Que faire après la fin de l’euro ?
C’est bien tout l’intérêt de la démarche de Christian Saint Etienne que de démontrer qu’à terme, la monnaie unique telle qu’elle a été conçue, n’est pas tenable, et qu’il faut penser à un plan B. Il en propose même trois dans le livre, étant donnée l’incertitude que fait peser « la fin de l’euro ».
Le pire et l’idéal
L’auteur souligne malicieusement que tout a été fait pour permettre un retour aisé aux monnaies nationales. Les banques centrales nationales existent toujours. Les pièces ont une face nationale qui permettrait d’introduire instantanément un « euromark », un « eurofranc »… Et même les billets ont un code national ! Bref, le retour en arrière est possible et semble même avoir été étudié lors de la genèse de l’euro.
Pour lui, le pire serait un retour aux monnaies nationales suivi de multiples dévaluations compétitives sans la moindre coordination. Il y voit un risque d’appauvrissement de la population et d’inflation. La solution qu’il semble préférer est une marche forcée vers le fédéralisme pour que la zone euro devienne (malgré elle) une Zone Monétaire Optimale. Il propose de fixer les frontières de l’Union ainsi que des règles minimales d’harmonisation des politiques fiscales et sociales.
Il propose que la politique de change soit effectivement confiée à l’Eurogroup, qui imposerait ses décisions à la BCE. Il propose la mise en place de taux d’imposition minimums ainsi qu’une forte augmentation du budget de l’Union avec un renforcement du vote à la majorité qualifiée. Il suggère un Pacte de Stabilité encore plus strict, limitant les déficits à 1% en période de croissance et la dette publique à 45%.
Un autre mondialiste idéaliste ?
Pour lui, il est possible de construire un « modèle de croissance intensive » sur ces bases. Il faut s’appuyer sur trois ingrédients : « une politique monétaire favorisant la croissance dans la stabilité financière », « une main d’œuvre très qualifiée » et « des charges fixes nationales aussi faibles que possible sans rogner sur les équipements publics et notamment la formation de la main-d’œuvre ».
Ainsi, l’Europe pourrait peser sur la réforme du système monétaire et financier international, en poussant à une réduction des déséquilibres commerciaux, une coordination des politiques de change, une augmentation des moyens des banques centrales, la fin des paradis fiscaux et enfin, une gestion globale des ressources naturelles.
Pour la finance, il souhaite encadrer les innovations, bien différencier les statuts des banques, limiter à 70% (sic) la part des créances qui peuvent être titrisées, l’encadrement des échanges de produits dérivés, la mise en place de normes prudentielles contra-cycliques, la fin du « mark to market », un meilleur encadrement des agences de notation ainsi qu’une réforme des bonus (gelés pendant plusieurs années).
La voie proposée
Cependant, l’auteur reconnaît que la voie fédéraliste, si elle serait rendue possible par un véritable coup de force du couple franco-allemand menaçant de quitter l’Union, est hautement improbable. C’est pourquoi il plaide finalement pour la constitution d’un Système Monétaire Européen renforcé avec le retour des monnaies nationales. Il propose que les ajustements de taux de change soient proportionnels aux écarts d’inflation, mais « inférieurs (…) pour obliger les Etats membres à amplifier leurs réformes structurelles », obligation encore renforcé par un pacte de stabilité plus dur.
Il propose également un « autre modèle de croissance » fondé sur l’innovation et la compétitivité. L’Etat doit s’appuyer selon lui sur une dizaine de métropoles motrices, des régions renforcées ainsi qu’une grande région Ile de France, qui peut concurrencer New York, Londres ou Shanghai. Il propose un partenariat avec les grandes entreprises Françaises, les multinationales que l’on veut attirer et d’autres pays.
Le modèle proposé par l’auteur rappelle celui proposé par Dominique de Villepin dans son livre mais la chronologie de publication laisse entendre que l’ancien Premier Ministre a sans doute lu et été inspiré par ce livre pour le sien. Cependant, le modèle proposé par Christian Saint Etienne rappelle beaucoup le modèle allemand qu’il critique, fait de soumission à la mondialisation et au dogme de la compétitivité (couverture commode aux licenciements et à la stagnation salariale). Plutôt que de changer la mondialisation, il préfère essayer de construire un nouveau bateau pour surfer sur ses vagues instables.
L’auteur a le mérite de remettre en question les dogmes de l’euro qui font partie intégrante de la « pensée unique ». Malheureusement, quand il en vient aux solutions, il ne propose qu’une soumission intégrale au modèle du marché roi qui vient pourtant de s’effondrer. Dommage…
Source : Christian Saint Etienne, « La fin de l’euro », Bourin éditeur, texte publié en septembre 2009
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