mardi 4 septembre 2012

Joseph Stiglitz : les inégalités mettent la démocratie en péril


Pour le « prix Nobel d’économie », la montée des inégalités aux Etats-Unis, outre le fait créer de graves problèmes économiques et de menacer le modèle du pays (en freinant l’ascenseur social), pose un grave problème démocratique, dans une analyse proche de celle d’Emmanuel Todd.

Une démocratie sous influence

Joseph Stiglitz dénonce le rôle de l’argent dans la politique : « plus il y a besoin d’argent, plus les riches intérêts particuliers gagnent du pouvoir ». 1,5 milliards de dollars devraient être dépensés pour l’élection présidentielle de 2012 ! Pour lui, ce poids de l’argent privé dans la vie politique étasunienne donne un avantage certain aux plus riches. Il dénonce la décision de la Cour Suprême de 2010 qui a donné une plus grande liberté aux entreprises pour intervenir dans la démocratie.

Il va jusqu’à dire « qu’il y a peu de différence entre la corruption et ce qui se passe – à savoir des candidats qui reçoivent de l’argent d’une entreprise pour leur campagne et soutiennent des lois qui les arrangent ». Il dénonce le poids des lobbys, et notamment des banques qui ont fait de la réglementation financière un « fromage suisse, plein de trous, d’exceptions et d’exemptions ». Il cite Krugman pour qui « la concentration extrême des revenus est incompatible avec la démocratie réelle. Est-ce que quelqu’un de sérieux peut dénier que le système politique est déformé par l’argent ».

Il souligne que 50 millions de citoyens ne sont pas inscrits sur les listes électorales et que les républicains essaient de limiter la participation des plus pauvres. Il dénonce le redécoupage abusif des circonscriptions et propose de faciliter l’inscription sur les listes électorales, de mettre des restrictions au pantouflage des dirigeants publics dans les cabinets de lobbying, de réformer le financement des campagnes électorales et que l’Etat renégocie les licences télévisuelles pour y inclure des publicités gratuites et ainsi limiter la dépendance à l’égard de l’argent.

Une finance au-dessus des lois

Tout le livre démontre qu’aujourd’hui les grandes banques arrivent à faire passer leurs intérêts avant celui de tous les autres et font payer la note à la collectivité. Pour lui, « les banques ont déplacé le risque sur les pauvres et les contribuables ». Il souligne que la mise sous tutelle des pays endettés pose un vrai problème démocratique. Il rappelle également que le FMI avait tendance à trop largement privilégier les créanciers occidentaux dans ses plans, même si sa ligne a évolué récemment puisqu’il plaidait pour une restructuration de la dette grecque quand la BCE le refusait.

Il souligne également le rôle des lois de faillite : « s’il n’est pas possible de se décharger de ses dettes, ou s’il n’est pas possible de le faire aisément, les prêteurs sont moins portés à être prudents et sont encouragés à faire des prêts prédateurs ». Aux Etats-Unis, les banques ont obtenu des lois largement en faveur des créanciers, Il souligne aussi que « la loi de 2005 sur les faillites rend impossible pour les étudiants de se décharger d’un prêt étudiant même en cas de faillite personnelle ». Bref, tout le système actuel pousse les banques à prêter le plus massivement possible puisque les emprunteurs sont à leur merci et qu’au pire, le gouvernement viendra à la rescousse.

Pire, les banques ont menti dans les procédures d’expulsion des ménages en difficulté avec leurs emprunts immobiliers en ne procédant à un véritable examen des dossiers. En fait, Joseph Stiglitz décrit un système où l’impunité des banques est totalement institutionnalisée alors que le scandale des caisses d’épargne avait abouti à 650 peines de prison ! Il émet un jugement sévère : « aux Etats-Unis, la vénalité opère à un haut niveau. Ce ne sont pas les juges qui sont achetés, mais les lois elles-même à travers le financement des campagnes et le lobbying », comme la loi Dodd-Franck.

Remettre la finance au service de l’intérêt général

Joseph Stiglitz fait quelques propositions radicales. Il commence par se demander à quel point la politique monétaire aurait été différente si son objectif était de maintenir le chômage sous 5%, au lieu de viser une inflation à 2%. Il souligne que les problèmes d’inflation n’existent plus depuis trois décennies et dénonce le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment) qui donne la priorité à l’inflation sur l’emploi. Il critique également la baisse de 15% du salaire minimum depuis 1980.

Mais surtout, le prix Nobel d’économie 2001 conteste le principe d’indépendance des banques centrales. Utilisant des arguments qui me sont chers, il soutient que « le manque de foi dans la responsabilité démocratique de la part des partisans de l’indépendance des banques centrales est profondément troublant. Où met-on la limite entre les responsabilités du gouvernement et celle des agences indépendantes ? Les mêmes arguments sur la politisation pourrait s’appliquer au budget ». Pour lui, « nous devons reconnaître que les décisions d’une banque centrale sont essentiellement politiques ; elles ne doivent pas être délégués à des technocrates ». Il trouve la BCE pire que la Fed, avec son seul objectif de maîtrise de l’inflation, et qui défend les banques et non les peuples dans la crise de la zone euro.

Concernant la réforme de la finance, il développe des propositions proches de celles du rapport qu’il avait présidé pour les Nations Unies. Il propose également une réforme fiscale qui rendrait l’impôt plus progressif et une réduction des niches. Il souhaite démocratiser l’accès à l’éducation et à la santé. Il indique qu’il faudra que l’Etat soit prêt à jouer un rôle dans le financement des entreprises si l’on ne parvient pas à réformer la finance dans le bon sens. Il souligne tout le paradoxe d’une société qui, du fait des faibles taux d’intérêt, investit « pour économiser des postes » à une époque de chômage de masse et soutient qu’il faudrait « soutenir les investissements qui économisent des ressources et préservent les emplois, pas pour les investissements qui détruisent les ressources et les emplois ».

Il souligne que le 1% du haut doivent comprendre que « leur destin est lié avec la manière dont les autres 99% vivent » et dénonce un système politique où jusqu’à 80% des jeunes ne vont même pas voter, avant d’expliquer les tenants et les aboutissant de la bataille de l’opinion, que je développerai demain.

Source : Joseph Stiglitz, « The price of inequality », éditions Norton, « Le prix des inégalités », éditions Les liens qui libèrent, sortie le 5 septembre, traduction personnelle

14 commentaires:

  1. A propos de "la démocratie en péril" ...
    Peut être faudrait-il que nous soyons d'abord dans une démocratie, ce qui ne me semble pas le cas ;)

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  2. Hors-Sujet.

    Dupont-Aignan : "un jour où l'autre, il y aura besoin de dialogue" et que "chacun devra faire peut-être un pas".
    http://www.europe1.fr/Politique/Dup...
    Traître !

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    1. En voyant votre post j'ai cru que NDA proposait une alliance avec l'UMP ou le PS ( ou un autre de ces partis qui ont ruiné la France depuis 40 ans ). Heureusement ce n'est pas le cas.

      En ce qui concerne les alliances les autres partis anti système sont trop sectaires ( UPR ...) tant qu'au partis à gauche ( Front de Gauche, MRC ..) ils sont favorables à l'Euro, à plus d'Europe (surtout le Front de Gauche) et préféreraient s'allier avec le PS qu'avec DLR ( parce que le PS serait soi disant "à gauche" et DLR à droite).Ils n'ont plus de crédibilité (du moins à mes yeux). Les autres partis "souverainistes" de droite comme le MPF ou le parti de De Villepin se sont discrédités avec l'UMP.

      Il ne reste donc guère que le FN même si on peut comprendre les réticences de NDA à cause de la diabolisation médiatique du FN.

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    2. Disons le Mouvement Bleu Marine j'ai toujours pensé que le dialogue avec ce parti était inéluctable si nous voulons vraiment un jour dynamiter l'umps ( acronyme que je revendique ) ; peut être est ce un ballon d’essai pour les universités

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    3. Absolument inéluctable.
      Sancelrien

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    4. @ Tous

      Absolument pas inéluctable. La crise va bouleverser le paysage politique. Il suffit de voir ce qui se passe dans toute l'Europe. En Grèce, Syriza, qui s'était présenté pour la première fois aux élections en 2007, qui avait fait 4% en 2009, fait 27% cette année. Nul ne sait ce qui se passera demain. Des partis vont s'effondrer (le PS me semble un bon candidat), d'autres vont émerger. Le paysage va beaucoup évoluer dans les années à venir.

      Le FN est légitimement coincé sous un plafond de verre, comme l'ont montré les élections de 2012. Soit dit en passant, l'extrême-droite n'a absolument pas profité de la crise en Grèce, c'est la gauche radicale...

      Petit rappel :

      http://www.gaullistelibre.com/2012/03/la-triple-impasse-le-pen.html

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    5. Pour manger avec le Diable, il faut avoir une longue cuillère...

      Discuter des alliances en l'état actuel des rapports de force, c'est se résoudre au ralliement.

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    6. sauf que pour moi il ne s'agit plus du FN mais du RBM et nous ne pouvons négliger 18 a 20 % de voix y compris si c'est un plafond de verre auquel je ne crois pas et sur lesquelles nous sommes d'accord a minima . Nous pouvons certes voir ce qui se passe en Grèce mais aussi au Danemark ou au Pays Bas

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    7. Ce que ne nous dit pas Laurent Pinsolle, où n'ose sans doute pas nous dire, c'est qu'il préférerait infiniment plus s'allier avec un Front de gauche fusse-t-il immigrationniste, définitivement utopique sur la question de l'Europe institutionnelle et de la monnaie unique, pétri de contradiction (au mieux) sur sa politique étrangère, réticent à l'idée même de mesures protectionnistes puisque contrevenant à son corpus idéologique même, fondamentalement internationaliste (une utopie chassant l'autre) ; qu'avec un Front national dont DLR partage pourtant l'essentiel des éléments programmatiques !

      Et cela pourquoi en réalité ? Parce que Laurent Pinsolle aurait lu un article du Monde en 1992 qui aurait façonné sa personnalité et l'aurait décidé à le combattre par tous les pores de sa peau ?

      Rappelons à toute fin utile que Le Monde est un des organes centraux de propagande détenu actuellement par l'un des directeurs généraux de la Banque Lazard - soit en dernière instance par la ploutocratie financière et mondialiste destructrice des nations et éradicatrice des identités et des peuples - qui a soutenu méthodiquement, notamment sur la scène internationale depuis plus près de vingt, l'ensemble des entreprises aux prétextes humanitaires mensongers d'ingérence armée partout à la surface du globe. Et cela en perspective de quoi, de sauvegarder et d'étendre les intérêts essentiellement de la puissance américaine ? Positionnement très gaullien assurément.

      Laurent Pinsolle se moque grossièrement du monde, et tout cela risque de virer à l'imposture la plus totale.

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    8. Question tout de même à son intention : si jamais Dupont-Aignan tentait malgré tout cette main tendue voire cette alliance que beaucoup juge nécessaire vu le contexte prédominant, en passant donc outre vos jugements et condamnations sentencieuses, qu'elle serait votre attitude ?

      Jugeriez-vous devoir moralement quitter ce mouvement, peut-être pour rallier nos chers internationalistes issus de la gauche radicale bien sous tous rapports (qui ont seulement cautionné il est vrai des régimes politiques et figures historiques responsables au bas mot de plus de 50 millions de morts la plupart civils), et dont l'actuel mentor Mélenchon fut un des ardents promoteurs de la votation du Traité de Maastricht ??!

      (on est jamais mieux servi que par ses amis)

      http://www.pcf-smh.fr/Jean-Luc-Melenchon-Maastricht-est.html

      Ici l'objet de la forfaiture, et le témoignage devant l'histoire de son incompétence politique crasse, voire certainement dangereuse vu le degré d'aveuglement idéologique :

      http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/annexe_pv_23juin1992.pdf

      De surcroit :

      http://www.youtube.com/watch?v=6BkWods3CUY

      Interrogé sur l’agression lâche et stupide que subit Nicolas Dupont-Aignan lors de son soutien apporté aux grecs l'hiver dernier, le petit père sans peuple et sans moustache (mais fréquentable lui manifestement) déclara:

      "…il lui revient de savoir que personne parmi nous n’aime la confusion des genres politiques. Il aurait dû y penser. Il aurait dû organiser sa présence de son côté avec les militants de son parti. Personne ne les aurait empêchés de le faire. Mais venir au milieu des nôtres, comme s’il était chez lui : non. Ce n’est pas raisonnable pour lui de ne pas l’avoir compris tout seul. Aucun de nous n’a envie de donner prise aux insupportables amalgames qui font les délices de la presse « oui-oui » qui met dans un même sac « souverainiste » ou « populiste » tout ce qui s’oppose à leur cruel aveuglement. Et devant le martyr des Grecs nous mettons en cause le capitalisme de notre époque, français, allemand et nord-américain en particulier. Pas les billevesées des frustrations nationalistes. Nous ne voulons pas être récupérés. Nous sommes internationalistes."

      Monsieur Pinsolle très sincèrement, croyez-vous que c'est en vous soumettant intégralement à la doxa dominante, en appréhendant les rapports de force politique à travers essentiellement la grille de lecture et référentiel idéologique de vos adversaires - ou a tout le moins des adversaires de la grandeur de la France, soit de la France elle-même - que vous arriverez à restaurer l'idéal gaulliste ?

      Choisis ton camp camarade.

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    9. @ Patrice Lamy,

      En Serbie aussi pourquoi pas :

      http://www.lexpress.fr/actualites/2/monde/le-nationaliste-nikolic-remporte-la-presidentielle-serbe_1116616.html

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    10. Mon point de vue en tant que simple citoyen.

      Pas d'accord avec vous tous.

      D'abord il est absolument pas question d'alliance (non merci dans l'état actuelle pour ma part) mais de simple dialogue. Je pense que ca doit autant être valable pour le FN (qui doit vraiment évoluer vers beaucoup plus de respectabilité et arrêter le rejet et la haine de l'autre) que pour le Front de Gauche (qui doit arrêter d'être favorable à l'euro et de taper sur les nations). Pourquoi s'interdire de dialoguer? Moi je pense profondément qu'on peut vraiment faire évoluer les gens.

      Au niveau internationale il n'y a plus de dialogue constructif entre la France et la Russie. Pensez vous qu'il est sain que la France ne fléchisse pas sur la politique de la Russie? On en voit le désastre aujourd'hui. Personnellement le FN c'est tout sauf ma tasse de thé mais je préfère que le FN (qui semble être à la veille d'une métamorphose) évolue plutôt qu'il reste dans sa xénophobie et son rejet (ce qui est je le rappel les fondamentaux du FN depuis toujours). Pendant l'entre deux guerre De Gaulle rassemblait aussi bien dans la résistance des communistes que des gens de l'action française.

      De mon point de vue, il n'y avais rien de pire pendant les campagnes électorales que la haine du FN envers le FG et de celle du FG envers le FN. Ça n'a aboutit qu'a une escalade de haine insupportable.

      Bref il faut rassembler tout le monde et arrêter l'autisme. Ça n'implique pas d'être d'accord avec tout. Avoir un dialogue sur tout avec tout le monde me semble bien.

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    11. @ Julien

      Vous préjugez bien mal :

      http://www.gaullistelibre.com/2012/04/le-pen-melenchon-limpasse-de-la.html

      Si je fais de la politique, c'est parce que je pense que les Français ont besoin d'une alternative aux politiques menées par l'UMP, le PS, le Modem, les Verts... Pour moi, il y a trois voies possibles : le FN, le FG et un DLR qui aurait grandi. Si je milite au sein de DLR, c'est justement parce que je ne veux pas que la France choisisse entre FG et FN pour sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes. Si je souhaitais une alliance entre DLR et le FG, je militerai au FG.

      Il se trouve que je suis gaulliste, pas communiste, ni anti-capitaliste, encore moins internationaliste. Donc, pour moi, même si certaines réflexions sont communes (mais c'est aussi vrai avec d'autres partis), je ne suis pas du tout favorable à une telle alliance. Je crois qu'il faut faire émerger une voie alternative gaulliste, centrale, qui aura vocation à rassembler, du MRC / M'PEP aux MPF républicains.

      http://www.gaullistelibre.com/2012/05/pour-gagner-lalternative-doit-etre.html

      Si les alternatives restent confinées aux extrêmes ou à des partis radicaux, alors, l'alternance risque de continuer entre PS et UMP, pour le malheur des Français. Je crois que l'originalité de la voie gaulliste de DLR est justement d'offrir une alternative raisonnable et républicaine.

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  3. Le problème ne date pas d'hier :

    In our view, the political pressures for excessive foreign borrowing tend to be more acute in economies with extreme inequalities of income. In such economies, the pressures for redistributive policies tend to be greatest, while the ability of the wealthy to resist the pressures for income redistribution also tend to be strong given their significant command over economic and political resources in the country.

    Structural Explanations of Country Performance

    http://www.earth.columbia.edu/sitefiles/file/about/director/documents/DebtCrisisStructuralExpCountryPerformance1988.pdf

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