé de 4,6%, ceux du 1% les plus riches ont progressé de 19%, et ceux du 0,1% les plus riches de 32%. Cela montre ainsi que l’augmentation des inégalités touche la France, même si les chiffres y sont plus modérés qu’aux Etats-Unis, où les revenus des plus modestes baissent en réel, et ceux des plus riches progressent plus vite encore. Les auteurs craignent que cette déconnexion entraîne un véritable risque d’effritement de la cohésion sociale.
Ils soulignent également le danger que fait peser la globalisation sur l’environnement en dénonçant la spéculation sur les matières premières et les dangers de notre modèle de développement. Ils montrent bien comment les variations erratiques des marchés représentent un danger mortel pour nos économies et les hommes. Ils dénoncent également la « course absurde aux profits » des banques qui conduit à prendre des risques considérables par l’utilisation de l’effet de levier, qui permet de placer toujours plus pour une même somme de départ. Ils critiquent également le caractère moutonnier et pro cyclique des marchés. Enfin, ils montrent également que le système de rémunération pousse à prendre toujours plus de risques.
Ce livre comporte enfin une critique assez féroce de la construction européenne d’aujourd’hui. Il souligne que la zone euro ne correspond pas à une zone géographique adaptée au partage d’une même monnaie, du fait d’un manque de mobilité des travailleurs et d’une absence de budget européen significatif. Du coup, l’euro pousse à une déflation salariale pour gagner en compétitivité au sein de la zone, comme ont fait les Allemands (le salaire moyen réel y est stable depuis 1986 selon le Ministère du Travail). Il montre également comment l’euro cher accélère la désindustrialisation en soulignant que depuis 2005 Renault a réduit sa capacité de production de 325 000 unités en Europe occidentale pour l’augmenter de 250 000 ailleurs.
Les auteurs, pourtant clairement partisans de l’économie de marché, soulignent bien que la globalisation actuelle ne fait que peu de gagnants et beaucoup de victimes et plaide pour « donner un nouveau cours à notre vivre ensemble », soulignant que la « civilisation de la globalisation reste à inventer ».
Source : « Globalisation, le pire est à venir », Patrick Artus et Marie-Paule Virard, La Découverte, texte publié en janvier 2009
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