vendredi 14 septembre 2012

Le verrou de Karlsruhe


Comment interpréter la décision de la Cour de Justice de Karlsruhe ? S’agit-il d’une étape clé dans la construction de l’Europe fédérale voulue par Barroso, ou un simple épiphénomène prévisible, qui, au contraire, rend la crise de la zone euro totalement insoluble.

Un autre regard sur cette décision

Beaucoup se sont contentés de se féliciter de l’accord de la cour constitutionnelle allemande. Il faut dire qu’une décision négative aurait sans doute provoqué une énorme crise qui aurait pu aboutir à la fin de la monnaie unique. Car si l’Allemagne n’avait pas pu y participer, alors le fonds perdait son principal soutien financier et ne pouvait tout simplement pas se mettre en place, puisqu’il fallait réunir 90% du capital et que Berlin assume plus d’un quart des fonds apportés.

Mais le jugement rendu par les juges allemands lie les mains des futurs gouvernements de manière assez stricte puisqu’il sera impossible à Berlin d’aller au-delà de l’engagement actuel sans passer par un vote du Parlement. On souhaite bien du plaisir à un premier ministre qui souhaiterait demander une rallonge financière pour le MES ! En clair, la cour de Karlsruhe met une limite aux engagements financiers  de l’Allemagne vis-à-vis des fonds européens.

Et cela n’est pas neutre car aujourd’hui, le MES ne dispose pas d’un arsenal suffisant pour affronter un refinancement massif de l’Espagne et plus encore de l’Italie. Les besoins de financement de ces pays, additionnés aux engagements précédents, dépassent de loin les montants que le MES a à sa disposition. En outre, la cour de Karlsruhe a jugé que « l’Allemagne doit s’assurer d’une clause d’exemption si elle estime que ses intérêts ne sont pas pris en compte ».

Berlin, décideur de dernier ressort

Bien sûr, pendant ce temps, José Manuel Barroso évoque un projet de fédération et présente une forme d’union bancaire européenne. On pourrait alors être tenté de se dire que finalement le projet européen profite bien de la crise pour poursuivre son œuvre d’unification. La validation du MES par la cour de Karlsruhe et le futur vote du TSCG en France continuent à réduire la souveraineté des Etats tout en renforçant l’Etat central bureaucratique européen.

Mais cette interprétation des choses ne prend pas bien en compte la position de l’Allemagne. Le jugement de la cour de Karlsruhe bloque le montant des fonds que l’Allemagne pourra avancer au MES, sachant qu’il sera sans doute impossible de faire voter une augmentation à des élus sous la pression d’une opinion publique extrêmement remontée contre les plans de soutiens aux créanciers des pays en difficulté. On est bien loin du temps où on évoquait une augmentation du MES.

Et comment l’Allemagne pourrait-elle accepter une évolution de type fédérale alors qu’elle sait bien qu’elle risque d’être mise en minorité et donc de voir ses partenaires lui imposer de payer pour les autres. A ce titre, la récente décision de la BCE (même si elle est très limitée dans les faits), prise contre l’avis de la Bundesbank a bien rappelé à nos voisins d’outre-Rhin tous les dangers d’une évolution fédérale. A ce titre parler de clause d’exemption est très intéressant.

Etant donnée son histoire, comme je le disais en 2010, il est probable que l’Allemagne ne voudra prendre l’initiative de la déconstruction de l’euro. Cela explique peut-être en partie la décision de la cour de Karlsruhe. Mais elle place des bombes à retardement qui finiront bien par exploser…

9 commentaires:

  1. Bien vu,

    Pour moi le projet européiste fédéral se nourrit de la crise pour avancer, c'est évident. On nous sort "il n'y a qu'une planche de salut, + d'Europe"... Et ils en profitent pour aspirer les souverainetés nationales.

    Et dans le même temps l'Allemagne, qui auparavant a profité abondamment du projet européiste via l'euro unique, freine désormais voyant que les avantages pourraient être moins élevés que les pertes.

    La France fait l'inverse, elle joue contre elle depuis 30 ans. La politique française n'a aucun sens. Notre intérêt d'être souverain à 100%, c'est une monnaie nationale, notre Banque de France et du protectionnisme intelligent. On voit nos élites PS et UMP agir comme si la France était un Lander Allemand, veulent les imiter et en plus donner notre souveraineté. Ça n'a aucun sens, De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

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  2. Oui c’est un refrain connu. L’Allemagne veut sauver l’euro parce qu’elle ne veut pas avoir des voisins qui aient des monnaies dévaluées par rapport au Deutsche Mark (malgré la rationalité économique qui indique des économies très divergentes ne peuvent pas avoir le même taux de change monétaire) mais en voulant limiter ses dépenses pour ce sauvetage. Ca ne pourra pas marcher, on ne sauvera pas l’euro en dépenses limitées pour l’Allemagne. D’autant que la France finira par s’ajouter à la liste des pays en crise devant être aidés.

    http://www.jpchevallier.com/article-balance-des-paiements-juillet-france-110009206.html

    Je donne encore un maximum deux ou trois ans d’existence à la zone euro grâce aux « mesures anti-crises » de la BCE, du MES, etc., sans lesquelles sa fin serait déjà intervenue. Et comme on aura retardé cette fin par des mesures inappropriées, celle-ci sera bien pire, dixit Nouriel Roubini :

    http://www.project-syndicate.org/commentary/early-retirement-for-the-eurozone-by-nouriel-roubini

    Saul

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  3. Bonjour Laurent,

    J'ai écris une série d'article (3) sur le tournant de la rigueur socialiste :
    http://et-pendant-ce-temps-la.eklablog.com/le-choix-de-francois-a50568040

    Dans la même ligne éditoriale que la tienne.

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  4. Il serait temps de réagir :

    La Chine a annoncé mercredi 12 septembre une série de mesures pour soutenir les exportations, dont la croissance a beaucoup diminué cette année sur fond de difficultés sur ses principaux marchés, notamment en Europe.

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/12/la-chine-va-aider-ses-exportateurs_1759137_3234.html

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  5. Hé hé... Attali est de tous les bon coups :

    "Ce que je souhaiterais, cher Jacques Attali, c'est que vous puissiez donner une traduction concrète à vos travaux" via un "rapport sur l'économie positive et responsable", a dit François Hollande. Il a souhaité que ce rapport soit remis lors de la prochaine réunion du LH Forum, soit dans un an.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/social/20120913.FAP8202/hollande-demande-a-attali-un-rapport-sur-l-economie-positive.html

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  6. @ Florent

    Très juste sur la France qui joue contre elle-même, la gauche par un internationalisme béat, la droite par paresse intellectuelle / libéralisme instinctif.

    @ Saul

    Tout à fait.

    @ Comas81

    Merci pour l'info. Il faut que je vous inclus dans ma blog liste.

    @ Olaf

    Et pendant ce temps, nous ne faisons rien. C'est hallucinant.

    Non, Hollande a demandé un rapport à Attali, comme Sarkozy !!!

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    1. Eh voui...le changement c'est pas pour tout de suite.

      Je propose à Hollande d'embaucher Minc pour compléter la brochette de ses conseillers.

      Avec de plus, les patrons de boites francaises qui pédalent dans la semoule :

      "On a vu qu’en France :

      - la situation de l’industrie et du commerce extérieur se dégrade depuis 2000 ;
      - la productivité globale des facteurs stagne puis recule depuis 2000 ;
      - les salaires réels ne réagissent plus à la situation du marché du travail depuis
      la fin des années 1990 ;
      - la profitabilité des entreprises et leur capacité à financer leurs investissements
      reculent depuis 2001 ;
      - le niveau de gamme de la production industrielle diminue depuis la fin des
      années 1990."

      http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=65866

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    2. Attention tout de même avant de m'apporter votre caution, je suis militant front de gauche. lol.

      Mais peut-être aurions nous pu militer ensemble si chevênement avait eu 30 ans de moins

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  7. @ Comas81

    Ce n'est pas un parti qui me pose problème (contrairement à l'autre Front :-)), même s'il y a des désaccords. Et puis, je sais qu'il y a des opinions différentes.

    @ Olaf

    Bien vu. Il pourrait aussi rappeler Jouyet, Besson et Kouchner !

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