Ce qu’en disent des économistes
L’hebdomadaire britannique rapporte plusieurs travaux qui soutiennent cette thèse. Raghuram Rajan, de l’université de Chicago, affirme que du fait de la baisse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires par rapport aux classes supérieures, l’Etat a laissé se développer le crédit pour leur permettre de compenser le décalage. Rajan souligne le rôle de Fannie Mae et Freddie Mac dans la bulle des subprimes, même s’il y a débat du fait du rôle des banques privées.
The Economist cite ensuite une étude de deux économistes du Fonds Monétaire International, Michael Kumhof et Romain Rancière. Pour eux, la croissance des inégalités mène systématiquement à une crise financière. En effet, la pression du capitalisme actionnarial sur les entreprises pousse à la compression des salaires, ce qui incite les ménages à emprunter pour maintenir leur pouvoir d’achat, créant une bulle en augmentant l’effet de levier du système financier.
Puis, il cite une autre étude de deux économistes de l’université de Chicago, Marianne Bertrand et Adair Morse. Ils ont étudié l’évolution de la consommation des ménages en fonction de leurs revenus. Ils en ont conclu que celle des ménages modestes est influencée par celle des ménages aisés. Par conséquent, si les revenus n’évoluent pas de la même manière, cela est compensé par un recours plus important à l’emprunt ou aux dépenses publiques.
Une histoire connue
Cette théorie n’est pas nouvelle. Dans son livre sur la crise de 1929, James Kenneth Galbraith soutient la même chose. Pour lui, la croissance des inégalités déforme les marchés. En effet, les ménages aisés consomment une part moins importante de leurs revenus et en placent une plus grande partie. Résultat, une augmentation des inégalités tend à augmenter la demande de placements, ce qui créé un déséquilibre sur les marchés financiers où l’offre ne suit pas.
Du coup, les prix des actifs ont tendance à monter, créant une bulle financière et immobilière. L’effet est encore renforcé par le fait que les classes moyennes et populaires tendent alors à s’endetter pour compenser la stagnation (relative ou non) de leurs revenus, que ce soit pour leur consommation ou pour l’achat de leur logement. Assez naturellement, l’augmentation de l’endettement créé des déséquilibre qui peuvent alors provoquer une crise financière.
Bref, pour un développement économique préférable, il est largement préférable que la croissance économique soit bien répartie. Bref, la poursuite de l’augmentation des inégalités est un facteur de plus qui devrait provoquer une nouvelle crise dans les années à venir.
Laurent Pinsolle,
RépondreSupprimervotre analyse doit pouvoir rejoindre celle de Frédéric Lordon:http://blog.mondediplo.net/2012-03-16-A-75-les-riches-partiront
Son dernier article traite du rôle parasite que jouent les bourses sur l'investissement productif.
En effet, la croissance des inégalités (qui alimente les bourses de valeurs) favorise la baisse de taux d'investissement mesuré par rapport à l'épargne agrégée disponible. Donc c'est un deuxième effet pervers des inégalités sur la croissance économique.
Dans sa théorie générale, J.M. Keynes concluait déjà sur le rôle des classes moyennes et l'élévation général des niveaux de vie sur la consommation, en indiquant que la valeur globale des produits de luxe échangés dans un monde inégal et aristocratique était bien inférieure à celle des produits consommés par une population plus homogène.
Ceci est connu depuis longtemps, on retombe donc sur un constat ancien : celui de la capacité d'élites prédatrice à aller contre le bon sens économique, uniquement pour rendre pérennes ses privilèges, en feignant d'ignorer les enseignements économiques majeurs des auteurs les plus sérieux.
Francis Commarrieu.
@ Francis,
RépondreSupprimerTout à fait. J'ai lu et résumé les livres de Frédéric Lordon (vous pouvez chercher dans les mots-clés pour les trouver).
Croire que les crises ne proviendraient que d'une inégale redistribution des richesses est une sacrée théorie de fainéants qui nous semblent attendre de la vie que tout leur arrive tout cuit...car, las, las, il y a une toute autre théorie, beaucoup moins drôle pour eux : c'est qu'une société heureuse, c'est une société équilibrée : trop de soldatesque, c'est la guerre ; trop de médicastre, c'est paradoxalement-aussitôt l'empoisonnement général ; trop d'écolâtre, c'est le plongeon scolaire...et trop d'agiottage, c'est le big-crash...même si les palestiniens en guerre ouverte depuis cinquante ans ne parlent plus de la guerre en terme de crise, tant ils s'y sont accoutumés.
RépondreSupprimerEnfin est-il permis de se demander si les crashes boursiers ne font pas partie du jeu de pompe des maîtres du jeu...parce qu'une crise organisée tous les cinq ans, ce n'est plus une crise : c'est une arnaque !...!
Quant aux victimes qui ont vu toutes leurs épargnes se volatiliser, elles ne sont pas plus à plaindre que les victimes du loto ou du tiercé : c'est leur nombre qui pose problème...et l'impossibilité d'interdire les jeux d'argent quand les élections sont elles-mêmes devenues jeux d'argent !...
@ Anonyme
RépondreSupprimerJe n'ai jamais écrit que les crises ne proviennent que d'une inégale redistribution des richesses. J'ai fait un papier il y a quelques jours sur la crise de l'anarchie néolibérale qui replace les choses dans un contexte plus global.
Ce que je dis, c'est qu'il y a un lien et que les inégalités jouent un rôle, mais pas le seul rôle.
C'est assez logique si les bulles financières profitent à ceux qui peuvent beaucoup épargner. Les inégalités ne sont peut être pas la cause directe des krachs mais ce sont les révélateurs une mauvaise allocation des ressources et celle ci provoquent le krach un jour ou l'autre.
RépondreSupprimerEt puis même en l’absence de "bulle" trop rémunérer l'actionnaire et autres créanciers limitent la croissance économique et l'emploi. C'est bien connu, moins on a de revenus plus la propension à consommer est élevée. Repartir 1 milliard sur 10 personnes va créer moins de demande aux entreprises que la même somme repartie sur 10000 personnes.
J'ai toujours eu du mal à comprendre comment l’épargne peut créer autant de croissance que la consommation comme semblent dire les neoliberaux. Pourquoi les entreprises investiraient sans demande. A moins que ce soit la demande d'autres entreprises...Une économie qui vivrait sans la demande des salariés comme au XIX e siecle ?
« Croire que les crises ne proviendraient que d'une inégale redistribution des richesses est une sacrée théorie de fainéants qui nous semblent attendre de la vie que tout leur arrive tout cuit... »
RépondreSupprimerEncore un âne en économie qui, pour remplacer ses lacunes, joue sur la morale du travail... J'adore, continuez. Une autre bulle à laquelle il faudrait tordre le cou, c'est bien la bêtise, qui est en pleine inflation.
La montée des inégalités profite à des agents économiques qui consomment peu leur revenu, tandis que leur épargne est forte. Cette moindre consommation réduit les débouchés et par contrecoup l'investissement productif, tandis que l'épargne s'engouffre dans des marchés spéculatifs qui deviennent plus attrayant que l"économie réelle. La distribution des gains spéculatifs aggrave en retour ces inégalités, et plus tard les politiques de purge ont le même effet en frappant la consommation. Les inégalités sont bien au cœur de la crise, et tout particulièrement le freinage des revenus salariaux car ce sont surtout les salaires qui achèteront la production future. L'endettement peut reporter le problème, mais en l'aggravant. Le problème étant posé, il reste à construire une politique pour le corriger...
RépondreSupprimerLes rivalités patrimoniales : les mécanismes de creusement des inégalités aux USA : http://criseusa.blog.lemonde.fr/2012/01/11/les-rivalites-patrimoniales-les-mecanismes-de-creusement-des-inegalites-aux-usa/
RépondreSupprimer@ TeoNeo & J.Halpern
RépondreSupprimerComplètement d'accord.
@ Nicolas Gerbert
C'est juste.
@ Ian
Merci pour le lien.