Compétitivité,
compétitivité, compétitivité : les hommes politiques et la plupart des
médias n’ont plus que ce mot à la bouche, oubliant que le salaire minimum est
de 1,77 euro par jour en Inde… Dans cette globalisation inhumaine, tout
semble permis pour les multinationales.
Aux
Etats-Unis, la guerre des aides
Le
néolibéralisme, ce n’est pas seulement une grande course au moins-disant
fiscal, social, salarial et environnemental. Cela peut être également une
grande course aux subventions pour les implantations d’entreprises, comme le
montre les Etats-Unis depuis quelques décennies, ainsi
que le rapporte The Economist. En
effet, outre-Atlantique, les multinationales ont compris depuis longtemps tout
l’intérêt qu’il y a à mettre en concurrence les Etats pour choisir leurs
implantations.
Le phénomène
n’est pas nouveau. Dans les années 1980 et 1990, les Etats s’étaient fait une
concurrence féroce pour attirer les usines des constructeurs japonais ou
allemands, valorisant non seulement un contexte réglementaire favorable aux
entreprises d’un point de vue social, mais n’hésitant pas également à ouvrir
leur carnet de chèques… C’est ainsi que Nissan
a obtenu une subvention de 244 millions de dollars pour son usine du Tennessee !
Volkswagen, également dans le Tennessee, Mercedes, en Alabama, ou BMW en
Caroline du Sud ont largement profité de ces largesses.
Pire, ces
subventions à l’installation (crédits ou exemptions d’impôts, comme aides
directes) sont de plus en plus courantes. Les
grandes entreprises parviennent même à les obtenir pour maintenir un site :
Sears a ainsi obtenu 275 millions de dollars de l’Illinois en 2012 et
Prudential Insurance 250 millions du New Jersey en 2011. Certes, il y a souvent
des conditions mais elles sont limitées dans le temps, et dès que cela est
possible, les multinationales reprennent les négociations.
Une
logique infernale
Mais cette
logique est délétère et montre les ravages de la globalisation sur nos
sociétés. En supprimant toutes les frontières, en permettant aux
multinationales d’importer et d’exporter d’où bon leur semblent, par la
suppression des droits de douane et des restrictions au commerce, tout en
assurant une liberté de circulation totale aux mouvements de capitaux, les
Etats et les citoyens se retrouvent pris au piège d’une course sans fin au
moins-disant social, fiscal et salarial. Même Lakshmi Mittal a souligné que
l’Europe
ne pourra pas sauver sa compétitivité sans barrières douanières.
L’Allemagne,
qui a construit son économie en exportant, l’a compris la première en Europe.
Cela pouvait marcher tant qu’elle était seule car les autres pays assuraient le
soutien de la demande européenne. Mais si tous les pays européens rentrent dans
cette logique, cela laissera les budgets nationaux exangues, et le pouvoir
d’achat des salariés lessivés (jusqu’à
1,32 euro par heure en Allemagne !). Comment s’aligner sur un salaire minimum à
1,77 euro par jour en Inde, ou à peine supérieur à 100 euros par mois en
Roumanie ? Comment lutter avec le taux d’impôt sur les sociétés
irlandais ?
A ce titre, il est heureux que Le
Monde ait publié la
tribune de Paul Jorion dénonçant la logique monstrueuse de cette course à
la compétitivité, pourtant devenue la marotte de l’UMP comme du PS et qui n’est
course inhumaine vers une grande régression sociale et une déconstruction de
tout ce que nous sommes.
En même temps, Jorion approuve Weidman, donc une politique monétaire ordo-libérale.
RépondreSupprimerJorion ne sait pas trop pour qui il roule ;-)
SupprimerJe suis déçu. Comme tu parles de Jorion, j'aurai cru que RST ferait un de ses commentaires lapidaires. Il n'en est rien.
RépondreSupprimerSinon je trouve que tu renverses un peu trop les responsabilités. Si les nations sont devenues les jouets des multinationales, c'est avant tout parce que les états ont décidé qu'il en serait ainsi. La libéralisation commerciale et financière ce sont bien les états qui l'ont fait. Les multinationales n'ont pas d'armée (enfin pas encore) ni de puissance physique réelle. Que les états montrent un peu de force et de rationalité commerciale et économique et les multinationales se plieront aux nouvelles règles. Le pouvoir de la corruption ne s'exerce que sur les gens corruptibles or, c'est le seul pouvoir que les grandes entreprises possèdent.
Le système d'organisation des multinationales leur permet d'échapper à l'impôt des pays sur lesquels elles font du bénéfice en transfèrant leurs bénéfices sur des sièges sociaux dans des pays à bas taux d'imposition.
RépondreSupprimerIl existe une solution pour parer à cela: c'est de les imposer sur les bénéfices consolidés, au prorata du chiffre d'affaire réalisé en France.
Anonyme1 juillet 2013 19:55
RépondreSupprimerJe pense qu'il roule pour sa boutique et son narcissisme pathologique quitte à dire tout et son contraire pour dérouter et hypnotiser son auditoire.
@ Olaf
RépondreSupprimerMais ce n'est pas un mal qu'une personne comme Jorion dénonce la course à la compétitivité.
@ Yann
Très juste, mais je ne suis pas sûr qu'ils savaient ce qu'ils faisaient...
@ A-J H
Très bonne idée. Il faut prendre des variables sur lesquelles reposent leur évaluation pour les taxer si nous n'arrivons pas à rétablir la vérité sur les profits.
Sinon, je viens de remporter une formidable victoire juridique contre mon ex-employeur français. La décision de la cour d'appel pour mon affaire est une première qui constitue une nouvelle jurisprudence qui claque comme le tonnerre en faveur des chercheurs du privé. Ça a été beaucoup de boulot avec un avocat virtuose et d'autres juristes, mais le résultat est là. Cette décision va faire date dans le lanterneau patronal. C'est jamais gagné de se battre, mais parfois les résultats arrivent et peuvent être épatants.
RépondreSupprimer@ Yann
RépondreSupprimerJe ne désespère pas que Laurent réalise un de ces jours qui est vraiment Jorion, l'homme qui a laissé traiter sur son blog, Jacques Sapir d'espèce nuisible.
http://ecodemystificateur.blog.free.fr/index.php?post/Sapire-nuisible-Jorion
Je viens de relire "l'Etau" d'Aminata Traoré et j'y retrouve l'ensemble des interrogations que vous portez sur cette organisation géographique des territoires (ou cette manipulation des territoires ?). Il n'est pas inintéressant de constater que des Africains, confrontés à la question de la mondialisation et au néo-libéralisme dans les années 90, posent dès cette période, les thèmes que nous posons aujourd'hui pour l'Europe. Il y a là une expertise qui est tout à fait enrichissante - d'autant plus enrichissante que les réponses (au moins théoriques) recoupent celles de DLR (ce qui entre parenthèses, brise un peu l'accusation de conservatisme qui nous est parfois adressé).
RépondreSupprimerLa question des territoires me semble effectivement une des questions phare d'aujourd'hui, celle de leur mise en concurrence, de ses trous noirs (les parasites fiscaux), de ses lieux de connivence, de leur protection. Le fait que quelques-uns puissent en profiter au dépens de tous les autres est fondamentalement une question qui touche à la démocratie. La capacité à décider implique, par définition, celle du territoire sur lequel s'applique la décision. Dans ce cadre, la disparition des frontières (et de la possibilité de les contrôler) est bien une rupture de la démocratie. L'affaire des salariés low cost et du trafic d'êtres humains qu'il induit en est une bonne illustration.
Pendant ce temps en Argentine les industries étrangères s'installent pour avoir juste la possibilité d’accéder au marché argentin. Le protectionnisme inverse complétement le rapport de force en faveur du peuple.
RépondreSupprimer@ Olaf
RépondreSupprimerBonne nouvelle !
@ RST
A part sur la monnaie, je pense que sa réflexion est très intéressante.
@ Léonard
Si jamais vous en faites un résumé, je suis preneur.
@ TeoNeo
Très juste
Laurent
RépondreSupprimerC'est ton droit le plus strict de trouver la réflexion de Jorion très inintéressante même si je pense que tu ne la connais pas forcément très bien.
Ce que tu n'as cependant pas intégré je crois c'est que Jorion a la même considération pour nous (les gens de DLR) que toi pour les gens du FN.
L’étau est un essai sur le Mali et les pays de l’Afrique de l’Ouest pris en étau entre remboursement des intérêts de la dette, les exigences du FMI et celle des gouvernements occidentaux.
RépondreSupprimerDans l’ouvrage, l’auteur montre que la démocratie exigée par les bailleurs de fonds est en réalité fragilisée par ces derniers parce qu’ils retirent à l’Etat toute autorité au nom du néolibéralisme. L’Etat s’appauvrit, ne peut plus payer convenablement ses fonctionnaires ni remplacer ceux qui partent, il n’offre aucun débouché aux jeunes diplômés qui doivent émigrer. Ce système accroît la corruption et la gabegie, il appauvrit l’économie. L’auteur met en évidence le rôle central de l’Etat-nation dans le développement et montre comment, sous prétexte d’encourager les projets privés, on dépouille l’Etat de tout contrôle sur celui-ci et comment on exclut les élus de toute initiative.
La démocratie implique le pouvoir. A quoi bon élire au cours d’élections démocratiques des gouvernements impuissants ? Telle est la question centrale de l’ouvrage.
L’ouvrage est passionnant parce qu’il a été écrit il y a 15 ans et qu’il met en évidence des phénomènes qu’on rencontre en Europe aujourd’hui. Il est très court et de lecture facile.
DLR et NDA sont parfois accusés d’être d’extrême-droite ou conservateur. Il n’est donc pas mauvais d’utiliser des auteurs d’autorité (on aura du mal à faire passer Aminata Traoré pour une dangereuse lepeniste réactionnaire) qui affirment les mêmes idées et les mêmes valeurs. Pour ma part, je reste consterné que l’idée de nation soit si déconsidérée quand les grands penseurs de la nation s’appellent Nehru, Martin Luther King ou Mandela. Mais je note aussi que les leaders de ce renouveau de la nation (comme Nicolas Dupont Aignan) hésitent à utiliser ces grandes références.
@Léorard
RépondreSupprimerC'est parce que la France a ses propres références dans ce domaine. Louis XIV, Colbert, Napoléon, De Gaule, Pierre Mendes France, etc. Nous avons une longue tradition d'interventionnisme étatique plutôt bien réussi. Il y en a dans tous les pays d'ailleurs. L'important c'est que les exemples parlent aux citoyens, or lorsque l'on parle de Martin Luther King ou Mandela on ne pense pas vraiment à des politiques publiques d'état. Les références doivent servir à éclairer les gens qui écoutent. On ne peut se servir d'exemple que de gens connus du public auquel on s’adresse.
"Lorsque l'on parle de Martin Luther King ou Mandela on ne pense pas vraiment à des politiques publiques d'état."
SupprimerJustement ! Quand on évoque Martin Luther King on ne pense pas spontanément à l'idée de la nation unie autour du projet d'égalité et quand on pense à Mandela, on ne réalise pas que son projet s'articule autour de l'idée fondamentale de l'intérêt supérieur de la nation. Et pourtant que disent-ils d'autre ?
Aujourd'hui quand on évoque l'idée de nation, on évoque des idées qui ont l'air d'être ancrée dans la naphtaline (voyez le comportement des contradicteurs de NDA). Or rien n'est moins vrai. L'idée de nation a été repensée par des grands leaders, reconnus internationalement et il est dommage de ne pas s'y référer. Ne serait-ce que pour casser les clichés et les préjugés.
A titre personnel, j'ai rejoint DLR après une réflexion sur Mandela et sur la démocratie. Le lien m'a paru évident. Et je sais que quand, j'évoque ce rapport, soit sur les marchés ou avec des amis, ça fait écho. Les gens délaissent leurs préjugés et viennent sur le fond. Même si cela ne les amène pas à adhérer, cela leur permet de regarder DLR autrement.