mardi 13 novembre 2012

En Grèce, l’Europe créé la torture volontaire, mais vaine


L’histoire sera sans aucun doute extrêmement sévère à l’égard des dirigeants de la Grèce qui ont mené des politiques aussi monstrueuses socialement, pour la chimère de rester dans la monnaie unique européenne. Nouvel exemple avec les énièmes plans d’austérité tout juste votés par le Parlement.

Une austérité absolument vaine



Comme je l’avais annoncé en début d’année lors d’un énième plan de sauvetage (des créanciers du pays et de la monnaie unique, aux frais des contribuables européens et au prix d’un véritable massacre social en Grèce), les hypothèses retenues par les technocrates incompétents de la troïka ne sont pas tenues, comme le montre cruellement ce graphe de The Economist. Pourtant, nul besoin d’être devin pour le prévoir, il suffisait de savoir regarder dans le rétroviseur.

Depuis fin 2009, comme nous avions été nombreux à le prévoir, la cure d’austérité sauvage que s’inflige le pays ne peut pas marcher. Déjà, l’immense régression sociale que cela provoque (taux de chômage record, effondrement du pouvoir d’achat) devrait, à elle-seule, faire réfléchir les dirigeants du pays. Mais cette austérité mortifère parvient même à être contre-productive pour la gestion de la dette et des déficits car, en provoquant un effondrement de la demande, elle fait s’effondrer la base fiscale. Résultat, le déficit ne baisse pas plus à Athènes qu’à Washington depuis 2009 !

Résultat, la dette, qui représentait moins de 130% du PIB en 2009, va s’envoler à 190% du PIB en 2013 ! Et les mesures prises par le parlement grec vont encore aggraver les choses. La loi pluri-annuelle votée mercredi prévoit de nouvelles coupes dans les retraites et les salaires, alors que le pays devrait entrer dans sa 6ème année de récession l’an prochain. Dimanche soir, les députés ont adopté le projet de loi de finance pour 2013 qui prévoit 9 milliards d’économie (environ 4% du PIB, l’équivalent de 80 milliards d’euros sur une seule année à l’échelle de la France !).

Pourquoi un tel crime social ?

Mais pourquoi un gouvernement élu par le peuple mène-t-il une telle politique ? Après tout, il serait tellement plus simple de choisir la voie de l’Argentine, quitter la monnaie unique européenne, dévaluer massivement et faire défaut. Le temps qui passe démontre chaque jour davantage que si Athènes avait choisi cette voie il y a deux ans et demi, le pays s’en porterait mieux puisque les catastrophes évoquées en cas de sortie de l’euro se concrétisent justement par les politiques pour y rester.

Le plus incroyable est que de plus en plus d’analystes parviennent à la conclusion que la politique menée est une impasse totale. The Economist, dans un éditorial de son dernier numéro, n’y va pas avec le dos de la cuillère et propose une nouvelle restructuration de la dette du pays (autour de 120% du PIB, soit une décote d’un tiers par rapport à aujourd’hui), que devraient donc assumer les pays européens qui lui ont prêté via le FESF… Ce serait le seul moyen de restaurer la confiance.

Mais Angela Merkel risque de refuser cela jusqu’aux élections législatives de l’automne 2013 car l’opinion publique allemande est vent debout contre les plans d’aide. En attendant, les partis politiques aux commandes capitalisent sur le souci prévisible des Grecs de ne pas mordre la main qui les a nourri pendant si longtemps et de ne pas être mis au banc des nations européens, au grand dam de la population qui subit une austérité monstrueuse et totalement contre-productive.

La Grèce est dans la position de Prométée, dont le rapace européen mange le foie qui repousse chaque jour. Plutôt que de remettre en cause l’euro, cette Europe monstrueuse et inhumaine semble prête à torturer la population grecque indéfiniment. Qui sera le Héraclès d’Athènes ?

16 commentaires:

  1. Lors de sa conférence de presse, François Hollande devra donner le chiffre exact de la facture grecque pour les contribuables français.

    Lors de sa conférence de presse, François Hollande devra dire aux Français combien de dizaines de milliards d'euros ils vont devoir payer pour le deuxième défaut de paiement de la Grèce.

    Mardi 7 août 2012 :

    France : le Parlement s'inquiète de l'accumulation des engagements pris pour soutenir la Grèce.

    Dans son rapport, le député Christian Paul (PS) chiffre à 50,8 milliards d'euros les prêts à la Grèce devant être garantis par la France dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière.

    Vendredi 2 novembre 2012 :

    Or le niveau de la dette grecque n'est pas viable et l'hypothèse d'arriver à un taux d'endettement de 120 % du PIB en 2020 ne semble pas atteignable. Dans son projet de budget, le gouvernement estime le niveau de la dette à 189 % pour 2013 et à 220,4 % pour 2016.

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/02/la-cour-des-comptes-grecque-juge-anticonstitutionnelles-des-coupes-dans-les-retraites_1784785_3234.html

    Dette publique de la Grèce :

    2012 : dette publique de 175,6 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec. La dette augmente, augmente encore, augmente toujours, alors que le premier défaut de paiement de la Grèce a effacé 107 milliards d'euros de dettes.

    2013 : dette publique de 189,1 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2015 : dette publique de 207,7 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2016 : dette publique de 220,4 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

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  2. Désolé Laurent. Mais je ne plaindrai pas les Grecs.
    Aux dernière élections ils avaient le choix entre 4 voies : l'équivalent UMPS (Samaras/Venizelos), l'équivalent de la gauche radicale (Siriza) qui voulait faire défaut mais rester dans l'UE, le parti communiste KKE seul à proposer une sortie de l'euro et de l'Union et l'extrême droite. Ils ont choisi à la majorité l'UMPS. Ils savaient à quoi s'attendre en faisant ce choix. Qu'ils assument les conséquences de leur choix à présent.

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    1. Votre raisonnement est de type pétainiste!

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    2. Ah bon ? Que vient faire Pétain dans cette histoire ?
      On atteint déjà le point Godwin.

      Les Grecs en votant Samaras savaient que les plans d'austérité allaient continuer et ils continuent en effet. Ils ont préféré un avenir connu (l'austérité) à l'inconnu. Ils ne conçoivent pas de projet de société hors UE ou hors Euro. Et bien la merde ils vont la bouffer jusqu'au bout sauf le clergé et les armateurs bien sûrs.

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    3. C'est trop sévère pour les Grecs. N'oubliez pas que c'est une petite nation, en marge du cœur de l'Europe. Ils sont douloureusement conscients de ce statut, ce qui exacerbe leur crainte ancestrale de se retrouver seuls face à l'ennemi turc. Ils n'ont pas osé franchir le pas et rompre avec la logique qui s'exprime dans la défense à tout prix de l'Euro. Nous-mêmes Français, en dépit de notre poids économique et démographique en Europe, de notre long passé d'État-nation souverain, de la référence gaulienne encore si prégnante, qu'avons nous fait pour nous insurger contre l'intoxication intellectuelle de l'européisme ?

      La charge contre le clergé et les armateurs grecs est également excessive. Les richesses de l'Église grecque sont essentiellement des monuments historiques ; et beaucoup de Grecs crèveraient de faim sans ses soupes populaires. Le métier d'armateur est l'un des plus aisés à délocaliser et constitue l'une des seules sources de revenus de la Grèce. Que l'État cherche à l'épargner est assez compréhensible.

      N'accablez pas les Grecs. Ils ne méritent pas de souffrir à ce point pour leurs erreurs.

      YPB

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    4. Un raisonnement de type pétainiste est de celui qui se résigne à l'ordre des choses et pense que le gouvernement grec au service des maitres de l'UE: l'Allemagne, est légitime. Comme en 1940 Pétain paraissait légitime!

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  3. A la comparaison avec Héraclès je préfère prendre pour comparaison Louis XVI et/ou Gorbatchev qui savaient que leur système n'était plus tenable et ont entamé les réformes nécessaires. Même s'ils ont eu des destins contrariés qu'ils ne méritaient pas!

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    1. Mais Samaras n'entreprend pas les reformes nécessaires! Comme le dit bien Laurent Pinsolle, il faudrait d'abord que les grecs sortent de l'euro, dévaluent, fassent défaut sur une partie de leur dette, se décide enfin à avoir une politique ferme vis a vis de l’évasion fiscale, taxent leur clergé et leurs armateurs... Vous voyez cela aujourd'hui dans la politique menée par l'UMPS grec?

      red2

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    2. Samaras ne fera jamais que les "réformes" que souhaitent ses maitres allemands puisqu'ils ont délégué "un commissaire politique" pour superviser ces "réformes" tant ils ont peu confiance en leur Pétain local!

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  4. Le problème essentiel du problème évoqué par LP réside dans l'attitude de l'Allemagne. Le période électorale va commencer bientôt, Merkel aura besoin d'idéaliser ses "exploits", de faire croire aux électeurs allemands qu'elle maîtrise la crise de l'euro (alors qu'elle tremble de peur face aux marchés financiers). L'autre facteur: dû au fait que les gouvernements successifs (allemands, francais......)ont conduit leur pays dans un piège, l'opération coûtera très cher au contribuable, et quelque soit l'issue du cas grec (ou portugais......).

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  5. Estimation du coût de défaut grec :

    La faillite de la Grèce coûterait 17.200 milliards d’€ à l’économie mondiale

    La France serait le pays qui en souffrirait le plus avec un prix à payer de 2900 milliards d’euros. Elle devancerait de peu les Etats-Unis (2800 milliards d’euros), la Chine (1900 milliards d’euros) et l’Allemagne (1700 milliards d’euros).

    http://lejournaldusiecle.com/2012/10/18/la-faillite-de-la-grece-couterait-17-200-milliards-de-a-leconomie-mondiale/

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    1. Avec des "si" dans cet article on peut ce qu'on veut ... et ce n'est pas un défaut de la Grèce mais une faillite en série (un pays peut il faire faillite s'il est souverain sur sa monnaie ?)
      (Et qu'est ce que ne ferait pas une fondation - pour le moins très critiquée - pour défendre l'UE !)

      " La contagion grecque passerait tout d’abord par les budgets des Etats européens. En cas de défaut, les prêts qui lui ont été consentis ne seraient plus remboursés. Les prêts aux entreprises grecques prendraient le même chemin d’une décote de 60% de leur valeur nominale. A la fin de la décennie, la faillite de la Grèce aurait coûté à l’Allemagne 64 milliards d’euros en dépréciations de créances et 73 milliards d’euros en croissance.

      Si le défaut d’Athènes était suivi par ceux des trois autres pays d’Europe méridionale en difficulté, la note allemande serait de 455 milliards d’euros pour les prêts dépréciés et de 1707 milliards d’euros pour le manque de croissance. Les montants respectifs pour le reste de la zone euro sont aussi impressionnants : 216 milliards d’euros de dépréciations et 239 milliards d’euros de croissance moindre si la Grèce seule fait faillite et 1180 milliards d’euros plus 5383 milliards d’euros dans le cas extrême de banqueroutes en série.

      Bien évidemment, la crise profonde et prolongée de l’Europe, la première zone économique mondiale, plongerait le reste du globe dans la dépression. La France serait le pays qui en souffrirait le plus avec un prix à payer de 2900 milliards d’euros. Elle devancerait de peu les Etats-Unis (2800 milliards d’euros), la Chine (1900 milliards d’euros) et l’Allemagne (1700 milliards d’euros). Un scénario catastrophe à éviter absolument, concluent les deux économistes."

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  6. En droit des procédures collectives, il existe une notion qui permet de condamner ceux qui ont soutenu une entreprise alors qu'elle n'était pas viable: c'est le soutien abusif. En général, il s'agit de banques qui, par exemple continuent de prêter à des débiteurs qu'elles savent pourtant insolvables dans l'unique but de retarder l'échéance et ainsi sauvegarder, un temps, leurs créances. Elles peuvent être condamnées à payer les dommages qu'elles ont pu causer chez les parternaires du débiteur insolvables qui ont continué de travailler avec lui.

    Comment faire face à un Etat, qui bien entendu ne peut pas être liquidé?

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  7. Justement (et je ne l'ai pas encore lu), une étude natixis http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=66942

    Conclusion

    " La réduction des déficits public et extérieur en Grèce, qui ramène le pays vers la solvabilité budgétaire et externe, a conduit à la « destruction » de l’économie (aussi bien à court terme qu’à long terme) : chute de la demande, chute de l’investissement, chômage de masse, rationnement du crédit…
    Mais la compétitivité et la profitabilité de la Grèce s’améliorent beaucoup, ce qui pourrait être positif à terme.
    Mais :
    -
    les avantages comparatifs de la Grèce impliquent qu’elle ne sera jamais un grand pays industriel ; la capacité de production de l’industrie a beaucoup reculé et est maintenant seulement stabilisée ;
    -
    à l’intérieur de l’industrie seul l’agro-alimentaire résiste ;
    -
    en ce qui concerne les services, le tourisme et les services aux entreprises se redressent un peu, mais tous les autres services et la construction chutent.
    Au total, les signes d’effondrement (investissement, emploi) sont massifs, et malgré l’amélioration forte de la compétitivité et de la profitabilité, les signes d’amélioration (agro-alimentaire, investissements directs, tourisme, services aux entreprises) sont de très petite taille."

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  8. @ BA

    Merci pour ces chiffres qui montrent à nouveau que les prévisions de la troïka sont totalement ridicules et qu’une nouvelle restructuration sera nécessaire.

    @ Trubli

    Si, je les plains car même s’ils ont choisi cette voie, leur hésitation vient aussi du fait qu’ils sont en première ligne et qu’il n’est pas facile pour eux de couper avec l’UE.

    @ YPB

    Bien d’accord avec votre commentaire.

    @ Cording

    Je suis d’accord avec red2, aucune réforme nécessaire n’est entreprise à part un massacre social révoltant.

    @ Lucifer

    Le coût est payé cash par les peuples en ce moment. Il est bien supérieur à ce qui se passera quand le château de cartes s’effondrera.

    @ Olaf

    Ils ont fumé la moquette. Un défaut souverain de 400 Mds, cela ne coûte pas 17 200 Mds. Ridicule. Encore un chiffre pour faire peur. 2 900 Mds à l’échelle de la France : une fois et demi notre PIB ! Délirant. Et le manque de croissance depuis 10 ans, et plus encore depuis 2 ans, ils l’ont chiffré ?

    @ Tythan

    Très juste. Ce qui est fait en Grèce est du « soutien » abusif.

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    1. C'est bien pour cela que j'ai mis des guillemets au mot réformes!

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