L’immense intérêt de ce livre, outre le
récit vivant et argumenté de la crise (y
compris européenne), réside dans les nombreuses propositions que fait
Jean-Luc Gréau pour s’en sortir. Où l’on voit que les solutions sont bien
connues mais qu’elles sont ignorées par nos gouvernements.
Restructurer en profondeur le système monétaire et financier
Il commence par dénoncer l’indépendance
des banques centrales en rappelant que ce sont les Etats qui ont cassé
l’inflation excessive des années 1970. Dans un long développement, il revient
sur les propositions de Maurice Allais, qui
proposait que la création monétaire soit réservée aux Etats. Notre seul
« prix Nobel d’économie » craignait en effet que les banques ne
prêtent trop ou soient tentées de financer à court terme des prêts à moyen ou
long terme. Il n’hésite pas à vanter le
dirigisme étatique chinois dans le secteur bancaire, au service de la
nation. Il propose de monétiser jusqu’à 2% du PIB par an de la dette publique,
dans la limite d’un montant défini dans les lois de finances.
Il propose une stricte séparation (juridique et capitalistique) des
banques en trois entités : dépôt, crédit et investissement, suivant
les propositions du 100% monnaie. Il propose également d’interdire les
opérations spéculatives pour compte-propre, de manière à ce que le crédit ne
serve pas à financer la spéculation ainsi que les activités de carry trade
(l’emprunt dans un pays pour placer dans un autre, pour bénéficier des écarts
de taux). Et, dans
une logique proche de la charte de la Havane, il envisage même que les
excédents de balance des paiments des uns soient cédés à ceux qui sont en
déficit, de manière à éviter de créer des masses de monnaies en recherche de
placement.
Pour lui, il faut conditionner le refinancement des banques auprès de
la banque centrale à la limitation stricte de la titrisation. Il propose également
d’imposer aux banques de conserver une part importante des prêts qu’elles
accordent tout en y ajoutant une décote pour tout prêt cédé pour transformer le
prêt en « bien d’occasion ».
Il propose de renforcer les obligations de liquidités. Enfin, il propose de
limiter la part du financement inter-bancaire dans les bilans des banques. Il
souligne le rôle du gel du marché interbancaire, dont les volumes ont été
divisés par 10 pendant la crise, pour rappeler que le
financement par les banques centrales revient à une « étatisation de fait du système de crédit ».
Dette, crédit et renouveau industriel
Jean-Luc Gréau envisage un nouveau système de crédit pour compenser le
tarissement des prêts issus des anciennes banques du fait des nouvelles règles.
Il imagine des organismes de crédit sectoriels, avec le soutien public de
l’Etat, voir des régions. Pour lui, cela relève d’une logique de
« trustification », une stratégie qui consiste « à s’assurer la sécurité de leurs
approvisionnements en amont de leur filière d’appartenance ». Dans un
logique très fordiste et progressiste, il souligne que la rémunération du
travail devrait être indexée sur la productivité.
Il plaide aussi pour « une
nouvelle politique industrielle », s’appuyant sur les
sondages de l’association de Philippe Murer démontrant que les peuples
européens sont favorables au protectionnisme. Etant donné le manque de capitaux
des industriels, il propose de s’appuyer sur le Fonds Stratégique
d’Investissement, financé par la Caisse des Dépôts, les collectivités
territoriales mais aussi des fonds d’investissement privés, et enfin une
reconfiguration de l’actionnariat, qui donnerait les droits de vote aux
actionnaires engagés pour plusieurs années et non aux spéculateurs à court
terme.
« La Grande récession »
de Jean-Luc Gréau est un livre essentiel. Non seulement il propose une
analyse équilibrée et robuste de la crise globale et européenne,
mais également de nombreuses pistes pour s’en sortir, le tout dans un format
facile à lire et pédagogique. Merci.
Source : Jean-Luc Gréau, « La Grande Récession (depuis 2005) », Folio actuel (poche)
N'ayant pas lu son livre je ne sais s'il plaide encore pour une nationalisation-sanction des banques et la fin de l'indépendance des Banques centrales. Ses solutions sont raisonnables mais l'ampleur de la situation rendra nécessaire la mise en oeuvre de solutions plus radicales tel que le défaut partiel ou total sur les dettes dans la mesure où comme le décrit Emmanuel Todd elles ne sont que la résultante du placement de l'argent des riches auprès des états et qui ont l'assurance par la complaisance des pouvoirs en place de s'enrichir encore plus par les taux d'intérêts exorbitants qui pressurent les peuples comme des usuriers des temps modernes.
RépondreSupprimerTodd n'a rien inventé. Il n'a que bien peu de compétences en matières économiques et monétaires Il se targue de donner un avis en adoptant - avec un peu de retard - les idées que d'autres ont exposées bien avant lui...
RépondreSupprimerPas du tout Todd sait tout sur tout d'ailleurs c'est lui qui le dit !
SupprimerComme les "experts" ès économie se trompent depuis 30 ans avec une régularité confondante il est possible qu'un non-expert ait raison. L'analyse de Todd est plutôt de type marxiste; il reproche souvent et avec raison aux économistes leur manque de culture politique, historique et sociale. Le néolibéralisme que l'UE pratique et dont tous les économistes sont les défenseurs patentés est la négation de toute la régulation de l'économie qui a permis de sortir de la crise de 1929. La plupart des économistes ne sont pas neutres puisqu'ils sont stipendiés de diverses façons par les banques.
SupprimerGaulliste ?
RépondreSupprimer70 ans de retard
La roue a tourné et nous basculons dans un autre monde et toutes les règles actuelles deviennent caduques.
Un peu plus de plus de jugeote et de créativité sont nécessaires pour sortir de la catastrophe possible.
(à titre personnel)
RépondreSupprimerConsidérant:
Qu'une monnaie nationale est un des attributs d'un pays souverain
Qu'un pays souverain doit émettre sa propre monnaie
Que les seuls besoins d'emprunt sur les marchés correspondent aux devises extérieures (dollars par exemple) qu'un pays souverain ne peut produire et dont il ne dispose pas (solde négatif de sa balance des transferts, intégrant le déficit commercial)
Considérant également :
Qu'un État ne peut être comparé à un ménage ou a une entreprise. C'est lui qui doit émettre la monnaie permettant aux secteurs privés de payer des taxes et impôts.
Que la perception des taxes et impôts est un régulateur de la quantité de monnaie en circulation
Qu'en conséquence la dette publique (et donc la "nécessité" de la financer sur les marchés) est une totale aberration intellectuelle ou une volonté d'appauvrir les peuples
Que tant qu'il existe un besoin (collectivement souhaitable), la volonté de le satisfaire, les moyens techniques, les matières premières et énergétiques et enfin un excès de main d’œuvre disponible et qualifié et le savoir-faire, le Trésor Public doit pouvoir financer les besoins d'investissements du pays.
Qu'un État n’a pas à se poser la question de savoir s’il y a assez de recettes, car en fait il n’en a pas réellement besoin; il peut émettre ce dont il a besoin. Les taxes et impôts participeront ensuite à la régulation de la quantité de monnaie circulante.
Que le dogme de l’équilibre des finances publiques est nocif : il faut que l’État soit en déficit (investisse) lorsque le privé est trop frileux.
Que les dépenses des uns (la collectivité) font les revenus des autres lors des séries d'échanges ("mes revenus sont vos dépenses, mes dépenses sont vos revenus").
Qu'une récession c’est une baisse de la demande dans l’économie, mais d’où vient cette baisse de la demande ? Du fait que les entreprises licencient quand elles ralentissent leur activité. Les gens perdent leurs emplois, et donc ils consomment moins. Ces licenciements provoquent une baisse de la demande, qui provoque d’autres licenciements, et ainsi de suite dans un cercle vicieux. Si, d’une manière où d’une autre, on pouvait garantir un emploi à chacun qui le perd, cette baisse de la demande serait stoppée nette.
Nous demandons:
Le retour aux monnaies nationales non convertibles si ce n’est dans une Unité de Compte Commune avec les pays voulant éventuellement participer à cette "monnaie commune". La parité entre ces monnaies nationales et l'UCC serait politiquement fixée.
La mise en place du 100% monnaie (SMART / Système Monétaire A Réserve Totale) suivant la ligne Allais/Gomez (les banques doivent éclater en 3 entités), mâtiné d'une "philosophie" néochartaliste et post keynésienne afin d'éradiquer le chômage autant que faire se peut, en considérant que lorsque la production privée est en panne c’est la production publique qui doit prendre le relai.
De revenir sur le dogme de la nécessité de l’indépendance de la Banque de France en donnant au Parlement et au Gouvernement (+ Cour des comptes ?) leurs prérogatives souveraines; celle de décider lors du vote du Budget de l’émission au bénéfice exclusif du Trésor Public (la collectivité) de la monnaie nécessaire pour satisfaire aux besoins collectifs et à l'utilisation de cette nouvelle masse monétaire.
De plus en plus évoquent une sortie de l'Euro, y compris en Hollande avec Bolkenstein et en Allemagne avec Lafontaine :
RépondreSupprimerhttp://russeurope.hypotheses.org/1193
Une position lucide et courageuse d'Oskar Lafontaine, ce qui n'est le cas d'aucun représentant d'aucun parti politique puissant en France. Quand y aura-t-il une réaction dans notre pays et quel sera celui (ou celle) qui saura faire entendre cette petite musique pour nous redonner de l'espoir ?
RépondreSupprimerQuand le traité de Maastricht a été négocié, ce seuil de 60% était justifié par les prévisions de croissance de chaque pays. Si l'on regarde en arrière, on voit qu’il était trop haut, car « la croissance européenne n’a pas atteint les niveaux attendus au cœur des vingt dernières années », dit-il. « Les pays dont la croissance est trop faible peuvent emprunter encore moins. »
RépondreSupprimerIl voit un autre problème lié aux limites strictes de la dette et des déficits. « Imposer de telles conditions aux Etats membres ne crée que du ressentiment, et finit par mettre en péril le projet européen ». Référence à la relation entre un pays sous perfusion, la Grèce, et l’Allemagne, relation qui a culminé avec des images de Merkel affublée d’un uniforme nazi. Au contraire, les pays de la Zone euro devraient être libres « d’emprunter tant qu’ils veulent, à la condition qu’ils soient seuls responsable de leur dette ».
Quelle pensée radicale, en Allemagne, que de dire que chaque pays doit pouvoir emprunter autant qu’il le souhaite ! La seconde partie, que chaque pays doit être seul responsable de sa dette, et non de la dette d’autres pays, était bien sûr l’un des principes du traité de Maastricht, et une des promesses d’airain des politiciens allemands pour que le peuple accepte d’abandonner son Deutsche Mark. Une promesse devenue mensonge à l’heure du premier plan de sauvetage.
Mais pour Konrad, c’est le grand compromis, le plan B : oublier les limites de la dette et des déficits du traité de Maastricht. Laisser chaque pays flamber tout l’argent emprunté qu’il veut. Mais lorsque les investisseurs fermeront le robinet, il n’y aura ni plan de sauvetage, ni Troïka, ni BCE pour racheter de la dette, ni inspecteurs allemands se promenant dans les ministères des Finances. Il reviendra à chaque pays de se débrouiller avec ses investisseurs et de rembourser ses déficits avec rien du tout.
Mais pour permettre à un pays de faire faillite au sein d’une union monétaire, il faut rendre le secteur bancaire « immunisé face à la crise », dit-il. Mais il ne parle pas de ratios de fonds propres ou de produits dérivés, mais d’un concept très simple : « les banques ne doivent plus du tout financer des Etats. Ainsi, si l’Etat devient insolvable, les porteurs d’obligations de ces Etats se verront présenter la facture, sans que l’on risque une crise systémique. »
C’est un changement total de paradigme. Les banques européennes achètent des montants massifs de dette de leurs propres gouvernements, et d’autres Etats. Avec sa proposition, les banques ne possèderaient aucune dette souveraine, et donc seraient protégées de tout risque de crise de la dette. Mais cela serait difficile à mettre en œuvre, vu à quel point les Etats sont dépendants des financements de leurs banques. Il conclut donc sur une note plus sombre – et un ballon d’essai pour une nouvelle doctrine gouvernementale.
« L’Europe est importante pour moi », dit-il. « Pas l’euro. Je donne à l’euro une chance de survie à moyen-terme limitée. » Quand on lui demande de définir ce qu’il entend par « moyen-terme », le président du Conseil consultatif scientifique du ministère des Finances allemand explique qu’il est difficile de définir une période exacte, car cela dépend de beaucoup de facteurs, mais que « cinq ans semblent réalistes ».
http://www.atlantico.fr/decryptage/quand-doutes-survie-euro-infiltrent-meme-coeur-pouvoir-allemand-wolf-richter-710405.html
http://russeurope.hypotheses.org/1198
RépondreSupprimerAu moins les politiques allemands s'expriment :
La déclaration d’Oskar Lafontaine du 30 avril dernier constitue un moment historique[1]. C’est la première fois qu’un ancien acteur de premier plan dans la mise en place de l’Euro admet que ce dernier a constitué une erreur. Cette déclaration marque un tournant dans la position de l’élite européenne dont Oskar Lafontaine fait partie. Elle annonce d’autres déclarations du même ordre qui vont désormais se multiplier dans les mois à venir.
Pas mal,
RépondreSupprimerpar contre pour les fonds d'investissements, BPI etc... on devrait introduire la règle "1€ public si 1€ privé", histoire que ça ne se transforme pas en banque politique clientéliste rempli de prêts et investissements toxiques. Si un investisseur privé y croit, alors l'Etat peut s'y engager aussi.
"la rémunération du travail devrait être indexée sur la productivité." ça implique la fin du SMIC. Pour que les gens, spécialement les jeunes sans diplômes, puissent bosser et être payer selon leur productivité, pour ceux qui sont moins productif que le SMIC actuel. J'ajoute, ça voudrait dire aussi que des SMICards aujourd'hui productifs gagnerait + mais que des SMICards moins productifs perdrait ce que leur voisin vient de gagner en étant indexé sur sa productivité. Je ne suis pas contre. Même ça ne me paraît pas être l'urgence.
Re-nationaliser la dette en permettant aux épargnants de prendre des bons du Trésor, ok. Séparation des banques, ok. Monétiser la dette, je suis moins fan...Que l'Etat crée seul la monnaie, pas fan non plus... séparer les banques et fixer un seuil de réserve haut devrait suffire a allier une système monétaire solide et en même temps flexible et productif. On pourrait aussi autoriser la monnaie or/argent comme moyen de paiement, ce qui inciterait les Etats et banques a mieux gérer leurs monnaies.
Rien sur l’allègement des charges pour les entreprises ? En France on ne peut pas continuer avec ce niveau de pression fiscale sur les entreprises et le capital. Ça plombe nos marges, notre investissement, notre innovation, notre marché de l'emploi.
C'est surtout d'une simplification administrative, comptable et fiscale dont ont besoin les entreprises!
RépondreSupprimerUn économiste est une personne qui vous expliquera demain pourquoi les prévisions qu'elle a faite aujourd'hui ne ce sont pas réalisées.
RépondreSupprimer
RépondreSupprimer@ Cording
Oui sur la fin de l’indépendance des BC. Pas de nationalisation-sanction en revanche.
@ Anonyme
Pas du tout. Relisez l’illusion économique ou ce qu’il écrivait en 1992. Il était plutôt en avance.
@ A-J H
Je partage. J’ai lu ton dernier livre (que je recommande vivement). Je vais bientôt en faire un résumé.
@ Olaf & Sakura
Je vais en parler mercredi.
@ BA
Merci
@ JP
Sur l’indexation, ce que veut dire Gréau, c’est qu’il n’est pas normal que les salariés ne profitent pas des gains de productivité, ce que je partage. Sur la monétisation, je vais en reparler prochainement. La monnaie est un bien public. Ce ne sont pas aux banques de la créer comme bon leur semblent. L’Etat me semble bien plus logique. Sur l’allègement des charges, je pense que Gréau serait d’accord. J’ai fait un papier sur la TVA sociale, qui le permettrait.
@ Anonyme
Bien d’accord, notamment les petites.
Seuls présidentiables , qui peuvent faire sortir la FRANCE , de cette Union européenne , en déclin et décadente : 1° Marine LE PEN , qui rétablira la peine de mort , le franc français et abrogera la stupide loi du mariage pour tous et ses conséquences catastrophiques , en matière de filiation . 2° Jean-Luc MELENCHON , un Alexandre LOUKACHENKO , à la française , qui pourrait demander l ' adhésion de la FRANCE à l ' union douanière FEDERATION DE RUSSIE / BELARUS / KAZAKHSTAN , puis en 2015 , avec la TURQUIE , l ' UKRAINE et la MOLDAVIE , l ' adhésion à la future Union eurasienne . 3° Nicolas DUPONT-AIGNAN qui demandera , pour la FRANCE , une situation d ' indépendance , en EUROPE , un simple maintien dans l ' Association Economique de Libre Echange , AELE , comme la SUISSE , la NORVEGE et l ' ISLANDE . La FRANCE redeviendra alors plus riche , car elle conservera les avantages de l ' EUROPE , tout en se débarrassant de ses inconvénients : ne plus payer pour les canards boiteux , que sont les nouveaux entrants , comme la CROATIE . Il faut dire : STOP à l ' élargissement de l ' UNION EUROPEENNE , OUI à son rétrécissement , avec le retrait de la FRANCE , du ROYAUME-UNI et peut-être , de l ' ALLEMAGNE FEDERALE .
RépondreSupprimer