Evènement
rarissime, les
autorités grecques ont décidé de fermer le service public audiovisuel avant
d’en rouvrir un, beaucoup moins cher, très prochainement. Il est un peu facile
de mettre en accusation le gouvernement local, qui
ne fait qu’essayer de suivre la feuille de route de la troïka.
Scène de
violence habituelle
Bien sûr, la
décision du premier ministre, Antonio Samaras, est extrêmement violente,
notamment vis-à-vis des salariés du service public, qui se retrouvent congédiés
du jour au lendemain. Même s’il y avait des abus dans la gestion d’ERT, le
procédé est peu civilisé, d’autant plus que certains soulignent le caractère
politique de cette décision du fait des orientations politiques de la chaine
publique, soutenue par le Pasok et Nouvelle Démocratie, qui appellent à la
réouverture. L’Etat
annonce vouloir passer de 2600 à 1200 salariés pour un budget réduit des deux
tiers, à 100 millions d’euros.
Néanmoins,
comment ne pas voir dans cette décision brutale une simple application à
l’audiovisuel public des recettes concoctées par la troïka, qui
ont abouti à 6 années consécutives de baisse du PIB, un taux de chômage
multiplié par 4 ? Certes, cette décision est violente, mais la
décision de baisser le SMIC de 22% (et de 32% pour les jeunes) l’était tout
autant, de même que les baisses massives du salaire des fonctionnaires. Il faut
se rendre compte également que le pays est embarqué dans un processus de ventes
massives du service public, qui vont totalement démanteler l’Etat.
La
troïka mène une expérience monstrueuse de régression sociale et économique
dont la violence se diffuse dans la société. Ce n’est pas pour rien que les
néo-nazis d’Aube Dorée sont aujourd’hui la troisième force politique du pays.
A la
violence de cette Europe qui les torture répond la violence du gouvernement
vis-à-vis de ses fonctionnaires, devenus de simples coûts qu’il faut réduire,
et la violence d’une partie de la population en révolte contre ce traitement de
choc, quand elle n’est pas résignée. La fermeture d’ERT et la montée d’Aube
Dorée sont les enfants de la troïka.
Une grave
erreur d’aiguillage
Bien sûr, tout
ne serait pas facile en cas de sortie de la monnaie unique (le
cas argentin nous rappelle que l’année de la cassure du lien avec le dollar, la
crise s’est aggravée). Néanmoins, il faut voir que cela avait permis un
fort rebond dès l’année suivante. En outre, l’expérience montre que si le pays
était sorti début 2010, certes, son PIB aurait sans doute fortement baissé
cette année là, mais il aurait rebondi dès 2011, car la dévaluation aurait
boosté tourisme et exportations. Au lieu de cela, la
richesse nationale a reculé de plus de 20% de 2009 à 2013, sans espoir de
reprise en 2014.
Et sur les
craintes concernant la possibilité pour les Grecs de s’alimenter, l’analyse des
statistiques de l’OCDE démontre qu’elle n’est pas fondée. Tout d’abord, il
faut rappeler que les produits agricoles ne représentent qu’un peu plus de 10%
des importations du pays, moins de 3% du PIB et que le solde est négatif de 2,6
milliards de dollars, soit 1% du PIB. A supposer que les prix doublent, le coût
serait d’un point de PIB. Bien
moins que les potions amères actuelles. En outre, le pays est un
exportateur de poissons et de fruits et légumes, qui seraient rendus bien plus
compétitifs…
C'est hallucinant ce black-out total de la RTV grecque, ERT. Même en mai 68, il y avait "arrêt des émissions" mais je me souviens encore (j'avais 8 ans) que les actualités régionales marchaient.
RépondreSupprimerLe président de la République grecque a besoin de s'adresser à la Nation, là, tout de suite. Il fait comment? Ah, il passe sur une chaîne privée, entre deux pubs?
Ils étaient juste 15000 hier à Athènes en grève générale. C'est peu.
S'il faut éviter la gabegie, je suis d'accord. Mais la RTV grecque est-elle si différente des autres télés publiques? Combien aura coûté au contribuable la couverture des affres de DSK à New-York? Etc...
Oui, il faudra sans doute beaucoup de larmes (en espérant qu'il n'y aura pas du sang) pour sortir la Grèce de l'ornière de l'euro et de l'UE.
A qui le tour ensuite?
Un papier très juste.
RépondreSupprimerDifficile de ne pas remarquer aussi le traitement particulier dont bénéficie cette nouvelle-là par rapport aux autres actualités catastrophiques en provenance de Grèce. Comme vous le remarquez fort justement, la baisse radicale du SMIC était autrement plus violente.
D'une certaine manière, on peut pourtant espérer une influence positive de cet événement (non pas en Grèce, mais dans le reste de l'Europe). Les journalistes commencent à sentir le vent du boulet qui va leur friser les moustaches. Ils se rendent ainsi tardivement compte que même eux vont finir par se retrouver du mauvais côté du manche si l'on continue dans la même direction. Rien de tel pour que la solidarité quasi-pavlovienne par eux affichée avec les politiques récessives européennes soit enfin ébranlée.
Emmanuel B
Il semble qu'il n'y avait pas d'autre solution pour dégraisser un mammouth clientéliste. Le licenciement était juridiquement impossible, seule la dissolution l'était, quitte à recréer une nouvelle structure comme il est prévu.
RépondreSupprimerLa fermeture de la télévision grecque pour supprimer 2700 emplois est une mesure de plus s’ajoutant aux autres, notamment des baisses de salaires importantes, prises depuis quelques années pour faire face à la crise de la dette en Grèce sous tutelle de la troïka :
RépondreSupprimerhttp://www.leparisien.fr/international/grece-la-tele-publique-a-ete-fermee-dans-la-precipitation-absolue-13-06-2013-2893449.php
http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_la_dette_publique_grecque
Citation du premier des deux liens cités :
« Le gouvernement cherchait-il à se venger de quelque chose ? Il y a eu, c'est vrai, plusieurs vagues de grèves depuis plus d'un an pour contester la baisse des salaires qui ont été réduits, pour certains, presque de moitié. On ne nous payait plus les heures supplémentaires. Les pigistes n'étaient plus payés depuis novembre. Mon contrat s'est terminé en janvier. Tout cela sans aucune explication. En réaction, on a donc décidé de faire grève et surtout d'arrêter de couvrir les déplacements du Premier ministre grec Antonis Samaras. On venait avec lui, mais on ne produisait ni ne diffusait quasiment aucune image. Samaras et ses conseillers étaient furieux ! En plus, il y avait un conflit ouvert entre les syndicats et le gouvernement sur la question des salaires qui n'a pas facilité les négociations. Des syndicats qui toutefois peuvent aussi être «vendus» au pouvoir quand cela les arrange. Cette guerre frontale sur fond de corruption n'a pas arrangé les négociations. »
Nouvelles récentes concernant la macroéconomie grecque :
1-Le PIB de la Grèce recule plus que prévu au 1er trimestre 2013. Le produit intérieur brut (PIB) de la Grèce a reculé de 5,6% en rythme annuel au premier trimestre, contre une baisse de 5,3% annoncée en première estimation,
http://www.capital.fr/bourse/actualites/le-pib-de-la-grece-recule-plus-que-prevu-au-1er-trimestre-849397
2 – Grèce : nouveau record pour le chômage au premier trimestre 2013. Le taux de chômage a continué sa progression au premier trimestre 2013, atteignant 27,4% contre 26% au quatrième trimestre 2012 :
http://www.liberation.fr/economie/2013/06/13/grece-nouveau-record-pour-le-chomage-au-premier-trimestre-2013-a-274_910558
Quoi qu’ils fassent le gouvernement grecque et la troïka n’en feront jamais assez car les dévaluations internes dans le contexte institutionnel de l’euro ne peuvent pas marcher. Et pas seulement en Grèce.
Saul
Je ne saurais trop vous recommander l'excellentissime Pierre JOVANOVIC, et son blog.
SupprimerIdem pour ses émissions sur la radio Ici et maintenant, en ligne.
Un grand ami de la Grèce et un fervent partisan de la sortie de l'euro et de l'UE.
Sinon, on ne s'en remettra pas, ni en Grèce, ni en France, ni ailleurs.
Oups, j'avais oublié le lien:
RépondreSupprimerhttp://www.jovanovic.com/blog.htm
« La troïka mène une expérience monstrueuse de régression sociale et économique dont la violence se diffuse dans la société. » C’est parfaitement résumé et il importe de remonter aux origines de ce processus, dans la mesure où ses implications sont loin de ne concerner que la Grèce, contrairement à ce que beaucoup d’Européens semblent encore s’imaginer.
RépondreSupprimerJe suis bien sûr d'accord pour reconnaître que le service public d'audiovisuel grec, comme dit olaf, est un « mammouth clientéliste » à réformer. Tout le problème est que ceux qui prétendent engager cette réforme sont issus de la même classe politique que ceux qui ont produit cette gabegie. Samaras est un homme du système et son parti a contribué, aux côtés du PASOK, à faire fonctionner le système clientéliste qu'il dénonce (il est député depuis 1977 ; il a obtenu son premier portefeuille ministériel en 1989). Et chercher à faire passer la réforme nécessaire par le biais d'un coup de force sans précédent est le meilleur moyen de lui enlever toute légitimité.
L'essentiel cependant reste que la restructuration de l’information qu’autorise la fermeture de la télévision publique en Grèce s’inscrit dans une dynamique de destruction-recomposition à l’échelle européenne. Comme l’a rappellé récemment Simon Wren-Lewis (cité d’ailleurs par Krugman sur son blog du NYT), la Grèce a été le laboratoire où a été expérimentée l’expérience économique, ensuite élargie à d’autres pays, que constitue l’austérité (http://mainlymacro.blogspot.ca/2013/06/how-greek-drama-became-global-tragedy.html). À l’origine de l’échec patent de cette politique réside évidemment l’erreur de calcul sur le montant du multiplicateur fiscal reconnue récemment par le FMI.
Mais la question est de savoir, maintenant que les conséquences destructrices de la politique de la Troïka apparaissent sans ambiguïté (effondrement de l’économie, appauvrissement massif de la population, catastrophe sanitaire et environnementale, fuite massive des cerveaux, destruction du lien social et même de la culture…), pourquoi l’Europe persiste dans cette voie sans issue. On attend encore que la BCE et la Commission européenne assument leur part de responsabilité dans la catastrophe.
Comment d’ailleurs une erreur aussi grossière a-t-elle été possible, s’interroge Wren-Lewis ? Quiconque connaissait un peu la théorie du multiplicateur fiscal aurait dû être à même de l’éviter. Il faut donc, conclut-il, que l’erreur ait eu une cause politique : le FMI a cité les chiffres que les dirigeants européens attendaient, dont ils avaient besoin. La persistance dans l’erreur de la BCE et de la Commission en est l’ilustration.
Wren-lewis n’en tire que la conclusion de la nécessité de retirer toute influence sur le FMI aux politiciens. Mais on en revient inévitablement, à ce stade de la réflexion, à ce qu’avait pointé du doigt G. Papandreou après avoir quitté le pouvoir : la dimension volontairement punitive et dissuasive de l’expérience sado-austéritaire, engagée en vue de maximiser le coût économique, politique et social du renflouement pour les « Pays du Club Med ».
Il n’y a donc pas de sortie possible de cette tragédie sans proposition d’une double alternative, régulièrement évoquée sur ce blog : à l’Europe de Bruxelles d’une part ; aux dogmes économiques néolibéraux d’autre part. Et cela implique, comme le souligne notamment avec insistance J. Sapir (que je suis sur ce point de son débat avec C. Durand), le ressaisissement préalable de l’intégralité de leurs prérogatives souveraines par les États européens.
YPB
Dépêche lue sur Le Monde.fr ce vendredi soir:
RépondreSupprimerLe premier ministre grec, Antonis Samaras, a proposé vendredi 14 juin de rouvrir partiellement la radio-télévision publique, dont la fermeture brutale a provoqué la colère dans le pays et de nombreuses critiques en Europe.
"Une commission temporaire bénéficiant d'un large soutien des partis [politiques] peut être nommée pour engager un petit nombre d'employés afin que la diffusion de programmes d'information puisse reprendre immédiatement", a déclaré M. Samaras.
Le gouvernement de M. Samaras avait fermé soudainement mardi la radio-télévision publique, l'ERT. Depuis, il cherchait à apaiser les tensions générées par cette décision. Des centaines d'employés de l'ERT continuaient vendredi d'occuper le siège de l'organisme, à Athènes, pour la quatrième journée consécutive.
Le président de l'Union européenne de radio-télévision (UER), Jean-Paul Philippot, venu spécialement à Athènes, a demandé vendredi au gouvernement "de revenir sur sa décision" de fermeture de l'ERT et de "rétablir son signal".
Les deux autres partis de la coalition gouvernementale, les socialistes du Pasok et la gauche démocratique Dimar, ont exprimé ouvertement leur désaccord avec la fermeture de l'ERT, tout en affirmant "la nécessité d'une restructuration" mais avec une "ERT ouverte".
Cher Laurent,
RépondreSupprimerLes grecs ne peuvent plus sortir de l'euro sinon ils sont morts, car pour en sortir alors il faudrait que le FMI puisse leur prêter de l'argent pour passer le cap de la transition.
Sans argent externe ils ne pourront plus rien importer. Il faudrait qu'ils accélèrent les programmes d'exploration de gaz et pétrole afin de disposer de réserves.
Il aurait fallu le faire dès 2010, maintenant c'est trop tard.
Hallucinant : DLR annonce son soutien à Asselineau. Non mais c'est n'importe quoi ! Dupont-Aignan et Pinsolle n'arrêtent pas de dauber sur lui (encore une lettre ouverte de Pinsolle à ce sujet récemment) et ensuite le soutiennent (à quelques heures de la fin de la campagne officielle : ce qui signifie que Asselineau va probablement faire un score supérieur à celui de NDA à la présidentielle). C'est une catastrophe pour DLR. On s'associe à l'échec éventuel d'Asselineau sans tirer aucun bénéfice d'un bon score qu'il ferait.
RépondreSupprimerCela me semble au contraire une bonne nouvelle. Les désaccords que nous pouvons avoir avec l'UPR ne justifient pas la fragmentation des souverainistes, qui brouille notre image à tous. La logique des petits groupes politiques est la division : il est tentant de promouvoir ses particularismes ou ses ambitions par une aventure solitaire quand le principal parti vogue dans les 1%. C'est à mon sens la grande faute de l'UPR. Ce soutien à Asselineau confirme que nous sommes dans une démarche de rassemblement. Espérons que l'UPR saisisse cette occasion d'un rapprochement durable entre nos mouvements !
SupprimerC 'est le minimum minimorum pour que les divers souverainistes s'allient enfin , en ce domaine c'est MLP qui en ce moment a raflé la mise
SupprimerVendredi 14 juin 2013 :
RépondreSupprimerHans-Olaf Henkel, Professeur honoraire à l'université de Mannheim (Allemagne), ancien dirigeant d'IBM en Allemagne, a présidé le "Bundesverband der Deutschen Industrie", l'équivalent allemand de l'organisation patronale française, de 2000 à 2005.
En 1992, Hans-Olaf Henkel était pour l'euro.
Mais ça, c'était avant.
Aujourd'hui, il vient de changer d'avis.
Hans-Olaf Henkel écrit :
Si l'on veut sauver l'amitié franco-allemande, renonçons maintenant à la monnaie unique.
Le constat est indéniable : les relations franco-allemandes n'ont jamais été aussi tendues depuis soixante ans, époque où de Gaulle embrassait Adenauer. J'estime que cette dégradation doit être imputée principalement à l'euro. Moi qui en étais jadis un fervent partisan, je reconnais avoir commis là une faute professionnelle grave et je me rends à l'évidence : l'euro est désormais trop fort pour la France et trop faible pour l'Allemagne.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/14/si-l-on-veut-sauver-l-amitie-franco-allemande-renoncons-maintenant-a-la-monnaie-unique_3430120_3232.html
Sa conclusion est claire :
L'Europe méridionale tenait jadis l'Allemagne dans le plus grand respect. Lors de la récente visite d'Angela Merkel à Athènes, il a fallu déployer 7 000 policiers pour assurer sa protection. Le fossé entre les pays de la zone euro et les autres est de plus en plus alarmant. Seuls les Roumains sont encore désireux d'adopter la monnaie unique. L'éventualité d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'est sans doute pas étrangère aux décisions prises au sein de la zone euro en vue de centraliser, d'égaliser et d'harmoniser. Avant que l'amitié franco-allemande n'en soit la victime collatérale, finissons-en avec la monnaie unique !
Je me demande si l'amitié franco-allemande n'est pas un mythe
SupprimerUne prise de position d'une grande clarté avec une façon de poser les problèmes impossible à réfuter : un papier à qui il faut faire toute la publicité possible.
SupprimerEmmanuel B
@ Chauve83
RépondreSupprimerBien d’accord. Merci pour l’info.
@ Emmanuel B
Merci. Très juste sur les journalistes…
@ Olaf
Peut-être, mais c’est quand même très violent.
@ Saul
Merci pour les informations.
@ YPB
Bien d’accord. Le problème pour l’UE, c’est que l’alternative pour la Grèce, c’est moins d’UE et de cela, ils ne veulent pas.
@ Anonyme
Il n’est jamais trop tard : la Grèce est dans une voie sans issue. Poursuivre serait dramatique. La sortie aggravera peut-être temporairement la situation, mais rapidement, il y aurait un rebond. L’expérience montre qu’un pays rebondit au bout de 3 mois à 1 an maximum.
@ Anonyme & J Halpern
Même si je n’apprécie guère FA, je trouve le geste de NDA très élégant. Si c’est le plus proche de nos idées, cela est cohérent. Cela montre que DLR est plus ouvert que l’UPR.
@ BA
Merci pour le lien.
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