samedi 31 août 2013

Copé et les morts-vivants du néolibéralisme


Jean-François Copé ne fait pas dans la dentelle. Certes, les Français expriment un véritable ras-le-bol fiscal que même Pierre Moscovici reconnaît, mais la feuille de route qu’il a récemment dessiné en cas de retour de l’UMP au pouvoir en 2017 représente un virage d’une brutalité sidérante.



Au secours, Thatcher et Reagan reviennent !

Impossible de ne pas penser à eux devant la radicalité des idées avancées. Il propose de réduire de pas moins de 130 milliards d’euros la dépense publique, dont la moitié servirait pour des baisses d’impôts pour les ménages et les entreprises. Ces dernières bénéficieraient de 40 milliards de baisse de charges sociales. S’il dit vouloir concilier « l’humanisme et la générosité », les 35 heures et le RSA seraient sérieusement remis en question. Il propose de « libérer l’éducation nationale », « libérer le marché du travail » (sur le temps de travail), réécrire les codes de l’urbanisme et du travail, ainsi que réformer notre modèle social (dégressivité des allocations, travail pour les bénéficiaires du RSA).

On ne pourra pas reprocher au président de l’UMP d’incohérence dans les propositions. Il s’agit d’un agenda très clairement néolibéral (même s’il s’en défend), qui fleure bon les années 1980 et le programme du RPR de 1986, qui lorgnait alors ouvertement vers Londres et Washington plus que vers Colombey-les-deux-églises. Il faut dire que les cures d’austérité créent un terrain favorable à de telles idées : hausse de l’endettement, maintien de déficits importants malgré les hausses d’impôt et les coupes budgétaires. L’Etat semble impotent, impuissant et obèse, de quoi provoquer une révolte fiscale et néolibérale sur laquelle Jean-François Copé semble parier, du moins, pour le moment.

Transformer Paris en Athènes

vendredi 30 août 2013

Le Monde, néolibéral, mondialiste et belliqueux


Bien sûr, ce n’est pas une découverte, mais en l’espace d’une semaine et de trois articles, le Monde s’est transformé en succursale de The Economist, développant sans nuance les arguments des néolibéraux atlantistes, à mille lieues du journal de gauche de référence qu’il est sensé être.



Apologie anti-sociale

Il y a une dizaine de jours, j’avais sursauté en lisant un papier du Monde affirmant que « la Société Générale dégraisse ses effectifs ». J’avais alors interpellé le journal sur les réseaux sociaux, sans provoquer la moindre réaction. Pourtant, l’emploi du terme « dégraisser » n’est pas neutre. Par delà le fait de reprendre le vocabulaire des néolibéraux les plus durs, il est profondément anti-humaniste de l’employer car cela dit que des salariés sont de la mauvaise graisse. Qu’Alain Madelin ou Denis Kessler l’utilisent, soit, mais qu’un journal qui se dit de gauche le fasse montre à quel point sa pensée n’est pas claire. Les mots ont un sens, comme le montre Eric Hazan, et ceux-ci ne devraient pas utilisés ici.

Il faut également lire cet éditorial assez hallucinant « le malheur du sud ne fera pas notre bonheur » dont on ne sait à qui il s’adresse, personne n’ayant, me-semble-t-il, développé une telle théorie. En fait, cela revient à prévenir ceux qui se réjouiraient du ralentissement de la croissance des pays émergents « qui nous ont méthodiquement dépouillé de nos industries et de nos emplois depuis décennies » qu’ils ne doivent pas trop se réjouir, en clair que cela va continuer ! Passons sur l’admission que la mondialisation est une calamité pour notre économie, il ressort de ce papier d’un caricatural monstre une forme de haine de soi et de glorification de l’autre systématique et sans la moindre nuance.

BHL, sort de cette plume !

jeudi 29 août 2013

Manuel Valls, apprenti Sarkozy


Il fallait voir le Grand Journal de Canal Plus avec Manuel Valls lundi soir. Derrière la nouvelle formule de cette émission phare de la chaine cryptée, difficile de ne pas voir dans le ministre de l’intérieur actuel un homme qui met ses pas dans ceux du ministre de l’intérieur d’il y a 10 ans.



Copier-coller pas très discret

Pour une fois, il était difficile de ne pas être d’accord avec le petit reportage de Damien Cabrespine, qui pointait les trois recettes du succès du ministre Valls : un activisme de tous les instants, des peopleries et un goût pour les polémiques. Ce faisant, le journaliste faisant un parallèle évident avec le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy de 2002 à 2007. Si Manuel Valls a répondu de manière habile dans un premier temps, évoquant le manque d’originalité de cette comparaison, la relance d’Hélène Jouan lui a fait perdre un peu de sa superbe un peu suffisante car il niait une évidence criante.

Cela fait longtemps que Manuel Valls emprunte le chemin dessiné par l’ancien président de la République, comme je le pointais dès 2009. Comme lui, il cherche à prendre son parti par la droite. Comme lui, il n’hésite pas à faire voler en éclat les tabous de son camp (quitte à se contredire sur les 35 heures, comme il l’avait fait en 2011). Comme lui, il est ambitieux et joue une partition personnelle, qui lui donne de la popularité, même si, pour l’instant, il la joue plus collectif du fait d’un contexte politique différent (premier mandat de François Hollande contre second mandat d’un Jacques Chirac).

Faux semblants sécuritaires

mercredi 28 août 2013

Ce que la Libye et l’Egypte disent de l’intervention en Syrie



Le printemps arabe avait suscité un immense espoir. Mais les évènements en Egypte, ainsi que l’évolution de la Libye montrent la complexité de la situation dans la région et ne plaident pas pour l’intervention internationale en Syrie qui se dessine et annoncée hier par François Hollande, malgré les atrocités.



Une situation qui se déteriore

En effet, quel que soit le pays, il semble que la situation se déteriore. Cela est évident en Egypte, après le coup d’état militaire contre Morsi et les affrontements, qui, comme le note cruellement le Monde, ont fait plus de morts en cinq jours que pendant la révolution de 2011. La communauté internationale, comme le monde arabe, reste très divisée. Naturellement, certains condamnent le renversement d’un gouvernement issu l’élections démocratiques, même si, ou parce que (pour certains pays arabes) il était d’obédience islamiste. D’autres, au contraire, préfèrent que les islamistes soient loin du pouvoir.



La situation se déteriore aussi en Syrie où la guerre civile se poursuit avec l’emploi d’armes chimiques par le régime en place, semble-t-il. Selon The Economist, on ne se dirige pas vers la victoire d’un camp, mais au contraire vers une partition du pays en 3 zones : le Nord-Est, sous influence kurde, les rives de l’Euphrate, sous le contrôle de la rébellion et l’Est, restant sous le contrôle de Bachar Al-Assad. Et comme le rappelle Marianne dans un très bon papier, la situation est extrêmement mauvaise en Libye, où l’état central semble dépassé par les milices et le tribalisme, qui font beaucoup de victimes.

Que pouvons-nous faire ?

mardi 27 août 2013

Quand l’Allemagne envisage sereinement de quitter l’euro


L’attitude de Berlin depuis le début de la crise de la zone euro est ambiguë : elle fait juste assez pour maintenir cette construction baroque et artificielle en vie, mais sans jamais aller au-delà. Une interview récente semble indiquer que le pays est de moins en moins attaché à la monnaie unique.



Une interview explosive

C’est un conseiller du ministre allemand des finances qui a donné une interview sur la monnaie unique dans Die Welt il y a 10 jours, traduite par le Comité Valmy. Après avoir qualifié la Grèce de « puits sans fond », quand on lui demande si elle devrait quitter la monnaie unique, il répond : « si l’on veut en finir avec l’union monétaire, c’est par les pays du nord de la zone euro qu’il faut commencer. Et si l’on en arrive là, alors l’Allemagne doit quitter l’euro ». Quand le journaliste lui réplique : « il faudrait que l’Allemagne fasse pour la 3ème fois exploser l’Europe. Aucun gouvernement allemand ne s’y résoudra jamais », il répond que « l’euro n’est pas l’Europe. C’est l’Europe, et non l’euro, qu’il s’agit de sauver ».

Il poursuit : « il est vrai que pour des raisons politiques, l’Allemagne n’est pas en position de sortir la 1ère. Mais les autres pays membres pourraient l’y contraindre. Ce vers quoi nous allons, c’est cela. (…) Et si l’Allemagne et quelques autres économies fortes quittaient la zone euro, la valeur de cette monnaie baisserait, permettant aux économies du Sud de recouvrer la santé ». Mieux, il soutient que l’Allemagne pourrait supporter l’appréciation du mark, comme « lors des décennies passées », ce que confirme l’évolution de son commerce extérieur, puisqu’elle réalise ses excédents à 90% hors zone euro. Il dit que « l’Allemagne ne peut pas sauver la zone euro » et dénonce l’évolution vers une situation à l’italienne avec un Nord qui produit et un Sud « dans la situation du Mezzogiorno ».

Le sens de cette interview

lundi 26 août 2013

François Lenglet, malgré tout, un peu trop bien pensant


Après avoir étudié en quoi les constats de François Lenglet sont étonnamment proches de ceux des milieux alternatifs sur l’analyse de la crise financière, de celle de la zone euro et de son traitement et ses critiques sur la monnaie unique, il faut bien souligner quelques points de désaccord.



Sur l’Europe, il reste au bord du Rubicon

C’est tout le paradoxe de ce livre, comme celui de Paul Krugman : il développe longuement ses arguments contre la monnaie unique et sur les problèmes qu’elle a créés mais finit malgré tout par conclure en plaidant pour plus d’intégration européenne. L’argumentation, très courte, est à la limite de l’indigence. Il soutient ainsi que l’euro nous apporterait une augmentation des échanges commerciaux, une solidité financière et monétaire et nous permettrait de peser plus dans le monde. Le premier argument est contestable puisque le taux d’intégration du commerce européen n’a pas vraiment progressé depuis la monnaie unique. L’évocation d’une plus grande solidité financière et monétaire semble une blague au regard des trois dernières années. Enfin, sur le fait de peser davantage, cela fait des décennies qu’on évoque cette tarte à la crème théorique sans pouvoir en faire la moindre démonstration sur un quelconque sujet.

S’il admet que l’euro est trop cher pour nous, il affirme que l’euro apporte à la France des taux d’intérêts faibles. Mais un regard outre-manche permet de contester cet argument puisqu’avec un déficit deux fois plus important, Londres emprunte au même taux que nous… Ses arguments pour dénoncer les exemples avancés par les opposants à la monnaie unique sont tout aussi fragiles. Il critique la monétisation de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et du Japon en évoquant l’inflation et une nouvelle bulle. Mais l’inflation n’a pas dérapé dans un seul de ces pays, malgré des programmes de monétisation massifs. Mieux, l’absence de monétisation ne garantit pas d’éviter les bulles, comme on l’a vu avant 2008… Il affirme que les cas suédois et danois (hors de l’euro, et qui ne semblent pas s’en plaindre) ne sont pas représentatifs car ces pays sont compétitifs, bien gérés, petits et avec un marché du travail flexible.

Un problème de monnaie et de compétitivité

dimanche 25 août 2013

François Lenglet, euro critique militant


Si l’analyse de la crise financière que fait François Lenglet est très proche des milieux alternatifs, il en va de même pour la partie sur la monnaie unique européenne, mettant le journaliste dans une position proche de celle de Paul Krugman dans son dernier livre ou Joseph Stiglitz.



Pas une zone monétaire optimale

Même s’il n’emploie pas le terme, c’est ce qu’il dit. Il dénonce « l’échec de la convergence » et dit qu’il n’y a jamais eu de zone monétaire aussi hétérogène, et que les écarts sont aggravés par l’euro, une machine à accroître les divergences économiques. Aux analphabètes de l’économie, il souligne que la zone euro n’est pas la Chine ou les Etats-Unis, du fait de l’absence d’une langue commune, d’un budget ou d’un gouvernement fédéral. Il emploie l’image d’un climatiseur dont on ne pourrait pas régler la puissance en fonction des pièces, et qui fonctionnerait de la même manière pour la cave et le grenier, avec une température réglée sur l’Allemagne… Il note aussi le problème du grand écart démographique entre Paris et Berlin, point que j’avais évoqué début 2011.

Il rappelle que dans les années 1970, le franc a perdu 34% par rapport au deutsche mark et encore 30% dans les années 1980. On peut ajouter que cela n’a pas posé de problème de croissance ou de pouvoir d’achat chez nous. L’euro a permis une forme d’euro obligations par la convergence des taux d’intérêts : alors qu’en 1997, les taux allemands étaient à 5,7%, contre 6,4% en Espagne, 6,9% en Italie et 9,9% en Grèce, l’écart n’était plus que de 3,4% à 3,6% en 2005. Dans une analyse proche de Sapir, il souligne la divergence des balances extérieures et des prix : de 1999 à 2008, alors que les prix ont progressé de 16% en Allemagne et 18% en France, ils ont augmenté de 34% en Espagne et 35% en Grèce. Et alors que le solde extérieur allemand est passé de -1,4% du PIB à 6,2%, il est passé de +3,2% à -1,7% dans l’hexagone et de -2,9 à –9,6% en Espagne (et même -14,7% du PIB en Grèce). Pour lui, « c’est la monnaie unique qui a aggravé les divergences de compétitivité et abaissé les freins à l’endettement ».

Une monnaie unique en voie de décomposition

samedi 24 août 2013

François Lenglet, critique féroce de la finance


Avec Des Paroles et Des Actes, François Lenglet est sans doute devenu le journaliste économique de référence, remplaçant avantageusement Jean-Marc Sylvestre. La lecture de son livre « Qui va payer la crise ? » est l’occasion de porter un nouveau jugement sur le nouveau chroniqueur de RTL.



Des plans européens scandaleux

Ce livre est une bonne surprise et j’en partage la majorité des constats. J’ai été étonné par la virulence des propos contre les plans européens. Il parle de « hold up des rentiers » et de « contribuables rançonnés par les plans de rigueur au profit des épargnants et de la finance », une analyse que j’évoquais il y a trois ans et que j’avais développée en 2011 en parlant du « scandale du rachat des dettes souveraines ». Pour lui, ces plans consacrent « l’enrichissement des rentiers au détriment de la prospérité collective, précipitant l’euro et l’Europe vers la ruine ». Il note que la crise de l’euro n’est que la variante de la crise mondiale de la dette.

Encore mieux, il dénonce également les politiques d’austérité menées par les pays « aidés » en disant que l’on « approfondit la blessure », que le niveau du chômage et l’émigration d’une partie de la population est le signe d’un échec. Il affirme qu’en Espagne, « l’amélioration des comptes extérieurs (est) obtenue au moyen de l’effondrement de la demande intérieure, qui a créé le chômage de masse ». Il dénonce le cercle vicieux de l’austérité, dénoncé dès 2010 par NDA (à l’Assemblée Nationale), Jacques Sapir ou moi-même : les hausses d’impôts et les coupes dans les dépenses pèsent sur la croissance, et donc les recettes fiscales puis sur les déficits, ce qui impose toujours plus d’austérité. Il souligne que la dette des pays « aidés » s’envole. Il souligne les conséquences désastreuses pour l’économie réelle, les faillites et le chômage.

Comme je l’avais fait dès 2010, il critique de manière virulente les euro obligations, qui ne font que défendre les intérêts du monde financier. Il souligne également le paradoxe qui consiste à vouloir traiter une crise de la dette en créant de nouvelles dettes. Comme je l’avais fait également et comme NDA, il dénonce le prêt de 1000 milliards à 1% de la BCE aux banques qui permet aux banques de prêter à 5 ou 6% aux Etats, « une usine à gaz scandaleuse » au profit du monde financier. Il souligne justement le problème démocratique qui consiste à faire que « les contribuables vont payer pour des bêtises faites en dehors de leurs frontières ». Pour lui, « les créanciers ont réussi le tour de force de nationaliser les dettes privées irrécouvrables ».

Une crise du laisser-faire et de la finance

vendredi 23 août 2013

Renault Trucks, motif d’espoir ou arbre qui cache la forêt ?


Volvo a annoncé il y a quelques jours qu’il rappatriait la productionde camions Renault qui était faite en Turquie dans une usine française. Faut-il y voir un motif d’espoir pour le « fabriqué en France », comme le soutient Jack Dion dans Marianne, ou s’agit-il d’une exception qui confirme la règle ?



Pourquoi Volvo a pris cette décision ?

Jack Dion a bien raison de souligner qu’il n’y a pas que le coût de la main d’œuvre dans les critères de sélection d’une implantation industrielle, tout comme quand il rappelle que « la France est à peu près au même niveau de revenus salariaux » que nos principaux partenaires européens. En effet, les entreprises s’attachent également aux infrastructures, au prix de l’énergie, à la qualification et la productivité de la main d’œuvre, au cadre de vie… Et sur tous ces critères, l’hexagone est en bonne position. En outre, notre pays est au cœur des 5 principaux marchés européens.

Cependant, à y regarder de plus près, il n’est pas sûr que ce soit cela qui ait motivé la décision de Volvo. En effet, ce papier du Figaro évoque des raisons différentes. Les camions produits en Turquie ne l’étaient pas par une usine Renault mais par un partenaire. Or, le marché européen a baissé de 13%, faisant chuter la capacité d’utilisation des usines, et donc la rentabilité. En outre, Renault commercialise une nouvelle génération de camions, qui a nécessité pas moins de 2 milliards d’euros d’investissement. Il est donc probable que ce choix est davantage une rationalisation industrielle, le partenaire turc étant une soupape de sécurité pour ne pas augmenter les capacités en interne.

Le « fabriqué en France » est-il condamné ?

jeudi 22 août 2013

Auto-entrepreneurs, heures sup : l’héritage encombrant de Nicolas Sarkozy


Cette semaine, le gouvernement fait face à une fronde concernant sa remise en cause de deux réformes de l’équipe précédente : l’auto-entrepreneuriat et la défiscalisation des heures supplémentaires. Deux sujets polémiques qui en disent long sur les travers d’une forme de politique.



De la défense des avantages acquis

Curieusement, c’est un porte-parole du Parti Socialiste à l’Assemblée Nationale, Thierry Mandon, qui porte la charge en jugeant que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, pourtant un élément du programme de François Hollande en 2012, était pour lui peut être une erreur. En résumé, c’était « macroéconomiquement justifié, mais pas microéconomiquement ». En clair, la mesure est juste sur le fond, mais difficile à défendre devant des électeurs de classes populaires qui ont perdu en pouvoir d’achat. Il propose donc un dispostif correctif de franchise ciblé et limité.

L’autre épine dans le pied du gouvernement est le statut d’auto-entrepreneur, adopté par près d’un million de personnes, dont la moitié sont actives. Mais les exonérations massives de taxes et cotisations sociales ont provoqué la colère des artisans, notamment dans le bâtiment, qui affrontent déjà la concurrence du plombier polonais, poussant le gouvernement à réduire les plafonds de chiffre d’affaire réalisable dans ce cadre (19 000 euros au lieu de 32 600). Le gouvernement tergiverse et a carrément choisi de ne pas évoquer ce plafond dans ce projet de loi pour gagner du temps.

Des logiques délétères

mercredi 21 août 2013

Œuf, ail, lait, viandes : le grand abandon de la filière agricole


Il ne s’agit malheureusement pas d’une nouveauté. Après les éleveurs et les laitiers, c’est au tour des producteurs d’ail et d’œufs de subir une nouvelle crise, qui montre que nos gouvernements, de droite comme de gauche, ont complètement abandonné notre agriculture et nos agriculteurs.



Toujours plus de secteurs en crise

Les producteurs d’œufs protestent contre la baisse des cours à 4,95 euros la centaine (soit 30 centimes pour six œufs, ce qui laisse songeur sur les marges réalisés des intermédaires) alors que leurs coûts augmentent du fait de la hausse du prix des céréales. Depuis, le ministre les a vu, a promis d’exporter en urgence quelques millions d’œufs, et organise le recul de la production en France. Même phénomène pour les producteurs d’ail, touchés par les aléas climatiques et qui ont vu les prix tombés entre 1,2 et 1,5 euros le kilo du fait de la concurrence étrangère contre 2,3 euros en 2012 et plus avant

Le sort des producteurs de lait est connu depuis longtemps. Le prix est coincé à 300 euros les 1000 litres (on était à 310 euros en 2001) et ils n’arrivent pas à obtenir la hausse de prix de 30 à 40 euros les 1000 litres qu’ils demandent. Par-delà le fait que les prix n’ont pas progressé depuis 12 ans, ils soulignent la montée du prix des céréales et donc de leurs coûts de production : le prix du soja s’est envolé de 280 à 420 euros la tonne et celui du maïs de 180 à 220. Ils pointent également la concurrence de l’Allemagne, de plus en plus agressive, et craignent la suppression des quotas en 2015.

L’agriculture n’est pas une activité comme les autres

mardi 20 août 2013

La bombe à retardement bancaire


Tout le monde dit que les banques européennes n’ont pas tiré les leçons de la crise financière de 2008. Un rapport du parlement européen révèle l’étendu des risques qui couvent et qui finiront tôt ou tard (il ne faut pas sous-estimer la capacité d’aveuglement du système financier) par se rappeler à nous.



Le château de carte européen

Il faut lire (ou au moins survoler, car il est long), le rapport Liikanen du parlement européen sur le secteur bancaire. Il est difficile de ne pas avoir des sueurs froides en y lisant que les actifs du secteur bancaire européen représentent 42 900 milliards d’euros, 3,5 fois le PIB européen, alors qu’aux Etats-Unis, il pèse 5 fois moins, 8 600 milliards d’euros, seulement 78% du PIB. Certes, le rapport évoque les différences de normes comptables qui expliquent une partie de la différence, mais on se demande bien ce qui pourrait justifier que le secteur bancaire européen soit aussi gros.

Reprenant également le rapport Liikanen, Georges Ugeux souligne que « les banques européennes rechignent obstinément à réduire leurs actifs » et rappelle que rien n’a changé depuis la crise. Il avait rappelé il y a un mois que la Deutsche Bank, à elle seule, devrait diminuer son bilan de 250 milliards d’euros, après une réduction de 255 milliards les 18 derniers mois. Pire, le système bancaire européen est menacé par la détérioration continue de la situation en Espagne, avec le nouveau record dans le taux de créances douteuses, qui a atteint 11,6% en juin (176 milliards).

Pourquoi l’explosion tarde ?

lundi 19 août 2013

Grèce, Irelande, Portugal : l’échec complet des plans européens





Des dettes insoutenables

C’est The Economist qui émet ce jugement en plein cœur de l’été. Mais son jugement, que partage François Lenglet dans son dernier livre (bientôt en résumé) semble très réaliste. Le graphique de l’évolution de la dette de la Grèce, du Portugal et de l’Irelande est instructif. On connaît le cas grec, avec cette dette, passée de 100 à 170% du PIB. Un accord d’allègement lui a permis de baisser, mais l’effondrement économique du pays l’a fait remonter à 160%. Le Portugal, qui était sous 70% en 2008, vogue vers les 130% du PIB. Et l’Irlande est passée de 30 à 125% du PIB, un quadruplement !

L’Irlande est théoriquement le pays le plus solide, mais l’hebdomadaire britannique souligne que si l’on étudie le PNB (qui exclut les profits des multinationales qui passent par le pays, au contraire du PIB), la situation n’est pas si brillante, avec une dette qui atteint alors 150% du PNB. Pire, le déficit est encore de 7,5% du PIB… Le Portugal est secoué par une crise politique majeure et se pose la question du maintien dans l’euro. Enfin, la situation de la Grèce est toujours aussi dramatique : le pays ne tient toujours pas ses objectifs et aura besoin de toujours plus d’argent dès 2014.

Vers un nouveau défaut ?


dimanche 18 août 2013

Le modèle de développement asiatique est protectionniste


C’est un des mythes les plus tenaces de la théorie économique : les développements du Japon, de la Corée du Sud et de la Chine démontreraient les bienfaits du libre-échange. Et si c’était l’inverse qui était vrai ?

Libre-échange chez les autres, protectionnistes chez eux
En fait, voilà la réalité du développement économique de ces pays. Grosso modo, les plus grandes puissances économiques du Sud-est Asiatique comptent sur l’ouverture commerciale des autres pays pour exporter un maximum tout en protégeant fortement leur marché intérieur et leurs entreprises. Ce n’est pas un hasard si plus de 95% des voitures vendues dans ces trois pays sont produits localement, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe…
L’exemple de la Chine est particulièrement parlant. Il y a une vingtaine d’années, ce pays a décidé de développer une industrie automobile. L’Etat a donc mis en place des droits de douane de plus de 100% sur les importations de véhicules, imposant à tous les constructeurs de construire des usines de montage sur place. Et pour s’assurer un transfert de technologie, la Chine a également imposé qu’un partenaire local détienne la moitié de l’entreprise.
Dans un second temps, la Chine a remonté les droits de douane sur les pièces détachées pour faire venir l’ensemble de la filière sur son territoire. Enfin, une fois la pompe amorcée, les droits de douane sur les véhicules importés ont été diminués (à 35% tout de même) et les anciens partenaires des constructeurs occidentaux ont commencé à produire leurs propres véhicules, souvent des copies de modèles occidentaux au démarrage, avant de passer à la phase exportation, pour bientôt.
Un modèle dirigiste, protectionniste et patriote

samedi 17 août 2013

Une histoire de la pauvreté


C’est un article absolument passionnant de The Economist sur l’évolution du jugement porté sur la pauvreté, à partir des travaux d’un professeur de l’université de Georgetown, qui fait un historique de la manière dont la pauvreté était jugée dans nos sociétés depuis un demi-millénaire.



Du pré-darwinisme ou post-darwinisme

Comme le rapporte The Economist, en Europe, du 16ème au 18ème siècle, « la pauvreté était vue comme socialement utile » parce que cela « assurerait la disponibilité d’une main d’œuvre abondante et bon marché ». Bernard de Mandeville, un économiste du 18ème siècle, jugeait « manifeste, que dans une nation libre où les esclaves ne sont pas autorisés, la plus grande richesse consiste dans une multitude de pauvres travailleurs ». Malgré tout, des lois furent passées, mais uniquement pour les protéger de la famine, mais en aucun cas de les faire sortir de leur condition initiale.

C’est un paradoxe, mais c’est Adam Smith qui a été un des premiers à vouloir aider les pauvres en se faisant le défenseur d’une imposition redistributive : « les riches doivent contribuer à la dépense publique, non seulement en proportion de leurs revenus, mais d’une manière supérieure à simplement dans cette proportion ». Tout ceci rappelle Tocqueville qui disait que « préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous », ce qui montre que le libéralisme se souciait des inégalités.

Vers la lutte contre la pauvreté

vendredi 16 août 2013

Que penser du rebond de la croissance ?


C’est la bonne nouvelle estivale à laquelle personne de n’attendait : la croissance européenne a rebondi au 2ème trimestre et a atteint 0,5% pour la France. Même s’il faut prendre avec des pincettes ces chiffres, cela confirme le scénario que j’avais esquissé de reprise illusoire pour 2014.



Lire entre les lignes

Comme du temps de Christine Lagarde, le gouvernement s’est félicité de ces résultats, en en faisant (bien maladroitement et peu crédiblement) le résultat de sa politique. Naturellement, ce discours est extrêmement hâtif. Tout d’abord, il ne s’agit que d’un bon chiffre trimestriel, qui devra être révisé, et qui ne fait que confirmer un objectif de croissance de 0,1% pour 2013... Certes cela est plus que la moyenne de l’UE mais ce chiffre est d’autant moins glorieux qu’il correspond à une baisse du PIB par habitant dans un pays où la population continue à croître de manière importante.

En outre, le détail des chiffres est moins flatteur. Primo, l’investissement recule de 0,5%, ce qui augure mal pour l’avenir. Ensuite, 40% de la croissance vient d’une hausse de stock, ce que Pierre Moscovici s’est bien gardé de pointer alors que si leur contribution avait été négative, il n’aurait pas manqué de le faire. Enfin, si 0,3 point de croissance vient de la croissance de la consommation de 0,4%, il faut préciser que la moitié de cette croissance s’explique par l’énergie dont la consommation a progressé de 2,4%. En clair, à stock étal et sans un printemps maussade, la croissance aurait été de 0,15%...

Avis de reprise illusoire confirmé

jeudi 15 août 2013

Quelle politique énergétique pour l’avenir ? (2/2)


Après avoir fait la synthèse des quatres premiers papiers sur l’énergie et étudié les problématiques de sources d’énergie pour le futur, deux questions majeures restent en suspens : le financement, et parallèlement, l’organisation du marché de l’énergie, entre privé et public.



L’impasse de la libéralisation

Depuis les années 1980, les anciens monopoles publics de l’énergie ont été partiellement ou totalement privatisés. EDF-GDF a été coupé en deux, avant que GDF ne fusionne avec Suez. Mais dans certains pays, le marché de l’énergie est encore bien plus fragmenté qu’en France avec de nombreuses compagnies régionales. Néanmoins, cette libéralisation n’est que partielle puisqu’il faut bien conserver un réseau de distribution unique et que l’Etat (via des agences indépendantes) impose des tarifs de gros aux opérateurs historiques pour permettre l’émergence de concurrents privés.



Parallèlement, a été mis en place en Europe un marché du CO2. L’idée, pas inélégante intellectuellement, était de confier au marché l’optimisation de l’effort de baisse des émissions de carbone en émettant des droits à polluer qui pourraient s’échanger, laissant à la main invisible le soin de répartir les efforts. Mais cette expérimentation s’est avérée être une catastrophe. Tout d’abord, tous les secteurs ne sont pas inclus et certains ont fait du lobbying pour être exemptés ou mieux traités, créant une injustice, et limitant la portée du projet. Ensuite, ce marché pénalise la production locale par rapport aux importations, qui ne la paient pas. Enfin, les variations de prix pénalisent les investissements.

Enfin, on ne peut pas dire que la libéralisation du marché de l’énergie soit un franc succès. Même The Economist, dans sa période de remise en cause du marché en 2009, avait admis que le secteur privé était mal adapté pour assurer un service optimal de production d’énergie avec les contraintes de rentabilité qui rendent plus difficiles les investissements à long terme. Pire, on voit bien que la concurrence n’est pas naturel pour le secteur de l’énergie qui est un monopole naturel. Résultat, l’Etat organise une concurrence factice et artificielle, qui revient souvent à pénaliser le ou les opérateurs historiques. Pire, cette mise en concurrence aboutit en général à une envolée des tarifs. Enfin, l’épisode de Fukushima incite à maintenir dans le giron de l’Etat les centrales nucléaires.

Du besoin d’Etat

mercredi 14 août 2013

Quelle politique énergétique pour l’avenir ? (1/2)


Pour clôturer cette série de papiers sur l’énergie, qui a traité quelques grands débats (gaz de schistes, énergies renouvelables, libéralisation, pic pétrolier), je souhaite finir sur une vision de ce que devrait être la politique énergétique de notre pays dans les années à venir.



Frugalité et justice sociale

Tout d’abord, je tiens à remercier les commentateurs des différents papiers, qui m’ont permis d’affiner ma vision et de m’apprendre de nouvelles choses. Point essentiel avancé par R.Zaharia, le premier à mettre en avant est la chasse au gaspillage. En effet, aujourd’hui, nous pourrions économiser une grande partie de notre consommation (certains avancent le chiffre de 50%), en améliorant le fonctionnement de notre réseau, en rénovant nos logements et nos voitures notamment. Cette piste là de travail est absolument essentielle et elle n’est sans doute pas suffisamment utilisée aujourd’hui.

Tout ceci s’explique en partie par le fait que nous ne payons pas l’énergie à son juste prix. A partir du moment où une ressource n’est pas renouvelable, qu’elle a un effet néfaste sur l’environnement et que nous n’avons pas de réserves, il est légitime et nécessaire de la taxer pour pousser les acteurs économiques à un comportement frugal et ainsi avantager les énergies renouvelables, respectueuses de l’environnement et dont nous disposons. Pour cette raison, et à titre personnel, je suis partisan d’une taxe carbone, étant donné que l’idée d’un marché des droits à polluer a démontré son échec.

Néanmoins, trois conditions majeures doivent être réunies pour cette taxe carbone. Tout d’abord, elle doit être universelle. Il est totalement anormal qu’aujourd’hui, la majeure partie du pétrole (fuel, diesel pour le transport, kérosène) ne soit pas taxée de la même manière que l’essence des particuliers. La taxe carbone doit être universelle et on pourrait même envisager qu’elle soit plus importante pour le kérosène si les émissions aériennes de CO2 s’avèrent être plus néfastes. Ensuite, elle ne doit pas pénaliser les ménages modestes à court et moyen terme pour leur donner le temps de s’adapter. Enfin, l’Etat doit donner de la visibilité à long terme pour favoriser les investissements.

Quelles sources d’énergie ?