A la décharge de George Séglin, ses écrits datent des années 1980, à un moment où toutes les conséquences délétères de la libéralisation n’étaient pas aussi claires qu’aujourd’hui. Ses écrits prennent en fait un aspect très daté, après s’être heurté contre le mur de la réalité.
La main invisible n’est pas divine
Bien sûr, les adorateurs du néolibéralisme ne manqueront pas d’affirmer que la crise est une conséquence de l’intervention de l’Etat et que si on avait laissé faire les marchés, alors, tout se serait mieux passé. Je les renvoie à la littérature qui démonte les travers de la libéralisation, dont un certain nombre d’écrits de libéraux pragmatiques et humanistes, qui démontrent toutes les limites du « laisser faire » et du « laisser passer » quand il devient dogmatique et qu’il n’a plus de limites.
Après la bulle Internet de 2001 et les excès spéculatifs des années 2000, la plupart des raisonnements de Pascal Salin ou George Séglin prêtent juste à sourire tant la description naïve et totalement coupée de la réalité d’un marché parfait qui s’équilibrerait forcément comme par magie contraste avec les hoquets exubérants et irrationnels des dernières années. Leur dogmatisme antiétatique et pro marché leur fait écrire de véritables absurdités mille fois contredites.
Séglin affirme ainsi que « si plusieurs banques d’émission coexistent avec les mêmes droits, et que quelques-unes d’entre elles essaient d’accroître le volume des crédits tandis que d’autres ne modifient en rien leur comportement, alors à l’occasion de chaque compensation interbancaire, des soldes créditeurs apparaîtront régulièrement en faveur des banques les plus conservatrices. La présentation de leurs billets au remboursement diminuant leurs liquidités, les banques en expansion seront très vite contraintes de réduire l’ampleur de leurs émissions ». Il oublie juste le rôle des profits et de l’augmentation du prix des actifs, qui permet justement à toutes les banques d’augmenter leur volume de crédits conjointement…
Séglin affirme que « la théorie de la conservation considère le volume des engagements d’un système bancaire comme s’il s’agissait du volume de l’eau dans un “waterbed”. Une légère pression sur l’une des parties du lit réduit la quantité d’eau qui se trouve à cet endroit-là, mais entraîne un accroissement de la quantité d’eau ailleurs. De la même façon, une baisse de la demande pour les engagements d’une banque précise est censée conduire la banque à réduire son activité, mais cette réduction sera accompagnée d’un déplacement compensateur des réserves et de la capacité de prêter vers d’autres banques », une thèse totalement invalidée par les dix dernières années.
Le néolibéralisme est une religion
Bref, pour lui, « dans le domaine monétaire comme dans les autres, la libre interaction des forces du marché conduit à une gestion efficace des ressources ». A ce niveau de dogmatisme, on ne peut que constater un refus de réfléchir et de regarder la réalité et les nuances qu’elle apporte toujours aux raisonnements. On ne lit pas un intellectuel mais un religieux fanatique.
En fait, la lecture de ces écrits est très instructive. Elle démontre à quel point les néolibéraux les plus extrêmes sont dans un délire intellectuel irréel. D’ailleurs, cela permet de relativiser les idées défendues par The Economist, hebdomadaire pourtant très libéral, qui apparaissent presque étatistes comparées à Salin ou Séglin. C’est que The Economist a le minimum de pragmatisme qui lui fait, entre autres, accepter une partie des apports de Keynes à la pensée économique.
Il serait intéressant de comprendre comment ces fanatiques néolibéraux pourraient expliquer la bulle internet de 2001 ? Car dans le cas des actions des entreprises de télécommunications ou d’Internet, on ne peut pas trouver dans le rôle de l’Etat une cause de la déformation des marchés qui aurait pu justifier les niveaux totalement délirants de valorisation de certaines entreprises par rapport à d’autres ? N’oublions pas que l’action France Telecom est montée à 219 euros avant de perdre 97% en un an ! Et que dire des instruments financiers de la crise de 2008 qui, au lieu de répartir le risque, l’ont camouflé et fait gonfler ?
Oui, les marchés peuvent être utiles et constituent souvent un moyen utile d’organiser l’activité économique. Mais oui également, ils peuvent être exubérants et irrationnels et provoquer des effets pervers dévastateurs (bulles, mécanismes auto réalisateurs, accentuation des cycles, trappes à liquidités, oligopoles…). C’est pourquoi c’est une folie complète que de vouloir laisser notre système monétaire et financier à leur simple jeu, sans une autorité supérieure capable de remettre de l’ordre.
Excellent(s) billet(s) 1 & 2.
RépondreSupprimerSalin et Séglin n'étant pas vraiment des imbéciles, loin de là, l'hypothèse de la foi dogmatique me semble effectivement la plus plausible: adapter les faits à la croyance et non l'inverse. Qui saura pratiquer l'exorcisme ?
Le Monde ne manque pas d'air si je me fie au tweet
RépondreSupprimer" Dette : nette détente des taux d'intérêt italiens http://t.co/kGCgo3Hv via @lemondefr about 5 hours ago " alors qu'elle a emprunté à 6,98% et que sur Bloomberg les taux sont déjà repassés au dessus de 7 ce soir
@ Nihil
RépondreSupprimerJe suis complètement d'accord. Je crois que leurs croyances néolibérales leur font abandonner tout esprit critique sur les vertus de ce marché divin.
@ AJH
IL y a eu des adjudications à 6 moi set deux ans dont les taux ont beaucoup baissé. C'est moins visible sur le 10 ans, mais sur les maturités courtes, la baisse est forte (intervention de la BCE ?).
L. Pinsolle devrait aller faire un tour sur ce site : - http://osonsallais.wordpress.com/20...
RépondreSupprimerhttp://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc...
La pensée unique mondialiste y règne.
Erreur sur précédent commentaire publié il s'agit de ce site :http://ecointerview.wordpress.com/category/todd-a-dit/
RépondreSupprimer@Laurent
RépondreSupprimerOui, on verra sans doute bientôt que ce sont des interventions de la BCE puisque aujourd'hui les taux remontent déjà. Mais à 5% sur des taux à 2 ans, ce n'est pas la joie pour l'Italie
@Anonyme
Je pense qu'il y a nécessité de "protectionnisme" , mais jusqu'à la limite de l'équilibre des balances des transactions courantes (car il n'y a pas, hélas, que la balance des échanges commerciaux; la balance des transferts courants est aussi déficitaire de près de 30 milliards par an)
@ Anonyme
RépondreSupprimerDrôle de site en effet, mais pas très actif.
@ AJH
Certes, ce n'est pas la joie, mais je crois que cela montre que la situation peut pourrir pendant encore quelques temps malheureusement. Et pour l'instant, malheureusement, j'ai eu raison sur le sujet...
A minima, l'équilibre de la balance des paiements mais je crois qu'il faut également viser un certain équilibre de la balance commerciale.
Merci pour cet excellente vulgarisation aux affres de la pensée néolibérale sur la banque libre. Je partage entièrement votre point de vue et m'en était d'ailleurs ouvert récemment dans un article sur mon propre blog : http://loeildebrutus.over-blog.com/article-les-neolibeaux-libertariens-et-la-monnaie-91163480.html
RépondreSupprimerbien cordialement.
L'oeil de Brutus.