Pierre-Noël Giraud, historien résigné des crises économiques
20 ans de crise du capitalisme financier
Pierre-Noël Giraud revient sur les crises des années 1990 : le Japon, la crise du SME, le défaut russe, la faillite de LTCM ou la crise Asiatique. Il souligne que la libéralisation financière rend le système instable du fait du caractère moutonnier des marchés. Il souligne que c’est le gouvernement Français de l’époque qui a fait le choix politique de défendre la parité franc-mark, au prix de taux d’intérêt qui ont déprimé la croissance : « si un gouvernement se fixe un objectif de change, la politique monétaire est entièrement asservie à la poursuite de cet objectif », quand les mouvements de capitaux sont libres.
Il revient ensuite sur le cas Japonais en soulignant que l’effondrement de la Bourse et de l’immobilier ont provoqué la destruction de l’équivalent de deux fois le PIB du Japon de l’époque, un choc d’une violence inédite (baisse de 50% du patrimoine). Pour lui, si le Japon a eu raison d’utiliser vigoureusement les leviers budgétaires et monétaires pour amortir le choc, en revanche, il a trop tardé à restructurer le secteur bancaire, ne faisant que différer dans le temps l’ajustement, ce qui a malheureusement laissé le temps à la déflation de s’installer et retarder le rebond de la croissance.
Il poursuit avec la crise des pays émergents en soulignant les dangers d’une monnaie surévaluée pour la croissance (une leçon que l’Europe devrait écouter). Il souligne, comme d’autres, le rôle des capitaux spéculatifs, qui ne finançaient pas la croissance mais des bulles d’actifs, ainsi que celui de la parité avec le dollar, à un moment où ce dernier s’appréciait par rapport au yen. Le contrôle des changes de la Chine l’a protégé. Il souligne que les pays émergents ont souffert de leur position en périphérie du système économique, où « les turbulences sont maximales ».
Que faire face à ce constat ?
Pierre-Noël Giraud souligne que les interventions du FMI visent essentiellement à protéger les créditeurs plutôt que d’aider les pays qu’il finance, expliquant ainsi la volonté d’indépendance des pays émergents, qui cumulent donc les excédents plutôt que de prendre le risque de passer sous les fourches caudines du Fonds. Pour lui, la Chine finance les déficits étasuniens pour soutenir sa croissance, quitte à prendre le risque de ne pas être remboursé en totalité, mais l’Europe est le dindon de la farce du fait des fortes fluctuations de l’euro par rapport au wuan et au dollar.
Il souligne également que « la compétition commerciale généralisée constitue le moteur fondamental de l’évolution des inégalités » et affirme que « la globalisation détruit les solidarités » et que « les gagnants de la globalisation sont en effet devenus des nomades mettant en compétition les sédentaires qui restent fixés à leur territoire », poussant au moins disant fiscal pour les entreprises et les plus riches. Avec un tel constat, on imagine alors que l’auteur va proposer un programme de réforme assez radical. Mais bizarrement, tel n’est pas du tout le cas.
S’il souhaite un contrôle prudentiel et ne rechigne pas à un contrôle des mouvements de capitaux, c’est en cas de crise. Il rejette la taxe Tobin qui n’aurait pas d’effet en cas de crise (mais ce n’est pas pour cela qu’elle est conçue…). Il propose de limiter l’effet de levier et défend le « marked-to-market », plus transparent. Il refuse les propositions de Maurice Allais de nationaliser la création de monnaie et de mieux séparer les banques en fonction de leur activité. Il souligne en revanche le scandale des paradis fiscaux en soulignant que son traitement par les pays du G20 est une « mascarade ».
Un des présupposés surprenants de l’auteur est que la réglementation de la finance va baisser le niveau de la croissance. Rien ne prouve cette antienne répétée plusieurs fois, et plutôt infirmée par la croissance des Trente Glorieuses ou le manque de croissance des années 2000. Il souligne l’inéluctabilité des bulles et ne voit de solutions qu’à l’échelle supranationale : « maîtriser la globalisation exige une certaine globalisation de la politique ». Pourtant, jusqu’à présent, les abandons de souveraineté qu’il appelle ont toujours produit plus de déréglementation…
« Le commerce des promesses » vaut pour son explication des mécanismes de la finance, du rôle de la monnaie ainsi que son analyse des travers de la globalisation financière. Mais curieusement, son auteur ne semble pas vraiment voir de solutions à y apporter.
Source : Pierre-Noël Giraud, « Le commerce des promesses », Points, texte publié en août 2010
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