mercredi 3 juillet 2013

Bernard Tapie, bonimenteur de la République


Lundi soir, France 2 a accordé à Bernard Tapie une très longue interview qui lui a permis de se défendre et de faire la promotion de son livre. Si David Pujadas a passé un sale moment face à un invité très offensif et se battant pour sa vie, ce dernier a multiplié les nuages de fumée pour se défendre.



Entre victimisation et argument d’autorité

L’ancien ministre de la République (merci François Mitterrand !) a livré un grand numéro d’acteur hier soir. Sa prestation, sans doute parfaitement calibrée à l’avance (comme en témoignaient ses notes) a balayé un David Pujadas un peu tendre pour un tel bateleur. Bernard Tapie a joué de toute la gamme des sentiments pour s’imposer. Il a pafaitement endossé le rôle du petit persécuté par les gros. Il a ainsi dénoncé les médias et « le déferlement inédit pour une affaire financière » et a confié en avoir souffert. Son jeu semblait sincère, mais on ne savait s’il se battait pour la justice ou pour ses intérêts.

Maîtrisant bien les rouages complexes de cette affaire, Bernard Tapie n’a pas hésité à utiliser l’argument de l’autorité pour nier ce que le journaliste de France 2 avançait, affirmant qu’il avait lu le dossier, mais pas les médias. Mais la défense de l’homme d’affaires n’était pas aussi solide que son assurance. En effet, très souvent, il ne répondait pas vraiment aux questions qui lui étaient posées, pour parfois inventer des critiques mal ficelées auxquelles il était facile de répondre. En fait, cette bouillie argumentative donnait l’impression de vouloir noyer le poisson (et les angles morts de sa défense).

C’est ainsi qu’il a déplacé le débat ses liens avec l’abitre Pierre Estoup en affirmant que la faute (bénigne) d’orthographe qu’il avait faite sur son nom montrait qu’il ne le connaissait pas mais en étant très embrouillé sur la question des numéros de téléphone. Sur le fait que sa fortune est aujourd’hui principalement hors de France, il a le culot de dire à la fois que cela ne gênerait pas sa récupération et que de toutes les façons, il s’engageait à tout restituer. Mais alors, pourquoi mettre 200 millions en Belgique, son yatch sur l’île de Man, son jet à Malte, et sa villa de Saint Tropez au Luxembourg ?

Une affaire de plus en plus trouble

Sur les liens entre son avocat et Pierre Estoup, il est passé à une curieuse ligne de défense, soulignant qu’il n’y avait pas eu paiement d’honoraires entre les deux (ce qui ne signifie pas qu’il n’y avait pas de lien). En outre, tout cela est un peu léger sachant que le Canard Enchaîné vient de publier de nouvelles informations sur les liens entre les deux protagonistes. Il a aussi affirmé que Nicolas Sarkozy avait donné son visa pour l’arbitrage mais tout en soutenant qu’il n’avait pas vu le président pour lui en parler. Pourtant, bizaremment, il l’a vu principalement dans les mois précédant la procédure).

Bref, depuis le début, l’affaire Tapie-Adidas semble extraordinairement suspecte. Bien sûr, la banque a violé son mandat en participant au rachat de l’entreprise dont elle avait le mandat de vente (l’un excluant l’autre), mais trois interprétations restent possibles. Soit la banque l’a arnaqué. Soit elle a préféré racheter Adidas pour recouvrer ses créances, Bernard Tapie n’était plus en capacité de payer les échéances du prêt contracté pour racheter Adidas. Soit il y a eu intervention politique pour sortir un ministre d’un mauvais pas financier, à un mois de législatives où le PS allait perdre le pouvoir.

En outre, l’argument selon lequel Adidas valait plus début 1993 ne tient pas, pour trois raisons. Tout d’abord, c’est Bernard Tapie qui fixe la valeur de revente souhaitée de l’entreprise. Ensuite, il ne faut pas oublier que des discussions sont engagées avec le groupe Pentland quelques mois avant, et qu’elles échouent, du fait des doutes sur la valeur d’alors d’Adidas. Enfin, l’entreprise perd de l’argent en 1992 et sera tout juste à l’équilibre en 1993, signe que le redressement est essentiellement postérieur à la gestion de Bernard Tapie et correspond donc bien plus à celle de Robert-Louis Dreyfuss.

Bernard Tapie est toujours aussi habile. Dans cette longue interview, il mutiliplie les rideau de fumée et joue assez bien la bonne foi, du fait qu’il joue sa vie. Mais un peu de recul permet de montrer toutes les failles de ses arguments, qui en font potentiellement une immense affaire d’Etat.

10 commentaires:

  1. Pour la première fois, Bernard Tapie m'a donné l'impression d'avoir peur. C'est un ancien ministre de François Mitterrand poursuivi par un gouvernement socialiste, après tout, même si au fond ce n'est qu'un enfumage de plus de François Hollande pour faaire croire que Nicolas Sarkozy est responsable de tous les maux de la terre entière. Mais là, cet enfumage est basé sur un scandale réel...

    Sancelrien

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  2. Dans cette affaire d'arbitrage il apparait évident qu'il y a un donneur d'ordre à cette escroquerie en bande organisée c'est l'ex-président vers lequel la justice devrait s'orienter.

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  3. Il y a interdiction d’un recours à un arbitrage privé dans les litiges où l’Etat est partie contre des particuliers ou des sociétés privées selon l’article 2060 du Code Civil. C Lagarde devrait réviser son droit français qu'elle a oublié lors de son séjour US.

    La caisse des dépôts qui a payé les 400 millions est le représentant de l'état dans cette affaire, donc arbitrage illégal.

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  4. ouiii j'ai suivie l'interview en direct au plateau de france 2 .
    intéressant a voir

    Actualites du jour

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  5. @Laurent Pinsolle,
    d'aussi loin que je me souvienne (je suis un jeune quarantenaire...), j'ai toujours détesté Bernard Tapie, le requin qui liquidait Wonder, Testut ou la Vie Claire. Corrupteur, arriviste, cynique, illustration parfaite des années Mitterrand II: il salit tout ce qu'il touche!
    Je n'ai jamais compris l'admiration qu'on pouvait avoir pour ce voyou, qui n'a jamais eu grand coeur, bien au contraire! On sait que les Français apprécient les Mandrin ou les Cartouche, mais ici, avec ce personnage, on se trompe de catégorie: il faudrait plutôt le classer dans la grande lignée des affairistes de la IIIè république, ce que M.Rocard, ancien premier ministre de Mitterrand, ne manqua de faire lorsqu'il avait refusé l'entrée de Tapie dans son gouvernement parce qu'il le comparaissait à Stavisky!
    Bref, vous qui suivez l'affaire depuis pas mal de temps, vous savez parfaitement que Tapie n'est pas une victime dans l'affaire. C'est d'autant plus paradoxal que si l'ex-Credit Lyonnais, qui au départ travaillait sur ordre de Bercy et voulait arranger Tapie, n'avait pas commis une erreur mineure de procédure dans l'affaire Adidas, Tapie n'aurait jamais pu porter plainte!
    En clair, dans cette histoire, l'Etat s'est tiré deux fois une balle dans le pied à cause du même homme!
    Ce type est un vrai thermomètre en matière de corruption des moeurs de l'Etat...


    CVT

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  6. @Laurent Pinsolle,

    bien avant Virenque et son célèbre "insu de son plein gré", Bernard Tapie avait pondu un jour une perle à propos de l'affaire Adidas, où il avouait qu'il avait MENTI DE BONNE FOI!

    Libre à vous de le croire par la suite :)

    CVT

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  7. Pendant les années bling bling 80, Tapie achetait des sociétés en difficulté, ce qui permettait de rayer certaines de leurs dettes, virait du personnel puis revendait, aucune valeur ajoutée économique, uniquement du charognage.

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  8. Hélas, ce bonimenteur a encore les moyen de faire croire au père Noel ? Il met tout en oeuvre pour dédouaner le "donneur d'ordre". Tout le monde ou presque est bien d'accord là dessus mais, la responsabilité va en définir être reportée sur GUEANT qui bien évidemment n'est pas blanc, mais, ce sonty toujours les lampistes qui paient.

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  9. constance 69
    je suis née en 1942
    j'ai eu le priviliège de vous rencontrer lors d'un Congrès de l'UNIFA à Vittel en 1984 - j'étais Secrétaire G à l'époque - votre prestation ce jour là m'avait conquise - je me suis dis "c'est un Grand Homme"
    jai regardé le face à face avec Mr Pujadas et j'ai applaudi car vous avez su le remettre à sa place fermement, bravo - ces médias sont des semeur de "m...."
    j'ai beaucoup d'admiration pour vous après le Général De Gaulle qui est mon maître à penser...cordialement

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  10. @ Sancelrien

    En même temps, on peut le comprendre : après 5 ans à se la couler douce avec l’argent du contribuable, imaginer qu’il pourrait tout perdre une 2ème fois doit être assez stressant.

    @ Olaf

    Point intéressant que j’ignorais sur l’arbitrage. En revanche, je connaissais son pédigré de repreneur d’entrepreise

    @ CVT

    Je suis complètement d’accord avec vous : cela fait plus de 20 ans que ce personnage ne m’inspire rien qui vaille (promu par Mitterrand, déjà, cela pose son homme).

    @ Gilco56

    C’est une possibilité…

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