Le chant du cygne
Un jour peut-être Alain Duhamel se rendra compte de son ridicule sur cette question. Comment mangera-t-il son chapeau quand cette construction baroque et artificielle qu’est la monnaie unique s’effondrera ? Il excommuniera sans doute les politiques qui auront présidé à une telle issue. En fait, son comportement est indécent. Il pourrait être compréhensible si la critique de l’euro ne venait que de franges obscures du débat d’idées. Mais ce n’est vraiment pas le cas.
Une nouvelle plume, aussi pertinente que posée, vient de s’aouter au rang des intellectuels qui critiquent l’euro. Et il faut dire que le papier de Rémi Bourgeot, sur Marianne 2, est un modèle du genre que je vous conseille chaleureusement. On ne sent nulle hostilité de principe à la monnaie unique, mais simplement un constat froid et analytique qui ne manque pas de recul. L’auteur fait un parallèle assez lumineux avec l’intégration de l’Allemagne de l’Est il y a vingt ans.
Pour lui, même si les situations ne sont bien sûr pas pleinement comparables, il y a des proximités entre cette Grèce qui n’était pas prête pour l’euro et la partie orientale de l’Allemagne qui a eu du mal à s’ajuster au mark de l’ouest, au détail près que cela a été compensé par des transferts inenvisageables à l’échelle de la zone euro. C’est aussi l’intelligence de l’auteur que d’essayer de comprendre la position allemande sans la juger de manière péremptoire comme cela est trop souvent fait en France.
La critique anglo-saxonne
Les économistes ou journalistes anglo-saxons ont souvent été très critiques à l’égard de la monnaie unique. L’excellent Edgar, revient dans une série de trois papiers sur ces récentes attaques. Paul Krugman, le « prix Nobel d’économie » se fait plus saignant que jamais en affirmant que « l’élite européenne, de toute son arrogance, a bloqué le continent en un système monétaire qui a recréé la rigidité du modèle d’excellence, et (…) celui-ci s’est transformé en piège mortel ».
De la part d’un faucon républicain, cette critique pourrait prêter à sourire mais de la part d’un progressiste qui vante le système de santé français, elle devrait faire réfléchir. Il affirme même que « l’Europe se porterait sans doute mieux s’il s’écroulait plutôt aujourd’hui que demain ». Dani Rodrik professeur d’économie à Harvard, porte le même jugement. Dans un autre papier, il rapporte le jugement aussi sévère d’un chroniqueur du Financial Times.
Enfin, dans un troisième papier, il rapporte les propos toujours aussi cruels de Paul Krugman pour qui « l’euro meurt non pas en faisant boum mais bunga bunga ». L’économiste affirme que « en s’endettant en euros, l’Espagne et l’Italie se sont rangés eux-mêmes au rang de pays du tiers-monde qui doivent emprunter en monnaie étrangère, avec toutes les rigidités que cela implique ». Enfin, il souligne que les pays en crise ne sont pas forcément ceux qui dépensaient le plus.
Bref, il ne faut pas écouter ces censeurs de bas étages qui ne daignent même pas écouter ceux qui remettent en question la monnaie unique. Tous les jours, davantage d’intellectuels soulignent que la monnaie unique ne peut pas marcher. Merci à eux.
J’en profite pour signaler deux blogs découverts récemment, celui de Marie-Caroline Porteu et celui de Jean-Claude Werrebrouck
Je te félicite pour tes bonnes lectures ! Et le jour où l'on peut à nouveau payer en francs je t'invite à fêter ça !
RépondreSupprimerZemmour n'a pas perçu qu'il y a aussi le feu dans la maison Allemagne (voir l'échec du placement de ses 6 milliards d'euros sur les marchés) mais que Merkel ne le sait pas encore (comme à l'automne 2008)et devra composer trop peu et trop tard, comme d'habitude, avec ses partenaires. Ce sera la "vertueuse" Allemagne" qui va faire échouer le sauvetage de l'euro!
RépondreSupprimerBonjour, Laurent.
RépondreSupprimerVous n'avez pas l'impression que c'est le système financier international tout entier qui est en train de s'effondrer ? Moi, si.
http://www.dedefensa.org/article-les_abracadabrantesques_1600000000000000_de_la_fed_24_11_2011.html
http://www.dedefensa.org/article-the_federal_reserve_reveals_16_trillion_in_secret_bailouts_24_11_2011.html
http://la-chronique-agora.com/bientot-la-fin-pour-la-zone-euro/
Je sais bien que dedefensa est un site un peu particulier, mais ces gens ne sont pas stupides. Dans un autre genre on pourrait en dire autant de LEAP...
Sancelrien
Problèmes récurrents connectivité à la publication, à chaque fois quand j'argumente, ça m'énerve.
RépondreSupprimerVais lire attentivement liens que vous proposez.
Excellent billet, je partage à 100 % et j'aime votre recul sur la position de l'Allemagne.
Krugman dans les citations est lucide, à la fois dérangeant, drôle et insuiétant, sans langue de bois.
Le bunga bunga, c'est l'économie qui s'écroule par strates et qui nécessite réparation mais l'effondrement est inéluctable, haro sur la bête de somme (s) allemande, contaminée.
S'extraire, seule solution.
Cumul de 2 spécificités engendrant une méta-économie qui se piège elle même, un allumeur de réverbère qui éteint la lumière derrière lui. Des esprits éclairés !
GAIA
@ Sancelrien
RépondreSupprimerMoi aussi, j'ai la même impression. Amérique en déclin, comtés dn faillite, révoltes à venir en Chine, Moyen-Orient, Syrie, Israël, Palestine, Iran, monde arabo-musulman en ébullition, europe en décrépitude.
La der des der ? hum hum ... tous les ingrédients sont présents.
La poudrière est partout.
GAIA
Projets pharaoniques arrêtés à LAS VEGAS.
RépondreSupprimerAu dessus la ville bling-bling, en dessous les boyaux des souterrains squattés par les victimes des subprimes, explusions massives, les vieux shorty gambettes bronzées ray ban cherchent des jobs à la Carlos Gardel á 74 ans. Les retraites ne sont plus payées.
L'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et elle m'aura !
Quel désastre, les états proches de l'Ohio. C'est moche, c'est triste, des gens qui ont bossé comme des nègres pendant 40 ans. Ca fait mal. Hologrammes. GAIA
Vendredi 25 novembre 2011 :
RépondreSupprimerLe Trésor italien au bord de la rupture.
L'effet « Mario Monti » a fait long feu et l'Italie est de nouveau sous très forte pression pour financer sa dette. Au lendemain du sommet ayant réuni jeudi à Strasbourg le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel et le nouveau président du Conseil italien, le Trésor transalpin a dû concéder ce vendredi un taux record de 7,81 % pour placer 8 milliards d'euros de dette à deux ans, soit plus de 3 points de pourcentage de plus que lors de l'émission réalisée le 26 octobre.
Rome a également payé un taux record de 6,5 % pour émettre 2 milliards d'euros d'obligations à 6 mois.
Les marchés ont sans surprise très mal réagi au résultat de ces deux adjudications. En début d'après-midi, le taux référence à 10 ans grimpait de 21 points de base, à 7,32 %.
La différence de taux avec l'Allemagne, appelée prime de risque ou « spread », est repassée au-dessus des 500 points de base dans le sillage de l'opération pour la première fois depuis le 16 novembre. Signe de l'inquiétude des marchés, la Bourse de Milan a creusé ses pertes après cette émission et cédait 1,84 %. Sur le marché des changes, l'euro est tombé jusqu'à 1,3225 dollar, son plus bas niveau depuis début octobre.
Outre le fait que ces taux d'emprunt sont jugés insoutenables sur la durée pour la péninsule, dont l'encours de dette atteint 1.900 milliards d'euros, soit environ 120% de son PIB, l'Italie n'a attiré qu'une demande relativement modeste des investisseurs malgré ces rémunérations très attractives. Les intervenants n'ont proposé que 11,7 milliards d'euros sur l'opération à deux ans et 3,2 milliards sur la souche à 6 mois, soit des ratios de couverture respectifs de 1,47 et 1,59.
Pour l'heure, cela a suffi pour que le Trésor italien emprunte le maximum de 10 milliards d'euros qu'il escomptait ce vendredi, mais les marchés craignent qu'une crise de liquidité empêche à terme Rome de refinancer sa dette, même à des coûts astronomiques. Un phénomène de très mauvais augure alors que se profile lundi et mardi des adjudications à long terme.
Dans ce contexte de tensions extrêmes, la chancelière allemande a réaffirmé jeudi son opposition aux euro-obligations, jugées par bon nombre de spécialistes comme l'une des clefs de sortie de crise. Autre piste souvent mise en avant, la monétisation des dettes par la BCE, via une création monétaire illimitée, est également au point mort. L'Allemagne et la BCE y sont en effet farouchement opposées, même si l'institution de Francfort a déjà acheté pour plus de 190 milliards d'euros d'obligations périphériques depuis le début de la crise.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20111125trib000666768/le-tresor-italien-au-bord-de-la-rupture.html
Bizarre que vous ne découvrez M Werrebrouck que maintenant, lui qui décape les neurones de ses lecteurs variés depuis deux ans déjà (Yann du « bon dosage » a d’ailleurs souvent fait allusion à lui).
RépondreSupprimerLaurent, la fachostérophobie travaille visiblement votre curiosité comme une fièvre quarte et nuit gravement à votre production intellectuelle. Vu la qualité de ce que vous faites, on peut imaginer vers quels sommets vous iriez…
Je crois qu’il faut vous détendre à temps perdu. Et vite !
Courez ! Sautez ! Nagez ! Dès que vous le pouvez et sans pour autant rechercher la performance (Sitius, altius, fortius ? Peuh… Laissez ça au premier personnage de l’état, c’est tout ce qui lui reste).
Ah, j’oubliais ! Mangez des pommes ! C’est le fruit de la connaissance et du péché, rappelle la vieille terre normande et ses filles blondes, et elles sont encore de saison.
La Gaule
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager ma jubilation de voir soudain le désert se peupler... je me souviens en 1992 (referendum sur le Traité de Maastricht), et pire encore dans les dix années qui ont suivi, évoquer les méfaits de l'euro et de la spéculation n'éveillait aucun écho et votre serviteur passait pour un joyeux huluberlu auprès de ses collègues... et pire encore chez les militants politiques. Même Chevènement en 2002 ne mettait pas en cause l'euro...
RépondreSupprimerMais passée cette petite satisfaction d'amour propre, il reste que la messe n'est pas dite. La stratégie de l'Allemagne et de la BCE n'est pas de faire éclater l'euro, mais d'obliger toute l'Europe à s'aligner sur une politique déflationniste. Quand la pression "des marchés" est trop forte, ils relâchent un peu la pression via les achats de titres publics sur les marchés secondaires, mais s’arrangent pour que des taux d'intérêts excessifs interdisent toute velléité de reflation. On ne peut exclure que ces apprentis sorciers soient dépassés par la spéculation qu'ils croient certainement contrôler, mais la clef de la rupture demeure entre les mains des peuples. Sans réaction sociale et politique, nous continuerons vraisemblablement la tiers-mondisation de notre économie.
Ajoutons à cela que la sortie de l'euro ne serait qu'un préambule, la vraie question est celle de la stratégie qui serait mise en œuvre après. beaucoup de frais convertis au retour au franc n'ont pas renoncé à la généreuse mamelle de la finance globale...
@ Edgar
RépondreSupprimerCe jour-là, je t'inviterai à trinquer avec une cuvée Charles de Gaulle de la maison Drappier !
@ Cording
Attention à ne pas trop en faire avec cette adjudication allemande. Cela était déjà arrivé. Ils ont placé leurs titres à 2% à 10 ans et c'était la veille de Thanksgiving...
@ Sancelrien
In fine, c'est ce qui arrivera. Après, la question, c'est quand ?
@ Gaia
Désolé pour ces problèmes indépendants de ma volonté.
@ BA
Merci pour ces informations.
@ La Gaule
J'ai eu une petite indigestion de pommes en 1995...
@ J Halpern
Très juste. Moi qui ait voté "non" en 1992 ne peut que confirmer.
Sur l'Allemagne, je crois qu'elle est prête à relâcher un peu la pression pour essayer de faire fonctionner le machin mais qu'elle est radicalement et logiquement hostile aux autres propositions. Donc le destin de l'euro est scellé, mais on ne sait pas à quel horizon.
Il y a quelques jours, les intérêts payés par la Grande-Bretagne, dont on connaît l'état économique délicat, était même inférieur à ceux de l'Allemagne. Il y a une série d'éléments certes ponctuels qui montrent très clairement que peu à peu, les marchés intègrent une idée logique : si l'Allemagne est le cœur de l'Europe, comme on nous le répète à satiété, alors elle n'échappera pas à un naufrage généralisé de l'Europe qui n'est pas si éloigné...
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