dimanche 18 novembre 2012

Quand le FMI critique les politiques d’austérité


Joseph Stiglitz a gagné. Lui qui dénonçait les politiques d’austérité imposées par le FMI dans « La Grande désillusion » en 2001 voit l’organisation qu’il critiquait tant se rapprocher de ses positions, comme le rapporte The Economist sur la foi d’un nouveau papier d’Olivier Blanchard, son chef économiste.

La théorie dépassée par la réalité

Il faut dire que les exemples de la zone euro sont venus largement remettre en question tous les modèles du Fond Monétaire International. En début d’année 2012, il avait apporté son « crédit » à des hypothèses de croissance totalement farfelues pour un énième plan grec. En 2010, on nous disait que la croissance repartirait en 2012. Début 2012, cela devait être pour 2014 (2.5% !). Devant l’effondrement calamiteux de l’économie grecque, plus personne ne semble vouloir s’avancer désormais.

Mais la situation n’est guère plus riante ailleurs en Europe. A l’origine, l’Espagne devait réduire son déficit public à 6% en 2011, 4,5% en 2012 et 3% enfin en 2013. La réalité est tout autre puisque Madrid n’a pas réussi à faire mieux que plus de 9% l’an dernier et plus de 7% cette année. Bref, malgré une austérité sauvage, le rythme de réduction des déficits n’est pas plus rapide qu’aux Etats-Unis, qui laisse l’austérité à d’autres et cherchent plutôt à sortir de la crise par la croissance.

En fait, comme le rapporte The Economist, les économistes du FMI estimaient encore en 2010 que le multiplicateur des plans d’austérité n’était que de 0,5, c’est à dire que quand on baissait les déficits de 1% du PIB, cela provoquait une contraction de l’économie de 0,5%. Bref, en supposant que l’impact sur la position fiscale de l’Etat était de la moitié de cette somme, on pouvait en déduire qu’un effort de 1% du PIB réduisait le PIB de 0,5% et que l’effet net de cet effort (moins l’impact d’une moindre croissance sur les recettes fiscales et les dépenses publiques) atteignait 0,75% du PIB.

Une sévère remise en question

Ces hypothèses justifiaient en partie l’adoption des plans d’austérité (toujours contestés par des keynésiens comme Stiglitz), malgré la casse sociale qu’ils provoquaient. Jusqu’à ce que le cas européen vienne tout remettre en cause. En effet, les cas de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne indiquent que l’effet des plans d’austérité sur la croissance peut être beaucoup plus important, allant jusqu’à rendre totalement contre-productif leur effet sur les finances publiques.

C’est ainsi que des économistes de Berkley ont estimé qu’en temps de crise, le multiplicateur peut être de 2,5, c’est à dire qu’une politique de baisse d’un point du PIB du déficit peut provoquer une baisse du PIB de 2,5 points, dont on imagine aisément qu’elle annule une grande partie (si ce n’est la totalité) des efforts de réduction des déficits. Des économistes de l’université de Northwestern estiment qu’il varie entre 1 et 3 (notamment quand les taux d’intérêt sont très faibles).

Olivier Blanchard, le chef économiste du FMI, dans son panorama du monde économique d’octobre, a révisé ses estimations du multiplicateur à une échelle allant de 0,9 à 1,7, c’est à dire qu’un effort de baisse des déficits d’un point du PIB provoque une réduction du PIB allant de 0,9 à 1,7%. Le problème est que dans le haut de l’échelle, l’effort d’austérité a tendance à s’auto-annuler, laissant l’économie moins importante et le chômage plus haut entre temps.

Les politiques d’austérité menées aujourd’hui en temps de crise sont une monstruosité, comme le souligne Paul Krugman dans son dernier livre. Comme le disait Keynes, « le temps pour l’austérité est pour les booms, pas les récessions ». Il faudrait transmettre à Christine Marie-Antoinette Lagarde

5 commentaires:

  1. Des économistes du FMI se posent aussi des questions sur la pertinence du "100% money" dans un papier de 71 pages intitulé " The Chicago Plan Revisited " http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2012/wp12202.pdf

    Une partie de leur conclusion:
    " Our analytical and simulation results fully validate Fisher’s (1936) claims. The Chicago
    Plan could significantly reduce business cycle volatility caused by rapid changes in banks’
    attitudes towards credit risk, it would eliminate bank runs, and it would lead to an
    instantaneous and large reduction in the levels of both government and private debt. It
    would accomplish the latter by making government-issued money, which represents equity
    in the commonwealth rather than debt, the central liquid asset of the economy, while
    banks concentrate on their strength, the extension of credit to investment projects that
    require monitoring and risk management expertise. We find that the advantages of the Chicago Plan go even beyond those claimed by Fisher. One additional advantage is large
    steady state output gains due to the removal or reduction of multiple distortions,
    including interest rate risk spreads, distortionary taxes, and costly monitoring of
    macroeconomically unnecessary credit risks. Another advantage is the ability to drive
    steady state inflation to zero in an environment where liquidity traps do not exist, and
    where monetarism becomes feasible and desirable because the government does in fact
    control broad monetary aggregates. This ability to generate and live with zero steady
    state inflation is an important result, because it answers the somewhat confused claim of
    opponents of an exclusive government monopoly on money issuance, namely that such a
    monetary system would be highly inflationary. There is nothing in our theoretical
    framework to support this claim. And as discussed in Section II, there is very little in the
    monetary history of ancient societies and Western nations to support it either."

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  2. Je voudrais aussi signaler un article de RST sur son blog, son avis sur un livre que lui a conseillé Marc Lavoie " Théories Monétaires Post Keynésiennes".
    http://ecodemystificateur.blog.free.fr/index.php?post/Théories-Monétaires-Post-Keynésienne
    Outre un extrait tout à fait intéressant de L.Randall WRAY, ne manquez pas non plus les commentaires...

    Après plus de 10 ans d'analyse de la monnaie (et de la dette publique) il me semble de plus en plus évident que seul l'Etat doit émettre la monnaie, et je souscris totalement à l'analyse de Jean Jégu qui écrit à propos de la monnaie issue de la monétisation des dettes publiques :

    " La monnaie ainsi émise pourrait non seulement couvrir le fonctionnement et les investissement courants mais aussi le champ actuel des subventions, des prêts à taux zéros, ou de toute autre intervention sociale volontaire ( exemple : un revenu d'existence). Évidemment, la démonétisation tout aussi nécessaire que la monétisation – toute dette doit finir par être payée – la démonétisation exige l'existence d'une fiscalité bien ajustée aux équilibres sociaux et/ou la mise en place de services publics payants. Autrefois les dépenses du souverain enrichissaient son peuple ; demain les dépenses publiques pourraient enrichir les citoyens ! "

    Les néochartalistes, avec raison, estiment que "toute nation dotée d’une monnaie souveraine sera capable « d’offrir » le plein-emploi."

    Je redis ici mon credo:
    Si une collectivité a:
    1 – un besoin (collectivement souhaitable),
    2 – la volonté de le satisfaire,
    3 – les matières premières,
    4 - les moyens techniques et énergétiques
    5 – un excès de main d’œuvre et le savoir-faire,
    … l’impossibilité souvent alléguée du manque de financement est une mauvaise excuse car une vraie richesse résultera d’une création monétaire éventuellement nécessaire pour la réaliser. Il faut évidemment par la suite « détruire » cette monnaie; l’impôt y pourvoira par remboursement progressif d’une dette sans intérêts (et donc la destruction des obligations correspondantes) au fur et à mesure de l’usure, c’est-à-dire de l’amortissement, des richesses dont la production aura été permise par l’émission monétaire.

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  3. @ A-J H,

    Merci pour ces deux liens. Intéressant que le FMI se pose la question du 100% monnaie. Décidemment Olivier Blanchard semble quelqu'un d'estimable et d'ouvert d'esprit.

    Bien d'accord sur la monétisation. Le simple exemple de la Grande-Bretagne (375 milliards de livres, soit 470 milliars d'euros en seulement 4 ans, sans le moindre véritable dérapage inflationniste) montre bien que la monétisation est quelque chose qui peut être parfaitement souhaitable, y compris dans des proportions doubles de celles que tu préconisais il y a 4 ans. Bien vu !

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  4. hors sujet
    il n'y a plus les mises a jour de twitter ni les commentaires récents
    Unable to retrieve spec for http://gadgetsforblogger.googlecode.com/files/recent-comments-gadget.xml. HTTP error 403

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  5. Lundi 19 novembre 2012 :

    Sur son blog, Jacques Sapir écrit :

    Le phénomène qui se développe actuellement en Grèce n’est donc pas unique, ni « particulier » à ce pays. Ce que l’on observe désormais, c’est bien un processus de fragmentation de l’espace monétaire, comme si une partie de la population et des entreprises grecques étaient déjà sorties de l’Euro. La logique de cette situation est connue. La Grèce fera défaut, probablement au printemps 2013, et elle sera amenée à sortir de l’Euro pour pouvoir ré-unifier son espace monétaire. Ce fut le point de départ, d’un nouveau départ, pour la Russie en 1998. Ce sera le début du renouveau pour la Grèce.

    http://russeurope.hypotheses.org/515

    Rappel :

    Vendredi 2 novembre 2012 :

    Or le niveau de la dette grecque n'est pas viable et l'hypothèse d'arriver à un taux d'endettement de 120 % du PIB en 2020 ne semble pas atteignable. Dans son projet de budget, le gouvernement estime le niveau de la dette à 189 % pour 2013 et à 220,4 % pour 2016.

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/02/la-cour-des-comptes-grecque-juge-anticonstitutionnelles-des-coupes-dans-les-retraites_1784785_3234.html

    Dette publique de la Grèce :

    2012 : dette publique de 175,6 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec. La dette augmente, augmente encore, augmente toujours, alors que le premier défaut de paiement de la Grèce a effacé 107 milliards d'euros de dettes.

    2013 : dette publique de 189,1 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2015 : dette publique de 207,7 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2016 : dette publique de 220,4 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

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