Il y a une dizaine d’années, on nous vendait la libéralisation des services publics comme un moyen de faire baisser les prix. Mais depuis, on constate qu’au contraire, les prix ont largement tendance à progresser, démontant l’argument principal des tenants du recul de l’Etat.
Un problème d’économie d’échelle
Il ne s’agit pas de remplacer un dogmatisme par un autre. Si la libéralisation n’est pas la solution dans bien des domaines, tout ne relève pas non plus du service public. Et si le marché a ses imperfections, l’Etat les a également. Néanmoins, pour de nombreux secteurs économiques, il est plus pertinent de les conserver dans le giron de l’Etat. C’est le cas pour les « monopoles naturels », les secteurs qui nécessitent d’énormes investissements qui conduisent à des oligopoles.
Cela concerne l’électricité, le courrier ou du transport ferroviaire. Dans ces domaines, il serait totalement absurde de créer deux réseaux parallèles. Mieux vaut un seul réseau pour générer des économies d’échelle. C’est pour cela que les eurocrates veulent privatiser uniquement la distribution tout en imposant des règles ubuesques pour essayer d’assurer de la concurrence sur un tout petit morceau de la chaine de valeur. Mais en fait, le maintien de services publics a plus de sens.
Un problème de profits et de publicité
En effet, ce que l’on voit dans le cas de la privatisation des services publics est presque systématiquement une hausse des prix et une baisse du service aux clients. La raison est assez simple. Si on privatise et met en concurrence des entreprises de distribution d’électricité, outre la perte d’économie d’échelle, on rajoute des dépenses de publicité et de commercialisation pour assurer la concurrence, et une exigence de profits plus élevés des marchés par rapport à l’Etat.
Résultat, les gains de productivité qui peuvent être réalisés par le privé (il faut le reconnaître), sont souvent largement compensés par ces trois leviers. Résultat, comme on a pu le voir avec les renseignements téléphoniques, les prix se sont envolés et le service s’est détérioré. Les seuls qui en ont profité sont les chaines de télévision qui ont empoché les dépenses publicitaires. Bref, dans bien des cas, la privatisation se fait au détriment du service public.
Un problème d’incertitude
Il y a un troisième facteur d’augmentation des prix qui vient de l’incertitude qu’apportent la concurrence et la privatisation. En effet, elles apportent une incertitude qui peut décourager les investissements à long terme. Peut-on imaginer une seconde un EDF privé investissant aussi lourdement dans le nucléaire ? Le capitalisme actionnarial n’est pas toujours le plus efficace car il est beaucoup trop soumis aux humeurs des marchés et des résultats trimestriels.
Un autre secteur offre un exemple très parlant. Il y a vingt ans, l’agriculture était protégée par des prix minimums et l’Europe produisait des excédents. Si cette situation n’était pas sans poser de problème, les prix étaient beaucoup plus stables. Et si la libéralisation a d’abord fait baisser les prix, dans un second temps, l’incertitude sur le niveau des prix retarde les investissements, freinant la capacité de production, et in fine, fait monter les prix comme nous le constatons.
Bref, la libéralisation et la privatisation ne sont pas forcément les solutions. Les services publics à la Française ont beaucoup plus de sens sur bien des domaines. Malheureusement, Jacques Chirac et Lionel Jospin les ont sacrifiés sur l’autel de leur foi européenne.
[C’est pour cela que les eurocrates veulent privatiser uniquement la distribution tout en imposant des règles ubuesques…]
RépondreSupprimerPour l'électricité, n'est-ce pas plutôt la production qui est privatisé alors que le réseau reste public ?
Il faut clairement annoncer la couleur : France-Télécom, La Poste, EDF et GDF doivent redevenir à 100% publics en plus de la majeure partie des banques ce qui ne coutera que le prix de leur remise en état de marche pour l'économie réelle. De toutes les façons quand on veut faire quelque chose il y a toujours l'argent nécessaire: c'est toujours un choix politique!
RépondreSupprimerSur son dernier blog Nicolas Dupont-Aignan se croit encore obligé de réciter une partie du credo néolibéral de baisse des charges(donc du financement de la protection sociale) même pour les PME cela n'est pas fondé!
@ Cording
RépondreSupprimerNDA évoque en effet "la baisse des charges sur les PME". Cela ne signifie pas forcément réduction du financement pour la Sécu si l'on modifie l'assiette des prélèvements. Pour ma part je propose de détaxer l'emploi au niveau du SMIC par exemple) et reporter le financement sur le reste de la valeur ajoutée. Ceci profiterait massivement aux PME dont la production dépend massivement du travail.En tout cas il faut un électrochoc pour sortir du cercle vicieux chômage-assistance-prélévements.
@ J.Halpern
RépondreSupprimerLe vrai électrochoc sera la fin de la concurrence "loyale et non faussée" et le rétablissement d'un tarif douanier commun extérieur à l'UE et d'une préférence communautaire voire un protectionnisme européen qui nous réindustrialisera alors et déjà la question des PME est subsidiaire!
Le vrai électrochoc sera aussi la fin de la déflation salariale allemande qui est un aspect de cette concurrence déloyale puisque l'Allemagne réalise la plupart de ses excédents commerciaux sur le dos de ses "partenaires" de l'UE.
@ Anonyme
RépondreSupprimerJ'ai un peu simplifié, c'est vrai. Mais la règlementation européenne permet à de purs distributeurs d'électricité de se lancer sans le moindre investissement dans la production ou le réseau. Et je trouver totalement ridicule de mettre en place une telle concurrence qui ne peut fonctionner qu'en imposant des prix de cession très faibles à l'ancien monopole public national.
@ Cording
Complètement d'accord avec vous. Notre programme me semble clair sur la question.
Su r la baisse des charges, NDA a raison : pour développer l'emploi, il faut profondément modifier le financement de la Sécurité Sociale.
@ J Halpern
Très bonne idée !
Un article à l'argumentation aussi simple qu'efficace.
RépondreSupprimerA-t-on jamais tenté de faire une évaluation chiffrée de résultats produits par ces privatisations là?
Emmanuel B
@ Emmanuel B
RépondreSupprimerJe ne crois pas mais c'est dommage.
Dommage qu'il n'y ait pas qq chiffres se faire une idée des ordres de grandeur.
RépondreSupprimer«Les seuls qui en ont profité sont les chaines de télévision qui ont empoché les dépenses publicitaires.»
Ce que l'on tient pour gratuit parce que financé par la publicité, cette dernière se répercute dans l'inflation des prix. Il y aurait matière à creuser pour sérieusement restreindre la publicité à la télévision.
Quant à l'incertitude sur les prix, je ne suis pas d'accord. Les grandes entreprises, mais aussi les producteurs céréaliers, ont toute latitude pour se couvrir dans les marchés à terme. Ce sont les petits producteurs, les filières d'élevage et laitière qui n'ont pas cette facilité. Il faut la mettre à leur portée.
Article trompeur, pour reprendre ce que j'écrivais sur Marianne. Ce n'est pas la concurrence "en soi" qui fait baisser les prix, c'est l'innovation qu'elle occasionne. Je m'explique:
RépondreSupprimerCertaines activités de réseau, du type des routes ou de la distribution d'eau ou d'électricité, ne peuvent pas être mises en réelle concurrence pour des raison évidentes: il n'est pas logique ni optimal de construire 15 routes en parallèle allant au même endroit pour assurer l'existence d'une concurrence. De même, un tuyau est un tuyau, on ne va pas grandement pouvoir innover dans le transport de l'eau et ainsi voir baisser les coûts. Dans ces cas particuliers et très minoritaires, une approche utilitariste (et je dis bien utilitariste, d'un point de vue purement moral et des libertés fondamentales c'est une autre histoire), veut qu'il soit plus cohérent de faire appel à un système monopolistique à but non lucratif, dont les prérogatives doivent être encadrées par le Droit.
Par contre, il est important de rappeler qu'un service public n'a pas à faire fi des règles de bonne gestion sous prétexte qu'il est monopolistique. Là où le privé rend un service avec X salariés, le public n'en a pas besoin de plus, par exemple. En pratique...
Est-il besoin de rappeler que là où l'entrepreneur privé est responsable personnellement de la bonne marche de son organisation, l'élu lui ne sera jamais tenu personnellement responsable des gaspillages, et peut ainsi promettre tout et n'importe quoi en reportant les conséquences sur son successeur ? Je ne pense pas.
Cependant, certaines privatisations sont tout à fait légitimes et bénéfiques. La prestation d'un service qui peut être modulé, réinventé, qui fait appel à l'innovation et à la créativité sera forcément moins cher dans un système concurrentiel: on a vu l'exemple de Free qui casse les prix et l'oligopole Orange-SFR-Bouygues pour n'en citer qu'un. Un réseau d'entreprises en concurrence produira de l'innovation qui fera baisser les prix, bien mieux qu'un monopole public ou privé, c'est une tautologie. La création d'électricité n'y fait pas exception par exemple. Et non, une entreprise privé n'aurait probablement jamais inventé le nucléaire, trop risqué, trop cher et trop incertain: il faut au moins l'irresponsabilité d'un élu pour se lancer là-dedans. Les liquidateurs de Tchernobyl remercient d'ailleurs l'Etat bienveillant et clairvoyant.
Enfin, pour finir sur une note cocasse, parler de l'agriculture comme d'un système libéral est parfaitement ridicule ! L'agriculture est ultra-subventionnée, si bien que l'OMC amende tous les ans l'UE pour concurrence déloyale vis à vis des paysans du tiers monde à travers la PAC. La nouvelle Zélande a libéralisé son agriculture au début des années 80, et presque 30 ans après c'est un succès indéniable: plus de revenus pour les agriculteurs, des prix moins chers pour les consommateur. Ce simple fait suffit à décrédibiliser grandement cet article...
Comme vous dites : les privatisations achetées à bon compte sur les infrastructures financées par le public ne sont jamais une bonne affaire pour les consommateurs .
RépondreSupprimerCotation en bourse, spéculation, rentes ,salaires des dirigeants, etc...
On passe de monopole publics à des monopoles privés (gaz) et fausse concurrence car entente entre sociétés ...
Et :
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-compteurs-linky-sont-ils-102891
Pol Ignac .
@ John John
RépondreSupprimerLe problème, c'est que vous ne tenez pas compte de ce que j'écris et des nuances de mon papier. La concurrence peut apporter des choses, mais cela dépend des secteurs, comme vous le dites. Pour l'énergie, je ne crois pas du tout à la concurrence. Le réseau doit être unique.
Sur l'agriculture, le secteur a été grandement libéralisé depuis 20 ans en Europe. Il y a 20 ans, il y avait des prix minimums dans presque toutes les catégories. Aujourd'hui, il y en a beaucoup moins. L'agriculture est beaucoup plus libéralisée qu'il y a 20 ans.
@ Pol Ignac
Je suis d'accord.
@ Laurent Pinsolle
RépondreSupprimerEn effet cela dépend des secteurs. Pour l'énergie l’État devrait racheter l'électricité à des producteurs en concurrence (notamment pour stimuler l'innovation dans les cleantechs) et la revendre avec profit à travers un réseau unique, le profit finançant le réseau intégralement, avec une comptabilité publique et transparente.
En ce qui concerne l'agriculture, les paysans reçoivent d'énormes primes ce qui permet de baisser les prix en dessous des prix du marché. C'est une concurrence déloyale pour les paysans du tiers monde (à supposer qu'on se préoccupe de leur sort autant que du notre). La libéralisation c'est pas de subventions, peu d'impôts, et un vrai prix du marché. Et, si concurrence déloyale il y a, une taxe carbone sur les produits importés, mais l'exemple de la Nouvelle Zélande tend à écarter cette hypothèse.
Cordialement