dimanche 25 septembre 2011
Pierre-Noël Giraud décrypte l’anarchie financière
C’est un livre que RST m’avait recommandé, « Le commerce des promesses ». Il a gagné plusieurs prix, dont le prix européen du livre d’économie et le grand prix Turgot. Un ouvrage très pédagogique, assez scolaire, mais très enrichissant théoriquement, qui a été revu et enrichi en octobre 2009.
Pierre-Noël Giraud est professeur d’économie à Dauphine et cela se ressent dans l’écriture de son livre, qui, plus qu’un « traité sur la finance moderne » semble être un manuel pour étudiant. Il est extrêmement riche puisqu’il comporte à la fois un volet théorique sérieux expliquant l’ensemble des principes de la finance, ainsi qu’une analyse économique des différentes crises que nous avons traversées pour se terminer sur une synthèse de la crise économique de 2008, le tout suivi d’une étude des solutions qui pourraient être apportées pour stabiliser le système.
Il soutient que « la globalisation financière a privé les Etats, garants de ce fragile équilibre (capital / travail), de tout moyen de contrôler les appétits désormais sans limites de l’argent qui ne cherche qu’à se transformer en plus d’argent ». Il a bien compris la lecture libérale de la crise de 2008, qui attribue au laxisme des banques centrales la bulle tout en soulignant que ce n’est pas quelques points de taux d’intérêt de plus qui aurait changé grand-chose étant donné le niveau de rentabilité actuel des investissements financiers (et les 15% de rendement sur capital…).
L’auteur utilise l’exemple d’un négociant génois de 1298 qui souhaite acheter de la pierre d’alun à Aigues-Mortes pour la revendre à Bruges pour montrer toute la palette des services rendus par la finance (le transfert de richesse dans le temps, la gestion des risques, la mise en commun de la richesse, l’information – le prix le plus souvent – et le règlement). Il y montre comment les banques créent elles-mêmes la monnaie. Il souligne que le secteur financier, qui représentait 15% des profits des entreprises aux Etats-Unis dans les années 80 en représente aujourd’hui 40%.
L’auteur poursuit sa critique en soulignant que la Bourse ne finance plus les grandes entreprises, puisqu’elles rachètent davantage d’actions qu’elles n’en émettent. Il souligne également le grand mimétisme des acteurs financiers qui suivent souvent l’opinion de la majorité, comportement logique puisque l’évolution des cours dépend de cette opinion. Le problème est que, du coup, les anticipations des marchés deviennent auto-réalisatrices. La crainte d’une crise provoque une défiance des marchés qui peut alors conduire à la crise, comme on a pu le voir ce printemps.
Ce livre est passionnant par sa description des mécanismes monétaires. Il montre que la création de la monnaie a été privatisée et que cela aboutit à un comportement pro-cyclique des banques, qui prêtent beaucoup quand l’économie va bien et beaucoup moins quand elle va mal, accentuant les cycles économiques. Il distingue de manière utile les crises de liquidités des crises de solvabilité, pour montrer que l’Etat doit absolument agir pour prévenir les premières, d’où la garantie des dépôts bancaires ou les injections de liquidités des banques centrales, brisant les cercles vicieux.
Il souligne bien à quel point, dans les phases de croissance, les banques alimentent la bulle du prix des actifs car certains prêts à la consommation permettent aussi de placer davantage tout en maintenant leur consommation. Du coup, « le système bancaire peut créer de la monnaie en excès par rapport à la richesse produite. (…) Si (cette monnaie) est réutilisée à l’achat de titres, il n’y a pas inflation du prix des biens, il y a inflation du prix des titres », qui potentiellement justifier l’excès de prêts !!!
Il souligne ensuite que l’évolution des taux de change est un moyen d’équilibrer les échanges commerciaux (un déficit fait baisse la monnaie, ce qui réduit le déficit). Mais il souligne que, du fait de la globalisation, si un pays attire des capitaux qui compensent le déficit commercial, alors la monnaie peut ne pas baisser. Il explique le triangle de Mundell, à savoir qu’un pays doit choisir deux des trois caractéristiques suivantes : changes fixes, liberté de circulation internationale des capitaux et autonomie des politiques monétaires. Il critique le FMI en soulignant que ses politiques favorisent les créanciers.
Pierre-Noël Giraud termine en soulignant le primat de la lutte contre l’inflation, alors qu’elle est un moyen plus doux de réduire les bulles, imposé par les épargnants. Mais il souligne l’instabilité globale du système financier, « régulé par des krachs inévitables et imprévisibles ».
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