mercredi 19 décembre 2012

Austérité : anglo-saxons pragmatiques, européens bornés


Bien sûr, il ne s’agit pas de dire ici que les politiques économiques des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne sont des modèles. Londres applique une politique austéritaire d’autant plus injuste que les impôts baissent pour les entreprises. Mais certains aspects ne sont pas inintéressants.

Le refus du 100% austéritaire

En fait, le capitalisme anglo-saxon a retenu les leçons de Keynes. Au contraire, la zone euro n’affichera qu’un déficit public de 3,4% de son PIB cette année, mais cela au prix de politiques d’austérité sauvages qui ont provoqué une nouvelle récession, après celle de 2009 puisque le PIB de la zone devrait baisser en 2012 et en 2013. Même si Londres manie une austérité redoutable depuis l’élection des conservateurs, on reste un ton en-dessous des potions amères continentales.

Ainsi, le déficit s’établira cette année à 7,9%. Et, comme le rapporte The Economist, Georges Osbourne, le chancelier de l’échiquier, vient de procéder à une révision importante de ses plans à cinq ans. Il a largement baissé ses prévisions de croissance par rapport à celles faites en mars. Résultat, le rééquilibrage des finances publiques britanniques sera plus lent que prévu, le gouvernement empruntera davantage dans les cinq prochaines années et ne tiendra pas ses objectifs.

Alors que Pierre Moscovici s’échine à vouloir respecter les 3% de PIB dès 2013, la Grande-Bretagne patientera jusqu’au budget 2016-2017 pour atteindre cet objectif, afin de ne pas casser la croissance. Le jugement de l’hebdomadaire libéral est clair : «  une politique fiscale responsable autorise des revenus fiscaux plus faibles ou des dépenses supplémentaires pour les chômeurs en cas de pause dans le cycle des affaires ». Aux Etats-Unis, le déficit atteint encore 7% du PIB...

Les banques centrales à la rescousse

Il est proprement stupéfiant de constater à quel point les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, adoptent une attitude finalement plus pragmatique qu’un continent européen qui ne cesse d’adopter plan d’austérité sur plan d’austérité. Dans la zone euro, quand un premier temps n’atteint pas les objectifs (souvent délirants) fixés, les gouvernements n’hésitent pas à en adopter un autre, quelque soit le mal infligé à la population. A Londres ou Washington, inspirés par Krugman, on temporise.

Mais ces deux pays peuvent compter sur l’aide de leur banque centrale, à la grande différence d’une zone euro soumise aux règles délirantes de la BCE. C’est ce que j’expliquais sur France 24 la semaine dernière à Valérie Rabaud, vice-présidente de la commission des finances de l’Assemblée Nationale. Oui, la Fed et la banque centrale d’Angleterre aident davantage les peuples que la BCE, tout simplement parce qu’elles agissent pour maintenir les taux d’intérêt à un faible niveau.

A Londres, 375 milliards de livres de dette publique ont été monétisés (plus de 450 milliards d’euros) en seulement quatre ans, quand la BCE a racheté pour moitié moins de bons du trésor pour une zone cinq fois plus importante. Résultat, Londres emprunte à moins de 2% sur dix ans, malgré un déficit proche des 8% du PIB et supérieur à celui de Madrid ou Athènes. Idem aux Etats-Unis où la Fed a annoncé qu’elle continuerait à soutenir l’économie tant que le chômage ne serait pas sous les 6,5%.

Quel stupéfiant contraste de voir des banquiers centraux tout faire pour faire baisser le chômage aux Etats-Unis alors que tous les dirigeants de la zone euro (y compris ceux « de gauche ») ne pensent qu’à réduire les déficits. Il y a vraiment quelque chose de pourri dans ces élites européennes.

3 commentaires:

  1. Il y a une relation algébrique importante de la comptabilité nationale qui montre que le revenu net de l’État, celui du secteur privé et celui de l’étranger s’annulent : (T – G) + (S – I) – BC = 0, avec T les recettes de l’État, G ses dépenses, S l’épargne privée, I l’investissement privé, et BC la balance courante donnant le revenu net dégagé par l’économie nationale sur l’étranger .
    On peut la lire aussi ainsi : (S – I) = (G – T) + BC, c’est-à-dire que l’épargne privée nette est égale à la somme du "déficit public" et de la balance courante, donc que le secteur privé ne peut épargner et donc investir que si un État s’autorise un "déficit" ou si l’étranger est lui-même en "déficit".

    Si notre solde vers l'étranger (balance commerciale en particulier) n'est pas positif il FAUT que l’État soit en" déficit"... pas si difficile à comprendre quand même !

    Mais ce déficit DOIT être financé par création monétaire, pas par l'emprunt.

    RépondreSupprimer
  2. Je ne me souviens plus si j'ai déjà signalé ici cet article
    http://www.atlantico.fr/decryptage/plein-emploi-utopie-dangereuse-ou-solution-crise-pascal-emmanuel-gobry-577383.html

    Extrait:
    "Après tout, une récession c'est une baisse de la demande dans l'économie, mais d'où vient cette baisse de la demande ? Du fait que les entreprises licencient quand elles perdent de la vitesse. Les gens perdent leurs emplois, et donc ils consomment moins. Ces licenciements provoquent une baisse de la demande, qui provoquent d'autres licenciements, et ainsi de suite dans un cercle vicieux. Si, d'une manière où d'une autre, on pouvait garantir un emploi à chacun qui le perd, cette baisse de la demande serait stoppée nette.

    C'est l'idée des économistes néo-chartalistes, qui proposent que l'Etat garantisse un emploi à chacun qui en fait la demande. Ainsi, le plein emploi est garanti, et les récessions sont tuées dans l'oeuf. La politique fiscale et éventuellement monétaire peuvent empêcher le plein emploi de mener à trop d'inflation."
    [...]
    L'entrepreneur américain Morgan Warstler propose une bourse du travail, administrée et subventionnée par l'Etat, sur le modèle d'eBay. Les employés et les employeurs se notent entre eux, et une assurance est incluse dans le prix du travail. Et chaque heure travaillée est rémunérée par l'Etat en plus du salaire proposé par l'employeur. Autrement dit, mettons que le tarif de l'Etat est à 10 euros de l'heure, et qu'une très bonne babysitter est à 5 euros de l'heure, et une moyenne à 2 euros. Si je veux recruter une bonne babysitter, je paye 5 euros de l'heure, mais elle reçoit 15 grâce à la subvention."

    Conclusion: il faut accepter de voir le déficit public augmenter en période de récession: augmenter les impôts ne va qu'augmenter celle ci

    RépondreSupprimer
  3. @ A-J

    Merci pour toutes ces précisions. J'ai préparé un papier sur l'explosion des bilans des banques centrales pour cette fin de semaine qui montre la grande différence d'attitude entre Fed / BoE et BCE.

    RépondreSupprimer