Ca y est, le énième sommet européen vient de se terminer. Il y a à peine un mois, après le sommet de fin octobre, je posais la question « A quand un 6ème plan de sauvetage de l’Europe ? ». Les sommets se suivent et se ressemblent avec leur dramatisation ridicule et leurs solutions qui n’en sont pas.
L'Europe est toujours allemande
Bien sûr, le terme "Merkozy" peut donner l'impression que la France influe sur le cours des choses, tout comme la théâtralisation incessante des rencontres franco-allemandes. Mais comme on pouvait le pointer dès 2008 avec le traité de Lisbonne ou sur l'Union Pour la Méditerranée, notre président cède sur tout ou presque. Il n'y a qu'Alain Duhamel pour accréditer la communication de l'Elysée, et encore, il est obligé de remonter au printemps 2010 pour trouver des décisions sur lesquelles Berlin a cédé (décision d'aider la Grèce début mai 2010 et création du FESF). Dans la réalité des choses, Angela Merkel dicte son agenda et Nicolas Sarkozy cède sur presque tous les tableaux.
Les euro obligations ? Nein ! Une augmentation des moyens du FESF ? Nein ! Une intervention accrue de la BCE ou un changement de sa mission ? Nein ! A chaque grand débat sur les moyens de sortir de la crise de la zone euro, c'est le point de vue allemand qui l'emporte. Idem pour la restructuration de la dette grecque, que ne souhaitaient ni Paris, ni la BCE ni la Commission. Le nouvel accord fait encore la part belle aux idées d'outre-Rhin : nouveau traité (Paris préférait un simple protocole), des sanctions automatiques en cas de déficit, la camisole budgétaire... Angela Merkel a la grande intelligence de partager la lumière avec le président français, accréditant l'illusion qu'il influe sur le cours des choses alors qu'il n'a guère plus d'influence qu'un petit pays.
Un contenu toujours aussi choquant
Ce nouvel accord recycle des idées parfois un peu anciennes. Le mécanisme de sanctions à l'égard des Etats qui ne suivraient pas l'orthodoxie financière européenne ressemble à s'y méprendre au projet "six pack", dont j'avais parlé début juin. C'est un projet absolument révoltant. Selon ces procédures, la Commission pourrait déclencher des sanctions contre un pays à moins qu'une majorité qualifiée d'Etats ne s'y oppose. En clair, si une simple majorité le refuse, l'avis des eurocrates l’emportera sur celui de la majorité des gouvernements démocratiquement élus ! Encore un nouvel exemple de la conception bien particulière de la démocratie qui existe dans ces cénacles européistes, comme l'avaient déjà illustré les manœuvres de la Commission sur les OGM Monsanto.
L'autre "grande idée", c'est la généralisation de la camisole budgétaire qui a déjà été mise en place par les Allemands et que Nicolas Sarkozy essaie d'utiliser à des fins politiciennes en France. Il est proprement sidérant que le président ait réussi ce formidable hold up que d'utiliser les accords européens pour faire avancer son agenda électoral. En outre, il est proprement révoltant que les chefs d'Etat et de gouvernement contribuent de la sorte à populariser l'interprétation selon laquelle la crise des dettes souveraines serait issue d'un excès de dépenses publiques. Si, bien sûr, il y a des excès, comment oublier la responsabilité de la crise de 2008 ou le rôle majeur de la privatisation de la création monétaire et de l'interdiction du financement des Etats par les banques centrales ?
Un traité toujours aussi inefficace
Ensuite, ce traité ne va absolument rien résoudre à la crise européenne. Si les taux d'intérêt sur les dettes italiennes et espagnoles s'envolent, il n'y aura pas d'autres solutions que des vagues de rachat par la BCE sur le marché secondaire. Au dernier traité, on nous annonçait l'augmentation miraculeuse du FESF à 1000 milliards d'euros et rien n'a suivi. Là encore, une annonce est faite (le prêt de 200 milliards au FMI qui pourrait ainsi prêter aux Etats en difficulté) mais elle semble toujours aussi nébuleuse. La somme n'est pas à la hauteur des enjeux et surtout, pourquoi diable faut-il faire transiter l'argent par une organisation contrôlée par les Etats-Unis en premier lieu ? Il est possible que cette nouvelle annonce fasse "pschitt" comme la précédente.
Mais surtout, ce traité ne fait pas absolument rien pour relancer la croissance dans une Europe au bord d’une rechute dans la récession économique, comme l’illustrent les très mauvais chiffres de croissance en Portugal ou en Grèce. Au contraire, en faisant l’Europe de l’austérité, nos dirigeants ne font que renforcer les problèmes de la zone euro. Car comment espérer rembourser quoique ce soit avec un PIB en baisse, qui augmente relativement le poids de la dette ? Nous nous enfermons dans des politiques à la Hoover dans les années 1930 en pliant sous les idées de néolibéraux qui en profitent pour faire avancer leur agenda de recul de l’Etat en nous faisant culpabiliser sur la dette et les déficits.
Il est possible que cet accord produise un répit temporaire dans la crise financière de la zone euro et que la spéculation se calme pendant plusieurs mois. Mais rien n’est réglé dans la durée : il va accentuer la récession, ce qui devrait tôt ou tard réactiver la crise et déclencher un énième sommet…
il n'est pas du tout certain que la spéculation va se calmer comme vous le dite rien n'est fait pour l’arrêter alors pourquoi se gêner les spéculateurs en veulent toujours plus c'est d'ailleurs in fine ce qui les perds . Alors le 7 eme plan en 2011 ou 2012 ?
RépondreSupprimerLe plus étonnant est que l'incendie n'ait pas encore été éteint à grands flots de liquidités de la BCE. Car autant la crise de l'union monétaire est structurelle et insoluble à long terme, autant la "crise des dettes souveraines" se présente comme un simple blocage politique. Sur le plan économique, tout le reste du monde développé a recours massivement au financement par la banque Centrale - et ni la dette américaine, ni la dette britannique, ni la dette japonaise ne sont attaquées sur "les marchés".
RépondreSupprimerOn peut interpréter cet épisode comme un aveuglement dogmatique de l'Allemagne... mais je soupçonne de plus en plus cette crise de n'être qu'une mise en scène pour faire passer les plans de purge. Une "stratégie du choc". Le supplice de la baignoire : la BCE leur plonge la tête sous l'eau et ne la ressort qu'au moment ou la suffocation deviendrait mortelle. Lâches ou consentants, les gouvernements présentent ce supplice comme une loi de la nature et pressent les peuples de consentir aux exigences du monétarisme fou de la BCE.
Si c'est bien le cas, la "crise finale" de l'euro n'est pas pour aujourd'hui ni même pour les mois qui viennent...
La crise ne saurait être que politique : le refus -probablement contagieux- d'un pays de glisser plus loin dans la déflation. La probabilité s'en accroîtra à mesure que la déflation sera plus destructrice. Si l'on conserve l'hypothèse d'une "stratégie du choc", la BCE relâchera un peu l'étreinte chaque fois que ce risque apparaitra. Mais elle ne serait pas le premier dompteur dévoré par ses fauves...
Ce qui m'étonne le plus, c'est que personne ne se demande si ce nouvel "arrangement gouvernemental" ( surtout pas un traité car il faudrait consulter les parlements ou même - suprême horreur ! - les peuples ) est conforme à notre Constitution ou pas.
RépondreSupprimerJ'aurais tendance à penser que des traîtres à la Patrie comme Monsieur Sarkozy et son gouvernement, on n'en n'a pas vu depuis longtemps.
Sancelrien
Comme J. Halpern et d'autres analystes, il me semble que le plus probable est que la BCE et certains gouvernements utilisent la crise pour faire passer leurs "reformes".
RépondreSupprimerMeme Sarkozy doit maintenant se dire que cela lui est utile pour coincer toute opposition (regle d'or,..).
On peut donc s'attendre a une derive lente mais sans crise explosive de plusieurs annees... Comme la plupart des "elites" n'ont pas de differences fondamentales avec ce programme et/ou n'osent rien contre le reste des pays europeens (de peur de passer pour archaiques, xenophobes, ..), je ne vois pas de voie de sortie... On peut meme s'attendre a ce que la France soit la derniere a se rebeller, dans son obsession a coller/suivre l'Allemagne.
Comme dirait l'autre, "on fera tout" pour sauver l'euro, meme si cela mene l'Europe a la ruine (du moins tant que les banques et leurs actionnaires s'en sortent, par leurs profits ou les subventions).