Jacques Sapir économiste alternatif
Après avoir lu beaucoup de livres de penseurs alternatifs, Jacques Sapir était le dernier grand intellectuel que je voulais étudier. « Le nouveau 21ème siècle », écrit avant le déclenchement de la crise économique, est un ouvrage de référence sur l’économie et l’idée nationale.
Retour sur la crise de 1997-1999
C’est un point commun de Jacques Sapir avec les deux prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et Paul Krugman que de donner une importance particulière à la crise qui a secoué les pays émergents à la fin des années 90. Pour lui, contre pour eux, cette crise est la conséquence d’une déréglementation excessive, notamment sur le plan financier et monétaire et elle démontre, 10 ans avant la crise des subprimes, les immenses dangers de la globalisation néolibérale.
Ce livre complète parfaitement « La grande désillusion » de Joseph Stiglitz, qui travaillait à la Banque Mondiale à cette époque. S’il en donne une lecture plus politique, le constat économique est aussi sévère. Il montre l’absurdité d’un système où le FMI prêtait de l’argent à des pays émergents pour défendre leur monnaie, à un coût exorbitant, tout en étant voué à l’échec la plupart du temps. Il souligne que « la Malaisie et le Chili (…) ont dû leur réussite à des mesures de contrôle de capitaux ».
Bref, alors que le FMI déversait de l’argent pour lutter contre les marchés, tout en imposant des mesures d’austérité souvent violentes pour la population, la solution à cette crise était une restriction des marchés de capitaux. L’auteur souligne malicieusement : « si les Etats-Unis sont capables d’engager à perte plus de 60 milliards de dollars pour tenter d’enrayer une crise financière (…) n’eût-il pas été plus judicieux d’investir la même somme dans des actions de développement ? ».
L’auteur utilise une image particulièrement brillante pour appuyer les thèses d’une « re-fragmentation des espaces financiers et commerciaux ». Il fait le parallèle avec les cales d’un cargo. Et s’il reconnaît volontiers qu’une cale sans compartiment est plus pratique, il souligne qu’en cas de tempête, elle devient un danger menaçant la stabilité du navire. Il souligne que « les architectes et constructeurs de navires le savent depuis des siècles et sacrifient l’optimalité théorique à une conception garante de robustesse ».
Un véritable tournant politique
Par-delà la grave crise économique, pour Jacques Sapir, cette crise a provoqué un changement politique majeur à l’échelle de la planète. Pour lui « la Russie s’est reconstruite autour d’un projet national et industrialiste ». Plus globalement « la crise a aussi amené de nombreux pays à modifier leurs stratégies économiques, les conduisant à des politiques commerciales très agressives dont l’addition provoque aujourd’hui une fragilisation générale de l’économie mondiale ».
En effet, depuis un peu plus de dix ans, de nombreux pays émergents ont adopté une stratégie économique visant à accumuler le montant le plus important possible d’excédents commerciaux de manière à pouvoir mener une politique économique autonome sans jamais avoir à demander de l’aide à un FMI et des Etats-Unis qui leur imposent des politiques aberrantes. Cela vaut notamment pour la Chine, qui accumule des excédents commerciaux colossaux depuis des années.
L’auteur souligne que depuis la fin des années 90, « ces pays ont cherché à se désendetter brutalement afin de diminuer autant que possible leur exposition au risque financier international ». Mais « le drame ici vient de ce qui est globalement insoutenable puisse à l’échelle de chaque pays apparaître comme une solution viable ». En clair, c’est le FMI et les Etats-Unis, suivis par le reste du monde occidental, qui ont poussé les pays émergents à adopter une stratégie économique porteuse de déséquilibres majeurs…
Pour l’auteur, cet épisode a contribué à l’avortement du siècle américain qui semblait se dessiner à partir de 1991. Il consacre également le retour des Etats-nations et d’une stratégie de défense des intérêts patriotes que les théoriciens du marché-roi ont souvent tendance à oublier.
Source : Jacques Sapir, « Le nouveau 21ème siècle », Seuil, texte
publié en février 2010
"Il consacre également le retour des Etats-nations et d’une stratégie de défense des intérêts patriotes que les théoriciens du marché-roi ont souvent tendance à oublier".
RépondreSupprimerEt pour cause...
Tous ceux qu'on entend sont poussés par les médias à la solde du néolibéralisme qui voit son avenir s'assombrir de jour en jour.
Toute la démarche mondialiste suppose justement la disparition des états-nation au profit d'ensemble continentaux en attendant mieux.
@cliquet,
RépondreSupprimerle mondialisme n'a rien à voir avec la création d'ensembles continentaux: il a surtout à voir avec la volonté du capital de s'affranchir des frontières, et donc du contrôle démocratique...
Au passage, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'UE ne peut pas être ni une démocratie ni une "nation" sociale: en plus de l'absence d'un peuple européen, les principes sur lesquels elle a été bâtie sont conçus pour contourner le suffrage universel dans chaque états-membres. Et quand bien même chaque nation de l'UE pourrait s'exprimer librement, les contradictions seront telles que le seul système économique commun qui puisse être acceptable par tous est le libre-échange car c'est celui qui marche le mieux avec le moins de règles...
CVT
Pour aider les pays européens en faillite, la France devra payer 68,7 milliards d'euros en 2014.
RépondreSupprimerPremier problème : la France n'a pas cet argent, et donc la France devra l'emprunter.
Deuxième problème : les pays européens en faillite ne rembourseront jamais leur dette. Ce sont donc 68,7 milliards d'euros que les contribuables français vont perdre.
Troisième problème : les pays européens en faillite sont en train d'entraîner tous les autres pays européens vers le fond de l'océan (même la Finlande est en train d'être entraînée vers le fond).
Mardi 17 septembre 2013 :
Pour rembourser la dette qui pèsera sur la France fin 2014, il faudrait que chaque Français débourse 30.000 euros, croit savoir le quotidien Le Figaro mardi matin. Selon les informations du journal, la dette publique du pays sera plus importante que ne l'espérait le gouvernement : 95,1% du PIB, soit environ 1.950 milliards d'euros.
Si le déficit public constitue l'écrasante majorité de cette dette publique - qui n'est pas la plus importante d'Europe, l'Italie, par exemple, est à 132 % de son PIB - les programmes de soutien à la zone euro lui ont infligé quelques milliards supplémentaires.
Pour la France, le coût de ces plans a atteint 48 milliards d'euros en 2012 et devrait atteindre 62,5 milliards fin 2013, puis 68,7 milliards fin 2014.
http://www.franceinfo.fr/economie/inquietudes-autour-de-l-endettement-de-la-france-1144671-2013-09-17
Dette publique de l'Allemagne : 81,2 % du PIB, soit 2150 milliards d'euros. Je dis bien : 2150 milliards d'euros.
L'Union Européenne, c'est des pays surendettés qui se surendettent encore plus, pour pouvoir prêter de l'argent à des pays en faillite qui ne les rembourseront jamais.
L'Union Européenne, c'est un suicide collectif.
La conduite de cette politique laisse pantois. Elle est complètement incompréhensible sauf si l'on garde à l'esprit que les dettes des uns constituent les rentes des autres.
SupprimerLes mécanismes en action pour accroître la dette publique (cf. une banque centrale au service de la finance), cela donne des Etats en crise soumis aux spéculateurs, des citoyens méprisés, des travailleurs sans emploi pour le plus grand bonheur des financiers et des privilégiés qui se goinfrent sans connaître de limites.
Allons-nous encore longtemps tolérer ce système ?
@BA,
RépondreSupprimerc'est bien que vous parlez du coût de l'UE POUR LES FRANCAIS, et non POUR LES ALLEMANDS. Je ne suis donc pas fou, et vous me confortez dans mon jugement: l'euro nous coûte bien plus qu'il nous rapporte!
Quand on pense que les restrictions budgétaires sont sensées nous faire économiser autour de 15 milliards d'euros par an, on s'étrangle quand on voit une somme pareille pour sauver l'euro:près de 70 milliards d'euros empruntés sur le marché, et surtout à perte! Qui peut penser une seconde que nous aurons les moyens de les rembourser?
Cette somme serait mieux utilisée si elle permettait d'investir dans la R&D, l'éducation et le logement (problème majeur en France, source principale de baisse de pouvoir d'achat). En gros, ça confirme ce que je dis depuis le début de cette crise voici 5 ans: on se porterait mieux sans l'euro...
CVT
@ Cliquet
RépondreSupprimerPas faux
@ CVT
Très juste
@ BA
Merci. J’ai mis sur Twitter
@ Démos
La prochaine crise pourrait tout balayer