Dans son
nouveau livre, le « prix Nobel d’économie » 2008 ne se contente pas
de démonter
la lecture néolibérale de la crise et les politiques d’austérité, il va
plus loin et ébauche ce que pourrait être une politique alternative pour son
pays.
L’oubli
des leçons de l’histoire
S’il
reconnaît que la crise que nous traversons n’est pas comparable à la Grande
Dépression (encore qu’il souligne que cela est contestable pour une partie de
l’Europe), il soutient « que c’est
le même genre de situation que Keynes décrivait dans les années 1930 : une
situation chronique de sous-activité pour une période considérable sans
tendance marquée soit vers une reprise, soit vers un effondrement complet ».
Le problème est que l’efficacité limitée du premier plan (trop faible)
complique grandement la possibilité d’en vendre un plus important au Congrès,
comme il l’avait anticipé.
Il dénonce
ceux qui « ont choisi d’oublier les
conclusions de plusieurs générations d’analyses économiques, remplaçant le
savoir durement acquis par des préjugés idéologiquement et politiquement
correct » et compare leur pensée à un « barbarisme ». Il rappelle que Keynes avait affirmé que
« le temps pour l’austérité est dans
les booms, pas les récessions », démontant la caricature des
néolibéraux. Il souligne également que les décisions prises aujourd’hui
hypothèquent fortement notre futur, notamment par les coupes drastiques faites
dans l’éducation.
Il souligne
que « durant la Grande Dépression,
les dirigeants avaient une excuse : personne ne comprenait ce qui se
passait ou comment la régler. Les dirigeants d’aujourd’hui n’ont pas cette
excuse ». Il évoque un « plantage
du logiciel » de nos dirigeants, en donnant l’exemple de Wolfang
Schäuble, ministre des finances allemand qui
ne propose que l’austérité. Pour lui, nos dirigeants sont comme le
possesseur d’une voiture, qui, après avoir refusé d’entretenir la batterie,
préfererait faire marcher toute la famille plutôt que de reconnaître qu’il a eu
tort et changer la batterie !
Quand le
mieux est l’ennemi du bien
Reprenant
les analyses d’Irving Fischer sur la crise des années 1930, Krugman affirme
qu’« un haut niveau d’endettement
rend l’économie vulnérable à un cercle vicieux dans lequel les efforts des
endettés pour se désendetter créé un environnement qui rend leurs problèmes de
dette encore pires ». Il note que « si trop d’acteurs de l’économie subissent une crise de la dette au même
moment, alors leurs efforts collectifs pour s’en sortir sont voués à
l’échec ». Il fait le parallèle avec la crise immobilière où la baisse
des prix contraint des ménages à vendre, ce qui fait baisser les prix plus
encore, et la crise des dettes souveraines où les banques vendent les titres
des Etats en difficulté.
Du plan A
comme austérité au plan B
Il dénonce
également les politiques de flexibilité du marché du travail, « un euphémisme pour les baisses de
salaire », qui déprime la demande. Il souligne que quand les salaires
baissent, la dette, dont le montant reste stable, voit son poids augmenter.
Pour lui, il faut augmenter les dépenses de l’Etat, monter les salaires et les
prix pour sortir par le haut de cette crise. Il réfute les arguments de
Jean-Claude Trichet pour qui les coupes budgétaires amélioreraient la confiance
et relanceraient l’activité : « combien
de personnes connaissez-vous qui décident combien elles peuvent dépenser cette
année en essayant d’estimer ce que les décisions fiscales actuelles voudront
dire pour leurs impôts à moyen terme ? » Reprenant
les études du FMI, il souligne que l’austérité fait baisser le PIB, comme
on le voit à Londres.
Il souligne
également que la politique des austéritaires est un moyen de « rationaliser les injustices sociales et la
cruauté » et pose la question d’un système qui sert aussi clairement
les intérêts des créditeurs. Il cite Keynes pour qui « les énormes fautes du système économique
dans lequel nous vivons sont son incapacité à fournir le plein emploi et sa
distribution arbitraire et inéquitable de la richesse et des revenus ».
Cruel avec l’administration Obama, il souligne qu’à terme la stratégie
gagnante, c’est celle qui donne des résultats, pas celle qui semble
politiquement la plus vendable.
Il propose
donc un grand plan de relance appuyé par une « détermination roosveltienne », dont 300 milliards pourraient
être consacrés à l’aide aux Etats, qui ont beaucoup licencié, un plan
d’investissement massif dans les infrastructures et annonce qu’il vaut mieux
faire trop que pas assez (il y aura toujours la possibilité de remonter les
taux). Il propose de fixer un objectif de taux à long terme inférieurs à 2,5%
et monétiser au besoin pour l’atteindre, pousser le dollar à la baisse et fixer
un objectif d’inflation plus élevé (3 à 4%). Il propose de refinancer les
emprunts immobiliers des ménages en difficulté.
En clair,
Paul Krugman propose aux dirigeants de son pays de faire l’exact inverse des
politiques qui sont actuellement menées en Europe, qu’il éreintent tout au long
de ce livre au point d’y consacrer un chapitre saignant pour nos dirigeants et
la monnaie, comme je l’étudierai demain.
Source :
Paul Krugman, « End this depression
now ! », éditions Norton, « Pour en finir dès maintenant avec la crise », éditions
Flammarion, sortie le 5 septembre, traduction personnelle
Les propositions de Krugman contiennent des bonnes idées, comme par exemple de refinancer les emprunts immobiliers. Il a également raison d'accuser le "système Obama" qui a échoué - et cela tient essentiellement à la personnalité du président.
RépondreSupprimerMais il ne faut pas oublier que les USA ont trop longtemps privilégié l'économie fiancière; ca se voit et ca se sent quand on visite le pays.
Le problème c'est que l'on croit, au sein des sphéres influentes aux Etats-Unis, que la croissance ne peut se faire sans des bulles. Je me souviens de l'éclatement de la bulle de l'internet; Greenspan était consterné, comme paralysé. Afin de faire marcher l'économie et contenter l'américain moyen (les salaires stagnent depuis longtemps), la Fed baissait alors les taux d'intérêt. On connaît la suite: endettement des ménages, bulle et crise immobilière.....Au profit des institutions financières, de l'industrie et du commerce. On se demande de quoi sera fait la prochaine bulle.
Malheuresement, il n'y a pas de recette miracle pour faire renaître la croissance.
Il y a croissance quand il y a suffisament de clients qui achètent ce que vous produisez. Le problème aujourd'hui c'est que dû à la mondialisation économique, la concurrence frappe de plus en plus fort, au détriment des emplois en France et en Europe. Et le système fordien a presque disparu en occident.
@ Robert,
RépondreSupprimerComplètement d'accord. Il y a quand même de vraies recettes pour relancer la croissance.
Pour une relance efficace il ne faut pas oublier le probleme des importations surtout pour les USA. Est ce que Krugman remet en cause la mondialisation libre-échangiste ?
RépondreSupprimerJ'imagine qu'il n'est pas sans savoir que Keynes lui même était hostile au libre échange inconditionnel.
Le chômage explose et la cote de popularité de l’exécutif s'effondre -11 pour FH la rentrée va sans doute être chaude
RépondreSupprimerDes questions plus qu'une affirmation : un plan de relance (à quelle échelle ?) dans le cadre circonstanciel actuel, avec une finance dérégulée, une économie mondiale, un système de libre-échange et une économie prédatrice de l'environnement, cela ne conduit-il pas à un échec programmé et à la hausse des matières premières ? Ne serait-il pas plus cohérent de redonner davantage de pouvoir aux Etats, de limiter les effets du libre-échange et de coordonner des politiques de recherche pour définir un nouveau paradigme économique ?
RépondreSupprimerAu fond, le modèle qu'avait défini Nicolas Dupont Aignan lors de la campagne présidentielle, n'est-il pas le bon modèle à suivre ?
@ TeoNeo et Léonard
RépondreSupprimerVous pointez le bon problème. Dans ce cadre, il y a beaucoup de fuites quand on relance... à moins que tout le monde le fasse ensemble, ce qui est illusoire. C'est pourquoi il faut relocaliser et se protéger.
Le modèle avancé par NDA est toujours aussi pertinent.