L’accord
sur l’union bancaire auxquels sont parvenus les 27 la semaine dernière
n’est en aucun cas un grand pas en avant pour l’Union Européenne. Il consacre
au contraire la toute-puissance de Berlin, qui y trouve un moyen de défaire en
partie ce qui avait été fait avec le
MES.
Le grand
désengagement de l’Allemagne
Il est assez
étonnant que cette interprétation de l’accord n’ait pas pu percer dans
l’analyse médiatique de l’accord trouvé par les ministres de l’économie des 27.
Dans le détail, les membres de l’Union Européenne, après
s’être mis d’accord pour faire de la BCE l’instance de régulation des grandes
banques de la région (épargnant les banques régionales allemandes dont
Berlin voulait garder la supervision), les
ministres se sont mis d’accord sur des règles communes pour renflouer ou
liquider les banques européennes qui en auraient le besoin. C’est un
dispositif à trois étages qui a été conçu.
Comme
le rapporte ce papier du Monde,
les pertes seront d’abord imposées aux actionnaires, puis aux créanciers, en
fonction de leur niveau d’assurance (des moins bien assurés jusqu’aux plus
seniors) et en dernier recours aux déposants, au-delà de 100 000 euros. Ces
pertes doivent représenter 8% minimum du passif des banques (pour BNP Paribas,
ce serait la coquête somme de 160 milliards d’euros). Ensuite, pourront être
sollicités des fonds nationaux de résolution, financés par les banques et enfin
des ressources soit nationales, soit européennes (à savoir
le MES).
En fait,
l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande voulaient absolument éviter tout
recours à l’argent public. En clair, les pays créanciers voulaient quelque part
revenir sur les
engagements pris avec le MES, qui permettait d’utiliser l’argent pour les
banques de tous les pays. Avec ce nouveau mécanisme, il devient extrêmement peu
probable que les contribuables allemands puissent être mis à contribution pour
le sauvetage d’une banque étrangère. Non seulement Angela
Merkel a réussi à éviter d’engager son pays plus encore, mais elle a réussi
à faire reculer ses engagements !
Chypre
comme brouillon
En revanche,
il y a quand même quelque chose de choquant au fait d’institutionnaliser le
mécanisme mis en place à Chypre, à savoir que que les épargnants pourront
être mis à contribution dans le cas d’une faillite bancaire. Certes, il s’agit
uniquement des dépôts supérieurs à 100 000 euros, mais cela pose tout de même
de sacrés problèmes. In fine, les dépôts ne sont plus sûrs, passé un certain
montant, dans les banques européennes. Cette remise en cause formelle (même si
elle existait en partie de manière informelle) pose le problème de la sûreté
des banques aujourd’hui.
Ensuite,
tout ceci pose un problème d’égalité de traitement des clients des banques.
Cela signifie-t-il qu’ils seront traités différemment en fonction de leurs
préférences en terme d’épargne ? Celui qui préfère disposer de fortes
liquidités sera-t-il défavorisé par rapport à celui qui préfère avoir des
placements en assurance-vie ? Et que se passera-t-il pour celui qui vient
juste de vendre sa résidence principale, potentiellement pour en acheter une
nouvelle ? Sera-t-il une victime automatique de ces règles ? Quelles
seront les conséquences pour le financement de l’économie ?
Je suis bien certain qu'il y aura Chypre quelques procès retentissants concernant la procédure utilisée et en particulier la différence de traitement final entre les déposants des deux banques:
RépondreSupprimer// "Une partie de la contribution chypriote va provenir d'une ponction pouvant aller jusqu'à 60 % sur les comptes supérieurs à 100 000 euros dans la principale banque du pays, Bank of Cyprus. La deuxième banque de l'île, la Laïki (dite "Popular Bank" en anglais), sera, quant à elle, mise en faillite de manière ordonnée. Elle sera scindée entre une "bad bank", structure de défaisance amenée à disparaître progressivement, et une "good bank", où seront regroupés les dépôts inférieurs à 100 000 euros, qui bénéficient d'une garantie publique dans l'Union européenne (UE)"//
Il ne faut pas oublier que les dépôts des clients ne sont in fine que des reconnaissances de dette des banques envers eux et restent la propriété des déposants... peut-on s'approprier quelque chose qui ne vous appartient pas en dehors de le considérer comme du vol?
Cela met également en lumière (merci a AJ Holbecq de le préciser)la réalité d'un fonctionnement pervers du système bancaire. Les dépôts des clients ne devraient en aucun cas être comptabilisés dans les fonds propres des banques, ce qui permet à celles-ci de créer, grâce à l'effet dit "de levier" des réserves fractionnaires, des sommes d'argent scriptural considérables qui lui permettent de s'enrichir à bon compte.
RépondreSupprimerCela d'autant plus que la banque les rentre dans ses écritures comme des dettes.
Le bail-in est une très bonne chose pour arrêter le bail-out.
RépondreSupprimerCe qui était indigne a Chypre c'est le premier plan qui spolié tous les comptes même sous 100.000€ + renflouement avec l'argent des contribuables européens.
Le bail-in n'est rien d'autres qu'une faillite organisée, qui fait payer les plus riches pour garantir les comptes des plus pauvres, et on ferme la banque. Ça fait sauter l'espèce d'impunité et la garantie des banques, qui font n'importe quoi sachant qu'elles étaient toujours renflouées par les contribuables grâce a nos chers politiques, la collusion avec les Etats doit cesser. Le bail-in, contrairement au bail-out, est totalement libéral => responsabilité.
La question de la monnaie est une autre question, savoir si un pays doit avoir l'euro ou pas revient aux politiques. La question des réserves fractionnaires est aussi politique, certes ça éviterait bien des désastres bancaires d'imposer la séparation des banques de dépôts des banques d'affaires et d'imposer une réserve de fonds propres plus élevée. Mais le bail-in est un principe a garder dans tous les cas, je regrette simplement qu'il faille un accord européen, le bail-in devrait être mis en place au niveau national tout simplement sans avoir a créer d'Union Bancaire.
Je ne suis, pour ma part, pas d'accord avec JP.
RépondreSupprimerLorsqu'un Etat a laissé se mettre en place les conditions amenant à la faillite d'une banque, il doit nationaliser cette banque et reprendre à son compte les engagements de celle ci sans que les déposants - qui n'en sont pas responsables - ne soient mis à contribution. La garantie des dépôts est pour moi une "fonction régalienne"
Et qu'on ne vienne pas me dire que ca "coûte" à la collectivité: c'est erroné dans un système bancaire où la banque centrale peut émettre la monnaie nationale correspondant à la différence entre la valeur estimés des actifs que détient cette banque et leur valeur réelle que détient cette banque dont les comptes sont déséquilibrés.
Et s'il faut faire appel au financement public, ce financement public doit être réalisé par l'impôt (universalité) et non pas une taxation inégalitaire des seuls déposants qui ont eu la malchance de choisir (du fait en particulier de l'opacité de tous les bilans bancaires) la "mauvaise banque".
C'est ici par exemple où l'on voit qu'un système monétaire à réserves pleines (100% monnaie) interdirait, par sa propre structure, les crédits "pourris" que se permettent de réaliser les banques lors de la création monétaire à but spéculatif.
http://postjorion.wordpress.com/2012/10/31/260-smart-for-you/
La garantie des dépôts sous 100.000€ dans un bail-in est tojours garantie par l'Etat... elle est simplement payée par l'argent des gros déposants pendant la faillite de cette banque.
SupprimerLes petits déposants récupèrent leurs billes, on ferme la banque => les autres banques voient que si elles gèrent mal elles perdent tout, ferment, les responsables sont poursuivis, là elles changeront de comportement et ne compteront plus sur leurs amis de l'Etat pour les sauver...
J'ajoute que vous dites que ce sont les Etats qui ont permis d'en arriver là donc ils doivent renflouer. En effet ce sont les Etats, en collusion avec les banquiers, qui ont fait ce système. Mais dans ce système il n'est pas écrit que le but est de mal gérer sa banque, ce n'est pas l'Etat qui doit payer pour la mal-gestion d'une banque. Car l'Etat c'est toi, c'est moi, c'est les contribuables, qui n'avons pas tous un compte dans cette banque en faillite.
L'Allemagne n'est pas bête : elle ne veut pas que les instances européennes viennent fouiller dans son système bancaire fort peu reluisant (l'immense majorité des banques allemandes sont régionales et dans un état peu engageant), ce qui aurait en plus des conséquences financières/politiques des effets désastreux sur son image... Mais bon, refuser que la supervision européenne s'occupe de ce problème, c'est comme jouer la politique de l'autruche. Ca paye un temps ; un temps seulement...
RépondreSupprimer@ A-J H
RépondreSupprimerMerci pour cette précision, très juste.
D’accord également sur le second commentaire.
@ Cliquet
Très juste.
@ JP
Je suis d’accord pour dire que les actionnaires et les créditeurs doivent passer avant l’aide de l’Etat (je suis d’accord qu’il doit pouvoir intervenir). En revanche, je suis choqué par le vol des dépôts. Quand il y a une montée des inégalités, on joue sur la taxation, pas sur le vol d’une partie de l’épargne.
@ Anonyme
Je suis bien d’accord.