« Banksters »
(contraction de banquier et gangster), « Le cœur pourri de la
finance » : The
Economist n’y est pas allé de main morte pour dénoncer le scandale de la
manipulation du LIBOR par la banque Barclays, qui a abouti à la démission de
son patron et une amende de 450 millions de dollars.
Un
scandale inquiétant
Le LIBOR
(London Inter-Bank Offered Rate) est un taux d’intérêt de référence des marchés
financiers, sur lequel repose la bagatelle de huit cent mille milliards de
dollars de contrat, plus de 10 fois le PIB de la planète… Le LIBOR est un taux
fixé tous les jours par la compilation du coût de financement à trois mois en
dollars estimé par 16 banques. Les 4 taux les plus élevés et les 4 taux les
moins élevés ne sont pas pris en compte. Le LIBOR est la moyenne des 8 taux médiants.
De manière
intéressante, on constate que ce taux fondamental sur les marchés financiers ne
reflète même pas la réalité de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le
marché, mais est seulement la moyenne d’estimations informelles fournies par
quelques banques. Cette méthode pose beaucoup de problèmes car les banques sont
juges et parties dans l’affaire. Communiquer un taux trop élevé (les chiffres
sont publics) indique ainsi qu’une banque a des difficultés de financement.
Ensuite, ce
taux détermine également une partie des coûts et des revenus d’une banque. Du
coup, en fonction de son portefeuille, une banque peut avoir intérêt à faire
baisser ou faire monter le LIBOR. Et c’est justement là que le scandale
intervient. The Economist rapporte ainsi que Barclays a été reconnue coupable
de manipulation du niveau du LIBOR, en soumettant presque
toujours le taux plus élevé. Pire, il semble qu’elle ait agi en coordination
avec d’autres banques.
A quand
le karcher pour la finance ?
Ce nouveau
scandale nous rappelle deux choses. La première, c’est le privilège incroyable
des banques dans le monde occidental, et plus particulièrement européen. En
effet, les
banques ont le pouvoir de créer de la monnaie presque à volonté (permettant
à la BNP de tripler son bilan de 2002 à 2008) du fait de normes prudentielles
extrêmement laxistes. Mieux, leur importance systémique (trop grandes pour
faire faillite) impose aux Etats de venir à leur aide, quelqu’en soit le coût.
La seconde
leçon, encore plus effrayante, c’est que nos
dirigeants ne font rien ou presque pour réformer ce système financier devenu
monstrueux, où les conflits d’intérêt sont légions, où les rémunérations
restent encore complètement déraisonnables. Pire, les quatre années qui
viennent de passer ont consacré l’irresponsabilité chronique de ce monde, qu’on
ne peut pas laisser faire faillite, et qui a droit à une forme d’assurance
gratuite de la part des Etats et des contribuables.
Les raisons
qui expliquent le manque d’attention des politiques sur ces sujets restent
mystérieuses. Aux intérêts croisés, je crois aussi qu’il y a également trop de
conformisme et un manque de compréhension. A croire, que, comme le souhaite
Lordon, il faudra une explosion du système pour
le réformer.
Ce "scandale" rappelle le changement des règles comptables en 2009, autorisant les banques à comptabiliser leurs actifs à leur "coût amorti" et non plus à leur valeur de marché. En maquillant légalement ou pas, les indicateurs de leurs solvabilité, les banques se soustraient un peu plus à l'économie de marché. Le "coût amorti" comme le trucage du LIBOR effacent pour un temps le risque systémique mais au détriment de l'efficience du système. Délivrées des signes extérieurs de leurs pertes, et assurées d'un refinancement automatique par des banques centrales de plus en plus impuissantes, les banques élargissent leur marge de manœuvre. Je comprends l'usage polémique du terme de "banksters", mais je crains qu'il cache la logique systémique de ces comportements. Cupides ou pazs, les banquiers comme les politiciens cherchent avant tout à préserver le système bancaire, ce qui suppose à l'heure actuelle de s'affranchir de la plupart des règles "normales". La hantise des autorités est l'éclatement d'une crise ouverte dont nul ne maîtrise la dynamique. Elle emporterait certes la caste financières, mais obligerait les États à réviser du tout au tout les politiques néolibérales (libre-échange intégral, désindustrialisation,précarité de l'emploi, mise en cause de" la protection sociale, etc.). Autoriser les banques à s'affranchir des règles comptables (ou fermer opportunément les yeux) est la seule alternative au grand saut dans l'inconnu...
RépondreSupprimerLe "plan B" n'est pas de propager la vertu en sacrifiant quelques bouc-émissaires cupides, mais de se résoudre à prendre le contrôle des banques en faillite, épurer les dettes, bloquer les mouvements de capitaux et construire les bases d'un marché efficient des services bancaires.... cela parait horriblement révolutionnaire, mais ce ne l'est guère plus que se résoudre au dentiste quand la carie progresse...
merci au nom de tout les profanes pour ces éclaircissements sur cette affaire, la finance étant un monde pour le moins obscur...
RépondreSupprimerDu coup on s'étrangle quand on lit "800.000 milliards" @_@ un chiffre pareil demande qu'on se penche plus précisément sur ce qu'est le LIBOR ...
vous dites : "Le LIBOR est un taux fixé tous les jours par la compilation du coût de financement à trois mois en dollars estimé par 16 banques"
en allant sur wikipedia, je comprend que le LIBOR fixerait chaque jour un taux moyen auquel certaines grandes banques de Londres prêtent "en blanc"* à d'autres grandes banques, certaines devise, pour une échéance donnée.
*sans que le prêt soit gagé par des titres. (happy hour ?)
soit.
donc pour expliciter, que se serait-il passé si le LIBOR avait été plus faible ? les devises concernées auraient perdu de la valeur ?
quels types de contrats constituent ces 800.000 milliards (virtuels donc si je comprend bien) ? ce sont des prêts aux personne, entreprises, états ? ou des opérations de change ? ou autres ?
merci ^^
a certain moment je me demande s'il ne serait pas bon de faire revenir Saint Just et Robespierre avec la bascule a Charlot pour faire un grand ménage de printemps ?
RépondreSupprimer@ J Halpern
RépondreSupprimerTrès juste. On met des rustines à un système en faillite pour éviter d'admettre la vérité. Mais si on peut comprendre le souci de ne pas tout faire exploser, il est tout de même incroyable qu'aucune réflexion de fond pour préparer une vraie réforme n'ait été lancée.
L'issue risque d'être celle qu'évoque souvent Lordon, à savoir un effondrement du système qui permettra alors de nettoyer les écuries d'Augias.
@ Anonyme
Le LIBOR détermine à la fois des coûts des banques (puisque certains contrats - par exemple des SICAV vendues aux clients de la banque - sont fonction du LIBOR) mais aussi en partie leurs recettes (avec des prêts indexés sur le LIBOR). Selon la position de la banque sur les instruments liés au LIBOR, une banque peut avoir intérêt à ce que le LIBOR baisse ou monte. Un LIBOR plus faible diminue à la fois certaines recettes (intérêts de prêts fonction du LIBOR) et des coûts (placement des clients font la rémunération est fonction du LIBOR).
Je ne sais pas si le taux du LIBOR influe le cours des monnaies. C'est probable, mais je n'en ui pas sûr.
Pour les contrats, cela peut être des SICAV monétaires achetées par les clients de la banque tout comme prêts de la banque à ses clients fonction du LIBOR. Il doit y avoir beaucoup d'instruments liés vus les montants évoqués.
ok, c'est tout de même compliqué ces trucs ... surtout si ces taux sont fixés au doigt mouillé ...
Supprimeret les emprunts d'états, concernés aussi ... ?
Non, cela ne concerne pas les emprunts d'Etat.
SupprimerLaurent,
RépondreSupprimerJe te recommande vivement cet article qui montre que la manipulation n’a pas beaucoup de conséquences en réalité puisque en définitive, les taux suivent les taux directeurs de la banque centrale, en tous les cas aux USA :
http://frappermonnaie.wordpress.com/2012/06/30/hysterie-sur-le-libor/
Il n’en reste pas moins que le fonctionnement du système bancaire est tout simplement scandaleux comme tu le dénonces justement. Je suis d’accord avec N.Roubini : il faut détruire les banques et pendre les banquiers :
http://www.atlantico.fr/pepites/pour-empecher-banques-faire-choses-immorales-detruisons-pendons-salarie-dans-rue-banque-barclays-libor-scandale-414554.html
@ RST
RépondreSupprimerMerci. je vais regarder. Il faut que je me penche sur le chartalisme, dont même The Economist a parlé. Cette école de pensée économique me semble intéressante.
Ce système est proprement sidérant.
Face aux scandales des banques d'affaires ! Citoyens, Exigeons une vraie réforme bancaire avec la loi des séparations des banques !
RépondreSupprimerSignez et faites circuler l'appel Glass Steagall : http://www.appel-glass-steagall.fr
bonjour je tiens à votre disposition l'utilisation du LIBOR CHF 3 mois coté à Londres dans un dossier concernant des prêts immobiliers aux primo accédents et investisseurs "modestes" d'une grande banque française. Mr le sénateur maire de St Etienne s'est déjà penché sur ce dossier étant un acteur malgré lui au niveau de sa mairie
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