Après avoir fourni une description extrêmement fouillée des
caractéristiques de la crise, Olivier Berruyer poursuit son livre par une
analyse des ressorts de cette crise du néolibéralisme, dénonçant le
laisser-faire et les excès de la finance.
La dénonciation du « laisser-fairisme intégral »
Olivier Berruyer commence son livre en dénonçant la pensée
laisser-fairiste, citant Alain Minc, qui affirmait en octobre 2008, que « la crise est grotesquement
psychologique ». Même s’il est féru de chiffres, il souligne que
l’économie est une science sociale. Il résume la crise actuelle d’une manière
synthétique et juste : « nous
avons transformé notre système économique en un système qui privilégie le court
terme au détriment du long terme, l’intérêt individuel au détriment de
l’intérêt collectif, la liberté absolue au détriment de l’égalité et de la
fraternité ». Comme d’autres, il souligne que cette
crise est une répétition de celle des années 1930 mais que nous n’avons
pas, cette fois, l’excuse de la première fois…
Il rappelle le rôle des chocs pétroliers et de l’échec des expériences
communistes en Russie et en Chine dans la la victoire idéologique des
néolibéraux à la fin des années 1970, autour de deux croyances : le
monétarisme et le libre-marché, par opposition à l’Etat et à la planification.
Mais pour lui, c’est « le retour de
Cro-Magnon et sa massue ». Il souligne que la période de forte
régulation bancaire avait permis
d’éviter les crises, comme
l’ont montré Reinhart et Rogoff. Il rappelle que selon l’indice de
libéralisation financière du FMI, c’est le gouvernement Fabius, qui a, de très
loin, le plus libéralisé notre pays. Il rappelle que selon un sondage Ifop, les
électeurs de François Hollande étaient paradoxalement les moins enclins à
réclamer plus de protection vis-à-vis de la mondialisation.
Il cite une lettre de 1941 de Maurice
Allais : « si donc l’on
considère que la liberté économique est le fondement essentiel du progrès, si
l’on veut la conserver comme principe de base de l’organisation économique, il
faut créer le cadre juridique dans lequel cette liberté ne puisse avoir que des
effets bienfaisants et non mener au désordre comme l’on a trop souvent vu dans
ces dernières années ». En 2002, notre « prix Nobel
d’économie » soutenait que « une
société libérale et humaniste ne saurait s’identifier à une société laxiste,
laisser-fairiste, pervertie, manipulée ou aveugle. La confusion du socialisme
et du collectivisme est tout aussi funeste ». Il cite Joseph Stiglitz,
pour qui « l’une des raisons pour
lesquelles la main invisible est invisible, c’est peut-être qu’elle n’existe
pas ».
De manière très intéressante, il souligne que la situation de monopole
du capitalisme (avec la chute du communisme) lui a été préjudiciable, le
transformant en culte idolâtre qui ne doit pas être remis en cause. Il cite
Keynes pour qui « le capitalisme est
cette croyance stupéfiante que les pires des hommes feront les pires choses
pour le plus grand bien de tout le monde ». Il dénonce la prétention
scientifique des néolibéraux. Lucidement, il écrit : « ayant eu besoin d’abolir les frontières pour
se libérer de la tutelle des Etats, l’ultralibéralisme a aussi repris à son
compte dans le concept de mondialisation la vieille utopie internationaliste
qui était si chère au mouvement ouvrier ». Il cite Maurice
Allais, qui, en 1943, affirmait que « la concurrence est naturellement malfaisante. Elle devient bienfaisante
lorsqu’elle s’exerce dans le cadre juridique qui la plie aux exigences de
l’optimum du rendement social ».
Les excès de la finance et de la mondialisation
Il rappelle que nous avons vécu une première mondialisation de 1870 à
1914, grâce à la révolution des transports (rail, bateau) et des communications
(télégraphe, téléphone). Cette mondialisation a également été financière. En
1910, Jaurès tenait un discours que
ne renierait pas l’équipe au pouvoir aujourd’hui : « avec l’internationalisme croissant des
affaires, les intérêts de tous les peuples sont à ce point enchevêtrés qu’un
désastre pour l’un est un désastre pour tous ». Il cite Keynes pour
qui « la pleine capacité de gestion
d’une économie domestique implique d’être libre de choisir le taux d’intérêt
approprié, sans référence à des taux en vigueur ailleurs dans le monde. Le
contrôle des capitaux est un corollaire de tout cela » et pour qui
« rien n’est plus sûr et certain que
le fait que les mouvements de capitaux doivent être régulés » pour
éviter l’instabilité produite par la spéculation.
Néanmoins, la seconde mondialisation va plus loin puisque 30% du PIB
est échangé, contre 9% en 1929. Il dénonce l’intégrisme financiariste en
rappelant que l’article 63 du TFUE affirme que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats
membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ».
Dans un écho prophétique de la
crise de la zone euro, il rappelle que Keynes soutenait que « l’échec à résoudre ce problème (de
l’équilibre des balances des paiements entre pays) a été une cause majeure de
l’appauvrissement et du mécontentement social, voire de guerres et de
révolutions ». Il dénonce une mondialisation inégale, d’où la Chine
tire un profit démesuré.
Il souligne que le secteur financier représente encore un tiers des
profits de l’ensemble des entreprises étasuniennes (après un pic de 40% en
2007) contre moins de 5% en France et dénonce les salaires des 10 000 traders
français, qui gagnent plus de 15 000 euros par mois. Il critique « la folie des grandeurs bancaires »,
rappelant qu’en 2007, les 14 plus grandes banques européennes cumulaient un
bilan de 28 000 milliards de dollars pour 870 milliards de capitaux propres (3%
du bilan), avec 5 banques pesant 2 à 5 fois le PIB de leur pays (UBS, Crédit
Suisse, Fortis, ING, Dexia). Il dénonce l’utilisation de l’effet de levier des
banques européennes et propose de « découper
ces mastodontes ».
Il dénonce les règles de comptabilité qui permettent de « distribuer des profits fictifs » et
la prédation des actionnaires qui exigent une rentabilité toujours plus
importante, quitte à sacrifier le futur pour le présent. Il rappelle que France
Telecom a distribué 3,7 milliards de dividendes en 2009 pour 3 milliards de
résultats ! Il cite Henry Ford pour qui « les profits appartiennent à trois catégories : ils appartiennent à
l’entreprise pour assurer sa pérennité, son développement et sa solidité. Ils
appartiennent aux hommes qui ont permis de les produire. Et ils appartiennent
également, en partie, au public ». Il dénonce la spéculation, qui fait
que les actions sont détenues pour un an en moyenne, contre 5 à 7 dans les
Trente Glorieuses, soulignant le biais que cela introduit (on ne pousse pas les
mêmes décisions quand on est propriétaire à court ou long terme, repoussant par
exemple les investissements lourds pourtant nécessaires).
Mais pourquoi nos dirigeants persistent dans l’impasse ? Olivier
Berruyer y voit une raison psychologique : « cette tendance que manifestent les gens à s’accorcher à une décision
initiale même lorsqu’elle clairement remise en question par les faits (…) Les
persévérations, même les plus dysfonctionnelles, s’expliqueraient par le souci
ou le besoin qu’aurait l’individu d’affirmer le caractère rationnel de sa
première décision », citant le « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ».
Demain, je reviendrai sur ses
propositions.
Trois belles citations de Keynes, Jaurès et Allais.
RépondreSupprimerDans 1493, le journaliste Charles C. Mann raconte la première (?) mondialisation qui fit suite à la découverte, puis la conquête de l'Amérique par les Européens. Sa description fait apparaître des traits de caractère communs avec celle que nous connaissons aujourd'hui, notamment le lien qui s'établit entre le laisser faire et la prédation, la soumission des peuples et l'économie marchande, le rôle des territoires parasites (pirates hier, paradis fiscaux aujourd'hui), ...
RépondreSupprimerSi le livre ne fournit pas de clés d'analyse, il offre tout de même un ensemble de portraits (de lieux et de phénomènes) qui permettent de travailler sur l'idée de mondialisation et d'en repenser les concepts : la liberté et/ou l'éthique, la régulation, la fonction et la nature du droit, le court et le long terme, etc.
Un "incroyable cadeau fait (par la commission européenne) aux multinationales alimentaires" qui ne renoncent jamais.
RépondreSupprimerLa Commission européenne a ainsi adopté le 6 mai une proposition de règlement sur les semences brevetées, qui est désormais entre les mains du Parlement et du Conseil Européens.
Lisez l'article sur Reporterre.net.
@ Anonyme
RépondreSupprimerOui, Olivier Berruyer a le don pour trouver de bonnes citations.
@ Léonard
Parallèle très intéressant
@ Démos
Merci pour l'info. Papier cette semaine sur le sujet.
Bonne journée,
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