Il y a
exactement 20 ans, je plaçais mon premier bulletin dans l’urne. Convaincu par Philippe
Séguin et Jean-Pierre Chevènement, c’était un « non » de
conviction. Si la monnaie unique a vu le jour, les
Français regrettent aujourd’hui leur choix mais ne sont pas encore convaincus
par le démontage de l’euro.
Une
première bataille gagnée
Bien sûr, le
sondage du Figaro indique que 65%
des Français ne souhaitent pas abandonner la monnaie unique. Néanmoins, la
situation a beaucoup changé en seulement trois ans : en 2009, on
nous répétait encore en boucle que l’euro nous avait protégé pendant la crise.
Aujourd’hui, même ses défenseurs les plus farouches ont reculé et préfèrent
faire peur en affirmant qu’une sortie serait calamiteuse plutôt que de
défendre la pertinence du passage à l’euro.
Il faut dire
la littérature expliquant précisément pourquoi la monnaie unique est mauvaise
pour les pays européens s’accumule de plus en plus. Je
participe à ce débat fréquemment. Mais des économistes comme Jacques Sapir
(dont
le dernier papier mémystifie les arguments des partisans de la monnaie unique),
ou même Paul Krugman, « prix Nobel d’économie », dans
son dernier livre, donnent crédibilité et pédagogie à la critique de
l’unification monétaire européenne.
Résultat, les
Français regrettent l’adoption du traité de Maastricht. Pas
moins de 64% des citoyens voteraient « non » aujourd’hui, un
immense signe de défiance qui montre que la France regrette son choix de 1992.
Tous les voyants sont au rouge pour l’Europe : 76% pensent que l’Union
Européenne n’agit pas de façon efficace contre la crise, 67% pensent que
l’Europe va plutôt dans la mauvaise direction. 45% pensent que l’euro est un
handicap contre 23% un atout.
La
bataille qu’il faut encore gagner
On peut
notamment citer le travail remarquable de Jonathan Tepper, qui
a étudié la fin d’une centaine d’unions monétaires au 20ème siècle
et dont les conclusions sont formelles : le démontage d’une monnaie
unique est quelque chose que nous maitrisons, qui ne provoque pas de
catastrophe économique, bien au contraire, puisque cela relance la croissance
très rapidement. Jacques
Sapir et Patrick
Artus ont également publié de nombreux papiers démontrant l’intérêt d’une
sortie.
C’est pour
cela qu’aujourd’hui, il faut utiliser ce matériel pour gagner définitivement la
bataille de l’opinion. Nous avons deux messages à passer. Tout d’abord,
dédramatiser le démontage d’une monnaie unique, qui
a eu lieu fréquemment dans le passé. Ensuite, bien expliquer comment
cela peut avoir lieu concrètement et bien rassurer sur le fait que cela ne
signifie pas la fin de l’Europe car on cela peut permettre de réorienter le
projet européen dans une direction radicalement différente.
Tout à fait d'accord avec votre point de vue, il faudrait désormais se concentrer sur la sortie de l'euro, distiller peu à peu l'idée que c'est possible, que ce ne serait pas l'apocalypse, que cela peut avoir de nombreux avantages pour la France, mais pour d'autres aussi, notamment les pays du Sud.
RépondreSupprimerCe sondage confirme bien, dans la lignée de 2005, qu’il y a déconnection complète entre l’opinion des élites sur l’Europe, matraquée dans les médias, et l’opinion de la majorité des gens.
Donc je crois que les opposants ne devraient plus perdre de temps et gaspiller leur faible exposition médiatique à essayer de convaincre que l’austérité nous mène dans le mur, ou que l’euro nous pénalise. On ne convaincra pas Apathie, Quatremer and co de toute façon, et surtout ça n’a pas d’intérêt, les français ont bien compris tout ça.
Il faut donc consacrer toute l’énergie désormais à rassurer les français sur le fait qu’une autre Europe, sans euro, est possible et même souhaitable et ne conduirait pas au chaos.
Mais si Nico, il faut tenter de convaincre encore et toujours et les uns et les autres. On ne convaincra peut-être pas Aphatie ou Quatremer, mais des gens comme Joffrin ou Daniel Cohen ont déjà à moitié (à moitié, certes) viré leur cuti et c'est important. Comme disait Laurent dans un précédent papier, le problème est de toucher le segment "central" de la société et par conséquent d'arriver à faire comprendre que les opposants peuvent très bien se situer dans cet axe-là aussi (sans négliger les classes populaires pour autant, mais celles-ci sont déjà largement en sécession).
SupprimerEncore bravo pour la série d'articles (l'euro stop ou encore) sur le blog. C'est du lourd, comme disent les sportifs.
Je signale, par ailleurs, ce très intéressant entretien de Marcel Gauchet sur le "trou d'air" hollandais (http://marcelgauchet.fr/blog/?p=1892). Très intéressant parce qu'il fait bien la part des choses entre ce qui est de l'ordre du structurel dans une période où les médias fonctionne sur le mode déstabilisant de l'alerte permanente et du conjoncturel avec l'absence anxiogène de cap véritable chez un président pour qui les actions nécessaires à mener contredisent les convictions initiales.
Emmanuel B
Oui, et pourtant cela n'a rien changé! Il n'y a eu aucun homme politique qui ait eu l'audace suffisante pour persévérer dans un combat victorieux. Que ce soit Séguin, Chevènement, et même Fabius en 2005. Peut-être Nicolas Dupont-Aignan en 2017?
RépondreSupprimerL'activité dans le secteur privé français a enregistré en septembre son plus fort repli depuis avril 2009, accélérant sa contraction tant dans l'industrie manufacturière que dans les services, selon l'indice PMI publié jeudi par le cabinet Markit.Selon cette première estimation, l'indice composite de l'activité globale en France est tombé à 44,1 points, contre 48 points en août, bien au-dessous du seuil des 50 points qui marque la frontière entre périodes d'expansion et de récession.
RépondreSupprimerhttp://www.20minutes.fr/economie/1007063-france-secteur-prive-enregistre-septembre-plus-fort-repli-depuis-avril-2009
http://www.jpchevallier.com/article-pmi-aggravation-de-la-crise-en-france-en-septembre-110332211.html
Donc, aux bons soins du gouvernement socialiste après avoir été aux bons soins du gouvernement UMP, la France s'enfonce de plus en plus et de plus en plus rapidement. Il ne reste plus qu'à attendre les bons soins de la « troïka » pour le coup de grâce.
Saul
On avait et on a toujours raison, mais ne nous sommes pas une minorité face au mainstream?
RépondreSupprimerMon espoir: nos états (en Europe) ont mis mille à deux mille ans à se construire, à articuler une identité pour chaque pays, et même à l'intérieur d'un pays (régions). Il serait impossible, à mon avis, de les mettre sous la tutelle d'un monstre dirigiste dont l'idéologie fondamentale serait l'économie néolibérale ou même ultralibérale. Les peuples ne l'accepteraient pas. D'ailleurs, interrogez les gens dans la rue pour savoir en quoi consiste "l'identité européenne" - je garantis un black out total.
J'ai TOUJOURS voté contre l'Europe depuis Maastricht. Inclus. Jusqu'en 2005. Inclus. Sur quoi on m'a volé mon vote. Je ne le pardonnerai jamais. JAMAIS.
RépondreSupprimerSancelrien
On en parle bien peu, mais les conséquences géostratégiques de la catastrophe économique européenne seront dramatiques :
RépondreSupprimer« D'ici quelques années, un simple calcul permet de prédire que nombre d'Etats membres seront incapables d'entretenir des composantes essentielles de leurs forces nationales, à commencer par l'armée de l'air », estime le général suédois Hakan Syren, le président du Comité militaire de l'UE.
Source : http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/09/20/l-europe-menacee-de-marginalisation-militaire_1762611_3214.html
YPB
@ YPB,
SupprimerQuand vous savez que les uniformes (passons) mais que les munitions mêmes des fusils d'assaut de l'armée française sont fabriquées à l'étranger, il vous vient l'envie de botter furieusement le c... aux incapables qui nous gouvernent.
Tant que nous n'aurons pas remis en question le véritable dogmatisme qui consacre le libre-échange mondial, qui pousse par rationalité économique à délocaliser tout ou partie de la production de biens manufacturés, et partant au chômage de masse et à l'endettement croissant, rien de fondamental ne pourra changer et nous continuerons de nous enfoncer lentement mais surement. Pour le plus grand bonheur d'autres puissances en expansion.
D'accord avec vous Julien @YPB . Je considère que celui qui délocalise totalement est un traître à sa patrie , de même type qu'un déserteur . Il doit passer devant une cour de justice pour répondre de ses actes. C'est toute la pensée de Charles de Gaulle qui a été trahie ! Celui qui ne comprend pas cela est un corrompu !
RépondreSupprimerVous n'avez rien compris!
SupprimerMais vous avez raison,
"C'est toute la pensée de Charles de Gaulle qui a été trahie"
Vous êtes "corrompu".
@ Emmanuel B
RépondreSupprimerIl est toujours utile d’essayer de faire évoluer quelques leaders d’opinion pour faire craquer le front pro-euro. Quelques économistes (Artus, Aglietta, Sterdyniak…) ne semblent pas loin de franchir le pas.
Merci pour le lien vers le papier de Marcel Gauchet.
@ Cording
Il faut du temps pour s’imposer.
@ Saul
Complètement d’accord.
@ Lohengrien
Complètement d’accord. L’UE finira dans les poubelles de l’histoire. Ce n’est qu’une question de temps.
@ Sancelrien
Vous avez bien raison.
@ YPB
Merci pour le lien.
@ Exvil
Pas d’accord pour les délocalisations. Dans le cadre dans lequel nous sommes, certaines entreprises ne peuvent pas faire autrement. C’est triste à dire. Mais on le voit bien avec PSA, qui a beaucoup moins délocalisé que Renault (44% de sa production en France contre 23% pour l’ancienne régie). Ce sont aux politiques de créer un cadre qui ne soit plus favorable aux entreprises qui délocalisent.
Le piège s'est refermé!
RépondreSupprimerSéguin n'était ni protectionniste,ni contre la concurrence,ni favorable à la "monétisation",encore moi raciste!
En somme il était fidèle au génial Général,et comme lui il avait cette faculté de se "souvenir" de l'avenir(qualité partagée par les hommes d'Etat).
"Bref,quand,du fait de l'application des accords de Maastricht,notamment en ce qui concerne la monnaie unique,le coût de la dénonciation sera devenu exorbitant,le piège sera refermé et,demain,aucune majorité parlementaire,quelles que soient les circonstances,ne pourra raisonnablement revenir sur ce qui aura été fait.Craignons alors que,pour finir,les sentiments nationaux,à force d'être étouffés,ne s'exacerbent jusqu'à se muer en nationalismes et ne conduisent l'Etat,une fois encore,au bord de graves difficultés,car rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s'exprime sa liberté,c'est à dire son droit imprescriptible à choisir son destin"
Discours "de Maastricht".
Honte à NDA!
Gloire à Séguin.
PS:Chevènement?
Je reprendrais le bon mot de Max Gallo;
"Il parle comme de Gaulle,il agit comme Guy Mollet".
Chevènement finit toujours par retrouver le chemin de l'étable socialiste,pour continuer à brouter à son râtelier.
A la lecture de votre commentaire j'en conclus que vous ne connaissez ni De Gaulle, ni Séguin ni NDA...
SupprimerDe Gaulle était raciste?
SupprimerProtectionniste?
Contre la concurrence?
Pour les expédients monétaires?
Si vous voulez donner des leçons de gaullisme commencez par essayer d'écrire correctement de Gaulle...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerAlain Minc ne savait plus quoi dire face à Polony dans ONPC quand elle lui a sorti une question sur la loi 73... Bien embêté il l'a traité d'imbécile grosso-modo et vite esquivé.
RépondreSupprimerComment faire pour casser cette endoctrinement pro-euro ? Il faudrait que Sapir et Murer remplacent les "économistes" abonnés des émissions TV...
Sur la monnaie je lisais ce commentaire à un article d'un journal quebecois, je trouve que c'est un bel exemple de monnaie inadapté à une économie:
RépondreSupprimer"De 1964 à 2004, la contribution des entreprises aux recettes fiscales du Québec est passée de 38% à 12% et n’a cessé de décroître depuis ce temps. (...)De plus, nous les gavons de subventions faramineuses. (...)
Nos industries manufacturières sont de moins en moins rentables à cause d’un dollar canadien gonflé au pétrole des sables bitumineux. Pour être compétitif avec les USA, notre dollar doit être entre 85c et 90c du dollar us. (on est actuellement à la parité....) Il nous reste donc l’impôt des particuliers. Ou avoir un dollar québécois qui nous permettrait d’être plus concurrentiel."
Je connaissais pas cet exemple de mauvaise gestion de la monnaie. C'est presque comme l'Euro, mais dans ce cas pas d'Allemagne mercantiliste juste des sables bitumeux d'Alberta qui font monter le dollar canadien détruisant la compétitivité des vieilles industries du Quebec ou de l'Ontario. Comme quoi il n'y a pas que l'Euro comme monnaie unique mal fichue...
red2
En fait ce phénomène est connu sous le nom du « syndrome hollandais », en référence au déclin manufacturier qui s'est produit aux Pays-Bas après l'explosion des exportations de gaz naturel dans les années 1970 et commence à faire débat au Canada:
Supprimerhttp://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2012/05/30/005-etudes-pembina-macdonald-laurier-sables-bitumineux.shtml
L'analogie avec la zone Euro en remplacent les sables bitumeux ou le gaz Hollandais par l’économie allemande me semble frappante. les Allemands doivent reconnaître que leurs réussite économique en faisant monter l'Euro rend impossible la compétitivité de certains autres pays ne bénéficiant pas des mêmes niches commerciales et de la même efficacité économique.
red2
Bravo Laurent pour cet article de vérité.
RépondreSupprimerOui vous aviez raison il y a 20 ans, contre la doxa de l'époque.
Alex B