mardi 21 mai 2013

Le Japon et les Etats-Unis mettent KO l’euro-austérité


Au 1er trimestre, la zone euro a enregistré son 6ème trimestre d’affilé de récession. Au Japon, la croissance s’est envolée à 3,5%, tandis qu’aux Etats-Unis, la croissance a atteint 2,5% et le déficit budgétaire se réduit rapidement. Une démonstration limpide de l’échec des politiques européennes.

Le grand réveil du Japon ?



Bien sûr, les statistiques nippones sont coutumières des variations brutales, mais le résultat du premier trimestre 2013, après les chiffres encourageants de fin 2012, pourrait indiquer que quelque chose se passe enfin au pays du soleil levant. Le premier ministre Shinzo Abe semble avoir sorti le pays de la torpeur déflationniste dans laquelle il était plongé depuis vingt ans : le PIB, en valeur nominal (en yen courant, ne prenant pas en compte l’inflation) est au même niveau qu’en 1991 !

Dans un pays dont la dette publique atteint 240% du PIB et où le déficit public est de 8,8% du PIB, l’équipe au pouvoir cherche son salut dans un plan de relance des investissements publics et une accélération sans précédent de la monétisation de la dette publique (la Banque du Japon va racheter l’équivalent de 10 à 12% du PIB par an de dette publique par an, 5 à 6 fois plus qu’il y a un an). L’objectif : faire enfin sortir le pays de la déflation et atteindre 2% d’inflation. Le yen a perdu 30% de sa valeur entre temps, au grand bénéfice des entreprises exportatrices. Et le Nikkei a gagné 70% en 6 mois !



Effondrement du déficit aux Etats-Unis

J’y avais consacré un papier en février, mais les résultats sont encore plus spectaculaires : en 2011, le déficit public y était encore de 10% du PIB. En 2012, il était déjà tombé à 7%, et en 2013, il devrait atteindre environ 4% du PIB, contre 5,3% encore prévu il y a trois mois. Cette baisse spectaculaire des déficits a deux raisons principales. Tout d’abord, il y a les coupes automatiques mises en place du fait de l’absence d’accord politique entre les républicains et les démocrates.

Mais surtout, elle s’explique par la croissance économique du pays, qui a atteint 2,5% au premier trimestre, et qui provoque une augmentation des recettes fiscales (3 millions d’emplois ont été créé depuis trois ans alors que la zone euro en a perdu 3 millions) tout en limitant les dépenses. Washington a décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques et de ne restreindre que progressivement les les dépenses, qu’une fois la croissance repartie. En 2015, le déficit devrait atteindre 2% du PIB !

L’impasse de l’austérité à l’européenne

Bien sûr, loin de moi l’idée de faire des Etats-Unis ou du Japon les modèles indépassables à suivre en matière économique. Néanmoins, le refus de couper les dépenses ou d’augmenter les impôts en période de récession et le fait de bénéficier du soutien massif de la banque centrale, qui maintient les taux bas et lutte contre la déflation, démontre l’impasse de la politique d’austérité et du refus de rachat des dettes publiques par la BCE, que nous dénonçons depuis plus de trois ans.

L’évolution des déficits aux Etats-Unis et dans la zone euro démontre l’impasse des politiques suivies sur notre continent. A quoi bon s’infliger une austérité monstrueuse si c’est pour peiner à réduire les déficits, comme on le voit en France ? On voit bien aujourd’hui qu’il faut d’abord faire repartir la croissance pour réduire les déficits publics. L’austérité échoue sur tous les fronts : chômage, croissance (évidemment) mais aussi réduction des déficits, comme l’admet le FMI.

Les dirigeants européens commencent à comprendre l’impasse de l’austérité. Malheureusement, leur prise de conscience reste limitée : loin d’adopter les recettes hétérodoxes du Japon, ils se contentent de ralentir l’ajustement budgétaire, ce qui ne fera que prolonger la douleur

17 commentaires:

  1. Attention avec le réveil du Japon: c'est bien beau de faire chuter sa monnaie mais :
    - pour vendre à qui ?
    - et ne pas oublier que les matières premières et notamment le pétrole augmente d'autant ! J'aimerais bien savoir ce qu'en pensent la japonais qui doivent se chauffer etc.

    Concernant les emplois aux US, allez voir, en details et dur plusieurs mois, la façon dont le nombre de chômeurs est calculé et on en reparle!

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  2. En passant, c'est exactement ce à quoi s'oppose Berruyer...

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    1. Delamarche aujourd'hui :

      "La politique du Japon est suicidaire - on a assisté à 20 ans de déflation - et là vous assistez à sa mort en direct."

      "On aura un effondrement total de la monnaie... La République de Weimar mais au Japon."

      http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=cyRia8smmKQ

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  3. Delamarche prévoit un effondrement total de la monnaie au Japon(c’est-à-dire une crise d’hyperinflation). En attendant sa croissance est de 0,9% au premier trimestre 2013 contre une récession de 0,2% en zone euro . Je crois que Delamarche n’a pas intégré dans son analyse que l’essentiel est qu’un pays garde ses activités productives à l’intérieur de son territoire et pour cela le Japon qui avait une monnaie très surévaluée il y a encore quelques mois en dépit de croissance atone n’avait pas d’autre choix que d’affaiblir sa monnaie, autrement les japonais auraient achetés de plus en plus des produits importés. Que fallait-il produire encore au Japon dans ce cas ? On a en France le même problème avec l’euro surévalué par rapport aux fondamentaux de l’économie française.

    Ecoutez Jacques Sapir qui parlait lui aussi du Japon hier :

    http://www.bfmtv.com/video/bfmbusiness/integrale-placements/jacques-sapir-cac-40-une-bulle-a-lhorizon-integrale-placements-20-mai-126656/

    Pour en revenir à l’euro, l’Espagne qui ne fait pas fonctionner la plancher à billets est néanmoins en quasi-faillite si j’en crois cette étude récente.

    http://www.melvineenaction.com/Europe/l-espagne-est-officiellement-insolvable-sortez-votre-argent-tant-que-vous-le-pouvez-encore.html

    Les liens suivants évoquent les mesures non conventionnelles qui sont en débat au sein de la BCE pour porter assistance aux pays en crise de la zone euro.

    http://www.melvineenaction.com/Europe/assistance-aux-pays-en-crise-le-jeu-experimental-risque-de-la-bce-conduit-a-l-indignation.html

    http://www.melvineenaction.com/Europe/la-bce-considere-de-nouveaux-achats-un-jeu-risque-avec-les-armes-de-destruction-massive.html

    Saul


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    1. Tout a fait d'accord avec votre 3eme phrase "...garde ses activités productives...".

      Il me semble qu'un point essentiel (plus que les pbs financiers) est la desctruction de capital humain (chomage de longue duree -> personnes qui deviennent inaptes au travail ou perdent leurs competences) et de savoir-faire (en perdant des usines, filieres, on perd aussi les savoirs-faire associes et cela met des decennies a se re-construire).

      J'ai l'impression que les dirigeants & economistes sont indifferents/inconscients sur ces aspects qui sont en partie irreversibles et une grande menace pour l'avenir.

      Par contraste, l'All, (soucis de la prod. industrielle), les USA (soucis du chomage) et le Japon semblent bcp plus conscients des priorites a sauvegarder...

      Ce qui est desolant, c'est que les economistes mediatiques eux-meme ne semblent pas prendre en compte ces points et ne parlent que finance (deficit/dette/inflation) et presque personne ne parle des fondamentaux de l'economie reelle (hommes+savoirs), (sauf peut-etre Artus, Todd, par moments).
      On est mal barres...

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  4. Mr Pinsolle,

    Selon Olivier Delamarche (intervenant sur BFM Business), les chiffres de l'emploi aux States sont truqués et mal interprétés car on ne tient pas en compte les personnes non inscrites sur les listes de demande d'emploi, les CDI sont détruits et remplacés par des CDD mal rémunérés et que c'est la tranche des plus de 55 ans qui est recrutée en majorité.
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=WCpu1zniI_s
    Le nouveau calcul du PIB US est un enfumage:
    http://www.youtube.com/watch?v=TR4iynPZ9Rs&feature=player_embedded
    Il y a aussi le fait que Bernanke file une dose quotidienne de 4 milliards de dollars aux marchés, ce qui les empêche de s'écrouler et traduit donc l'instabilité de l'économie étasunienne.
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=cyRia8smmKQ#!

    Pour ce monsieur, (dernière vidéo), le Japon va décéder, les exportations ne sont plus rien devant les importations, la baisse du yen n'a pas servi à grand chose, et les taux d'emprunts à 1% pour 255% du PIB de dette renverront le Japon à "la république de Weimar".

    Qu'en pensez-vous? Partagez-vous son avis?

    Merci d'avance pour votre réponse.

    Cordialement,
    GB

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  5. Les économistes se plaignent souvent de la difficulté qu'ils rencontrent à tester leurs théories, faute de pouvoir faire des expérimentations comme cela se pratique dans d'autres sciences. Tester des théories économiques sur des populations entières, outre les questions éthiques que cela poserait, n'est pas très commode. Heureusement, de temps en temps, les électeurs votent pour un gouvernement prêt à se livrer à de telles expériences; c'est ce qui est en train de se passer au Japon, ou le premier ministre récemment élu Shinzo Abe, se lance dans un projet radical pour relancer l'économie japonaise.

    http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2013/05/12/jusquou-ira-lexperience-japonaise.html

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    1. Dans la ligne de L.Pinsolle ou Krugman, la difference USA/UE permet deja de tester l'efficacite des experiences austeritaires europeennes..
      (Meme si il y a aussi d'autres parametres qui entrent en jeu.)

      Mais bon, comme pour toute ideologie, quand cela ne marche pas, c'est qu'on n'est pas alle assez loin !
      Donc en economie/politique, il est difficile de tirer des conclusions (plus precisement, de convaincre ceux qui ne veulent pas voir).

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  6. Delamarche est un libéral qui fustige, comme beaucoup d'autres libéraux, Bernanke qui est un libéral friedmannien. La politique monétaire allemande est dite ordo-libérale à l'opposé de Bernanke sur cette question.

    Entre une politique monétaire friedmannienne et une autre keynésienne où est la différence ?

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    1. Friedman baisserait le taux de la Banque Centrale pour donner de la liquidité aux banques afin qu'elles prêtent au secteur privé. (ce qu'elle ne font pas actuellement, peut-être bien parce qu'elles ont en mémoire 2008... et que les politiques les avaient traitaient d'irresponsables, ce qu'ils étaient, dur aujourd'hui pour ces même politique de dire "refaites pareil !" pourtant c'est ce qu'ils essayent)

      Keynes baisserait le taux de la Banque Centrale pour que l'Etat emprunte et relance par la dépense publique. (ce qu'on a fait au début, aujourd'hui il est fort probable que si vous faites un grand emprunt keynesien le pays subissent une hausse des taux d'emprunts publics immédiat causé par la perte de confiance des prêteurs a réformer le pays).

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  7. Le Japon et les Etats Unis viennent juste de mettre leurs problèmes sous le tapis pour quelques mois mais ensuite ?
    Tout cela est ridicule !

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  8. @ Polytan

    Clairement, c’est risqué, mais la baisse du yen, c’est plus d’exportations partout dans le monde (Chine, Etats-Unis, Europe) car le fabriqué au Japon devient beaucoup plus compétitif. D’accord sur les matières premières mais cela peut aussi pousser le pays à s’adapter et profiter du boom du gaz de schistes, dont les prix sont faibles.

    Pour les USA, j’ai fait des papiers sur le sujet. Je sais que le nombre est largement sous-estimé (j’en ai parlé dans les résumés du livre de Berruyer) mais au moins, il baisse (même si c’est insuffisant). En Europe, il monte.

    @ Olaf

    Je sais. Mais cela ne retire rien à la compilation colossale de données d’OB dans son livre et leur traduction dans des graphiques très bien faits et également à des propositions que je partage en bonne partie.

    Assez juste sur l’expérience japonaise. Mais après 20 ans de politiques qui ont échoué, cela peut paradoxalement paraître plus raisonnable.

    @ JP

    Je crois que Delamarche aime bien les effets de manche et en tant que gestionnaire d’actifs, il est forcément allergique à un peu plus d’inflation. Mais là, il exagère. Le pays est en déflation depuis 20 ans. Le Japon avait tenté sans succès un peu de relance et de monétisation pour s’en sortir. Cela a échoué. Ils ont raison d’essayer beaucoup de monétisation et de relance. Cela a des risques, mais aujourd’hui, ils semblent moins importants que le statut quo. Et que propose-t-il lui ?

    @ Saul

    Bien d’accord. Il est beaucoup trop tôt pour faire un parallèle avec Weimar.

    @ Anonyme

    Indifférents et inconscients à la fois à mon sens.

    @ GB

    Voir ma réponse à Polytan. En effet, j’ai plusieurs fois fait écho à ses analyses (faites par O.Berruyer, P.Krugman ou P.Murer), mais en revanche, le nombre de chômeurs a tendance à baisser alors qu’il monte en Europe…

    Idem sur Delamarche, voir ma réponse à Polytan.

    @ Patrice

    Pas totalement d’accord, même si ces pays créent actuellement une dangereuse bulle boursière… Au Japon, je pense qu’il n’y a pas d’autres solutions qu’un plan de relance et de la monétisation. Après, il faut veiller à éviter une bulle. Aux Etats-Unis, beaucoup de choses ne vont pas bien sûr.

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  9. @ Laurent Pinsolle

    Merci pour ce papier ainsi que les autres sur le suivit de la situation économique et la comparaison entre différentes politiques. Se sont , à mes yeux, vos papiers les plus constructifs.

    Je suis tout à fait d'accord avec votre réponse concernant M Delamarche : "en tant que gestionnaire d’actifs, il est forcément allergique à un peu plus d’inflation. Mais là, il exagère. Le pays est en déflation depuis 20 ans. [..] Et que propose-t-il lui ?"

    Concernant le risque qu'une nouvelle bulle se forme sur les marchés financiers, au Japon notamment à cause de la monétisation massive, qu'elle réaction vous parait appropriée (en terme de politique économique) ?

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  10. Exceptionnellement, la BCE devrait prêter à la BEI plusieurs centaines de milliards pour financer des projets qu'elle sélectionnerait, et contrôlerait, d'infrastructures, rénovation, isolation thermique, énergies, recherche...même l'Allemagne a besoin de ces projets de rénovation.

    Ces types de projets nécessitent de la main d’œuvre locale en majeure partie.

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  11. @ RomainC

    Merci. Le Japon peut prendre des mesures dirigistes pour limiter la spéculation :
    - immobilier (cf ce que fait la Chine) : augmenter le % d’apport initial
    - immobilier / actions : revoir les normes prudentielles et imposer un % de réserves plus importants

    @ Olaf

    Ce serait bien. Malheureusement, il y a de plus en plus de main d’œuvre étrangère à bas coût (Roumanie, Pologne), les délocalisations de l’intérieur.

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  12. @Laurent

    Et bien cela fait longtemps que je n'avais pas commenté sur ton blog et je commence par un désaccord. À titre personnel je vois dans la dévaluation japonaise une course à l'excédent commercial comme je l'explique plus longuement sur mon blog. Pour moi la réaction japonaise est une fuite en avant dans la recherche de l'excédent commercial. Et l'épuration de la dette par la monétisation ne résout pas le problème de fond que ce soit au Japon ou aux USA. Le vrai problème c'est que les salaires font du surplace et que la demande solvable continue à s'étioler. Tu peux injecter autant de monnaie que tu veux, tant que l'on ne s'attaque pas à la libre circulation des capitaux et des marchandises la pompe de la croissance ne repartira pas durablement. Le Japon essaie simplement de faire comme l'Allemagne en tirant sa croissance par l'excédent sauf que tout le monde contracte sa demande intérieur à l'heure actuelle. On est plus dans les années 80 où il y avait encore une demande occidentale solvable. Pour parler d'une relance, il aurait fallu que le Japon fasse une politique en faveur de la demande intérieur et des salariés, ce n'est pas le cas.

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    1. Course à l'excédent commercial ? Sans doute mais pas uniquement, en tout cas cette politique pourrait permettre de réduire l'incontestable surévaluation du Yen. Plus globalement, la surabondance monétaire et la mise en oeuvre d'un plan de dépenses (fut-il orienté vers le réarmement) va dans le bon sens : désendetter les agents économiques et ranimer les flux monétaires dans l'économie réelle. Il reste que cette politique pourrait être d'un rendement décevant si rien n'est fait pour empêcher l'absorption de la relance par les bulles d'actifs...cette question de la finance est le point aveugle des politiques américaine et japonaise : elles augmentent le flux pour remplir un panier percé.
      Pour ce qui est de l'inflation, dont s'inquiètent tant les bons esprits qui se croient en 1973, elle est aujourd'hui éminemment souhaitable pour apurer les bilans et euthanasier les rentiers. Mais le problème est qu'elle ne se déclenchera qu'avec la réorientation des flux vers l'économie réelle.
      " il aurait fallu que le Japon fasse une politique en faveur de la demande intérieur et des salariés" : tout à fait d'accord sur ce point - à méditer pour l'Europe également. Mais la stabilisation de la demande effective peut aussi passer par des plans de dépenses publiques (réarmement ?).

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