L’anarchie financière n’a (presque) pas été stoppée

« Jouer avec le feu » : voici comment The Economist, l’hebdomadaire libéral qui soutient souvent que le monde a besoin de la finance, a titré son rapport sur l’innovation financière du 25 février. Un bon indice que pas grand chose n’a changé depuis la crise de 2008…

La montée des machines

Ce dossier est d’autant plus inquiétant qu’il vient d’un ami de la finance « l’innovation financière peut faire beaucoup de bien. C’est sa tendance aux excès qui doit être réduite ». En clair, les subprimes de demain sont déjà en place, comme je l’ai écrit plusieurs fois, grâce, souvent, à la lecture de The Economist. Avant cela, il faut déjà constater que la plupart des allumettes qui ont provoqué l’incendie de 2008 sont toujours là, même si certains (les CDS notamment) sont moins utilisées.

Deux innovations très dangereuses sont déjà largement utilisées : le High Frequency Trading (HFT) et les dark pools. Le premier, c’est l’automatisation des ordres de vente et d’achat. Selon The Economist, de 2004 à 2012, nous sommes passés de 25 à 65% des actions, de 5 à 45% des contrats « futurs » et de 0 à 30% des options achetés sans intervention humaien. C’est cette automatisation qui serait en grande partie responsable du « flash krach » du 6 mai 2010.

Opacité et allumettes

Les dark pools sont des marchés de gré à gré, où il n’y a aucune transparence et où les agents financiers peuvent vendre leurs actifs sans qu’on le sache. Le problème est que cette fragmentation des marchés et leur opacité renforcent les paniques en cas de crise financière. En outre, les marchés ont inventé un nouvel outil, les « Exchange-traded funds » (ETF) qui gèrent plus de 1300 milliards d’actifs (contre 700 en 2008 et 100 en 2001), des paniers d’actions ou de fonds.

The Economist s’inquiète « de l’opacité de cet instrument ». L’autre problème est que ces ETF sont parfois des produits synthétiques (qui ne reposent pas sur des achats effectifs d’action), notamment en Europe. L’hebdomadaire décrit à quel point ces outils créent des effets pervers. Les ETF rappellent beaucoup la titrisation des emprunts par leur complexité et leur opacité et posent de gros problèmes de contreparties qui pourraient en faire les subprimes de demain.

Des dirigeants aux abonnés absents

Il est totalement aberrant de constater à quel point la réforme de la finance avance lentement. Bien sûr, il y a Bâle 3, qui renforcera les normes prudentielles (la quantité de capital à détenir par rapport au bilan), mais il n’est pas normal que les politiques ne soient pas ceux qui déterminent les nouvelles normes étant donné que ce sont les Etats qui ont payé l’addition in fine. Et globalement, le G20 n’a abouti à rien, contrairement à ce qu’avait promis Nicolas Sarkozy.

En fait, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé une vraie réflexion sur le sujet avec des commissions qui ont abouti à des projets de loi. Même si ces réformes sont imparfaites, elles démontrent que ces pays cherchent à tirer les leçons de la crise. La Suisse a radicalement revu ses normes prudentielles, l’Allemagne a interdit les ventes à découvert. En fait, la zone euro et la France sont totalement en retard, n’ayant lancé aucune grande réflexion ou réforme sur le sujet.

Malheureusement, tous les ingrédients de la prochaine crise sont déjà là. A ce titre, il faut souligne le double langage extrême de Nicolas Sarkozy, qui avait tant promis, et annoncé un Bretton Woods, et qui, comme très souvent, n’a rien fait.