jeudi 20 décembre 2012

La dérisoire réforme bancaire de François Hollande



Beaucoup de bruit pour rien

Bien sûr, Pierre Moscovici a beau jeu de dire que son projet serait critiqué par les banques comme la gauche de la gauche, pour indiquer qu’il serait équilibré. Mais dans la réalité, autant on trouve de très nombreuses critiques du manque de radicalité de son projet, y compris de la part de personnes modérées comme Olivier Berruyer, autant le projet gouvernemental ne semble guère déranger un lobby bancaire qui ne s’émeut guère des mesurettes concoctées par Bercy.

Reprenant une proposition britannique, le projet gouvernemental propose donc de séparer les activités de dépôt et d’affaires des banques dans des filiales différentes. Mais cette mesure est totalement illusoire. Tout d’abord, elle est déjà en partie en place, certaines banques ayant déjà créé des entités différentes pour faciliter leur gestion. En outre, cela ne change rien pour le risque global : l’une peut couler l’autre. Il faut revenir au Glass Steagall Act et à la stricte séparation des banques des années 1990. Nous n’étions pas en Albanie à cette époque, comme le soutient Olivier Berruyer.

Bien sûr, Moscovici explique qu’il va interdire certaines pratiques spéculatives mais cela est illusoire car il va seulement l’interdire sur le sol français et la libre-circulation des capitaux leur permettra de le faire ailleurs, sans doute un parasite fiscal… L’auteur du très recommandable blog Les crises souligne que le projet français est encore plus laxiste que les projets britannique et étasunien, un nouveau signe de capitulation de François Hollande devant la mondialisation néolibérale.

Roosevelt, ce n’est pas maintenant !

Le plus incroyable est que la crise aurait du provoquer une prise de conscience de la part de nos dirigeants sur la nécessité de mieux réguler la finance. En outre, les leçons des années 1930 et des mesures prises suite à la Grande Dépression aurait du pousser à des mesures beaucoup plus radicales. Mais non, même les gouvernements dits de gauche se laissent totalement berner par des banques qui vont pouvoir continuer leurs activités de casino où pile elles gagnent, et face, les Etats perdent.

Comme NDA l’avait soutenu dans la campagne présidentielle, un nouveau Glass Steagall Act (instaurant une séparation entre les banques de dépôt et d’affaires) est nécessaire. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin. Si les banques sont « trop grosses pour faire faillite », alors, c’est qu’elles sont trop grosses et qu’il faut les découper en morceaux pour éviter qu’elles ne bénéficient d’un aléa moral scandaleux où elles savent que quoiqu’elles fassent, elles seront secourues par l’Etat.

Pour aller encore plus loin, on peut penser à la réforme du 100% monnaie, qui propose de découper les banques en trois (dépôt, prêt, investissement) et qui remet dans la main de l’Etat le contrôle de la création monétaire, point absolument fondamental tant il semble évident qu’il n’est pas normal que ce soit les banques privées qui en soient chargées. Une multitude d’autres réformes doivent aussi être envisagées, comme je l’avais résumé dans un papier rassemblant 18 propositions.

Bref, la réforme bancaire Moscovici-Hollande n’est qu’un Canada Dry qui ne change quasiment rien aux immenses déséquilibres de notre système financier et perpétue les avantages incroyables aujourd’hui détenus par les grandes banques. Ici encore, le changement, ce n’est pas maintenant.

13 commentaires:

  1. est ce capitulation ou une complicité a ce niveau nous pouvons nous poser la question ?

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    1. http://christinetasin.over-blog.fr/article-le-gouvernement-ayrault-accorde-un-pret-aux-marocains-pour-les-aider-a-delocaliser-nos-emplois-113638789.html

      et cela qu'est ce ?

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  2. Les banques espagnoles n'étaient pas particulièrement grosses et faisaient du prêt immobilier. Elles se sont cassées la figure de concert...

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    1. Et le problème était le même en Allemagne ou encore aux Etats-Unis (du moins au départ).

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    2. Pour ça il "suffit" d'imposer un seuil de fond propre, limiter l'effet de levier.. ne pas prêter plus que ce qu'on a dans les caisses ou limiter à 2 fois plus ou 3 fois plus, en 2008 ils étaient a 10 fois plus, 30 fois plus parfois.

      Mais effectivement, une petite banque peu tomber, mais justement l'intérêt est qu'on peut la laisser tomber, elle ne fait pas chavirer toutes les autres banques.

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  3. @Olaf
    C'est bien pour cela qu'il ne faut pas laisser le droit aux banques commerciales de créer de la monnaie et de les limiter à n'être qu'intermédiaires de l'épargne. Dans un système "100% monnaie" cette bulle aurait été impossible car les taux d'intérêts auraient très vite grimpés en décourageant les promoteurs.

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  4. Bonjour,

    A la lecture de ton billet, quelques commentaires me viennnent:

    Je suis toujours resté réticent quant à l'idée de sépération des activités de banques de dépôt de celles d'affaires. Cela va à l'encontre du modèle français de banque universelle, qui, même s'il est risqué, permet de faire jouer le rôle de transformation entre l'épargne courte et les investissements longs. Ceci étant dit, les partisans de la séparation ne manquent pas d'arguments.

    Plutôt que de scinder les banques afin de résoudre le problème du "too big to fail", ne pourrait-on pas prévoir une législation organisant l'expropriation des actionnaires (dont les actions ne valent de toute façon plus rien par hypothèse) et surtout la mise en place d'une nouvelle direction, sans que l'ancienne soit indemnisée bien sûr. Ainsi, l'Etat viendrait au secours des grandes banques sans renflouer ceux à cause de qui le désastre est arrivé. Et cela permettrait de conserver les éconmies d'échelle des grandes banques.

    Dernier point, tu écris "il semble évident qu’il n’est pas normal que ce soit les banques privées qui en soient chargées". Et là, bien entendu, je tique.

    Car que je sache, les banques privées, depuis l'avènement du système bancaire moderne, ont créé de la monnaie. Je veux bien comprendre qu'on puisse proposer un autre système, mais on ne peut pas dire que c'est anormal.

    Par ailleurs, plutôt que de révolutionner complètement le système, ne serait-il pas plus simple de mettre en oeuvre des mécanismes plus efficaces de contrôle de cette création?

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  5. On entend surtout les pro séparation bancaire et pas beaucoup ceux qui proposent d'autres approches moins simplistes et plus adaptée aux spécificités de chaque pays. La séparation est devenue un mantra pour ceux qui croient qu'il en découlerait que du bon, alors que ça risque d'augmenter le coût du crédit.

    La responsabilisation des directions de banques est une meilleure piste et revendication :

    "Comment responsabiliser les administrateurs des banques ? En y nommant des personnalités d’horizons diverses et non du sérail proche, mais aussi en désignant dans certains comités clés comme par exemple le comité des risques et le comité d’audit un nombre d’administrateurs indépendants (des vrais indépendants, par des anciens camarades d’écoles ou anciens collaborateurs en retraite) majoritaires et dotés eux-mêmes d’une solide expérience bancaire.

    Seul un vrai changement culturel dans le fonctionnement des banques permettra de responsabiliser les dirigeants (et pas uniquement les PDG ou DG, mais ce que l’on appelle l’équipe de direction générale) et administrateurs."

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/vauplane/2012/06/10/une-banque-en-difficulte-serieuse-doit-elle-disparaitre/

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/vauplane/2012/05/06/un-chantier-pour-le-president-hollande-la-reforme-du-secteur-bancaire/

    "le niveau de dette de court terme réputée sans risque doit être limité ; l'exposition réelle des banques de dépôt doit être contrôlée ; la détention des créances et leur composition exacte doivent être accessibles au régulateur ; enfin, la banque centrale doit avoir une doctrine claire de son rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise de liquidité."

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/debat/0202416073019-construire-un-monde-ou-les-banques-pesent-moins-515486.php

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  6. Pourriez-vous préciser pour quelles raisons vous avez décidé, mon bon Laurent, de prendre vos distances avec NDA ? Les clins d'oeil de ce dernier au FN vous ont-ils choqué comme ils m'ont choqué. Je vous avoue que je suis de plus en plus tenté d'adhérer à l'UPR d'Asselineau. Pourriez-vous m'indiquer les raisons pour lesquelles il faut préférer NDA à François Asselineau ? Je vous avous me situer en pleine confusion !

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    1. @ Anonyme

      J’ai simplement quitté le porte-parolat, pour devenir en octobre Délégué National en charge de l’économie et du budget de DLR. Il n’y a pas de prise de distance avec NDA, seulement quelques différences d’opinion (notamment sur le mariage pour tous), mais qui ne remettent en aucun en cause la très grande estime que j’ai pour lui. C’est un homme de conviction, un homme honnête, un homme d’Etat et un élu de terrain, une sorte de synthèse des bons côtés de Philippe Séguin (droiture intellectuelle, homme d’Etat, honnêteté) et de Jacques Chirac (la modestie, l’amour des Français, élu de terrain).

      Je reste radicalement opposé à tout rapprochement avec le FN et je pense que cela n’aura jamais lieu car les conditions posées sont très strictes et ne seront jamais remplies par le FN.

      Il y a des gens intéressants à l’UPR et une partie de la production de ce mouvement n’est pas dénuée d’intérêt, mais ce mouvement pose de nombreux problèmes :
      - ce n’est pas un parti politique national, mais un cercle de réflexion (certes dynamique) : 17 parrainages pour Asselineau aux présidentielles, 0 candidat aux législatives (vs 700 parrainges pour NDA et 300 candidats aux législatives), donc sans le moindre espoir d’agir réellement politiquement, même s’ils sont dynamiques sur Internet
      - je n’aime pas du tout la tonalité sectaire et agressive d’une partie de ses membres, notamment à l’encontre de NDA, d’autant plus qu’ils véhiculent des choses totalement fausses (lien avec l’UMP, coupé depuis 2007, FAF…) Récemment, ils ont fait un papier pour dénoncer le fait que NDA aurait repris une image de FA, le syndic de copropriété, avant qu’un commentateur du blog, qui tient aussi son blog, ne démontre que NDA avait utilisé l’image avant FA
      http://tythan.blog.free.fr/index.php?post/2012/12/06/Mais-quand-François-Asselineau-va-t-il-cesser-de-tirer-contre-son-camp
      - l’ego surdimenssionné de FA, qui pollue ses discours de manière assez ridicule en accusant toute personne qui tient le même discours que lui de le copier (comme si Séguin et Chevènement n’avaient pas déjà presque tout dit il y a 20 ans et je suis bien placé pour le savoir), osant dire que le système utilise le FN pour l’empêcher d’émerger (le FN a été créé en 72, l’UPR en 2007…)
      - des délires complotistes auxquels je ne crois pas du tout, et qui, s’ils peuvent mobiliser une base militante convaincue par ces idées est totalement inaudible

      Bref, je pense que c’est à Debout la République qu’il faut militer pour changer les choses car nous avons la chance d’avoir un chef d’une très grande valeur et des militants admirables.

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  7. @ Patrice

    Pour avoir discuté avec Moscovici et Rabaud je crois plus à une capitulation intellectuelle. L’affaire du prêt est totalement ubuesque et révoltante.

    @ Olaf

    Le problème de l’Espagne, c’est que l’intégration dans l’euro a provoqué une convergence des taux longs sur un niveau allemand. Au lieu d’emprunter à 10%, les taux sont tombés à 4/5%, ce qui a nourri une énorme bulle puisque les capacités d’emprunter étaient démultipliées. Le problème de l’Espagne vient de l’euro et de la mauvaise évaluation des marchés (qui n’ont pas différencié les conditions de prêt selon les pays de la zone euro).

    En outre, le gouvernement espagnol n’est pas resté les bras ballants : trois années d’excédent budgétaire (2005-7), ce qui contribuait à calmer la demande intérieure et une réglementation bancaire plus stricte que dans le reste de l’Europe (avec notamment des dispositifs contra-cycliques) mais qui n’étaient pas suffisants par rapport au tsunami financier qui a suivi.

    Tous ces points sont justes et pertinents, mais je crois que la séparation stricte apporte des garanties supplémentaires. Après tout, c’est un système qui a très bien fonctionné pendant des décennies et dès qu’il a été abandonné, nous avons eu de gros problèmes…

    @ Flo Pat

    Entre autre, oui. 2 ou 3 fois seulement, c’est sans doute trop peu dans un dispositif actuel. 5 fois semble quelque chose de raisonnable. A moins de passer à la couverture complète par un dispositif de type 100% monnaie.

    @ A-J H

    Très juste

    @ Tythan

    Je crois de plus en plus que la stricte séparation des activités est un moyen de rendre le système plus sûr : on peut reprendre la belle image de Sapir qui parlait de compartimenter la cale d’un bateau avec des cloisons étanches alors qu’aujourd’hui, le système revient à supprimer toutes les cloisons au nom de la libéralisation, ce qui fait que la moindre brèche dans la coque du navire financier mondial menace de faire couler l’ensemble du bateau. Il me semble qu’à l’origine, nos banques étaient moins universelles, certaines nettement spécialisées dans le dépôt (BNP, avant la fusion-rachat de Paribas, SG…) et d’autres dans les affaires (Paribas), mais je peux me tromper.

    D’accord sur le point des actionnaires, mais aujourd’hui, on ne pourrait pas laisser BNP-Paribas faire faillite car son bilan est équivalent au PIB de la France. Un simple changement de direction n’est pas suffisant. Il n’est pas normal (et The Economist l’a écrit plusieurs fois) que les plus grands établissements bénéficient d’une garantie de facto de l’Etat sur la poursuite de l’activité (cela revient à une privatisation des profits et une collectivisation des pertes, même si les actionnaires sont également perdants en cas de gros problème). Je crois qu’il faut organiser le système bancaire de manière à ce qu’une banque puisse faire faillite, mais en sauvant les épargnants naturellement.

    Je sais bien sûr que les banques privées sont chargées de la création de la monnaie mais je pense que la crise que nous traversons démontrent que ce modèle pose d’énormes problèmes, qu’il faut résoudre et qu’il n’est pas normal qu’il n’y ait pas plus de contraintes et de réglementation de cette création monétaire et que l’on pourrait parfaitement envisager que l’Etat reprenne totalement le contrôle de cette création (cf 100% monnaie).

    Je crois justement que des mécanismes de contrôle sont insuffisants. Il faut radicalement revoir le système pour en supprimer les nombreux effets pervers à mon sens (court-termisme, prise de risque excessive, poids de la finance excessif, aléa moral, perturbation de l’économie productive…)

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  8. Pour sa part, l’économiste allemand Hans Werner Sinn reste sceptique quant aux avancées réelles d’une telle séparation en ce qui
    concerne la participation de l’Etat dans le sauvetage des banques. « Il est douteux que les possibilités de sauvetage du
    gouvernement soient réellement réduites, dit-il. On voit mal un État refuser de sauver une importante banque d'investissements, en
    prétextant qu’elle ne gère pas l'épargne des clients. »
    Pour certains, comme Paul Goldschmidt de l’Institut Thomas More, le débat est ailleurs. En effet, le rapport Vickers ne s’attaque pas
    aux causes réelles de la crise financière de 2011 qui se situent au niveau du financement des Etats. D’après lui, la crise financière «
    est la conséquence directe de la surexposition des banques aux titres de la dette souveraine dont le caractère « risqué » est au coeur
    de la crise. Séparer les activités « traditionnelles » des banques de leurs activités de « banque d’affaires » ne changera en rien cette
    situation car c’est le financement même des Etats qui est devenu le point névralgique de l’activité « spéculative ».

    http://www.lafinancepourtous.com/content/view/pdf/19963

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  9. Il est clair que la seule séparation bancaire n'est pas suffisante, la finance toxique demeurerait et contaminerait le système bancaire ne serait-ce que via la gestion de ses fonds propres. mais ce n'est pas un argument pour récuser une réforme qui irait dans le bons sens, permettant en particulier de scinder les mastodontes bancaires, ce qui réduirait ipso facto le risque systémique représenté par chacun d'entre eux. La réforme devrait d'ailleurs aller au-delà en interdisant aux banques d'abuser de leurs clients captifs pour placer des produits non seulement de courtage mais aussi d'assurance. Celà réintroduirait un peu de transparence et de concurrence sur le marché des produits financiers. le crédit serait plus cher ? Sur ce simple facteur, bien entendu, mais son coût dépend principalement du risque et du taux de refinancement de la banque centrale, et ces deux facteurs seraient réduits par une régulation plus efficace. L'un dans l'autre, le crédit n'en serait certainement pas renchéri.
    D'accord par ailleurs avec la suggestion de Tythan : une règle de base devrait être que toute aide à une banque passe par une participation au capital, de manière à sanctionner les actionnaires à la mesure du coût du sauvetage.

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