mercredi 31 octobre 2012

Le bien mauvais débat sur la compétitivité


Compétitivité, compétitivité : ce mot est devenu depuis quelque semaines l’alpha et l’omega du débat politique, à gauche comme à droite, ainsi que dans tout le petit monde médiatique. A quelques jours de la publication du rapport Gallois, faute est de constater que le débat n’est pas à la hauteur.

Un malaise politique

Quelque part, il est étonnant que ce débat n’ait pas émergé plus tôt : la dégradation de notre commerce extérieur n’est pas nouvelle. Si notre déficit atteint 70 milliards d’euros aujourd’hui, il était déjà de la moitié il y a cinq ans (et à l’équilibre il y a 10 ans). Du coup, il est un peu risible de voir l’UMP sommer le PS de prendre des mesures pour améliorer la compétitivité du pays après avoir tellement sommeillé que la seule mesure prise était applicable à la rentrée 2012

De son côté, le gouvernement semble mal à l’aise dans ce débat et on se demande ce qui lui est passé par la tête de demander un rapport à Louis Gallois, braquant les projecteurs des médias sur un sujet où il n’a pas grand chose à dire et ne semble pas vouloir faire grand chose non plus. Du coup, François Hollande a été contraint de dire, avant même sa publication, qu’il n’appliquerait pas sa recommandation principale, à savoir une baisse des charges de 30 milliards.

Pourtant, la pression sur le gouvernement est forte puisqu’une association de grands patrons, a présenté ses propositions dans le JDD : baisse des dépenses publiques de 60 milliards en cinq ans, baisse des cotisations sociales de 30 milliards en deux ans en partie financée par une hausse de la TVA. En fait, le PS est coincé dans un paradoxe car il accepte le cadre mondialisé qui créé le problème de compétitivité tout en rechignant aux mesures qui en découlent, souvent antisociales.

La compétitivité en perspective

mardi 30 octobre 2012

Faut-il remonter la TVA dans la restauration ?


Nicolas Sarkozy avait baissé la TVA pour la restauration de 19,6 à 5,5%, avant d’être remontée à 7%. Un rapport parlementaire recommande de la remonter encore à 11 ou 12%, s’attirant les foudres de la profession, qui annonce des conséquences dramatiques pour l’emploi. Que faire ?

Un bilan en demi-teinte

Le bilan de la baisse de la TVA pour la restauration n’est pas brillant. Lors de l’annonce de cette baisse, réclamée à corps et à cri pendant le mandat de Jacques Chirac, la profession avait promis une baisse des prix et de nombreuses embauches qui ne se sont que très partiellement réalisées. Pour être honnête, il faut rappeler que cette baisse de la fiscalité est tombée en même temps que la plus grave crise économique depuis quatre-vingt ans, ce qui explique sans doute cela…

On peut raisonnablement penser qu’en l’absence de cette baisse de la TVA, de nombreuses affaires auraient fermé, licencié ou augmenté les prix. Il est bien évident que l’ampleur de cette aide fiscale au secteur de la restauration a permis des embauches supplémentaires, sans doute des rénovations de restaurants qui n’étaient pas possibles et quelques baisses de prix ciblés. Néanmoins, elle est également venue nourrir les profits de quelques grandes chaines…

Une réforme profondément injuste

Bien sûr, la restauration est un secteur lourdement taxé car il utilise beaucoup de main d’œuvre, et que les charges sociales pèsent sur le travail. Mais ce n’est pas le seul. D’innombrables activités, comme la distribution par exemple, ont les mêmes contraintes. Dès lors, pourquoi singulariser la restauration et lui accorder le taux de TVA des produits dits de première nécessité ? En effet, on ne peut pas vraiment dire que la restauration est une activité de première nécessité.

Il est bien évident que ce sont plutôt les ménages aisés qui vont au restaurant, quand les classes populaires n’ont clairement pas les moyens d’y aller. Pire, il est assez paradoxal de diminuer les taxes payés notamment par les touristes. Enfin, la restauration n’est pas une activité délocalisables où il existe un risque de départ des emplois ailleurs. Bref, en prenant un peu de recul, on se demande bien ce qui peut justifier que la restauration soit soumise à une TVA autre que 19,6%.

Pour une fiscalité simple et juste

lundi 29 octobre 2012

Jacques Sapir décrypte la crise européenne


Ces derniers jours, Jacques Sapir a publié une série de trois papiers (un, deux, trois) « Zone euro : sous les discours lénifiants, la crise continue de se développer » qui démontrent magistralement à quel point la situation reste instable, au contraire des discours du dernier sommet européen.

L’Europe du Sud étouffée

Dans le premier papier, il explique les causes de la crise de l’Europe du Sud. Il y a deux raisons principales : « la disparition du crédit » et les poitiques d’austérité. La disparition du crédit s’explique par le rapatriement par toutes les banques des capitaux qu’elles envoient dans les pays du Nord, certaines préférant même vendre leurs actifs grecs à bas coût pour ne plus être exposées. S’en suit une fuite colossale des capitaux qui ne permet plus de financer l’économie.

C’est ce que montre Jacques Sapir : l’investissement s’est effondré dans ces pays, passant de 31 à 20% du PIB en Espagne de 2007 à 2012 ou de 25 à 13% du PIB en Grèce, ce qui augure mal pour l’avenir. Il souligne également le rôle des politiques d’austérité, largement documenté aujourd’hui, et sur lequel il était revenu à l’occasion de l’étude du FMI qui démontrait que les politiques d’austérité en Europe ont un impact nettement plus néfaste sur la croissance.

Dans son second papier, Jacques Sapir montre l’ampleur de la fuite des capitaux puisque les dépôts de ménages sont passés de près de 200 milliards d’euros en 2010 à un peu plus de 125 aujourd’hui, privant l’économie des fonds nécessaires pour investir et croître. Les entreprises ont été encore plus radicales en coupant leurs dépôts de moitié depuis début 2010. Pire, il faut noter que le montant des crédits baisse fortement depuis le début de l’année, ce qui va aussi peser sur l’activité. Parallèlement, la consommation s’est effondrée d’un tiers depuis 2008 !

Des solutions illusoires

dimanche 28 octobre 2012

Hollande sous tutelle européenne


Entre l’Europe et le peuple, le PS a toujours choisi l’Europe, quelles qu’en soient les conséquences en terme de chômage notamment, comme en 1983 ou au début des années 1990. Le cru 2012 ne déroge pas à la règle, contrairement aux espoirs d’Emmanuel Todd, comme l’analyse bien Yohann Duval.



De la démondialisation à la marinière

Il y a un peu plus d’un an, Montebourg s’était fait l’avocat du protectionnisme, reprenant Sapir et Todd en défendant la démondialisation. Mais depuis, le soufflet est retombé, brutalement. En juillet, le ministre faisait encore mine de pouvoir faire reculer PSA sur la fermeture de l’usine d’Aulnay. La rentrée a sonné le glas des espoirs des ouvriers : il n’a pas hésité à faire un 180° en demandant aux syndicats d’être responsables ! NDA a bien raison de lui demander de se réveiller !

Récemment, il s’en est pris aux importations de voitures coréennes, qui taillent des croupières aux véhicules fabriqués en France. Il s’est attiré une réplique cinglante du commissaire européen au commerce, Karel De Gucht, dans une interview au Figaro, pour qui « son raisonnement ne tient pas la route (…) Je n’ai pas l’impression que M. Montebourg s’intéresse vraiment au long terme ». Le commissaire évoque l’accord de libre-échange avec la Corée en oubliant que le marché automobile coréen est vérouillé. Et l’excédent commercial de 300 milliards est totalement imaginaire.

Edgar, sur le blog La lettre volée, évoque aussi le cas de la fermeture de l’usine Electrolux pour souligner que les délocalisations ont souvent lieu au sein de l’Union Européenne, et notamment dans les pays de l’Est, où les salaires sont beaucoup plus bas… Mais ce n’est pas tout, le land de Basse-Saxe, actionnaire à 20% de Volkswagen, pourrait saisir la Commission pour remettre en cause la récente aide de l’Etat à PSA. Enfin, l’Europe menace l’exception culturelle qui protège notre cinéma, comme je l’avais évoqué au printemps, au nom d’un dogmatisme néolibéral effrayant.

La camisole budgétaire, c’est maintenant !

samedi 27 octobre 2012

Les conséquences du démontage de l’euro


Mardi 16 octobre, j’ai participé à un dîner-débat organisé par l’Académie du Gaullisme, en compagnie de Jacques Nikonoff, du M’PEP, pour parler des conséquences de la fin de l’euro. Plutôt que de refaire un papier fleuve sur le sujet, je vous propose les vidéos et des liens vers des papiers passés.


Le débat avec Jacques Nikonoff

Tout d’abord, je tiens à remercier l’Académie du Gaullisme et Georges pour l’invitation. Ma boussole politique, c’est le gaullisme et c’est donc un immense honneur de pouvoir intervenir en tant qu’invité, une reconnaissance qui me touche particulièrement. Ensuite, je tiens à remercier le M’PEP, Jacques Nikonoff et Valérie Coignard pour avoir filmé les débats et les avoir mis sur leur site (vous pourrez y trouver tous les échanges), ce qui me permet de mettre ces vidéos en ligne :



Intervention de Laurent PINSOLLE (DLR) au... par M-PEP
Laurent Pinsolle (DLR)- réponse à la salle 2 -... par M-PEP


Pour aller plus loin dans le débat*...

La première vidéo est un exposé d’une demi-heure sur les conséquences du démontage de la monnaie unique. J’y commence par revenir sur études qui prédisent des calamités économiques si cela arrivait pour au contraire démontrer à partir des cas de la Tchécoslovaquie, de l’Argentine et surtout, des travaux de Jonathan Tepper, que l’histoire économique démontre au contraire que la fin d’une union monétaire n’a rien d’exceptionnel puisqu’il y en a eu plus de cent au 20ème siècle.

Je poursuis par une étude plus approfondie des conséquences pratiques de la fin de la monnaie unique : comment cela se passerait-il concrètement ? Quelles seraient les conséquences pour notre taux de change, notre dette, notre inflation ? Vous pourrez retrouver des compléments à mon exposé dans ma série sur la faillite de l’euro (partie 1, partie 2, partie 3, partie 4) mais aussi dans le résumé du livre de Sapir sur le sujet (partie 1 et partie 2) ou du dernier livre de Paul Krugman.

Enfin, vous trouverez dans une seconde vidéo, une brève présentation du visage que pourrait prendre l’Europe demain, basé sur une série de papiers publiés sur mon ancien blog : « Une autre Europe pourquoi ? », « Une autre Europe, en-a-t-on seulement besoin ? », « Une autre Europe, ma contribution », « Une autre Europe, comment y arriver ? ». J’y traite également de la capacité pour les pays à mener des politiques différentes et notamment protectionnistes, en m’appuyant sur les exemples de la Malaisie, de l’Argentine, du Brésil ou de la Corée du Sud.


* il vous suffit de cliquer sur les liens qui renvoient à des articles plus détaillés

vendredi 26 octobre 2012

Obama-Romney : la campagne passe, les électeurs trinquent





Victimes de la crise

Les Etats-Unis sont dans une position paradoxale. Contrairement à 1984 (Reagan) ou 1936 (Roosevelt), la reprise n’est pas suffisamment forte pour assurer la réélection automatique du président sortant. Mais de l’autre, elle est tout de même suffisamment forte pour éviter une défaite similaire à celles de 1980 (Carter) ou 1992 (Bush Sr). Même si tout n’est pas brillant, le taux de chômage est tombé sous le cap des 8% (moins que quand Obama est arrivé) après avoir flirté avec les 10%.

La croissance devrait atteindre 2% en 2012. Mieux, la forte reprise du marché immobilier, depuis cette année, pourrait bien soutenir l’économie étasunienne pour quelques années puisque le nombre de mises en chantier, extrêmement faibles depuis quatre ans, se redressent fortement (+35% en septembre). Cependant, tout n’est pas rose outre-Atlantique, comme le rappelle utilement ce graphique de The Economist. En effet, la baisse du taux de chômage est en bonne partie artificielle.

La part de la population employée a en effet baissé de plus de 4 points depuis 2007 et n’a absolument pas progressé depuis. En effet, l’économie étasunienne a perdu 9 millions d’emplois pendant la récession et n’en a créé que 4,3 millions depuis 2010, soit une perte qui reste encore supérieure à 4 millions, aggravée par la croissance de la population. Pire, le revenu réel moyen des ménages a baissé de plus de 8% depuis 2007, tombant au niveau du milieu des années 1990.

Une très mauvaise campagne


jeudi 25 octobre 2012

Affaire Kerviel : un verdict politique ?


Hier, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance d’il y a deux ans à l’encontre de Jérôme Kerviel. L’ancien trader de la Société Générale est donc condamné à cinq ans de prison dont trois fermes et à 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts, à moins d’un pourvoi en cassation.

Un jugement à sens unique

Bien sûr, il est totalement normal que Jérôme Kerviel écope d’une peine, et même d’une peine très sévère. Il a falisifié des documents pour enfreindre les règles de son entreprise et lui a fait prendre, in fine, des risques colossaux puisqu’il aurait tout simplement pu la mener à la faillite en jouant sur des sommes équivalentes au double des fonds propres de la banque. Il est normal qu’il écope d’une peine sévère, de même que les banquiers des caisses d’épargne il y a 20 ans aux Etats-Unis.

Comme l’écrivait The Economist il y a deux ans : « la sentence est dure (…) La somme dénie son argument selon lequel la banque partage une partie de la responsabilité de ses placements parce qu’elle n’avait pas agi de la sorte quand ses positions étaient positives. Heureusement pour la Société Générale, cela rend plus difficile pour ses actionnaires de la poursuivre ». L’hebdomadaire dénonçait « son faible contrôle qui a permis à un employé relativement jeune de faire des paris supérieurs en montant à la capitalisation de la banque » et évoquait une amende pour manque de suivi

En effet, le fait de le condamner (virtuellement) à payer l’intégralité des sommes qu’il aurait perdues revient de facto à lui attribuer 100% de la responsabilité. Sans nier son rôle (qui doit être sévèrement condamné), il est un peu fort de café de paraître exonérer totalement la banque de toute responsabilité dans cette affaire. Certes, il était sans doute habile, mais il était seul dans un établissement de plusieurs dizaines de milliers de salariés, dont certains étaient chargés de le surveiller.

Une triple responsabilité niée

mercredi 24 octobre 2012

Halte à la saignée de l’Europe du Sud !


Cela fait déjà plus de deux ans que des économistes de tout bord, ou que sur ce blog, les dangers des politiques d’austérité sont décryptés. Malheureusement, l’Espagne, le Portugal et la Grèce poursuivent des politiques suicidaires, comme même The Economist le reconnaît, après le FMI

L’austérité sauvage, cela ne marche pas



Bien évidemment, on connaît les ravages des politiques d’austérité en matière de chômage (qui a triplé, de 7/8% en 2008 en Espagne et en Grèce à environ 25% aujourd’hui), ou en matière de pouvoir d’achat et de couverture sociale. Ces conséquences devraient déjà à elles seules faire réfléchir les Attila de l’austérité (dont certains se disent « socialistes » - sic-) et les faire s’interroger sur l’immense coût social de cette austérité qui provoque des millions de drames humains.

En plus, ces politiques ne sont même pas efficaces pour atteindre leur objectif premier, à savoir la baisse du déficit budgétaire. En effet, si l’on observe l’évolution des déficits de 2009 à 2012, on constate qu’ils ont baissé de 4 points du PIB aux Etats-Unis (11,6 à 7,6%), de 4,2 points au Portugal (10,2 à 6%) et de 4,5 points en Espagne (de 11,2 à 6,7%), soit des chiffres comparables, d’autant plus que les estimations ont tendance à être révisées à la hausse pour les deux derniers (l’OCDE prévoyait encore 4,6 et 5,4% en juin) et à la baisse pour le premier (8,3% prévu en juin).

Bref, les Etats-Unis obtiennent la même baisse de leur déficit budgétaire que l’Espagne et le Portugal en évitant, au niveau fédéral, les coupes massive dans les dépenses ou les hausses punitives des impôts, tout simplement parce que cela permet de conserver de la croissance. Au contraire, les politiques monstrueuses mises en place en Europe, en plongeant les économies dans la récession, annulent la majeure partie des effets qu’elles souhaitent avoir. Tout le monde y perd !

A quand le changement ?

mardi 23 octobre 2012

Quand l’Europe veut s’attaquer à la Sécurité Sociale


L’information a circulé de manière relativement discrète, via Médiapart : un nouveau projet de la Commission Européenne peut été interprété comme un nouveau pas vers la privatisation de la Sécurité Sociale, même si les autorités bruxelloises s’en défendent. Une évolution aussi prévisible que condamnable.

La « réforme », à la manière européenne

Il faut remercier Médiapart pour avoir informé les citoyens des méandres législatives de cette directive de décembre 2011 sur la passation des marchés publics, qui, dans son annexe 16, « propose d’appliquer aux services de sécurité sociale obligatoire certaines règles propres aux marchés publics. En clair, introduire des mécanismes de concurrence au sein d’un secteur jusqu’à présent régi par le seul principe de solidarité », comme le rapporte le site d’information, repris ici.

Mais le plus incroyable est la suite des évènements. Naturellement, une partie des élus, notamment de gauche, a condamné cette annexe qu’ils déclarent ne pas avoir vue. Tout ceci en dit long sur le mode de fonctionnement de cette Europe, où les élus (y compris les plus impliqués comme Pervenche Berrès) découvrent 10 mois après les annexes des directives. De deux choses l’une, soit ils ne font pas bien leur travail, soit les procédures sont trop opaques.

Pire, le retour de la Commission inquiète fortement les défenseurs de notre Sécurité Sociale puisqu’elle propose de ne pas amender la fameuse annexe en question mais simplement « d’ajouter au texte un nouveau considérant, en amont de la directive, qui précise que les services de sécurité sociale obligatoire n’entrent pas dans le champ du texte, tout simplement parce qu’ils ne nécessitent pas, au préalable, la signature d’un contrat (et n’en fait pas un marché public) ».

Quand la libéralisation est un échec

lundi 22 octobre 2012

La fausse bonne idée de l’article 50


Comment réformer l’Europe ? Faudrait-il même carrément sortir de l’Union Européenne ? Certains évoquent l’article 50 du Traité de Lisbonne comme la seule issue de cet ordre juridique européen, antidémocratique et antisocial. Analyse d’une voie juridique qui est une impasse politique.

Et si on utilisait l’article 50 ?

Pour étudier la pertinence de l’utilisation de l’article 50 pour sortir de l’ordre juridique européen, il suffit de pratiquer un simple exercice de politique fiction. Imaginons un instant qu’un président favorable à la sortie de l’Union Européenne par l’article 50 du traité de Lisbonne ait été élu en mai 2012. Que se passerait-il ? Investi le 15 mai, on peut imaginer que le premier geste du nouveau gouvernement, le plus rapidement possible, serait de lancer la fameuse procédure.

Le paragraphe 2 de l’article 50 affirme que « l’état membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. A la lumière des orientations du Conseil Européen, l’Union négocie et conclut avec cet Etat un accord fixant les modalités de son retrait (…) (L’accord) est conclut au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen ». Le paragraphe 3 affirme que « les traités cessent d’être applicables à l’Etat concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’Etat membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai ».

Supposons, cas probable puisque les institutions européennes et les dirigeants euro-béats seraient sans doute hostiles à une telle issue, qu’aucun accord ne soit trouvé entre la France et ses partenaires. Dans ce cas, les traités pourraient rester intégralement applicables jusqu’en mai 2014 pour un dirigeant qui souhaiterait respecter la signature de la France, volonté louable à priori. Mais du coup, cela signifie que le nouveau gouvernement resterait pieds et mains liés.

Deux ans de perdu !

dimanche 21 octobre 2012

Ubu fixe les tarifs de l’électricité


C’est à croire que les élus de notre République sont devenus fous. Pour rendre les tarifs d’EDF plus « justes », ils envisagent sérieusement de différencier les tarifs en fonction des régions pour prendre en compte les différences climatiques. Mais pourquoi s’arrêter là ?

Adapter le tarif au mode de chauffage

Si on part du principe qu’il faudrait adapter les tarifs d’électricité en fonction de la température moyenne des différentes régions, ou même des différentes villes (puisque les habitants du Nord doivent davantage chauffer en hiver que ceux du Sud), pourquoi ne pas aller plus loin ? En effet, prendre en compte la température moyenne n’est pas juste. Il y a des régions tempérées qui ne nécessitent ni beaucoup de chauffage, ni de climatisation alors que certaines subissent de fortes variations pendant l’année. Il faudrait donc prendre en compte les températures de l’été et de l’hiver.

En outre, certaines années sont plus chaudes ou plus froides que d’autres. Pire, certaines années peuvent cumuler un hiver plus froid que la moyenne et un été plus chaud, ce qui fait fortement augmenter la facture énergétique. Ne faudrait-il pas mettre en place des décotes spécifiques ces années là pour éviter de peser sur les factures d’énergie ? Et pourquoi ne pas aussi adapter les factures de gaz et de fioul pour être juste ? Pourquoi n’adapter que les factures d’électricité après tout ?

Mais un tel dispositif ne serait pas totalement juste s’il ne prend pas en compte l’âge des bâtiments. En effet, les foyers qui vivent dans une construction récente, bien mieux isolée, ont un avantage compétitif insupportable sur les personnes qui vivent dans des constructions des années 1960. Il convient donc de baisser le prix pour ces dernières et de compenser sur le tarif des précédentes. On pourrait également attribuer un bonus aux personnes qui maintiennent une température raisonnable chez elles (pas plus de 19° en hiver) et sanctionner celles qui surchauffent. La pose d’un mouchard dans tous les logements de France et de Navarre permettrait de fixer le tarif individuellement.

Adapter le tarif à l’équipement

samedi 20 octobre 2012

Faut-il croire l’étude choc sur les OGMs du docteur Séralini ?


Il y a quelques semaines, l’étude du docteur Séralini qui établissait la dangerosité d’une souche de maïs OGM Monsanto utilisée avec du Round Up a déclenché une sacrée polémique. Depuis, des avis contradictoires s’expriment, brouillant sévèrement le débat.

Une remise en cause sévère

Dans tous les médias ont fleuri des critiques sévères de l’étude du docteur Séralini, y compris des papiers cosignés par des dizaines de scientifiques. Tout est remis en cause dans cette étude. Certains évoquent tout d’abord une démarche plus médiatique et engagée que véritablement scientifique, accréditée par un plan média très professionnel. Ensuite, le choix des rats est contesté puisque la souche retenue est une souche qui développe naturellement beaucoup de tumeurs.

En outre, certains scientifiques demandent à avoir des précisions sur le reste de l’alimentation des rats pour pouvoir étudier plus précisément les résultats. Certains soulignent aussi que le niveau de mortalité et la présence de tumeurs n’est pas proportionnelle à la quantitié de maïs OGM consommée. Mais Le Monde avait indiqué dans son premier papier que cela n’était pas anormal car les perturbateurs endocriniens n’ont pas d’effet proportionnel à la dose d’exposition.

Enfin, il est évoqué des échantillons de taille trop limitée pour être véritablement significatif puisque s’il y avait 200 rats, ils étaient répartis en une dizaine de groupes, soit des lots de dix femelles et dix mâles qui seraient trop petits pour donner des résultats scientifiquement justes. Tout ceci peut alors expliquer que malgré la publication de cette étude dans une revue avec comité de lecture, l’agence européenne de la santé ait décidé de ne pas donner suite, comme l’Allemagne.

Qui croire ?

vendredi 19 octobre 2012

Moscovici vs Minc : néolibéralisme compassionnel vs néolibéralisme brutal


Merci à Marianne d’avoir réalisé cette interview croisée de Pierre Moscovici et Alain Minc. A première vue, on peut se demander quelle est l’utilité de faire débattre deux néolibéraux fédéralistes, mais elle a le mérite de révéler à quel point les nuances entre les deux sont plus de forme que de fond.

Alain Minc, ou l’horreur néolibérale nue

Il faut lire Alain Minc. Oui, il faut le lire car il n’est pas un homme politique et donc exprime plus librement la réalité du néolibéralisme, dans toute sa dureté, son inhumanité. Il montre comment la pensée humaine peut devenir monstrueuse. Naturellement, il affirme que l’effort ne porte « pas assez sur la réduction des dépenses », mais oublie de préciser lesquelles il couperait. Les professeurs, alors que nous avons le taux d’encadrement le plus faible de l’OCDE en primaires ? Les retraites ?

Pour lui, « il faut prendre le monde tel qu’il est : l’esprit de lucre est au cœur du capitalisme, on n’y peut rien ». Circulez, il n’y a rien à voir et la démocratie n’y peut rien. Minc soutient que « nous sommes sous l’œil des marchés, c’est comme ça, il faut vivre avec », alors que la Grande-Bretagne montre que la monétisation (375 milliards de livres en 4 ans) permet de donner des marges de manœuvre à un pays dont les déficits sont pourtant presque le double des nôtres (8,4 vs 4,5% du PIB).

Naturellement, il prend position pour plus d’intégration européenne, la « fédération des Etats-nations » de Jacques Delors, ce terme qui ne veut rien dire. En fait, on note que l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy utilise une dialectique volontiers antidémocratique. Il dénie aux Français une quelconque prise sur la mondialisation, présentée comme un élément du décor, que l’on ne pourrait pas changer, alors que les pays d’Amérique du Sud ou d’Asie ne se privent pas de l’adapter.

Pierre Moscovici, ou le néolibéralisme tempéré

jeudi 18 octobre 2012

Sapir descend Hollande, Todd le défend


Alors que beaucoup d’économistes critiquent le gouvernement, Jacques Sapir s’est emparé du dernier rapport du FMI pour faire un sort aux prévisions budgétaires. Emmanuel Todd, lui, dans Marianne, continue à défendre Hollande, même s’il rejoint le camp des partisans d’une sortie de l’euro.

L’aveu du FMI

Jacques Sapir a décortiqué le rapport économique mondial du FMI du mois d’octobre 2012 sur son blog. Dans un papier plus technique et pointu qu’habituellement, il poursuit sa dénonciation des politiques menées en Europe et ses conclusions ne sont guère réjouissantes. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, qui publie des propositions parfois hétérodoxes (comme la hausse de l’objectif d’inflation) souligne que les effets des plans d’austérité ont été sous-estimés.

Sapir en profite pour démonter les méthodes de calcul néolibérales, qui ne reposent « sur aucune base sérieuse ». Pour lui, en effet (et la réalité lui donne raison en Europe), l’effet des plans d’austérité est mal anticipé, à savoir que l’on minore leur impact sur la croissance, et donc l’évolution des recettes fiscales, et in fine de l’évolution du solde des finances publiques. L’effet dépressif des politiques austéritaires n’est pas bien pris en compte, comme le dit Krugman.

Il doute que les politiques monétaires expansionnistes soient à même de relancer la croissance durablement car même si l’argent n’est pas cher, les ménages préfèrent être prudents, ainsi que les entreprises. Du coup, l’afflux de liquidités ne sert qu’à combler les trous du système financier et nourrir des bulles. Pour Jacques Sapir, la politique monétaire ne peut soutenir la croissance que si elle est précédée ou accompagnée par des politiques budgétaires expansionnistes.

Il souligne que le FMI envisage une aggravation de la crise de la zone euro. Pire, même avec l’option plus optimiste, il prévoit une croissance de 0,1% en France en 2012 et 0,4% en 2013 (deux fois moins que prévu par Bercy), ce qui aboutirait à un déficit de 3,5% du PIB en 2013. Il conclut : « la politique choisie par le gouvernement français conduit le pays à une impasse et va le plonger dans une grave récession mais sans atteindre les objectifs de déficit qu’il s’était fixés ».

Hollandisme révolutionnaire ?

mercredi 17 octobre 2012

Belgique, Catalogne, Ecosse : séparatisme et Europe – Réponse à Jean Quatremer



Lundi soir, j’étais invité par France 24 pour parler de la tentation séparatiste (partie 1 et partie 2) suite à la victoire du parti séparatiste flamand à Anvers, et l’annonce d’un référendum en Espagne et en Ecosse. L’occasion de revenir sur le débat qui m’a opposé à Jean Quatremer.

Une triple crise séparatiste

En quelques semaines, la cause séparatiste a avancé dans trois régions. David Cameron vient d’accorder à l’Ecosse le droit de faire un référendum sur son indépendance en 2014. En Belgique, la Nouvelle Alliance Flamande (N-VA) a remporté un succès historique à Anvers, que les socialistes tenaient depuis 90 ans, avec 38% des suffrages. Son leader et nouveau maire, Bart de Wever, a appelé à davantage de fédéralisme et à plus de transferts de pouvoir vers la Flandres.

En Espagne, un conflit majeur oppose la communauté autonome de Catalogne avec l’Etat central depuis que la première se retrouve contrainte à demander de l’aide à Madrid, du fait de la crise économique. Son président, Artur Mas, veut organiser un référendum sur l’indépendance, ce que le gouvernement refuse. Des élections régionales anticipées auront lieu en novembre à Barcelone. Et le Pays Basque va voter dès le 21 octobre, permettant aux indépendantistes de s’y compter.

Cette poussée séparatiste s’exprime logiquement en pleine crise économique européenne. En effet, toutes les régions concernées sont plus riches que la moyenne de leur pays, et, à ce titre contribuent largement à la solidarité nationale. Mais si cette contribution est relativement indolore en période de croissance, elle devient beaucoup moins acceptable quand les budgets régionaux doivent être coupés, ce qui pousse les citoyens à remettre en cause les transferts nationaux.

Europe et séparatisme : je t’aime, moi non plus

mardi 16 octobre 2012

Cannabis, école : les errements de Vincent Peillon


Vincent Peillon a le don pour lancer des débats médiatiques depuis son accession à la rue de Grenelle. Fin de la semaine de quatre jours, morale à l’école et même dépénalisation du cannabis. Le problème est qu’il semble plus doué pour faire du bruit que pour produire du fond.

Docteur Vincent et Mister Peillon

Mais qui est Vincent Peillon ? J’avoue avoir du mal à suivre le parcours de cet intellectuel du PS. Du fait de son opposition au Traité Constitutionnel Européen et d’un discours parfois républicain, j’ai longtemps pensé qu’il faisait partie des rares personnes à sauver au PS. Mais fin 2009, il avait violemment critiqué Ségolène Royal puis en janvier 2010, il s’était décommandé de manière intempestive d’un débat sur France 2 avant de lancer des affirmations très contestables sur l’école.

Malgré tout, dans le casting de l’équipe gouvernementale, il pouvait apparaître comme le tenant d’une ligne plus républicaine, si nécessaire à l’éducation nationale. Ses premières déclarations, suggérant une augmentation du nombre de jours d’école, la fin de la semaine de quatre jours et la mise en place d’une morale laïque, tranchaient avec le discours pédagogiste. Malheureusement, les annonces faites la semaine dernière par François Hollande ont beaucoup déçu.

La semaine dernière, sur RTL, s’il a défendu, avec quelques simplifications, la hausse des moyens dans le primaire, le reste était décevant. Il souhaite remettre en cause le tabou du baccalauréat, pourtant seule garantie de diplôme équivalent pour tous. Difficile de ne pas voir les résidus de la pensée pédagogiste au gouvernement, également hostile aux notes et aux redoublements. D’ailleurs, les critiques ont fusées, dans le Nouvel Obs, le Point et sur RTL avec Jean-Paul Brighelli.

Une bien mauvaise polémique

lundi 15 octobre 2012

Remettre la loi de 1973 à sa juste place


La loi Giscard de 1973, interdisant au Trésor de présenter ses effets à la Banque Centrale, est un sujet sulfureux qui véhicule de nombreuses caricatures, tant de la part de ses détracteurs que de ceux qui la soutiennent. De récents travaux la remettent à sa place.

Entre deux caricatures

D’une part, une frange des critiques de la loi du 3 janvier 1973 tombent dans un complotisme nauséabond quand ils évoquent la loi Rothschild, sous-entendant que Georges Pompidou, qui avait travailé dans cette banque, aurait servi les intérêts d’un lobby bancaire en la faisant passer. Du coup, une partie des opposants à la monétisation en profitent pour jeter un voile disqualifiant d’antisémitisme sur toute personne remettant en cause l’indépendance des banques centrales.

Mais le débat a rebondi en début d’année grâce à un papier remarquablement documenté et fouillé de Lior Chamla et Magali Pernin, sur le blog La théorie du tout. Suite à ce travail, André-Jacques Holbecq, qui avait mis en cause cette loi dans son livre de 2008, « La dette publique, une affaire rentable », a revu son jugement dans un papier publié sur le blog Post Jorion. En avril 2012, le Monde a publié un article qui présente une vision simpliifiée du papier de Lior et Magali.

La réalité de la loi de 1973

dimanche 14 octobre 2012

Et si l’Allemagne voulait la fin de la monnaie unique ?


C’est une option qui n’est pas sérieusement étudiée en France. Pourtant, l’opinion publique allemande est favorable à un retour au mark et on peut même se demander si derrière les hésitations d’Angela Merkel ne se cache pas une volonté d’en finir avec l’euro, comme le sous-entend The Economist.



Pourquoi l’Allemagne a les pieds froids

De ce côté-ci du Rhin ou dans les colonnes de l’hebdomadaire britannique, la solution à la crise de la zone euro serait simple : que l’Allemagne paie (que ce soit par une mutualisation des dettes ou par des transferts budgétaires). Passons sur les réminiscences détestables de l’entre-deux guerres pour noter deux points oubliés par les beaux esprits qui avancent une telle solution : l’opinion publique allemande est vent debout contre cela et les montants nécessaires sont colossaux.

La mutualisation des dettes souveraines proposée il y a plus de deux ans par l’institut Bruegel reviendrait à demander à l’Allemagne une caution solidaire de 4000 milliards d’euros (150% du PIB du pays). Quand aux estimations des transferts nécessaires à la stabilisation de la zone euro, elles varient entre 3 et 12% du PIB allemand par an (entre 75 et 300 milliards). Bref, des montants qui dépassent largement l’impact qu’aurait une fin de la monnaie unique sur les exportations allemandes.

Les partisans d’une intégration plus poussée se moquent littéralement du monde quand ils n’évoquent pas clairement les montants en jeu et ce que cela représenterait, soit en hausses d’impôts soit en coupes dans les dépenses de l’autre côté du Rhin. L’analyse froide et objective des intérêts allemands ne plaide pas pour continuer cette expérience monétaire hasardeuse, d’autant plus que la douloureuse a systématiquement tendance à être révisée à la hausse, ajoutant une forte incertitude.

Machiavel est-il à Francfort ou Berlin ?

samedi 13 octobre 2012

Les soubresauts à venir de la crise de la zone euro


Il n’y a bien que les éditorialistes euro-béats de Challenges pour titrer avec un portrait de Mario Draghi « Ouf ! L’euro a gagné », dans un triomphalisme d’autant plus indécent que l’austérité répend la misère sur le continent. Dans la réalité, rien n’est réglé, comme d’habitude.



Dénis de réalité

Néanmoins, il faut reconnaître que l’hebdomadaire fait une publicité bienvenue aux idées alternatives sur la monnaie unique à travers un très long papier « La grande illusion de l’euro » qui reprend les arguments de Paul Krugman contre la monnaie unique, très proche du papier que j’avais publié fin août. Challenges convoque plusieurs « experts » pour donner du poids à la contradiction au prix Nobel d’économie : Pascal Lamy et Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE.

Mais le plus ridicule est sans doute VGE, le romancier à l’eau de rose, qui, du haut de sa suffisance, ose commencer son papier par « Paul Krugman a reçu le prix Nobel pour ses travaux sur le commerce international, mais il n’est pas un spécialiste des questions monétaires » ! Il écrit qu’il « n’existe pas de crise de l’euro », que tout est la faute des déficits excessifs des Etats qui n’ont pas respecté leurs engagements, oubliant que l’Irlande et l’Espagne n’étaient pas du tout dans ce cas.

Le dossier de Challenges est stupéfiant d’optimisme béat. Les titres des articles laissent songeur : « L’euro peut souffler », « Et Draghi terrassa la spéculation »… Les épisodes précédents et la succession des sommets de la dernière chance devraient tout de même les inciter à plus de prudence pour éviter le ridicule. Un bon sens élémentaire et le fait que la zone euro s’enfonce présentement dans la récession ne parviennent pas à leur rappeler une réalité bien plus complexe.

Les foyers qui ne sont pas éteints