La crise
économique que nous traversons depuis quatre ans a ranimé le débat économique.
Les néolibéraux et les néo-keynésiens débattent vivement, l’occasion pour moi
de revenir sur les derniers témoignages de deux figures du second camp : Paul
Krugman et James K
Galbraith.
L’analyse
de James K Galbraith
C’est sur le très recommandable blog
d’Olivier Berruyer que j’ai trouvé un long entretien avec James K Galbraith,
une figure du néo-keynésianisme outre-Atlantique. Même si je ne suis pas
d’accord avec tout ce qu’il dit (notamment sur l’euro, et les
conséquences d’une sortie), cet entretien est intéressant. Comme
tous les membres de cette école de pensée, il récuse fermement les plans
d’austérité européens, arguant que le niveau des dettes n’est pas si élevé.
Pour lui, la
priorité doit être donnée à l’emploi. Il est assez pessimiste, affirmant que
« la construction de logements
risque de s’arrêter » alors que quelques signes de reprise
apparaissent. En revanche, il dénonce très justement le
manque de régulation du système bancaire malgré la crise. Il souligne également
les liens entre les dirigeants politiques et les grandes banques, dont les
anciens employés trustent la très haute administration (y compris Obama).
Pour lui,
les difficultés du système bancaire viennent en grande partie de la ruine de
leurs clients, prenant l’exemple des ménages qui avaient acheté leur logement
par des prêts hypothécaires. Il dénonce des politiques qui passent à côté des
grands enjeux : chômage, évictions, énergie, changement climatique et
infrastructures. Il relativise le problème de la sous-évaluation du wuan en
soulignant qu’il n’explique pas à lui seul la compétitivité de la Chine.
L’analyse
de Paul Krugman
Il dénonce
la stratégie actuelle « basée sur la
notion de que l’austérité fiscale et la dévaluation interne (en gros, des
baisses de salaires) allaient régler les problèmes des nations endettées ».
Il souligne que « pendant tout ce
temps, cette stratégie n’a amenée aucun grand succès ». Certes, il y a
l’exemple des pays baltes, même outre le fait que la population est bien plus
pauvre qu’avant la crise, il faut ajouter que la croissance y avait été
exubérante (10% par an)…
Lui qui
avait déjà fait un sort au plan de croissance en le qualifiant de « pistolet
à eau contre un rhinocéros qui charge »,
soutient que « les concessions
(allemandes) restent minuscules par rapport à l’ampleur des problèmes ».
Il souligne que la responsabilité de la bulle espagnole est partagée, notamment
par les banques allemandes qui y ont beaucoup prêté. Le « prix Nobel d’économie »
se montre assez pessimiste, comparant la situation actuelle à celle de l’Europe
d’avant 1914…
Le désarroi
et le pessimisme des intellectuels néokeynésiens démontrent aussi que
l’interprétation néolibérale de la crise a pour l’instant en partie gagné la
bataille des idées, comme
on pouvait le craindre. Mais ils n’ont gagné qu’une bataille et le combat
sera long…
Bonjour j'ai l'impression qu'une coquille s'est glissée dans la citation de Paul Krugman
RépondreSupprimer« la route vers la rédemption européenne dictée par l’Allemagne, basée sur la souffrance, n’a un quelconque chance d’aboutir ».
n'a pas une quelconque chance d'aboutir plutôt non?
Antoine C.
A vos analyses, les très intéressantes propositions des néochartalistes ( http://frappermonnaie.wordpress.com )
RépondreSupprimerToutes les réflexions intelligentes amènent à la conclusion que, justement, en période de quasi récession, c'est le contraire d'une règle d'or qu'il faudrait voter, et en premier lieu le passage au "100% monnaie" (toute la nouvelle monnaie est émise par la Banque Centrale) qui présente l'avantage non négligeable de geler, lors de sa mise en place, # 2/3 de la dette publique.
Oui mais la relance n'est possible (même par le "100% monnaie") que si on met en place un protectionnisme et un sévère contrôle de la circulation des capitaux, sinon ça revient à creuser la dette pour financer la croissance du petit malin qui continue à faire de la rigueur et du dumping fiscal et social... bref c'est tout le système qu'il faut revoir.
RépondreSupprimerEt pourtant la solution reste simple: relance mode "100% monnaie" + protectionnisme + contrôle de la circulation des capitaux + mise au pas de la finance folle. Pas compliqué quand même! Reste plus qu'a faire comprendre ça a nos concitoyens bercés de propagande néolibérale mondialiste depuis 30 ans... et ça c’est pas gagné... :-(
red2
« La route vers la rédemption européenne dictée par l’Allemagne, basée sur la souffrance, n’a pas une quelconque chance d’aboutir ».
RépondreSupprimerL’utilisation d’un vocabulaire religieux par Paul Krugman ne doit rien au hasard. Il existe un lien profond entre une vision de l’économie et une vision religieuse, ou du moins la permanence d’un héritage religieux. En cela, il rencontre évidemment la pensée d’un Emmanuel Todd qui subodore que les choix politiques ou économiques sont corrélés à des héritages familiaux – ce qui suggère que l’économie ne procède pas seulement d’une mécanique (que les économistes appellent abusivement « science ») mais qu’elle procède aussi et surtout de « l’œuvre » au sens théologique du terme.
A titre d’exemple, la notion de dette est polysémique dans l’espace européen. Elle relève de la notion de « faute » en allemand alors que le même mot indique « ce qui est juste » en italien. Ce n’est évidemment pas la même chose et ce n’est évidemment pas la même conception du monde.
En relisant Thomas d’Aquin, on retrouvera cette idée qu’il existe une distinction entre le « logos » qu’on pourrait grossièrement réduire en « la conception » et « l’oikonomia » qu’on peut exprimer comme l’œuvre (ce qui est réalisé) – un peu comme l’œuvre d’un artiste ne dépend pas de la seule technique, mais doit prendre en compte aussi, l’artiste lui-même, son histoire, son environnement, son héritage.
En clair, les peuples ne doivent pas et ne peuvent pas mettre en œuvre une même économie, parce qu’ils appartiennent à des histoires, des modes de pensée, des conceptions différentes du monde. Cela n’implique pas qu’ils doivent s’abstenir de chercher des coopérations – au contraire, celles-ci sont nécessaires à une certaine harmonie – mais fondamentalement, ils ne peuvent pas s’enfermer dans des rigidités – comme l’euro, l’austérité, la relance, le protectionnisme ou le libre échange, pour ne prendre que quelques exemples. Ainsi si la réalité économique est un impondérable, la réalité culturelle des peuples (leurs choix, leurs objectifs, leurs héritages, …) en est un autre.
Pour prendre un exemple connu : la démographie de l’Allemagne correspond à des choix économiques particuliers, celle de la France correspond à d’autres. Leur histoire est très singulièrement différente.
Pour compléter cette réflexion et la remettre dans le contexte actuel européen, on peut constater qu’il existe une importante cassure entre la « conception » de l’Europe qui postule l’existence de différences (et dont rend compte la devise : « unis dans la diversité ») et « l’œuvre » européenne qui met en place des systèmes rigides (monnaie unique, politique commune d’austérité, FESF, MES, …), cassure dont témoigne le rôle confus de la commission et dont la fonction devrait être davantage de créer du lien et d’assurer une logistique que de diriger. Concernant cette politique européenne, on peut employer l’adjectif de schizophrénique, tant il est vrai qu’elle relève d’une incohérence systémique.
Supprimer@ Léonard
RépondreSupprimerNaturellement, complètement d'accord.
@ Red2
Complètement d'accord. Il faut une réforme globale, comprenant la monnaie, le commerce et la finance pour arriver à vraiment changer.
@ A-J H
Je vais faire un papier sur le sujet bientôt.
@ Antoine C
Merci pour l'information. J'ai corrigé.
http://www.rtbf.be/info/chroniques/chronique_personne-ne-comprend-rien-a-la-dette-paul-krugman?id=7323463
RépondreSupprimerC'est déjà "vieux" (janvier) mais voici la conclusion
" La dette est donc importante, c'est vrai. Mais aujourd'hui, d'autres aspects comptent encore plus. Nous avons besoin de davantage - et non de moins - de dépenses d'Etat pour nous sortir de ce piège du chômage. Et cette obsession malavisée nourrie d'inexactitudes au sujet de la dette nous barre la route. "
@LP : FESF: la Finlande bloque l'aide financière aux banques espagnoles http://fr.ria.ru/business/20120710/195312469.html
RépondreSupprimer@ A-J H
RépondreSupprimerComplètement d'accord. J'avais fait des papiers sur le sujet il y a quelques temps.
@ Anonyme
Bientôt en lien dans un papier. Merci.