Après
avoir étudié dans une perspective historique comment l’Europe s’est construite
contre les nations, Eric Juillot poursuit son analyse par une étude du
débat public et démocratique.
Quand
l’Europe s’impose à nos politiques
L’auteur souligne
l’importance du 21 mars 1983 et du maintien du franc dans le SME. Pour lui
« cette date démontre exemplairement
la consubstantialité du libéralisme et de l’européisme : l’adhésion à l’un
vaut adhésion à l’autre ». « Cet
européisme est la bouée de sauvetage historique qui empêche les socialistes de
se noyer au moment même où leur projet de transformation économique et sociale
sombre, victime du raz-de-marée libéral qui emporte alors la planète ».
Mais Valéry
Giscard d’Estaing avait préparé le terrain en soulignant dès 1978 que « nous sommes 53 millions d’habitants dans un
monde qui a 4,2 milliards d’habitants ». Cet abandon de la nation va
de pair avec l’abandon du peuple, avec le choix d’une politique monétaire de
franc cher qui impose des taux d’intérêt très élevés qui cassent la croissance
et accélèrent la montée du chômage, dont le pic est atteint en 1996 avec 3,2
millions de chômeurs.
Pire, les
tenants de cette Europe se part d’une « supériorité morale », issue de la conviction que « la nation est une forme désuète, appelée à
être dépassée par une Europe seule capable d’affranchir l’humanité de la
discorde, de la violence et de la guerre ». Il critique les
socialistes, « désireux de
précipiter la dissolution (des nations) dans un magma identitaire informe dont
ils attendent la rédemption ». Il souligne le parallèle mythologique
mais irréaliste avec les Etats-Unis.
Eric Juillot
soutient que le projet européen mise « sur
la disparition progressive du politique, voué à une complète résorption par le
droit ». Il souligne l’émergence d’un « mythe élitaire, destiné à légitimer une souveraineté élitaire /
européenne indépendante et de plus en plus opposée à la souveraineté populaire
/ nationale ». Il rappelle cette citation de Monnet : « les souverainetés nationales sont une
muraille dans laquelle le marché devra percer des brèches ».
Le débat
public manipulé
L’auteur
critique vertement les choix d’il y a vingt ans : « que les dirigeants français des années
1992-1995 aient mené avec acharnement une politique monétaire ouvertement
néfaste à la croissance de leur pays, cela ne s’explique que par la prégnance
de cet européisme ». En effet, la politique de franc cher a fait
exploser le chômage et la dette, passée de 35 à 60% du PIB. L’auteur analyse
également sur les autres traités européens, Amsterdam, Nice, TCE, Lisbonne.
Il revient
sur les outrances de la campagne de 2005, Alexandre Adler qui osa dire « Il y a une France sclérotique, une France
prétentieuse, une France tournée vers elle-même, une France qui se croit
irremplaçable et qui se trompe. Cette France, (…), c’est bien sûr la France du
non ». Serge July évoque le lendemain du 29 mai « un désastre général et une épidémie de
populisme qui emporte tout (…) même la générosité ». Une vraie guerre
de religion !
L’auteur
développe une réflexion sur la légitimité, qui selon Max Weber, est soit
rationnelle / légale, soit traditionnelle, soit charismatique. Assez
logiquement, il montre que seule la nation a une véritable légitimité, et pas
l’échelon européen condamné à « l’évanescence
politique par sa trop faible densité identitaire ». Pour lui, « il n’est tout simplement pas possible de
concevoir une politique économique commune qui serait valable simultanément
pour tous les Etats membres ».
Pour un
retour de la nation
Il termine
son ouvrage par un hymne à la nation, « la communauté politique moderne, qui a servi de vecteur à l’autonomie »
et montre que « la véritable
illusion n’est pas nationale, elle est européenne » car les nations ne
disparaissent pas dans un ensemble plus grand, mais se fragmentent, au pire. Il
souligne que la nation parvient à associer ses membres à l’exercice du pouvoir.
Il cite de nombreux fédéralistes fervents dont les propos sont proprement
sidérants.
Pour
l’auteur, « l’histoire, entre-temps,
a tranché : de désir (d’intégration européenne) il n’y eut point, pour la
simple raison que l’objet n’était pas désirable », « la nation a encore quelques services à
rendre à ses membres », d’autant plus que « la France, qui figure dans les premiers rangs depuis des siècles, a
toute chance d’y figurer encore dans cent ans », d’autant plus que
« l’Allemagne a joué sa partition
sans complexe aucun depuis une vingtaine d’années ».
Par « des réformes structurelles antisociales »,
l’Allemagne a accru ses excédents en améliorant la compétitivité de ses
exportations tout en limitant sa demande, « une politique nuisible pour ses partenaires européens ». Pour
lui, « l’Europe ne constitue donc
plus une fin en soi, mais un moyen au service de ses intérêts » pour
l’Allemagne, qui se détache de cette construction néolibérale, bureaucratique,
antipolitique et soumise aux intérêts particuliers.
Bref, je
vous recommande vivement cet excellent ouvrage d’Eric Juillot, qui conclut en
affirmant que « la nation constitue
le poste à partir duquel il est possible d’agir pour l’humanité parce que, en
tant que communauté politique, elle élève tous ses membres à une dignité
universelle ».
Source :
« La déconstruction européenne »,
Eric Juillot, éditions Xenia
Bon résumé. Cette phrase en particulier m'a frappé : "Eric Juillot soutient que le projet européen mise « sur la disparition progressive du politique, voué à une complète résorption par le droit »." Difficile de dire plus vrai lorsqu'on voit le six-pack, le two-pack, le Pacte de compétitivité, le Traité budgétaire..
RépondreSupprimerC'est bien ce qui m'a toujours surpris dans la construction européenne, une construction de juristes à base de directives, réglementations, sorte de machine automatique qui règlerait tout dans un monde sans secousses...donc aucune stratégie économique globale. Au moins, une Europe fédérale, la seule proposition qui aurait dû être faite lors de Maastricht, refusée ou acceptée par un ou plusieurs pays, n'aurait pas été un canard juriste sans tête. Les pays ayant voté pour une fédération en Europe se seraient unis, laissant libre les autres de refuser.
RépondreSupprimer@AJ Holbecq
RépondreSupprimerJe réponds à un de vos commentaires,un citation de Lordon("Ubu","le despote parasitaire"...).
J'expliquais que les pauvres(au sens administratif du terme)financaient les loyers de complaisance des riches(au sens hollandien du terme,ceux qui gagnent plus de 4000 euros par mois),et vous me répondez "L'Etat restitue en prestation collective l'ensemble de ses prestations".
?
Quand un ministre dépense en cigare 1 an de SMIC c'est "une prestation collective" restituée?
Les salaires de complaisance ou plus justement les emplois fictifs attribués à d'anciens amants de la reine c'est "une prestation collective" restituée?
"Quand les autorités décident de bombarder les Afghans(des missiles à 20 millions d'euros sur des maisons en pisé,vide ou pleine d'enfants)c'est "une prestation collective" restitué.
Lordon est chercheur au CNRS je crois?
Avec l'argent des pauvres il cherche...
De Gaulle,qui était souvent très drôle disait "En France des chercheurs on en trouvent,des trouveurs on en cherchent!".
Manifestement le pauvre Lordon n'a pas trouvé grand chose(mais ça lui laisse du temps libre pour écrire et voyager en France pour rencontrer ses lecteurs).
Toujours des arrêts sur image de la circulation monétaire...
SupprimerCe qui est important dans notre civilisation c'est la destruction ou la mauvaise utilisation des stocks de matière première non renouvelables, et pour la France le déficit de la balance des paiements (balance des transactions courantes).
Correctif,
RépondreSupprimer"On en trouve","on en cherche"...
@Alain34
RépondreSupprimer"La croissance infinie"
Qui parle de croissance infinie?
Pas moi.
Il faudrait surtout s'entendre sur le terme de croissance,parce que fabriquer des missiles c'est générateur de croissance...
Le charbon
J'ai écris abandonné entre guillemets,le charbon a été supplanté par le pétrole avant que le stock soit épuisé.Et bien de la même manière le pétrole sera "abandonné" avant que le stock soit épuisé.
Le pétrole synthétique ne date pas d'hier,les nazis et puis plus tard l'Afrique du Sud sous embargo produisaient du pétrole à partir de charbon.
Documentez-vous sur les hydrates de gaz,sur le biocarburant(issu des végétaux ou plus fort encore de la chimie...).
Etc...etc.
Ceci dit "vous"(les malthusiens)allez effectivement connaître votre heure de gloire,les prix du pétrole vont beaucoup augmenter dans les années à venir,mais comme toujours les millénaristes finiront par se ridiculiser(dans les années 70 ils prédisaient déjà "la fin du monde",avant que le prix du pétrole soit divisé par 4).
Sur l'eau.
L'eau recouvre 75% de la surface de la planète(la planète bleue...)!Il ne faut pas confondre accés à l'eau et stock!Donc oui l'augmentation de la population est génératrice de croissance.
Mais vous avez raison comme on se bat pour du pétrole on se bat pour de l'eau.
C'est dommage de ne pas rester dans les commentaires de l’article en question, là, on est hors sujet. Vous êtes globalement très difficile a suivre.
SupprimerEffectivement, il faudrait s'entendre sur le terme "croissance".
Mais je n'arrive pas a suivre votre raisonnement.
Pour moi, il vaut mieux être moins nombreux et vivre mieux que toujours plus nombreux a vivre moins bien.
Partant de là, c'est mathématique, on est trop nombreux sur la planète pour maintenir notre niveau de vie actuel sans hypothéquer l'avenir de nos enfants, risquer des guerres monstrueuses ou sans se comporter en esclavagistes vis a vis d'autres peuples et/ou classes sociales.
C'est vous qui êtes difficile à suivre,j'écrivais à propos de l'investissement(l'investissement c'est la croissance),vous m'avez fait une sortie malthusienne sur la folie de la croissance infinie" et sur les "stock finis",je vous réponds(je ne développe aucun raisonnement)et vous vous en remettez une couche,vous abordez maintenant la question de la croissance démographique!
SupprimerEt bien "là on est hors sujet".
Vous seriez plus facile a suivre en restant dans les fils de commentaires, en étant clair dans vos citations, en indiquant a qui vous répondez et quand vous listez des options, en disant pour laquelle vous êtes... j'ai essayé de relire les différentes conversations, c'est l'enfer.
SupprimerVous me parlez investissement, croissance, cercle vertueux de la croissance, démographie = croissance, et qu'avec le blé, les vaches, la pluie et le soleil on peut vivre a 9Mds sur cette terre, que le pétrole peut se remplacer par des substituts divers (mouarf), etc etc.
En gros, je vous répond que vous avez tout faux _a long terme_ parce qu'on est en vase clos.
Ensuite, sur le court terme, vous n'avez pas tord, mais ce que je reproche a beaucoup de nos dirigeant, élites, etc.. c'est justement la courte vue, le manque d'anticipation et de projet a long terme. Et a force de vouloir régler les problèmes par des solutions cour-termistes, on se dirige de plus en plus vite dans le mur.
Oui, ma réponse est malthusienne... simplement parceque je pense que très vite, et ca commence déjà, on va être confronté a de gros problèmes et que la seule vraie solution a long terme c'est de réduire la population mondiale... ce qui sera fait a un moment ou un autre, de gré ou de force, d'une manière ou d'une autre....... et comme toujours, faire l'autruche n'est pas la meilleure des solutions.
@LP : désolé pour le HS...
Cette non prise en compte du vase clos est assez incroyable le problème est déjà la ; mais peut être est ce souhaité quoi de mieux qu'une bonne guerre pour redémarrer la machine économique ?
Supprimer@ CJ Willy
RépondreSupprimerTrès juste
@ Olaf
Oui, mais pour faire une fédération, il faut un peuple. Il n'y a pas de peuple européen...
@ Balthazar
Merci de mettre vos commentaires à la suite des commentaires auxquels vous souhaitez répondre car sinon, on s'y perd. J'ai copié collé celui qui m'était adressé à la suite de nos précédents échanges pour qu'il soit plus simple de suivre.
LB
SupprimerD'accord, mais si il n'y a pas de peuple européen, aux peuples européens de le dire via des référendums sur cette question précise, pas sur un gloubi boulga incompréhensible, et dont acte pour les politiques.
Et oui, il manque un peuple Européen... ce que je trouve regrettable, c'est que c’était tout a fait possible si avait été lancé des les années 80 un vaste programme d'harmonisation sociale, fiscale, politique, progressivement... en commençant a faire entrer dans les esprit le besoin d'une langue commune, etc etc...
SupprimerAu lieu de cela, on a eu une Europe de l'€uro et des règlementations et normalisations a tout va, rien pour faire en sorte que les Européens se sentent un peuple.
Aujourd'hui, c'est trop tard, ou du moins il va falloir un gros retour en arrière pour revenir sur de meilleure bases.
Je pense toujours qu'une Europe fédérale est nécessaire a terme, mais faite avec les peuples, par les peuples et pas contre eux comme actuellement.
Je pense quand même, qu'avec cette Europe actuelle absurde faite par des gratte papiers, il y a néanmoins la conscience par l'absurde naissante qu'une coopération est possible, voire souhaitée. Quand beaucoup constatent le gachis qui est en train de se produire dans les pays du sud et bientôt dans le reste de l'Europe, plutôt que de penser que c'est la guerre qui remboursera les dettes, alors il y a le terrain pour proposer autre chose, via un retour à des nations coopérantes sur des projets utiles pour l'avenir et sans passer par le carcan d'une Europe administrative au pas de l'oie.
RépondreSupprimerHeureusement que l'Europe se construise en déconstruisant les nation, ce mauvais concept du XIXème siècle dépassé et qui n'a été que source de guerres, de conflits, de larmes et d'exclusions. Deux choses doivent impérativement être entreprises pour un monde meilleur: La disparition des frontières et l’abolition du système capitaliste-libéral et de son idéologie égocentrique. Ce n'est pas une utopie c'est un objectif.
RépondreSupprimer@ Olivier Montulet
RépondreSupprimerCe moment dans l'histoire politique restera très court car les évènements que nous traversons depuis un peu plus de deux ans portent en un la déconstruction de cette Union Européenne. L'Europe du Nord est désormais arc-boutée contre toute évolution fédérale qui instaurerait la moindre solidarité supplémentaire (et n'accepte plus que les évolutions fédéralistes qui imposent des contraintes budgétaires) et l'Europe du Sud se réveille avec la gueule de bois (35% des Grecs vont voter pour des partis opposés à l'UE, bientôt, ce sera l'Espagne et sans doute l'Italie...)
@ Olaf
C'est exactement la direction qu'il faut prendre mais il faudra détruire l'organisation actuelle avant de pouvoir construire qqch de nouveau et au service des peuples européens.
@ Alain34
Je ne pense même pas que cela aurait été possible.
@Alain34 : une langue commune européenne ... ca a déjà été pensé au niveau mondial avec l'espéranto ... en connaissez vous ne serait-ce que les bases ? moi non :x
RépondreSupprimerCe que vous nous proposez au niveau linguistique c'est ce que les roi de france ont imposé dans la souffrance et parfois le sang ...
Rappelez vous les guerres civiles entre la couronne de france et les bretons, les basques, les corses, etc... la france s'est faite au prix du sang, voulez vous que l'europe se fasse de même ?
la démocratie n'est pas une formule toute puissante, elle ne peut s'appliquer que dans le même peuple. or un peuple se définit d'abord et avant tout par sa langue.
l'histoire nous montre que l'europe fédérale ne pourrait se faire qu'au prix d'une confrontation physique, et non d'une confrontation d'idées ...
Tout ceci est fort intéressant.(En dehors de l'incantation stupide pour la suppression de toutes frontières et pour l'extinction pure et simple du capitalisme- grâce auxquelles demain on rasera gratis 9 milliards d'êtres humains).
RépondreSupprimerJ'avoue n'être plus sûr de rien: Union oui, mais laquelle? fédéralisme ou pas? peuple européen ou peuples européens?ou aucun? Referendums ou despotisme des élites?
J'hypothèse: si la nation n'existe plus dans l'esprit des nationaux,ni dans les nouveaux cadres juridiques et institutionnels,peut-elle ressurgir "par la force des choses"?
C'est possible mais peu probable.Beaucoup refusent cette éventualité de disparition définitive par crainte de se trouver face à un "vide" conceptuel dès lors qu'ils ne croient pas à l'européisme béat ambiant.Nous sommes peut-être là face à une "rupture" historique-qu'il serait sain d'envisager en amont plutôt que simplement la subir malgré nous.