Quand
PSA a annoncé son plan social en juillet, le
gouvernement lui est tombé dessus avant de finalement laisser faire au
prétexte que le groupe aurait fait des erreurs stratégiques qu’ils paieraient
aujourd’hui. Renault, en revanche, a
pu annoncer 7500 suppressions de poste calmement.
Deux
poids, deux mesures
Le
discours du gouvernement et de la majorité à l’égard de nos constructeurs
automobiles est stupéfiant de bêtise. Tout d’abord, il faut noter que PSA a
beaucoup moins délocalisé que Renault puisque le premier produit encore 40% de
ses véhicules dans l’hexagone quand le second n’y construit plus que moins de
25% ! L’erreur stratégique de PSA serait-elle de ne pas avoir suffisamment
délocalisé ? Bref, c’est Renault qui devrait être critiqué sur ce point et
non pas PSA.
Ensuite, il
ne faut pas oublier que les
plans sociaux des deux entreprises sont similaires en taille et que Renault
devrait au final couper une proportion plus importante de ses effectifs en
France (15% contre 10% pour PSA) du fait que le constructeur a plus délocalisé.
Bref, là aussi, le plan de l’ancienne Régie est au moins aussi critiquable que
celui de PSA, même s’il a l’avantage de ne pas proposer de fermeture de site.
Pire, l’Etat
achète des Ford et des Volkwagen en même temps.
Enfin, il
faudrait rappeler le différentiel de rémunération entre les deux patrons. Philippe
Varin a touché 1,3 millions d’euros au titre de 2011, quand Carlos Ghosn en
touche plus du double au titre de Renault (2,8 millions) et dix
fois plus si on compte les revenus qui viennent de Nissan (12,7 millions).
Bref, on a beau prendre le dossier dans le sens que l’on veut, il est difficile
de ne pas arriver à la conclusion que l’Etat devrait être bien plus critique à
l’égard de Renault que de PSA.
Erreurs
stratégiques ?
D’ailleurs,
il s’agit plutôt d’un bon résultat pour un constructeur généraliste européen.
Les pertes de General
Motors et Ford
en Europe se comptent en milliards. Fiat
a perdu 700 millions sur le continent et Renault
a a un résultat opérationnel négatif. Bref, dans un contexte aussi mauvais
(le
marché européen a reculé de plus de 20% depuis 2007), la performance de PSA
peut plutôt être considérée comme très correcte et le plan comme une
conséquence de la chute du marché en 2012.
Sur les
erreurs stratégiques, là encore, il ne faut pas exagérer. Certes, PSA n’a pas
lancé une marque bas de gamme comme Dacia, mais seul Renault l’a fait, et cela
n’aurait pas créé d’emplois en France (et en aurait même sans doute détruit).
Ensuite, PSA fait une belle percée en Chine et a réussi à lancer une ligne plus
haut de gamme (DS) au sein de la marque Citroën, qui se vend très bien, tout en
ayant redressé cette dernière qui en avait encore bien besoin il y a 10 ans.
Surtout que l'état détient 15%des actions de Renault, il a donc son mot à dire. L'autre jour à la télé Montebourg était d'une mauvaise foi évidente mis en contradiction par les journalistes libéraux. Triste d'être socialiste et de devoir avaler des couleuvres.
RépondreSupprimerSi l'on peut partager votre analyse du point de vue de la production commerciale, il ne faut pas oublier le versant financier. De ce point de vue, le dossier PSA Finance est extrêmement lourd et ne va pas sans rappeler les errements de GM ; la financiarisation absurde des constructeurs automobiles devrait entrer dans le débat.
RépondreSupprimerLe PS, c'est la droite dure. Le PS, c'est la droite bancaire, cette "gauche" qui aime voir le peuple payer les intérêts de la dette au gentil marché (loi de 73, article 123 du traité). Le PS, c'est les baronnies locales. Le PS, quand il "pense", en 2013, cela donne Terra Nova. A ce propos, les adhérents CFDT, s'interrogeront sur les options libérales de leur ancien timonier. La génération 68, c'est la droite dure, sous les traits de la bonne humeur, et célébrant le divertissement. Pendant la techno-parade, le marché avance, à grands pas. Pendant le festif, tous les copains arment à mort la concurrence pure et parfaite à Bruxelles. Pendant le barouf de la fête de la musique (plus grande concentration au monde de fausses notes sur une même demi-heure) on délocalise à toute blinde. Heureusement qu'il y a le sociétal par masquer le saccage sociale. C'est beau le libéralisme économique, une fête en larme comme qui dit Jeannot. Le PS, c'est la droite dure, néo-libérale, le parti de l'homme nouveau, sans histoire et qui, né à la Courneuve, aura le droit d'aller bosser à l'usine en Chine (le tout suivi de haut en hélico par des écolos, afin de s'assurer que le prolo, il y va bien en vélo, en Chine).
RépondreSupprimerPour bien comprendre le PS, il faut lire Pasolini, Lasch, Michéa, Clouscard, Muray, Obertone. Ami d'en bas, méfie-toi, le PS ne te veut pas que du bien, et rendez-vous en Chine.
L'état n'a aucune vision à long terme de la filière auto, en témoigne la fiscalité qui avantage le diesel.
RépondreSupprimerAssez rapidement vont arriver les voitures sans conducteurs, est ce que Montebourg y réfléchit ?
Encore un exemple de la gestion de l'argent public :
http://www.observatoiredessubventions.com/2013/le-scandale-des-hlm-de-guadeloupe/
Analyse hétérodoxe très intéressante.
RépondreSupprimer@ Anonyme
RépondreSupprimerMerci.
@ Olaf
Très juste : c'est ridicule d'avoir 20 centimes de moins de taxe sur le diesel. Le problème est qu'à l'UMP et au PS, il n'y a aucune réflexion de long terme.
@ Jaurès
Bien d'accord.
@ Windofchange
Certes, mais Renault est sauvé par sa participation dans Nissan. Sur le fond, les performances de PSA et Renault sont proches, meilleurs que celles d'Opel, Ford Europe ou Fiat sans Chrysler...
@ André
Merci pour ce rappel
Ce qui me troue le derrière, c'est l'aveuglement des responsables économiques en France. Récemment, je discutais avec un consultant de l'industrie français qui prétendait que la robotisation ça vaut rien. Le mec a un MBA, est Centralien et a un doctorat de physique des matériaux, quand même.
RépondreSupprimerPendant ce temps l'Allemagne se suréquipe en robots et machines automatiques ultra sophistiquées. On se croirait en 1939, de Gaulle qui écrivait sur l'armée mécanisée et n'intéressait personne en France, pendant que l'état major allemand le lisait et appliquait ses méthodes, tout comme Clausewitz avait soigneusement étudié les stratégies de Napoléon. L'histoire se répète parfois.
Oui l'histoire se répète : la première fois en tragédie, la seconde comme farce (Marx)
SupprimerC'est qu'une formation essentiellement scientifique et technique ne donne aucune compétence particulière face à des choix stratégiques de nature essentiellement politique.
RépondreSupprimerOn a là le domaine de formation qui manque le plus, probablement à Centrale comme dans d'autres grandes écoles et leur antichambre type science po. Que signifie l'intérêt général, à quelle échelle, qui est apte à le formuler, comment on inclut le peuple dans cette discussion de façon à donner de la légitimité aux mesures que l'on s'apprête à prendre ?
Deux extrêmes se présentent alors. Les technocrates de tout poil et tout bord annulent purement et simplement la nécessaire reconnaissance des conflits d'intérêts, de visions, de traditions qui se présentent quand on parle de l'intérêt général d'une communauté politique. Ces conflits ne peuvent trouver de résolution viable que dans des procédures démocratiques vivantes. Les technocrates s'exposent alors à voir leur construction emportée par manque de légitimité, et leur aigreur antidémocratique s'en trouve renforcée.
De l'autre côté des incompétents notoires dans les domaines techniques qui prennent des décisions absurdes à court, moyen et long terme, comme dans le secteur automobile, voire dans la sidérurgie, au nom du libre-marché et de la "construction" européenne.
Ces deux versions de l'apolitisme le plus borné et autosatisfait enfoncent logiquement l'économie du pays.
Francis Commarrieu.
On inclus le peuple par les conférences de citoyens , mais comme le peuple ça pue nous ne le faisons pas!
SupprimerMorceau choisi sur la lucidité et le sens des affaires chez nos politiques extrait d'un article du Point du 7 avril 2010: "Christine Lagarde et Christian Estrosi estiment que "ce partenariat avec Daimler se traduira par des retombées positives pour le groupe Renault et pour la France. Ils assurent que "des perspectives d'emploi nouvelles s'ouvriront en France sur les sites de production de Renault (Maubeuge, dans le nord de la France, et Cléon, dans le nord-ouest) comme de Daimler (Hambach dans l'est) présents sur le territoire". Bravo les artistes ! Une telle vision de l'avenir est stupéfiante chez nos éminences qu'elles soient de droite ou de gauche, d'ailleurs.
RépondreSupprimerConcernant les liens entre Renault et l'Etat, personne ne peut contester le fait que l'Etat conserve, même après avoir vendu une grande partie de ses participations, le moyen d'influencer les choix stratégiques de l'ancienne entreprise nationalisée. Or, il ne fait rien pour défendre ou promouvoir les intérêts de notre pays, bien au contraire.
L'attitude des socialistes, que Laurent dénonce à juste titre, traduit-elle la volonté de ne pas assumer cette passivité de l'Etat-actionnaire ou signifie-t-elle qu'ils partagent les convictions libérales de Carlos Ghosn, allant même jusqu'à admirer cette nouvelle icône de l'entrepreneur mondial, "sauveur de Nissan" ?. A votre avis ?.
Quoi qu'il soit, la preuve est faite que le pouvoir politique actuel, comme celui qui l'a précédé, met sciemment en oeuvre une politique de destruction, de désintégration de notre économie qu'il dissimule parfois maladroitement derrière une communication politiquement correcte.
Rappelez-vous de cette idée socialiste grotesque du juste échange que la fondation socialiste Jaurès définit ainsi : " LA RECIPROCITE – si la Chine a le droit d’accéder à nos marchés publics, nous devons avoir le droit d’accéder aux siens ; L'EQUILIBRE – si la Chine exporte pour 280 milliards d’euros en Europe, l’Union européenne (UE) doit pouvoir exporter à peu près autant vers la Chine, et non 130 milliards comme c’est aujourd’hui le cas ; L'EQUITE – nos marchés doivent être ouverts aux produits des pays les moins développés sans droits de douane ; et enfin le respect des normes européennes et internationales établies par les grandes Conventions". Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Au final, une idée résume assez bien ce que font les socialistes : leur main droite ne regarde pas ce que fait leur main gauche. D'un côté, des grands discours pompeux et solennels pour les idéalistes, de l'autre, l'avidité et la rapacité affairiste pour les cyniques avec un enrobage de bons sentiments et de "valeurs de gauche". Pour être efficace, servir le tout d'une seule voix avec conviction et le répéter ad libitum .
Francis Commarrieu
RépondreSupprimerLes "élites" françaises sont d'une connerie illimitée. Des crétins de caste, et ça plombe la France. Ces petits abrutis sortis de leurs écoles croient dominer le monde, tandis que celui ci va s'abattre sur leurs tronches de prétentieux bien nés.
Il est temps que l'histoire leur inflige une lourde correction, à ces prétentieux inutiles et néfastes.
Le problème étant que dans l'intervalle beaucoup qui n'ont rien demandé, et pire, qui ont avalé toutes les couleuvres depuis trente ans (1983) de "politique de rigueur", vont sévèrement morflé - s'il ne morfle déjà ! - pour solder l'incurie de nos classes dirigeantes.
SupprimerEn même temps si l'on voulait être cynique : ils n'ont que ce qu'ils méritent, car après tout nos politicards sont parfaitement bien élus et réélus.
A la décharge de nos cons-citoyens, ces derniers subissent un matraquage et manipulation politico-médiatiques permis précisément par l’avènement de l'industrie du spectacle.
En même temps que les authentiques résistants et dissidents au Système sont méthodiquement diabolisés à dessein par les mêmes qui se partagent le pouvoir depuis et contribuent à alimenter la mascarade de l'alternance.
Un Système résilient qui sait prodigieusement secréter au moment opportun quelques fausses oppositions dont l'imposture intrinsèque sera très justement mis au jour par le fait qu'elles ne manquent jamais, elles aussi le cas échéant, de crier avec les loups contre ceux qui avaient vu clair depuis le début.
Tout à fait d'accord avec vous deux.
SupprimerLe monde tombera bien sur la tronche des castes incompétentes qui prétendent diriger la France, mais il s'abattra sur les autres Français d'abord.
Ensuite il faut bien repenser les lieux et la formation des élites, car aucun peuple ne s'en passe.
FC.
D'accord avec Olaf.
SupprimerJ'ajouterais qu'en tant que citoyens-salariés-consommateurs, nous portons tous une part de responsabilité individuelle en tant passifs, fatalistes, résignés au quotidien. Posons-nous la question sur ce que nous faisons - ou pas - pour que la situation change.
Peut-être est-ce d'ailleurs un comportement
"naturel" chez l'être humain comme on peut le penser en observant les exemples nombreux où nos semblables ont accepté l'inacceptable sans rien dire, ni rien faire. Regardez la Grèce depuis quelques années !
@ Francis
RépondreSupprimerCela rejoint complètement la récente série de papiers de Sapir, sur laquelle je vais revenir prochainement.
@ Démos
Je pense que le PS n’assume pas la passivité de l’Etat sur Renault et que pour le reste, TINA : il n’y a pas d’alternative. Le PS (comme l’UMP) a débranché son cerveau et accepte le logiciel néolibéral.
Pas complètement d’accord sur les comportements individuels. Nous n’avons pas toujours le choix. Et il faut que les circonstances soient réunies.
@ Olaf
J’espère qu’on en approche.
@ Julien
C’est plus compliqué. Le virage de 83 correspond au fond réel de ce que pense le PS mais aussi à la vague idéologique du moment (Reagan-Thatcher). Il ne faut pas oublier le contexte historique pour comprendre pourquoi nous n’arrivons pas à changer de politique : chute du communisme, triomphe des idées néolibérales. En outre, l’influence de la mondialisation sur nos économies se fait sentir progressivement et ses effets les plus durs ne sont visibles que depuis une dizaine d’années (émergence de la Chine).