samedi 25 août 2012

Paul Krugman dénonce le fondamentalisme de marché


En avant-première de sortie française du livre en France, le 5 septembre, j’ai lu le dernier livre de Paul Krugman. Un livre remarquable, très politique, assez court et facile à lire, qui dénonce notamment les politiques d’austérité. La référence pour démonter le discours des « austéritaires » !

Une crise provoquée par la finance dérégulée

Paul Krugman dénonce la responsabilité du secteur financier dans la crise, et montre que le démantèlement des réglementations issues de la Grande Dépression a permis aux banques d’augmenter l’effet de levier dans des proportions gigantesques. Au 19ème siècle, les ratios de capital des banques étaient de 20 à 25%, une fraction de ce que demandent les règles du comité Bâle. Du coup, les banques sont très sensibles aux effets de panique, qui deviennent « auto-réalisateurs ».

Il revient sur un angle d’attaque des néolibéraux qui affirment que c’est l’action de l’Etat, qui en poussant l’achat immobilier, serait responsable de la crise. Paul Krugman met en pièces ces arguments, soulignant l’exemple des bulles européennes, parfois freinées par les Etats. Il souligne également que les institutions publiques avaient perdu beaucoup de parts de marché pendant la bulle, plutôt poussée par les banques privées. Et il pointe l’exemple calamiteux de la libéralisation des caisses d’épargne dans les années 1980 et l’aléa moral que représentent les sauvetages publics.

Il dénonce les revenus faramineux de la finance avec l’exemple des 25 managers de hedge funds les mieux payés en 2006, qui ont touché 14 milliards de dollars, l’équivalent des salaires des 80 000 professeurs de la ville de New York ! Il souligne le problème de conception de la rémunération, qui, en additionnant des frais de gestion et une part des profits, pousse à prendre le maximum de risques pour maximiser le variable, sachant que le fixe est une assurance contre les coups durs…

Une fin de crise illusoire


La « Grande Récession » a eu lieu de décembre 2007 à juin 2009. Depuis, « le progrès est venu à la
vitesse d’un escargot » et si, aux Etats-Unis, il y a eu une reprise technique, « d’autres pays n’ont même pas eu cela. En Irlande, en Grèce, en Espagne, en Italie, la crise de la dette et les programmes d’austérité qui étaient supposés restaurer la croissance non seulement ont fait avorté toute reprise mais ont produit une nouvelle récession et une hausse du chômage ».

Pour lui « le chômage de masse est une tragédie » parce que « les personnes qui veulent travailler mais ne trouvent pas d’emploi souffrent énormément, non pas seulement de la perte de leur revenu, mais aussi d’un sentiment de moindre estime d’eux ». Il en souligne les conséquences dramatiques à long terme. Il rappelle aussi qu’en 2011, si McDonald’s a proposé cinquante mille postes aux Etats-Unis, l’entreprise a reçu un million de candidatures, signe de la pénurie criante d’emplois.

Pour lui, les chiffres officiels sont sous-évalués entre ceux qui ne cherchent plus et ceux qui sont à temps partiel faute de temps plein. Il estime à 15% le taux réel de sous-emploi, qui toucherait donc 24 millions de personnes aux Etats-Unis. Il souligne l’envolée de la durée du chômage. En 2007, moins de 20% des l’étaient depuis plus de 6 mois, moins de 10% depuis plus d’un an. Début 2012, pas moins de 50% étaient au chômage depuis plus de 6 mois et un tiers depuis plus d’un an.

Le « prix Nobel d’économie » démonte la lecture néolibérale de la crise et pointe le rôle des marchés et de la finance, qu’il avait détaillé dans son précédent livre. Il souligne également que nous n’en sommes pas sortis, avant de procéder à un démontage en règle du discours des « austéritaires », que j’étudierai demain.

Source : Paul Krugman, « End this depression now ! », éditions Norton, « Pour en finir dès maintenant avec la crise », éditions Flammarion, sortie le 5 septembre, traduction personnelle

13 commentaires:

  1. Sur le chômage de masse j'ai l'intime conviction que nous ne retrouverons jamais le plain emploi ( j'ai déjà écrit sur les automates ) sauf a crée de l'emploi artificiel du genre défonceur de porte ouverte . Il est temps si nous voulons éviter de grave désordre de songer sérieusement au "revenu universel" et psychologiquement arrêter de faire croire que le travail ( le boulot ) est un épanouissement c'est peut être vrai quand nous sommes chirurgien , pilote de ligne ou artisan d'art mais allez dire cela a un burelier son problème en cas de perte d'emploi est la perte du revenu pas le sentiment de moindre estime

    RépondreSupprimer
  2. @ Patrice,

    Pas d'accord. Je crois que l'exemple des Etats-Unis, en plein emploi en 2007 malgré un énorme déficit commercial, démontre que c'est possible. C'est une question de volonté politique. Aux Etats-Unis, le plein emploi fait partie du contrat social depuis la Grande Dépression.

    En revanche, il faudra sans doute soutenir la demande pour relancer l'économie dans un premier temps (interdire les caisses automatiques dans les supermarchés par exemple).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. sauf qu'en 2007 c'est le plein emploi des défonceurs de portes ouvertes qui sont a cette époque moins cher que les machines de même métal et l'interdiction des caisses automatiques c'est bien cela il est illusoire d'essayer d'aller contre le progrès technique une constante inintéressante de l’être humain c'est la paresse qui soulève les montagnes . Le "boulot de masse sera fait par des machines et c'est tant mieux notre imagination doit trouver des solutions de revenu . Très franchement il n'y a aucun intérêt pour personne de passer des produit devant des lecteurs de code barre ou de ranger des caddies sur les parking ; sans compter que cette économie est un désastre écologique

      Supprimer
    2. @Patrice Lamy. Et c'est pour cela que la réduction du temps de travail n'est pas forcement une mauvaise idée. Le gain de productivité du à l'automatisation peut être reparti sur tous les citoyens par un dividende national et dans le même temps, les emplois restants sont repartis en réduisant la semaine de travail pour éviter l'inactivité. Je pense qu'on arriverait à quelque chose de cohérent et plus juste que de tuer au travail une partie de la population et laisser au chomage les autres...

      Supprimer
    3. bien sur réduction du temps de travail , reprise d’études tout au long de la vie etc tout sera bon mais mon intime conviction est qu'il faut faire une croix sur les 30 glorieuses du plein emploi qui d'ailleurs était le plein emploi des petits boulots comme nous disons maintenant j'y était

      Supprimer
    4. @ Patrice,

      Je pense que le premier objectif aujourd'hui doit être la lutte contre le chômage. Le progrès technique est absolument essentiel et il ne faut pas le freiner en principe. Néanmoins, quand ce progrès aggrave dans un premier temps la situation sur le marché de l'emploi (qui plus est sur des emplois non délocalisables), je crois qu'il faut appuyer sur le bouton "pause". Le progrès technique est un moyen au service d'une fin, l'homme, pas l'inverse.

      Je ne crois pas. N'oublions pas que les pays qui ont les plus grosses difficultés sur le front de l'emploi sont souvent ceux qui ont un déficit commercial important. Un rééquilibrage changerait beaucoup de choses.

      Supprimer
  3. Livre manifestement très intéressant. Quelle couverture médiatique ?

    RépondreSupprimer
  4. Pour une politique visant au plein emploi il faudra en finir avec les dogmes néolibéraux d'équilibres budgétaires à tout prix qui accentuent la récession, et le dogme allemand de monnaie forte qui ne fonctionne qu'avec eux! Je pense même qu'un peu d'inflation supplémentaire de l'ordre de 5% pendant quelques années ne sera pas pire qu'un taux de chômage de 10%. Seuls les revenus du Capital sera écorné, le rétablissement de l'échelle mobile des salaires et leur indexation sur les prix.
    Que des mesures hétérodoxes!

    RépondreSupprimer
  5. Robert Lohengrien25 août 2012 à 19:25

    Je suis loin d'être communiste ou "socialiste", mais je trouve qu'il y a un problème au niveau de la répartition des immenses richesses accumulées par les sociétés occidentales. Je ne dis pas qu'il faudrait faire des cadeaux à tout le monde, mais donner une chance à ceux qui sont de bonne volonté et à ceux qui le méritent.
    Le monde n'a été jamais aussi riche qu'aujourd'hui, et pourtant les richesses sont monopolisées par des groupes et individus, circulent dans des stratosphères.
    Mais je vois mal comment cela pourrait se faire dans la situation actuelle. J'ai l'impression que les pouvoirs en place (banques et leurs complices, les gouvernements) sont bien cimentés. Faudrait-il d'abord passer par une réorganisation de l'UE (sortie de la Grèce, création d'une zone monétaire "nord"......)?
    Ecrire des bouquins ne suffira pas.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il ne pourra y avoir de nouveau un rééquilibrage de la répartition de la plus-value sans remise en cause des tendances qui précisément ont permis son déséquilibre.

      En cela la mondialisation néolibérale, à travers son triptyque de liberté d'établissement des capitaux, des travailleurs et des marchandises, et son leitmotiv (sa croyance) en l'absolue efficience du Marché dans l'allocation des ressources, a provoqué un changement de paradigme et précipité un bouleversement des termes du rapport de forces capital-travail.

      Nous le voyons désormais dans le chantage à l'évasion fiscale tant des ménages riches que des grandes entreprises - et dans la fraude effective et son manque à gagner. Dans celui permanent à la délocalisation - et dans celles effectives, et leur impact sur le chômage et les comptes sociaux, ainsi qu'en terme de désindustrialisation, dramatique à terme pour notre statut de puissance.

      Et que dire aussi de l'immigration massive des quarante dernières années, un des vecteurs majeurs du mondialisme, qui participe elle aussi objectivement à tendre un peu plus qu'il ne l'est déjà le marché du travail - soit faire pression à la baisse sur les salaires - servant ainsi les intérêts du grand patronat (en plus de dépolitiser au passage la classe ouvrière, enfin ce qu'il en reste).

      Quiconque appellerait de ses voeux à un tel rééquilibrage hautement nécessaire et urgent, sans remettre aucunement en cause tout ou partie de ces présupposées, est soit au mieux un incompétent, au pire un imposteur.

      Supprimer
    2. Y a t'il immenses richesses ou est ce de la monnaie de singe j'ai tendance a penser que le pognon financier est virtuel et n'a rien a voir avec le réel c'est le résultat de délirants laissé faire laissez passer ; mais j'ai aussi tendance a penser qu'il n'est plus possible de s'en sortir sans un processus révolutionnaire un vrai qui bien sur provoquera des dégâts

      Supprimer
  6. @ Kuntzer

    Bien vu. Le livre sort le 5 septembre. Il sera intéressant de voir ce que sera la couverture pour un tel ouvrage assez orthogonal avec la pensée dominante.

    @ Cording

    C'est exactement ce que propose Krugman. Il va un peu moins loin en évoquant un chiffre de 3 à 4%, mais c'est un premier pas et un soutien de poids.

    @ Robert

    C'est le sujet du dernier Stiglitz (en résumé bientôt).

    Je crois qu'il faut croire en la démocratie. Nos dirigeants sont comme ceux de la 3ème République. Ils ont abdiqué face à cette Europe néolibérale. Ils sont officiellement au pouvoir mais ne font plus grand chose. Bientôt, ils seront balayés, ainsi que cette UE.

    @ Julien

    C'est juste. Il y aurait beaucoup de choses à ajouter : fin des parasites fiscaux notamment...

    @ Patrice

    Tout n'est pas virtuel. Il suffit de voir que certains marchés (automobiles de très grand luxe) continuent à se porter très bien...

    RépondreSupprimer
  7. @LP,

    "Bientôt, ils seront balayés, ainsi que cette UE"

    Que le peuple vous entende !!!

    RépondreSupprimer