Hier soir, Martine Aubry et François Hollande débattaient sur France 2. Un débat prévisible où il ne fallait pas oublier que les différences étaient essentiellement cosmétiques entre les deux héritiers de Jacques Delors et Lionel Jospin, mettant finalement Arnaud Montebourg sur la touche.
Peu de surprises
Pour être totalement honnête, j’ai écrit la plupart de ces lignes avant le débat de manière à voir si elles résisteraient à la réalité. Il faut dire que le positionnement des deux « impétrants », pour reprendre la formule d’Arnaud Montebourg, est bien connu. François Hollande doit concilier un périlleux équilibre entre le fait de continuer à apparaître comme le plus à même de battre Nicolas Sarkozy (et donc être proche du centre) tout en tendant la main aux partisans du troisième homme.
Martine Aubry joue la carte de celle qui rassemble toute la gauche : « la gauche centrale » au lieu du « centre gauche » pour reprendre la formule habile de Laurent Fabius. Elle doit à la fois apparaître comme aussi solide que son prédécesseur à Solférino pour affronter le président sortant mais comme suffisamment à gauche pour attirer les électeurs d’Arnaud Montebourg, le seul moyen pour elle de pouvoir espérer l’emporter. A ma surprise, cette carte n’a pas été trop jouée.
Comme un parfum de Bayrou en 2007
De manière assez prévisible, ils ont refusé la démondialisation mais en ont accepté une partie des constats. Ils ont rebondi sur les propositions de Montebourg sur la finance avec des discours très durs. Mais que pourra bien faire le troisième homme ? Prendre partie alors qu’il sait bien, comme il l’a dit lui-même, qu’ils sont les deux faces de la même pièce ? Ne pas prendre parti, comme NDA lui recommande ? Mais cela n’avait guère réussi à François Bayrou…
L’attitude la plus cynique serait d’appeler mollement à voter Hollande. Après tout, cela scellerait le sort de la primaire et pourrait lui valoir un beau ministère. En effet, même s’il apportait un plein et entier soutien à la maire de Lille, il ne serait pas sûr de faire basculer le rapport de force, qui est très largement en faveur de François Hollande avec les ralliements de Manuel Valls et Ségolène Royal (en récupérant 50% des vois de l’ancienne candidate, il approche la majorité).
La victoire du jospino-delorisme
Au final, les passes d’armes de ce débat étaient purement formelles. Car Martine Aubry et François Hollande sont les héritiers de Jacques Delors (le père de la première, ayant confié son club Témoins au second) et de Lionel Jospin (qui a fait de la première la ministre des 35 heures et du second son successeur à Solférino). Un tel double patronage indique très clairement que ces deux candidats, par delà de vraies différences de formes, sont absolument identiques sur le fond.
Et ils représentent finalement bien ce parti social-démocrate de notables que François Mitterrand a fait passer pour un parti de gauchistes en 1981 parce que c’était le moyen pour lui d’arriver au pouvoir. Dans le fond, ce parti est social-libéral, un partisan du « laissez-faire » et du « laissez-passer » qu’il corrige par des dépenses sociales (de plus en plus mises à mal par leur politique) et profondément internationaliste au point d’avoir un refus viscéral de la notion de nation et de frontières.
Au final, le débat m’a semblé tourner à l’avantage de Martine Aubry, qui a montré plus d’assurance et d’autorité que son rival, surtout dans le détail, même si elle n’était pas toujours de bonne foi et que son autorité était parfois cassante voire autoritaire. François Hollande, plus présidentiel, avait plus de hauteur, prenant l’avantage dans certaines tirades. Mais il a paru un peu sur la défensive et pour le coup peut-être un peu mou en refusant le plus souvent de polémiquer.
Je suis largement d'accord avec votre analyse.
RépondreSupprimerJe dois préciser toutefois qu'il me paraît important de saisir le mouvement et de tenir compte des évolutions sociologiques (ce qui fait que le vote Montebourg ne représente pas du tout à mon sens la même chose que les votes Hamon, Mélenchon ou Chevènement dans d'autres contextes).
Hollande et Aubry ont beau se défier du terme de "démondialisation" (et de même à l'UMP on a beau hurler à la "dinguerie" par opportunisme imbécile), une bonne partie du constat de Montebourg et autres alternatifs (faut-il d'ailleurs encore parler d'alternatifs?) est d'ores et déjà avalisé par l'ensemble de la classe politique. D'une certaine manière, on peut analyser la situation ainsi : Aubry a à peu près un an de retard sur Montebourg et Hollande deux environ, qui vient seulement de s'apercevoir que quelque chose clochait dans le libre-échangisme radical.
Ils en sont à une phase où cette nouvelle préoccupation entre en opposition avec leur ligne européenne, d'où un discours très largement incohérent. Mais la simple prise en compte des thématiques de Montebourg ne peut que déboucher à moyen terme sur un certain nombre de remises en question à cet égard. Le discours de Montebourg, lui-même, n'a commencé à durcir vraiment sa cohérence, il y a finalement assez peu de temps (l'évolution au cours des primaires a été tout à fait notable) et l'on peut même juger qu'il n'est pas encore au bout de la démarche, sur la question de l'euro notamment.
Emmanuel B
Quelles sont les conséquences de l'immobilisme du PS? il me semble que cela bénéficie essentiellement aux candidats souverainistes.
RépondreSupprimerJard
(en fait c'est PMF...)
RépondreSupprimerPour commencer une remarque anecdotique : vous,comme de nombreux commentateurs politiques, reprenez le terme "impétrant"... Après "démondialisation" Montebourg arrive à imposer "son" vocabulaire !
Et pourtant, quand je l'ai entendu, chez Pujadas, répéter par 3 fois ce terme, je me suis dit qu'il était bien loin de s'adresser aux classes populaires et que ce n'était pas très opportun... Erreur !
PeutMieuxFaire
( de PMF, à nouveau)
RépondreSupprimerIl faut comprendre le refus de polémiquer de François Hollande :
- polémiquer ferait plaisir à ses supporters, mais ils ne sont plus à convaincre
- polémiquer c'est risquer demain d'avoir un mal fou à ramener les aubryistes dans son bercail
- polémiquer, diviser, cliver, c'est ce que Sarkozy sait si bien faire et il construit sa candidature sur ce rejet.
Il sera intéressant de voir (oui, je l'imagine gagnant) son comportement face à Sarkozy (je l'imagine candidat !) : il y a du Mitterrand chez lui, il peut, me semble t-il, avoir l'ironie très cassante.
Maintenant, c'est intéressant de voir, que, pour un observateur indépendant - ce que je ne suis pas, Martine AUBRY a fait preuve d' autorité et de compétence alors que moi je l'ai trouvée très moyenne ; une bosseuse (voir l'épaisseur des dossiers étalés sur le pupitre) face à brillant orateur sûr de lui (une double page froissée).
PeutMieuxFaire
Martine Aubry a dit hier "lorsque le déficit est inférieur à 3%, la dette diminue"
RépondreSupprimerC'est faux...
La diminution de la dette n'intervient que si le taux d'intérêt moyen est inférieur au taux de croissance plus inflation.
«La diminution de la dette n'intervient que si le taux d'intérêt moyen est inférieur au taux de croissance plus inflation. »
RépondreSupprimerÇa n'est pas tellement plus éclairant que ce qu'a dit Aubry.
@ Emmanuel
RépondreSupprimerPas d'accord : je ne crois pas du tout, mais du tout, que Hollande deviendra un partisans de la démondialisation dans deux ans. Montebourg ne fait que tenir, en plus modéré, le discours que tenait JPC il y a 20 ans. Les choses n'évoluent pas forcément dans le bon sens.
@ Jard
J'espère
@ PMF
Complètement d'accord sur Montebourg.
Sur Aubry, je suis heureux d'avoir un autre éclairage, d'autant plus qu'elle en lourdement rajouté hier matin sur RTL.
@ °C
Les commentaires ne sont pas un mur publicitaire. Vous pouvez faire de la publicité pour des liens qui ont un minimum de sens par rapport au papier mais là, en plus en vous plantant sur le nom de NDA...
Désolé, c'était maladroit. Cependant j'avais copié-collé une citation. Ce n'est donc pas moi qui me plante sur le nom ou qui cherche à le déformer. Je ne suis pas au courant d'un homonyme qui serait aussi proche.
RépondreSupprimer@ Laurent,
RépondreSupprimerLe problème n'est pas que Hollande se mue subitement en partisan de la démondialisation. Le fait est qu'il n'aura pas vraiment d'autre option et que désormais il vient de découvrir que celle-ci existe, en même temps qu'une large partie du PS et des Français. A mon sens d'ailleurs, si le crash de la zone euro se produisait avant la présidentielle, Sarkozy lui-même serait bien obligé de sortir ses cartes à jouer de la seule poche théorique disponible.
Emmanuel B
@ Emmanuel B
RépondreSupprimerCe serait souhaitable s'il a arrive au pouvoir, mais j'avoue ne pas y croire du tout. Quand on entend Fabius...
Il aura aussi la solution de mettre sa tête dans le sable et d'ignorer les conséquences dramatiques de la mondialisation, comme ils le font depuis près de 30 ans...