Mardi soir, j’étais invité avec une
douzaine d’autres blogueurs à une rencontre avec Pierre Moscovici, à
l’initiative du ministre de l’économie. L’occasion de mieux comprendre le
raisonnement du meilleur représentant de l’aile
social-libérale (même s’il se dit social-démocrate) du PS.
« Il n’y a pas d’alternative »
Comme le rapporte le blog
Politeeks, j’ai démarré les questions politiques en posant une ministre sur
les politiques d’austérité menées en Europe en soulignant qu’elles
sont aujourd’hui contestées de toute part, y compris au FMI
à l’OCDE, mais surtout par les libéraux progressistes que sont les « prix
Nobel d’économie » Krugman
et Stiglitz.
Après avoir admis que la situation n’était pas idéale, il a justifié le plan
d’austérité par les marchés, en affirmant que sans cela, les spreads (le ministre est très adepte des
anglicismes) risquaient de s’envoler et de placer la France dans la position de
la Grèce.
Je lui ai
alors répliqué en avançant qu’il y avait une solution pour se soustraire à
l’influence des marchés, à
savoir la monétisation des dettes publiques. J’ai fait l’erreur de citer
l’exemple de la Grande-Bretagne, ce qui a permis au ministre de répondre à
côté, en disant que la Grande-Bretagne n’était pas un exemple pour lui, qu’elle
menait, elle, une vraie politique austéritaire, comme si j’avais suggéré que
c’était un exemple, alors que j’avais dénoncé ces mêmes politiques juste avant…
En fait, comme le souligne Politeeks,
Pierre Moscovici a été cohérent dans son
discours social-libéral tout au long de l’heure et demi qu’il nous a
accordée. Le ministre semblait beaucoup plus préoccupé par le niveau de la
dette et notre compétitivité que par celui du chômage alors que de
nombreux auteurs ont démontré que le niveau de la première n’est pas si élevée
dans une perspective historique et qu’il existe des moyens pour gérer cela
de manière plus humaine, sans pratiquer l’austérité.
L’impasse
tranquille
J’aurais
voulu poser une question sur l’illusoire
quète de compétitivité de notre pays, où le coût salarial horaire est de 34
euros, alors qu’il est à 3,5 euros en Bulgarie ou 7 euros en Pologne afin de
souligner la nécessité du protectionnisme pour protéger nos emplois et notre
modèle social. Baisser l’écart de un ou deux euros ne changera rien aux
décisions d’implantation des entreprises, BPI ou pas. Il m’aurait sans doute
répondu spécialisation industrielle et dit que le protectionnisme mène à la
crise, ce qui est démenti par des prix Nobel d’économie et la crise de 2008.
Bref, pas
grand chose à attendre d’un tel débat. Le PS reste coincé dans un cadre où les
biens et les capitaux sont libres de tout mouvement, où nous avons un euro géré
par une banque centrale indépendante et dogmatiquement monétariste sans jamais
se poser la question de remettre ce cadre en question. Bien sûr, le PS prend
des mesures différentes de l’UMP, mais cela s’apparente à changer la décoration
du Titanic sans remettre le moins du monde en question sa direction…
L'économie - la théorie économique encore moins - n'est pas l'essence du politique. Tout cela n'est que l'intendance et est éminemment secondaire. Continuer à employer principalement le vocabulaire économique pour parler de politique s'est s'enferrer dans les rets des raisonnements que portent, en eux-mêmes, les concepts économiques. Toute réflexion sur la politique commence par une réflexion sur la langue, le verbe. Ne pas vouloir le comprendre c'est ne rien vouloir changer !
RépondreSupprimerNous avions vu que Moscovici était très "strauskanien" lors de toutes les émissions TV où il apparaissait avant les élections; et encore, on a eu de la chance de ne pas avoir DSK ...
RépondreSupprimerRien à attendre d'une équipe aussi bloquée si ce n'est de montrer au Peuple que "There Is Notre Alternative"
Je me souviens de Hollande dans la petite vidéo http://www.dailymotion.com/video/xh26ks ... qu'attendre d'eux ? surement pas qu'ils changent d'avis !
Bonjour, au sujet de la traduction de l'expression anglaise TINA "There is no alternative", le mot alternative a un sens plus restreint en français, puisqu'une de ses acceptions est choix à deux branches, alors qu'en anglais, il signifie simplement choix.
RépondreSupprimerhttp://www.cnrtl.fr/definition/alternative
TINA, à mon sens se traduit par : « Il n'y a pas le choix » ou encore mieux par « Vous n'avez pas le choix ». Ce qui traduit bien le peu de considération de la prise en compte de l'opinion des citoyens par ce type de dirigeants politiques.
Je suis bien d'accord avec l'analyse de Laurent Pinsolle et je le remercie pour son activité militante.
gilles du forum du Plan C
@ Gilles
RépondreSupprimerMerci pour ces précisions
@ A-J H
Merci pour le lien sur Hollande. Je ne vois pas l'ombre d'une chance pour le "hollandisme révolutionnaire"...
@ Jaurès
Oui, l'économie n'est pas l'essence du politique. Mais non, ce n'est pas de l'intendance. Les choix en matière d'économie ont une grande influence sur le cours des choses.
Et rien sur la "réforme bancaire"??
RépondreSupprimerA ces gens-là, tu leur parles uniquement de la gamelle. Sont-ils conscients que la politique d'austérité va considérablement renforcer les deux fronts et représente la plus grande menace pour l'UE?
RépondreSupprimerJard
C’est l’imposture de ce début de siècle. Les socialistes se sont fait élire en faisant marcher leurs électeurs sur leurs propres ressorts. Une fois élus, leur action est guidée par leur doctrine économique qui est celle du néolibéralisme. L’UMP aurait agi à l’identique. Toutes les promotions de l’ENA depuis 1974 (merci Giscard) ont été soumises à cet endoctrinement.
RépondreSupprimerSon objectif préliminaire est de faire disparaître les états-nation en les submergeant par la dette publique. Cela entraine la disparition des classes moyennes et, par conséquent, celle de la démocratie. Ce préalable est indispensable à l’établissement d’un gouvernement économique mondial qui ressemble de plus en plus à une mise en place d’une hégémonie de l’oligarchie financière anglo-saxonne.
Sur le plan de la sémantique, les socialistes français se sont convertis il y a une dizaine d’années à la social-démocratie, alors que leurs homologues anglais et allemands étaient déjà passés au « social-libéralisme ». Il est curieux de constater que le terme « libéralisme » a remplacé celui de « démocratie ». Comment ne pas évoquer le propos de J Madison (4ème président américain) tenu en 1804 : « Il y a incompatibilité entre la propriété privée et la démocratie » ?
" J’ai fait l’erreur de citer l’exemple de la Grande-Bretagne, ce qui a permis au ministre de répondre à côté "
RépondreSupprimerLe ministre a bien vu ou vous vouliez en venir. Le simple fait de s'en tenir exclusivement à la Grande-Bretagne sans ouvrir le débat démontre bien la mauvaise foi du personnage, et la langue de bois utilisée par les membres de ce gouvernement.
Mosco n'est-il pas qu'un fonctionnaire européen de plus ?
RépondreSupprimerMais Laurent, qu'alliez-vous faire chez cette crapule autiste ( et je vous fais grâce de beaucoup d'autres épithètes ) ?
RépondreSupprimerVous allez me répondre : "Mais c'est un ministre !" et moi je vous dirai : "Raison de plus pour refuser de l'approcher ! Vous avez votre dignité, non ? Et d'ailleurs ce serait la même chose s'il était UMP."
Personnellement je refuserais de m'abaisser à adresser la parole à ... Mais la liste serait trop longue ; disons simplement : "Quiconque appartenant à la classe politico-médiatique".
J'arrête la, je vais me laisser emporter par l'enthousiasme.
Sancelrien
Laurent, en tant que futur ministre de l'économie de NDA tu as vu ce qu'il ne faut pas faire avec les blogueurs ... répondre à côté
RépondreSupprimer;-)
Plus que l'économie, ce qui pose problème en France c'est la civilité. Dans les boites les gens se disputent ou se dénigrent en permanence, se font des coups bas, s'insultent aussi parfois.
RépondreSupprimerLa hiérarchie y est autoritaire et bornée. Les transports en commun sont souvent dégradés, sortes de défouloirs, les gens laissent les crottes de leurs chiens sur le trottoir...
Je ne vois rien de cela en Allemagne, les gens sont polis et souriants, négocient les désaccords sans haine, l'espace public est respecté et pas dégradé ou sali. Il y a nettement moins de SDF, le droit au logement y est donc bien plus respecté.
@ Bertrand Buisson
RépondreSupprimerSi, on en a parlé. Il nous a soutenu que comme la gauche de la gauche n’était pas contente, ainsi que les banquiers, cela devait vouloir dire qu’il était au bon point d’équilibre… Présentation habile des choses qui peine à masquer le manque de radicalité de la réforme.
@ Jard
Je crois que leur pari, c’est de sacrifier le court terme pour se sauver dans 5 ans, sauf que la reprise a un côté pensée magique…
@ Cliquet
D’accord (encore que NDA, passé après 1974, montre que l’on peut s’en sortir). Sur les socialistes français, je crois que leur conversion est beaucoup plus ancienne : dès la 4ème République. La parenthèse dirigiste des années 1970 et du début des années 1980 donne l’impression que cela est plus récent, mais n’oublions pas que le Général disait qu’il n’aimait pas les socialistes parce qu’ils n’étaient pas socialistes. En outre, le Fabius de 1984 avait beaucoup cédé au néolibéralisme ambiant (cf Acte Unique), Rocard a autorisé la libre-circulation des capitaux, Jospin a plus privatisé que Balladur et Juppé, signé la libéralisation des services publics…
@ Michel
Erreur face à un interlocuteur qui ne débat pas de manière parfaitement honnête en effet.
@ Sancelrien
C’est toujours intéressant de voir comment il raisonne. Il faut connaître son ennemi comme le dit Sun Tsu.
@ A-J H
C’était assez décevant d’avoir des réponses aussi convenues et le fait d’être une douzaine ne permettait pas de relancer autant qu’on le souhaitait.
@ Olaf
Ne faisons pas de généralités. Cela peut être vrai mais ce n’est pas partout pareil.