C’est un
terme sulfureux et qui fait débat. Certains l’utilisent comme un synonyme de
démagogie, mais cela porte intrinsèquement un jugement assez suffisant contre
le peuple, qui serait trop bête pour comprendre. Vincent Coussedière propose
ainsi de le réhabiliter dans un essai revigorant.
Du
divorce entre le peuple et les élites
Pourquoi ce
terme est-il si connoté ? Est-ce juste ? L’auteur rapporte les
partoles de Pierre-André Taguieff pour qui « ne peut-on, plus largement, faire l’hypothèse que le populisme est
quelque chose comme la démagogie propre à l’âge démocratique ? ». Dans
le débat public, le terme « populisme »
est presque toujours connoté de manière négative. Il qualifie le comportement
démagogique de politiciens qui cherchent à obtenir des voix par des procédés
« électoralistes ». Il est
d’ailleurs intéressant de constater que le terme « électoraliste »
soit lui-aussi connoté de manière négative.
L’auteur
affirme que « nos gouvernants ne
veulent plus nous gouverner, ils ne veulent plus de ce peuple devenu populiste,
de ce peuple qui n’est plus un peuple –disent-ils- parce qu’il est
populiste ». Pour lui, « ce
n’est pas forcément une aspiration à plus de démocratie directe, (…) ce n’est
pas non plus une idéologie, (…) c’est un moment de crise de l’être ensemble
d’un peuple », mais donc également « un moment où l’essence du politique est encore abritée dans le peuple ».
Pour lui, « le démagogue (Nicolas
Sarkozy) ne peut tromper qu’un moment l’exigence de bien commun ».
Il soutient
que « l’explication de la réussite
des démagogues en termes de populisme permettait d’éviter de poser la question
de la responsabilité de la classe politique, et plus généralement des élites,
dans la conduite de politiques inacceptables. Les démagogues ne prospéraient
pas sur l’irresponsabilité des élites mais sur l’irresponsabilité du peuple
lui-même ». Le populisme est aussi une réaction à la destruction de
l’être social du peuple, fondement de sa capacité politique. C’est une réaction
à la perte de prise sur son destin. Et si le peuple voulait simplement être
dirigé ?
Une crise
profonde de la société
Pour lui,
l’immigration ne pose problème que quand les populations immigrées ne
souhaitent pas s’assimiler au peuple. Il souligne également le problème posé
par « la version islamiste de
l’Islam » dont le mode de cohésion, centré sur la religion, heurte un
mode de vie du peuple français où la religion est une composante mineure de la
sociabilité, faisant
bien la distinction entre islam et islamistes. Il rappelle que pour Hegel,
« chaque individu est le fils de son
peuple à une certaine étape du développement de ce peuple. Personne peut sauter
par-dessus l’esprit de son peuple ».
Rejoignant
le récent livre de Joseph Stiglitz, il soutient que « l’être-ensemble social du peuple, sa
similitude, est menacé par l’approfondissement d’une division sociale qui
supplante toutes les autres (…) La crise de la similarité sociale du peuple
entraîne la crise de son être-ensemble politique ». Cette crise peut
pousser le peuple à « substituer à
cette absence de projet commun une identité commune, identité de classe ou de
race ». « L’appartenance au
peuple n’est alors plus subordonnée à une volonté commune mais à cette identité
artificielle construite de toutes pièces ».
Loin des
préjugés habituels sur le populisme, Vincent Coussedière développe une analyse
rafraîchissante du malaise actuel entre le peuple et les élites. Demain,
j’étudierai sa lecture politique du phénomène.
Petite vidéo sur "enquête et débat"
RépondreSupprimerhttp://www.enquete-debat.fr/archives/vincent-coussediere-le-populisme-cest-le-retour-du-refoule-des-peuples-41850
Là j'avoue ne pas vous suivre,
RépondreSupprimerSi j'en crois ce que vous dites, Stigiltz et Coussedière sont en franche opposition. Pour le premier, le populisme est une régression car il substitue la souveraineté nationale, qui est la capacité du peuple à décider, à l'identité nationale, qui constitue le repli d'une nation sur des postures archaïques et conservatrices (se laisser diriger, ne plus bouger).
Jusqu'ici, la République a fondé son projet sur la capacité du peuple à progresser (par l'éducation) et à prendre son destin en main (par la démocratie). Si l'analyse de Stigiltz est juste, la dérive populiste constitue l'inverse de ce projet républicain.
Le populisme apparait dès lors que les élites n'ont plus le souci du peuple voire gouvernent contre les intérêts du peuple dont les élus sont les représentants. C'est le cas dans la plupart des pays européens à des degrés divers où une Union européenne est imposée de façon non démocratique. Je pense que Taguieff a raison et que le populisme a aussi un rapport avec la démagogie. Quand à Coussedière sa réflexion est trop généralisée: pour nous autres français c'est l'Etat qui a fait la Nation donc le peuple français et chaque pays a une histoire spécifique c'est donc en partie la Nation qui fait le peuple dans sa singularité.
RépondreSupprimer@ Patrice,
RépondreSupprimerMerci. Il faudra que je regarde.
@ Léonard
Quand je dis que Stiglitz rejoint Coussedière, c'est quand ce dernier parle de crise de la similarité sociale et du fait que la division sociale supplante toutes les autres avec l'augmentation des inégalités.
Il est bien évident qu'il y a de très grandes différences entre les deux auteurs car Stiglitz est un homme de gauche alors que Coussedière me semble plutôt de droite (comme je le verrai demain).
@ Cording
L'analyse de l'auteur est centrée sur la France.
Bonjour, pour faire suite à vos différents billets consacrés aux idéologies politiques, en particulier à gauche :
RépondreSupprimerPanorama de la gauche française en 2012 : http://et-pendant-ce-temps-la.eklablog.com/panorama-de-la-gauche-francaise-en-2012-a53672841
« Le populisme est aussi une réaction à la destruction de l’être social du peuple, fondement de sa capacité politique. C’est une réaction à la perte de prise sur son destin. Et si le peuple voulait simplement être dirigé ? »
RépondreSupprimerOui, et c'est la raison pour laquelle on ne peut, dans l'explication de la crise réciproque de confiance entre les élites dirigeantes et le peuple, tout ramener à la question du déficit démocratique. Cette absence de vraie direction politique, de projet collectif cohérent identifiable ou même susceptible d'être au moins deviné, est l'une des raisons fondamentales de la perte de confiance dans les instances dirigeantes, plus encore sans doute que l'absence de transparence que l'on tend plus couramment à mettre en cause.
Jacques Sapir l’analyse en des termes très sévères à propos de la politique de François Hollande, dans un papier récent de son tout nouveau blog : « Les paris stupides (II) (Blaise Pascal, Jacques Prévert et les choix de François Hollande) » , publié sur http://russeurope.hypotheses.org/113, 22 septembre 2012. Faute à la fois de réflexion stratégique profonde et de volontarisme, il ne reste qu’à François Holande qu’à s’engager dans une série de paris où il entre une large part d’irrationnel : pari d’une relance mondiale qui tirerait la croissance européenne en 2013, pari qu’une politique d’assistanat permettra de faire supporter la hausse inéluctable du chômage, pari que des mesures de rapiéçage suffiront à faire tenir l’Eurozone, etc.
« Face à cette perspective [une plongée dans la récession des pays de l’Eurozone] , François Hollande se comporte comme un enfant qui a mal aux dents mais qui a encore plus peur du dentiste. Sur le fond, il n’est pas dupe. Ce serait un grand tort de mésestimer son intelligence. Il sait que la solution de la dissolution s’imposera tôt ou tard. Mais, pour l’instant, la peur du dentiste, et donc de la dissolution de l’euro, l’emporte. Il cherche donc à gagner du temps, et il fait des paris, qui ont certes l’apparence d’être « rationnels », mais dont sait aujourd’hui qu’ils seront perdus tant les facteurs négatifs s’additionnent. »
Le populisme est aussi, me semble-t-il, une réaction de rejet devant un mode de gouvernance qui multiplie les faux-semblants pour dissimuler son ultime et honteux petit secret : à savoir qu’il ne croit plus à la capacité des politiques d’influencer les faits, et que le moteur de son « action » n’est plus qu’un fatalisme lâche et débilitant.
YPB
Je me souviens que lorsque NDA avait proposé de baisser de 10% les salaires des députés et ministres, François Baroin interrogé sur cette proposition, avait crié au populisme et au poujadisme..
RépondreSupprimerDe même les élites pro union européennes ne cessent de décrier la Suisse comme un pays populiste (alors que c'est le pays le plus démocratique d'Europe ); quand l'interdiction des minarets a été approuvée ( par référendum d'initiative populaire ), on voyait tous les apparatchiks de la politique française hurler à la démagogie, qu'il y avait "trop de démocratie", eux mêmes qui ont bafoué le référendum sue le TCE.
Du coup pour moi le populisme a une connotation positive. Etre populiste c'est être pour la vrai démocratie, défendre les intérêts du peuple contre les élites corrompues.
S'en remettre au peuple est généralement une bonne chose ( si il n'y a pas trop d'intoxication par les médias ); la preuve la Suisse est un des pays qui s'en sort le mieux en Europe.
"Pour lui, l’immigration ne pose problème que quand les populations immigrées ne souhaitent pas s’assimiler au peuple."
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec cette phrase. Nous avons 3 problèmes :
1) il faut le dire, nous avons accueilli trop d'immigrés (qui plus est extra-européens, de cultures plus éloignés, donc plus difficilement assimilables)
2) Nos politiques ont tué le modèle assimilationniste et républicain. Ils ont versé dans le multiculturalisme, la diversité, l'exaltation des racines etc... modèle anglosaxon qui mène au communautarisme. De même ils ont détruit l'école, vrai moteur d'assimilation, d'ascenseur social, d'instruction.
3) La démographie. Etant devenus majoritaires dans leurs quartiers, l'assimilation qui passait par le référent français (le petit peuple autochtone "voisin de palier") n'existe plus, ils sont partis ne se sentant plus chez eux et plus en sécurité. C'est humain de leur part et c'est humain de la part des immigrés de ne pas faire l'effort d'assimilation quand ils sont majoritaires dans leur ville ou quartier, ce qui entraîne la communautarisation aussi...
Voilà pourquoi le FN est ci haut et voilà pourquoi nous vivons une vrai crise indentitaire. Il faut remédier à tous ces points. Quand on voit ce qu'a donné le débat sur l'identité nationale lancé par Sarkozy, on se dit que ce n'est pas gagné... Je crains que nous soyons parti pour une libanisation du pays... de plus en plus de conflits, de tensions, de communautarisme anti-républicain.
Si on parle d'assimilation, il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout. Les Pays-Bas l'ont fait récemment, ils ont officialisé le retour au modèle assimilationniste, mesure courageuse et salvatrice : http://www.dreuz.info/2012/09/le-gouvernement-neerlandais-montre-la-voie-aux-europeens-et-abandonne-le-modele-multiculturel/
J'ai parlé avec des frontistes, certains parlent d'expulsions massives des arabo-musulmans de France. En justifiant ça par l'exemple Algérien, les français ayant été chassé quant bien même ils étaient né sur le sol algérien depuis plusieurs générations. Une idée qui fait froid dans le dos. Beaucoup ne croient pas que les immigrés arabo-musulmans puissent s'assimiler, prenant comme source le Général De Gaulle lui même (cf l'huile et le vinaigre). Le Général avait sans doute raison, à partir d'un certain seuil démographique, la machine se bloque. Cependant, maintenant que nos politiques les ont fait venir il n'est pas question de les chasser et ce n'est pas ce qu'il ferait s'il revenait (je pense!).
L'officialisation du modèle assimilationniste par les politiques et la restauration de l'école républicaine sont les bases, vitales aujourd'hui. DLR est dans cette esprit. Espérons qu'il ne saura pas trop tard quand les patriotes reprendrons le pouvoir... Car sinon, comme Zemmour, je crains le pire.
"Nous avons 3 problèmes", dites-vous... j'en aurais mentionné un autre en premier lieu : l'emploi, qui oblige au mélange et aux règles communes, et dans le cadre duquel se créent les solidarités de classe qui transcendent les "communautés".
SupprimerExclus de l'emploi, les enfants des vagues migratoires des années 60-70 marinent (sans jeu de mot) dans leur exclusion et leur contre-culture de quartier (qui n'a guère à voir avec leur culture d'origine).
L'islam a rajouté au problème, pas tant pour son contenu que parce qu'il ne permet pas le brassage de populations qu'on trouve dans les églises.
Comme vous le dites très justement le culte petit-bourgeois des "identités" a enrayé nos mécanismes d'assimilation. Mais il faut voire plus largement : le repli communautaire, la floraison des intégrismes, des racismes symétriques anti-immigrés et anti-"français", ne sont que les symptômes purulent d'une décadence civilisationnelle : mépris de la règle et du travail, déclin de l'idée de progrès (dont tous pouvaient espérer goûter aux fruits sans les arracher au voisin).
Maastricht, puisque c'est le thème du billet, symbolise par dessus tout ce renoncement des élites qui ont bradé en toute connaissance de cause notre indépendance nationale aux flux destructeurs des capitaux dérégulés. Nous somme dirigés par une oligarchie prédatrice appuyée sur des rentiers ; en-dessous le peuple se déchire pour reporter sur l'autre(l'Arabe/le Français/ le fonctionnaire...) le coût de cette prédation.
La République c'est refuser aussi bien la prédation que la guerre communautaire. Remettre le pays en marche, converger vers un même objectif, un même modèle d'égalité politique et de progrès social. Difficile mais indispensable.
Nous pouvons tout de même nous poser la question le peuple a voulu cette oligarchie ou non ? sauf a le prendre pour un imbécile .
SupprimerExclus de l'emploi les enfant des vagues migratoires !
et les enfants qui n'ont pas eu la chance de naitre en banlieue pour bénéficier de la sympathie de pascale clark , mais dans nos campagne , oublions les ils puent des pieds
Moi je ne connais qu'un seul adage : "La démocratie, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple". Le reste...
RépondreSupprimerEt c'est curieux, mais dans cette définition il y a le mot "peuple", qui désigne celui-là même que la classe politique tous partis confondus, sauf les extrêmes malheureusement, les média et les Belles Ames haïssent, méprisent et voudraient priver de vote d'abord et ensuite littéralement exterminer par la faim, la misère et/ou tout autre moyen tellement il leur fait peur.
Sancelrien
P.S : Je suis en train de devenir anar, moi, non ?
@Sancelrien
Supprimermais non allons, pas anar ! y'a NDA qui est très bien, et sinon cette dame qui dit très exactement la même chose que vous, et vous explique pourquoi :
http://www.youtube.com/watch?v=PULbj_7GL7s
une dame formidable Marion Sigaut, j'adore tout autant que Henri Guillemin ^^
Age
@ Coma 81
Très intéressant. Un petit bémol : le PCF plutôt proche de la démondialisation. C’est peut-être le cas de la base, mais quand on entend Pierre Laurent ou MG Buffet, on a l’impression que leur internationalisme est si fort qu’il n’y a aucune chance qu’ils soutiennent la démondialisation…
@ YPB
Merci pour le lien vers le blog de Sapir, très juste, comme presque toujours.
@ Raiden
En partie d’accord seulement. La Suisse profite de son statut de parasite fiscal vivant sur l’ensemble européen…
@ Florent
Quelques bémols, même si je suis assez d’accord :
- OK pour le 1-
- En partie seulement, nous restons beaucoup moins communautariste que nos voisins, cf débat sur la burqa où presque tout le spectre politique y était opposé, alors qu’en GB, tout le monde est d’accord pour l’accepter (lire la presse GB était très instructif). En outre, je me demande s’il n’y a pas un renouveau républicain (cf évolution de Sarkozy, passé de communautariste atlantiste à un discours plus républicain, qq voix au PS également)
- Sur la démographie, il est vrai que la forte concentration des populations immigrées créé des problèmes
- Enfin, comme le souligne J Halpern, le problème de l’emploi est crucial, sans doute le plus important. Si les immigrés trouvaient un emploi, cela faciliterait l’assimilation
Les frontistes se trompent. Attention aux déclarations du Général qui circulent de si de là. Il ne s’agit pas de propos publics, mais de propos privés rapportés après sa mort. Qui plus est, le Général était un provocateur en privé. Donc il ne faut pas les prendre pour faisant partie de ce qu’il nous a légué.
Au global, oui, la situation est préoccupante. Oui, on sent une montée des revendications islamistes. Mais, remis dans une perspective long terme, l’esprit républicain résiste. Je ne crois pas qu’il s’affaiblisse. Cela fait 20 ans que je suis l’actualité politique de manière approfondie et malgré tout, il y a encore matière à espérer.
@ J Halpern
100% d’accord.
@ Patrice
Non, les Français ont voulu la renverser en 1981, en 1995, en 2005. Et dans un certain sens, en 2007.
@ Sancelrien
Résultat d’un certain pessimisme ?
@ Age
Bien d’accord.
Tout de même, et même si je suis frustré par les dirigeants communistes, il faut reconnaître qu'ils ont toujours voté contre l'europe. En ce sens, les communistes, et encore plus les militants, sont une force patriotique.
RépondreSupprimerSavez vous qu'en réunion de cellule, (au moins dans certaines) je sais que l'on chante deux hymnes, à chaque fois l'un et l'autre : l'internationale et la marseillaise ?
Le PC, parti issu de la résistance, n'a jamais été mal à l'aise avec l'hymne national, contrairement à beaucoup à gauche.