jeudi 31 octobre 2013

Espagne : sortie illusoire de la récession


Les premières estimations de l’évolution du PIB espagnol au 3ème trimestre ont été publiées. Le pays serait enfin sorti d’une récession qui aura duré pas moins de 9 trimestres, avec une minuscule croissance de 0,1%. Mais on sous-estime souvent les conséquences monstrueuses de la crise.



La fin de la descente aux enfers ?

Malgré tout, il faut sans doute reconnaître que l’effondrement de l’économie du pays est sans doute terminé à moyen terme. En effet, l’effondrement de la demande intérieure provoqué par la crise a permis d’équilibrer les échanges extérieurs. Les exportations progressent (3,8% en août, contre une baisse de 3,6% des importations). Le tourisme est dynamisé par les troubles autour de la Méditerranée. Mais du coup, une croissance de 0,1% n’en apparaît que plus modeste. Il faut dire que la consommation intérieure continue de baisser, pénalisée qu’elle est par le chômage et les baisses de salaire.

Quelques facteurs de risques subsistent. Tout d’abord, la chute du marché immobilier n’est pas terminée : les prix baissent encore. Le montant des créances douteuses continue encore d’augmenter, à 12,1% en août. Et enfin, la dette publique est passée de moins de 40% à 100% du PIB : son poids va se faire sentir dans les années à venir. Certes, comme l’écrit The Economist, le PIB n’a baissé que de 7% depuis 2007, mais la baisse a été grandement réduite par le rééquilibrage des comptes extérieurs, passés d’un déficit de 10% du PIB en 2007 à l’équilibre aujourd’hui. En clair, la consommation intérieure espagnole a baissé de de près de 20% depuis 2007, expliquant le niveau effarant du chômage.

Quel avenir pour Madrid ?

mercredi 30 octobre 2013

Le double fiasco de l’écotaxe





Le scandale de la collecte de l’écotaxe

L’UMP ferait bien de ne pas trop accabler le gouvernement actuel car les débats sur l’écotaxe ont également mis à jour le mode de collecte qui avait été mis en place en 2011. Et là, stupeur, ce n’est pas l’Etat qui devait assurer la collecte de la taxe ! En effet, les équipes Sarkozy avaient mis en place un partenariat public-privé pour le faire. Une entreprise spécialement créée, Ecomouv, contrôlée à 70% par Autostrade per l’Italia, puis par Thales, SNCF, SFR et Steria, a été chargée de l’administrer, pour une durée de onze ans et demie, pour un coût de 2,8 milliards et des recettes de 1,2 milliards par an.

Déjà, il est stupéfiant de créer une taxe dont les coûts d’administration se montent à 20%. C’est un chiffre extraordinairement élevé, largement supérieur au coût de gestion de la Sécurité Sociale. Quand on pense qu’une hausse de 3 centimes de la TIPP sur le gazole aurait eu le même effet, pour un coût marginal nul, on reste songeur. Et le choix d’un partenariat public-privé pour la collecte d’un impôt est scandaleux. Il revient à l’Etat de le faire, et non pas à des entreprises privées, dont le seul objectif est le profit. Et cela représente une rente payée par le contribuable pour une mission de service public.

Une gestion désatreuse du gouvernement

mardi 29 octobre 2013

L’écotaxe, ou tout ce qui va mal dans notre fiscalité


Comme le rappelle le Monde, en 2008, l’écotaxe avait été adoptée dans un relatif consensus politique. Mais aujourd’hui, après plusieurs reports dans son application, elle est remise en question, y compris par ceux qui l’avaient souhaitée. Il faut dire qu’à la base, cette taxe est assez monstrueuse.



Ubu créé une nouvelle taxe

Quand on prend du recul, cette écotaxe, imaginée par l’UMP et mise en place par le PS, apparaît comme un monstre de complexité. L’objectif est de taxer les camions pour leur pollution et le dommage fait aux routes sans péage et utiliser cet argent pour le transport ferroviaire. Déjà, affecter la recette d’une taxe à une dépense précise me semble contestable. Cette taxe pèse 1,2 milliard, mais elle est complexe à mettre en place. Il faut définir les routes concernées, comment comptabiliser les kilomètres réalisés et qui sera chargé de la collecterUn vrai cauchemar administratif, illustré par le fait que si le gouvernement l’abandonnait, il y aurait un dédit d’un milliard pour la société qui fait la collecte !

Quelques régions ont obtenu des ristournes (Bretagne, Aquitaine, Midi-Pyrénées), renforçant la complexité du système et posant la question légitime de sa justice. Pourquoi le Languedoc-Roussillon n’en a-t-il pas ? Mieux, sachant que la France consomme plus de 70 milliards de litres de pétrole, dont 40 de gazole, cela signifie qu’une simple hausse de la TIPP sur le gazole de 3 centimes aurait rapporté le même montant sans générer une telle complexité. N’aurait-il pas été plus simple de faire de la sorte ? Et en conclusion, pour être acceptée, la fiscalité écologique doit venir en subsitution d’autres taxes et pas en addition, étant donné qu’en trois ans, pas moins de 84 nouvelles taxes ont été mises en place.

Le besoin d’une fiscalité verte reste là

lundi 28 octobre 2013

François Lenglet prédit la fin de la mondialisation


Outre une analyse intéressante, mais assez classique pour ceux qui ont lu les résumés des livres que je chronique, l’intérêt du livre réside, outre sa facilité de lecture, dans une analyse originale et cultivée des cycles économiques démontrant que le recul de la mondialisation devrait être pour demain.



La théorie des cycles liberté / protection

François Lenglet développe une théorie passionnante sur des « cycles économiques de 70 à 80 ans, avec deux phases bien distinctes, ponctuées l’une et l’autre par des crises. Et tout d’abord une phase où le désir de liberté triomphe ». Pour lui, cette phase, caractérisée par un abaissement des frontières, donne la main aux riches, et donc aux prêteurs. Le consommateur l’emporte sur le producteur. L’Etat s’endette et le système financier gonfle : « le prix des actifs progressent plus vite que les revenus, augmentant les inégalités entre les détenteurs de patrimoine et les autres ».

Puis, suite à un krach, c’est le désir de protection qui l’emporte, dominé par les classes moyennes, le producteur et l’emprunteur. Il s’agit d’une phase protectionniste, où « la finance est tenue en laisse ». Après quelques décennies, « l’excès de contraintes sclérose l’économie, la crise revient, réveillant le désir de liberté ». Pour lui, les débuts de chaque cycle sont bénéfiques, parce qu’ils sont tempérés, mais au fil du temps, la situation se déteriore et l’on tombe dans des excès (de liberté pour l’un, de contraintes pour l’autre). Il dénonce aujourd’hui le dévoiement du libéralisme par la finance, au détriment de l’économie productive. Il souligne que la durée de ces cycles fait que les personnes qui ont vécu le cycle précédent ne sont pas là, ce qui fait que l’humanité répète les mêmes erreurs.

Il nous conte alors une histoire fascinante de l’économie depuis le 15ème siècle, illustrant sa théorie. Il cite un écrit de Keynes assez stupéfiant de modernité : « Quel extraordinaire épisode du progrès économique de l’homme cette époque qui prit fin en août 1914 ! (…) Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé du matin, commander, par téléphone, les produits variés de toute la terre en telle quantité qui lui convenait et s’attendre à les voir bientôt déposés devant sa porte ».

Pour lui, nous vivons actuellement le requiem d’un cycle libéral, dont les racines remontent à 1968, et dont la base est la génération du baby boom. La prise de pouvoir des libéraux commence en 1979, avec l’élection de Margaret Thatcher et la victoire temporaire de Friedman, « partisan de la concurrence, des privatisations, de la lutte contre l’inflation (…) et la suppression des entraves frontalières » sur Keynes « qui militait pour la réglementation, le rôle de l’Etat, le soutien à l’économie nationale, la monnaie asservie à la croissance ». Il note l’ironie qu’il y a à constater que la Chine a démarré ses réformes libérales au même moment, en 1978. Il souligne le rôle des circonstances, avec l’effondrement du communisme.

Le point d’inflexion est-il atteint ?

dimanche 27 octobre 2013

Quand François Lenglet se fait l’avocat de la démondialisation


C’est un livre que je recommande. Dans « la fin de la mondialisation », François Lenglet prend le contre-pied des avocats de la mondialisation heureuse. Non seulement il prédit une « fin de la mondialisation », mais il détaille aussi tous les problèmes que cette mondialisation pose aujourd’hui.



Le vice des inégalités

François Lenglet détaille en effet trois vices majeurs qu’a, pour lui, la mondialisation. Le premier, largement théorisé par Thomas Piketty, Camille Landais, Emmanuel Saez, et plus dernièrement, par Joseph Stiglitz, dans « Le prix des inégalités », est le fait que cette mondialisation augmente fortement les inégalités. Il cite un sondage instructif : « 71% des citoyens étasuniens sont préoccupés par les destructions d’emplois potentielles que causent le commerce avec la Chine », contre seulement 15% des élites du pays… Il rappelle également la croissance de 25% des actifs des 500 plus grandes fortunes en 2012, alors même que le pouvoir d’achat de la population a diminué.

Pour lui, il n’y a pas de doute : « ces inégalités ont été décuplées par l’ouverture des frontières, en particulier la mondialisation financière. Pour les réduire, comme semblent le souhaiter aujourd’hui les citoyens, il faudra réhabiliter les frontières ». Il dénonce une mondialisation qui ne tourne que pour les élites et qui refusent de le voir : « étrange cécité qui réunit les maîtres de l’économie par-delà les siècles et les conjectures, pour une raison peu avouable : la mondialisation, inégale dans les dividendes qu’elles distribue, leur apporte bien plus qu’aux autres ». Il rapporte l’évidence : « les revenus réels des travailleurs les moins qualifiés baissent, alors qu’à l’autre extrémité de l’échelle les plus qualifiés voient, eux, leur salaire bondir bien plus vite que la moyenne » (patrons, financiers, artistes, sportifs).

Le vice de la paralysie des gouvernements

samedi 26 octobre 2013

Taxe à 75% dans le football : l’indécente grève des millionnaires



Une demande catégorielle indécente

Bien sûr, certains défendent cette grève. Ils évoquent la carrière courte des joueurs et qu’il serait injuste de les taxer de la sorte. Sauf que cette taxe ne concerne que les revenus supérieurs à un million, soit 60 SMICs ! En outre, sur leur premier million, ces joueurs disposent déjà de 600 000 euros de revenus nets par an, assez pour préparer leur retraite… Que pendant deux ans, leurs revenus supérieurs à un million soit fortement taxés ne semblent pas injuste vu l’effort de tous les français. En outre, il faut noter que 95% de la taxe sera payée par les 6 clubs les plus riches du championnat.

Mais surtout, il faut quand même voir que les revenus des joueurs de football ont flambé depuis 20 ans. Le joueur le plus payé à l’époque était Marco Van Basten avec 3 millions par an. Christiano Ronaldo émarge aujourd’hui à 17 millions. Basile Boli touchait 730 000 euros par an à l’OM, quand Yohann Gourcuff touche 4,4 millions aujourd’hui. Bref, comme les salaires ont été multipliés par 6 en 20 ans, il est totalement indécent de se plaindre de cet effort de deux ans, d’autant plus que les taux marginaux d’imposition ont baissé entre temps (56,8% il y a 20 ans, contre 45% aujourd’hui).

Un gouvernement faible, très faible

vendredi 25 octobre 2013

« Lobby musulman », BNP, Taubira : sous le « nouveau » FN, l’ancien


Depuis qu’elle est à la tête du FN, Marine Le Pen a entrepris une entreprise de dédiabolisation pour gagner de nouveaux électeurs. Mais, coup sur coup, trois faits nous rappelent que le parti familial a beaucoup moins changé qu’ils voudraient nous le faire croire, comme le rappelle Nicolas Calbrix pour DLR.



Un fond xénophobe

Bien sûr, la candidate du Front National qui avait posté sur les réseaux sociaux une photo de la ministre de la justice en la comparant à un singe a été suspendue, Jean-Marie Le Pen montant même au créneau pour la condamner. Mais cet épisode pose deux problèmes. Le premier, c’est de montrer qu’il y a toujours au Front National des personnes au discours xénophobe, malgré les formations visant à éviter les dérapages. On peut rappeler ici le cas d’Alexandre Gabriac, élu conseiller régional du parti, puis exclu après la publication de photos le montrant effectuant un salut nazi.

Tout le problème ici est de savoir si leur suspension est la conséquence de leurs actes ou seulement du fait que les médias s’en soient emparés. En effet, on peut douter que le parti n’avait pas connaissance de leurs agissements, le reportage d’Envoyé Spécial indiquant que la candidate avait retiré la photo incriminée à la demande du FN. Du coup, la question demeure de savoir si le FN le fait pour des raisons de communication ou parce que de tels agissements les choquent vraiement. Quand on sait que Bruno Gollnisch est allé assisté samedi à une réunion du British National Party, un parti qui n’acceptait pas les non blancs il y a quelques temps, il est permis d’avoir de très gros doutes.

Le « lobby musulman »

jeudi 24 octobre 2013

Les Verts : ennemis du peuple et de la nation ?





Placé : Bisounours pour les hors-la-loi, Attila pour les agriculteurs

Il faut vraiment écouter l’interview hallucinante de Jean-Vincent Placé sur RTL, qui a plusieurs fois laissé Jean Michel Aphatie sans voix. Il n’est pas possible de trouver meilleure illustration de mon papier sur « cette gauche qui préfère les immigrés illégaux aux classes populaires ». Tel César dans son cirque, le président du groupe EELV au Sénat a levé le pouce pour la famille de Léonarda, demandant à la faire revenir et n’hésitant pas à appeler à la mobilisation des lycéens pour faire changer François Hollande d’opinion sur cette mauvaise décision, et faire un « geste humain ».

Mais quand Jean-Michel Aphatie lui a parlé des difficultés des agriculteurs, accentuées par la mise en place de l’écotaxe, là, aucune compassion. Jean-Vincent Placé affirme qu’elle doit être mise en place depuis 2011, qu’il faut assumer et qu’il s’agit d’une demande catégorielle ! Ce faisant, il ne se rend même pas compte de l’immense contradiction de ses positions. Pour lui, il faudrait donc être indulgent pour la famille de Léonarda, qui n’a pas fait grand chose pour s’intégrer mais qui a été logée, nourrie et éduquée par la France, quitte à ne pas respecter pas moins de 6 décisions administratives et judiciaires ! Mais il faudrait respecter le droit pour les agriculteurs, malgré leurs souffrances ! Ubuesque et révélateur.

Le sacrifice des classes populaires et moyennes

mercredi 23 octobre 2013

La désinformation sur l’euro continue


Jean-Yves Archer vient de publier coup sur coup deux tribunes, une dans Atlantico, une autre dans Les Echos, pour dire tout le mal qu’il pense du démontage de la monnaie unique, idée soutenue par neuf « prix Nobel d’économie ». L’occasion de démonter ses arguments.




Un saut sans parachute ?

Commençons par le plus facile. Pour les Echos, Jean-Yves Archer affirme que le démontage de la monnaie unique européenne reviendrait à un « saut sans parachute ». L’image est habile, anxiogène, en somme la dernière ligne de défense des partisans de la monnaie unique : faire peur en affirmant que le retour à des monnaies nationales provoquerait une catastrophe. Nous avons droit à tous les arguments habituels, à savoir explosion de la dette, baisse de la valeur de l’épargne. L’auteur affirme même que nous n’en tirerions aucun bénéfice commercial du fait de l’achat de composants.

Premier point, habituel avec les défenseurs de la monnaie unique européenne, c’est l’absence d’exemples tirés de l’histoire pour illustrer leur propos. Il nous promet les dix plaies d’Egypte en s’appuyant sur un discours qui ne repose sur aucun fait concret. Car le problème, c’est que les fins d’union monétaire sont des choses relativement banales puisque pas moins de cent ont été terminées lors du 20ème siècle, et l’avis des économistes (notamment Jonathan Tepper) est unanime : la fin d’une union monétaire provoque très peu de perturbations et permet aux économies de rebondir rapidement. Le cas de la Tchécoslovaquie est très parlant, comme le reconnaît François Lenglet dans son livre.

Plus en détail, l’explosion de la dette est un fantasme puisque notre dette serait convertie en nouveau franc, de même qu’elle avait été convertie en euro avant, car elle est essentiellement de droit français. Sur la perte de l’épargne, cela est faux. Le prix des produits français restant stables, la valeur de l’épargne serait stable. Bien sûr, le prix des produits importés monteraient, mais pas ceux des produits italiens ou espagnols. Enfin, il est tout de même ubuesque de dire que la dévaluation ne permettrait pas d’augmenter les exportations, fait économique empiriquement et théoriquement incontestable.

Le problème du rachat de nos entreprises

mardi 22 octobre 2013

Affaire Léonarda : regarder la gauche se suicider


Les mots manquent pour qualifier cette pitoyable affaire Léonarda. Certes, on en a beaucoup trop parlé, pour ce qui n’est finalement qu’un fait divers mineur. Mais sa gestion par la majorité et une partie de la gauche a dépassé toutes les bornes de l’incompétence, de l’inconséquence et de l’incohésion.



François Hollande, mauvais premier secrétaire

A tout seigneur, tout honneur. Le président de la République a voulu siffler la fin de la récréation samedi. Pour contenter une partie de sa majorité, il a proposé le retour de Léonarda. Mais pour montrer sa fermeté, il a posé une fin de non recevoir à sa famille. En faisant ce qui ressemble aux synthèses improbables de la rue de Solférino, François Hollande fait une grave erreur de jugement et fait preuve d’un amateurisme effarant. De la sorte, il parvient à déplaire à tout le monde, comme le montre le jugement négatif unanime de toute la presse, de Libération à Marianne, en passant par le Monde.

Les sans-papiéristes dénoncent (pas totalement à tort) l’inhumanité qu’il y a à demander à une fille de 15 ans de choisir entre des études en France et sa famille, qui resterait au Kosovo. Mais leurs revendications d’un retour de la famille a peu de chance d’être satisfaites étant donné l’état de l’opinion. Les tenants d’une ligne plus ferme sont effarés par une décision qui bafoue le droit, d’autant plus que la pseudo exemplarité de l’intégration de Léonarda a été sérieusement mise à mal par le rapport remis samedi. Pire, si elle venait en France, ne pourrait-il y avoir à terme un regroupement familial ?

Bref, alors qu’il touchait déjà les abîmes des sondages d’opinion, il devrait tomber encore plus bas dans les jours prochains du fait de sa gestion calamiteuse du dossier. Tout d’abord, il n’aurait pas du intervenir dans un dossier qui ne relevait pas du président de la République. Au pire, il revenait à Jean-Marc Ayrault de le gérer. L’affaire Léonarda nourrit légitimement le procès en incompétence, en indécision et en manque de ligne du président et son équipe. Il est probable que la majorité ira au désastre lors des élections à venir. Et ce n’est pas une reprise illusoire qui y changera quoie que ce soit.

Cette gauche qui a perdu tout sens commun

lundi 21 octobre 2013

Philippe Cohen, esprit de service public




J’ai appris ce matin avec une grande tristesse la disparition de Philippe Cohen sur les réseaux sociaux. Notre pays perd un de ses grands journalistes. Aujourd’hui, je pense à sa famille et ses amis. Il m’avait recruté parmi les blogueurs associés de Marianne, mais je ne le connaissais pas bien. Je ne l’avais rencontré que lors des buffets offerts deux fois par an aux blogueurs. De bons moments passés à échanger avec des personnes aux idées différentes, mais réunies par une foi commune dans les valeurs de la République, et de l’aventure commune que peuvent et doivent être la politique et la Nation.

Je garderai de Philippe Cohen l’image d’un grand journaliste curieux, ouvert et modeste. Quelle belle aventure que de rassembler au sein du site de Marianne, le seul hebdomadaire que j’ai jamais acheté, des blogueurs venus d’horizons aussi différents : gauche radicale, socialistes, écologistes, centristes, gaullistes. Même si nous n’étions bien évidemment pas toujours d’accord, j’ai beaucoup apprécié de faire partie de cette équipe, avec Slovar, SuperNo, Sarkofrance, Romain Pigenel, Malakine, David Desgouilles, Coralie Delaume, RST, Philippe Bilger, l’Hérétique et bien d’autres, avec qui je n’ai sans doute pas assez échangés. Je pense également à la belle équipe de journalistes qu’il avait su réunir, Bénédicte, Mathieu, Gérald, Emmanuel, Laureline et Tefyandria.

En fait, Philippe Cohen était animé par un véritable souci de service du public, souci aujourd’hui compliqué par la crise du modèle économique des médias. Quoi de plus proche de l’esprit de ce que devrait être le service public que son respect profond de la diversité de l’opinion, sa capacité à traiter tout le monde de la même manière, et non en se courbant devant les puissants et en se riant des petits ou son exigence dans les enquêtes qu’il réalisait. Lui, comme Jean-François Kahn (lire son hommage ici), ou Jean-Jacques Bourdin, sont sans doute les hommes qui incarnent, mieux que quiconque, un certain esprit du journalisme qui sait dépasser les clivages et les opinions, au service désintéressé, mais exigeant, du public.

Jean-Claude Michéa fusille la gauche


La déconstruction du néolibéralisme n’est pas le premier objectif de ce livre de Jean-Claude Michéa. La thèse principale est d’expliquer comment ce qu’on appelle la gauche est passée d’un idéal des Lumières au capitalisme absolu. Et sur ce sujet, il se fait saignant.



Le faux magistère moral de la gauche

A l’origine, cet essai est issu d’un dialogue avec Florian Gulli, militant du Front de Gauche surpris qu’il (Michéa) ne « convoque pas sous le signe exclusif de la gauche l’indignation grandissante des ‘gens ordinaires’ (Orwell) devant une société de plus en plus amorale, inégalitaire et aliénante » malgré « le discrédit aux yeux des catégories populaires (…) après trente années de ralliement inconditionnel au libéralisme économique et culturel ». Michéa réplique en dénonçant « l’utilisation des questions sociétales comme le masque politique privilégié sous lequel la gauche moderne entend désormais dissimuler sa conversion intégrale à l’économie de marché (comme si, en d’autres termes, la volonté d’abandonner ceux qui produisent la richesse collective au bon vouloir des prédateurs de la finance mondiale pouvait être ‘compensée’ par le fait qu’ils pourront, en échange, fumer librement du cannabis devant les portes de ‘Pôle Emploi’ » !

Il dénonce un culte aveuglant de la gauche pour le progrès et ce qui est grand (par opposition aux petits agriculteurs, aux petites entreprises, aux commerçants ou aux artisans). Provoquant, mais sans doute très juste, il pointe « qu’un militant de gauche est essentiellement reconnaissable, de nos jours, au fait qu’il lui est psychologiquement impossible d’admettre que, dans quelque domaine que ce soit, les choses aient pu aller mieux avant ». Il note un rejet des classes moyennes par la bourgeoisie de gauche, qui les considère comme conservatrices et réactionnaires. Il dénonce cette gauche qui ne fait plus attention « aux souffrances quotidiennes des gens ordinaires ». Pour lui, cela explique que « les classes moyennes se soient réfugiées sous l’aile protectrice de la droite conservatrice de l’époque ».

Il dénonce également « l’idéologie de la pure liberté qui égalise tout ». Pour lui, depuis 1815, « le nom de gauche n’a plus jamais cessé de couvrir, pour l’essentiel le simple refus philosophique (et psychologique) de toute tentation ‘conservatrice’ ou ‘réactionnaire’ ainsi que l’exhortation perpétuelle des individus et des peuples à faire table rase de leur encombrant passé (ou, à défaut, à ne pas devoir s’en souvenir que sur le mode religieux de la ‘repentance’) ».

Une trahison prévisible

dimanche 20 octobre 2013

Jean-Claude Michéa poursuit la déconstruction du néolibéralisme


Jean-Claude Michéa est un philosophe, qui avait publié « L’empire du moindre mal », une critique bien ficelée du néolibéralisme, il y a quelques années. Avec son nouveau livre, « les mystères de la gauche », il poursuit son travail de déconstruction des deux faces de la médaille libérale.



Le néolibéralisme déconstruit la société

Il dénonce la vision de la liberté de Hayek comme « le droit ‘naturel’ pour chacun de ‘vivre comme il l’entend’, sous la protection d’un Etat de droit uniquement soucieux d’administrer les choses », qui oublie complètement le lien social et réduit l’homme à un individu atomisé. Il rappelle que « la racine de commun, munus désignait les charges et les obligations – savoir donner, recevoir et rendre – qui relèvent de cette logique de l’honneur et du don ». Il note que la société néolibérale valorise les droits (et comment les défendre) mais oublie compétemment le don (c’est à dire savoir donner, recevoir et rendre). D’où des enfants qui se comportent comme si tout leur était dû.

Il ironise sur une autre formule de Hayek, selon qui chacun doit être « libre de produire, de vendre ou d’acheter tout ce qui est susceptible d’être produit ou vendu » qu’il résume en « vendre n’importe quoi à n’importe qui ». Il dénonce l’obsolescence programmée et rappelle le cas du cartel Phoebus, unissant Philips, Osram et General Electric pour vendre des ampoules à durée de vie limitée alors qu’il existe dans une caserne à Livemore, en Californie, une ampoule mise en service en 1901 qui fonctionne toujours… Il dénonce également une société qui valorise « une immense accumulation de marchandises (…) la société de consommation généralisée, principalement fondée sur le crédit ». Il pointe les risques d’une croissance illimitée basée sur des ressources limitées.

Il condamne l’extension sans fin de droits juridiques et abstraits, reprenant Godbout et Caillé qui se demandent, « si la passion de l’égalité (Tocqueville) n’est pas en partie une des transpositions les plus insidieuses du marché dans les rapports sociaux ». Il rappelle la critique de Marx sur « la vision juridique du monde », qui peut finir par devenir un dissolvant antisocial de la société, même s’il reconnaît que « le stalinisme a suffisamment prouvé qu’aucune société décente ne pouvait s’édifier sur l’oubli, ou la négation, des garanties juridiques les plus élémentaires ». Il dénonce néanmoins un droit qui nous pousse vers « un monde mimétique et indifférencié ».

Il souligne qu’une société qui n’est gouvernée que par des contrats n’engendre par elle-même « aucun lien social véritable ni aucune rencontre authentique et désintéressée ». Il critique aussi « la socialité de synthèse et les relations humaines préfabriquées », dont « Twitter et Facebook sont aujourd’hui, les paradigmes les plus connus ». Il dénonce la « mobilité incessante (ou ‘flexibilité’) des individus qu’elle contribue à déraciner » et note qu’elle est « la fonction la plus foncièrement enracinée au cœur de l’idéologie libre-échangiste » : c’est à l’homme de s’adapter à l’économie, ce qui rappelle nos débats sur la compétitivité. Le marché veut que l’homme s’adapte à lui et s’attaque donc à tous les fondements du lien social qui pourraient entraver cette adaptation.

samedi 19 octobre 2013

Bretagne : plan de soutien conjoncturel pour problèmes structurels


Devant la montée des licenciements et des faillites, mercredi, le gouvernement a annoncé un plan d’aide de 15 millions pour la Bretagne, où la filière agro-alimentaire est particulièrement touchée par une concurrence déloyale. Une réponse d’affichage qui ne règle rien aux problèmes structurels de la filière.



Des problèmes structurels

Les problèmes de la filière agro-alimentaire ne sont pas récents. Les céréaliers s’en tirent bien aujourd’hui du fait du haut niveau des prix mondiaux. Mais en revanche, le reste de la filière souffre de prix souvent trop faibles en France pour permettre aux agriculteurs de gagner leur vie. De plus, nous affrontons de plus en plus la concurrence déloyale de l’Allemagne. En effet, notre voisin d’outre-Rhin dispose de deux armes majeures, bien décryptées par François Lenglet : l’absence de SMIC et l’emploi d’immigrés rémunérés 3 à 5 euros par heure, quand le SMIC horaire est de 10 euros en France.

Bref, notre voisin d’outre-Rhin nous taille des croupières sur certaines filières, notamment la filière porcine, qui est une spécialité de la Bretagne, comme l’a expliqué François Lenglet sur RTL. La France, qui était le 2ème exportateur mondial de produits agricoles et le 1er en Europe, est tombé au 5ème rang mondial, derrière les Pays-Bas et l’Allemagne. Mais du coup, il est clair que nos problèmes sont structurels et ne vont pas se régler demain car l’avantage coût de l’Allemagne (mais aussi des pays de l’Est) ne va pas disparaître. Les faillites risquent donc de continuer dans les années à venir.

Des réponses conjoncturelles

vendredi 18 octobre 2013

Léonarda, ou cette gauche qui préfère les immigrés illégaux aux classes populaires





Rappel des faits

Bien sûr, savoir qu’une fille de 15 ans aurait été arrêtée dans son bus qui partait pour un voyage scolaire, devant ses camarades pour être expulsée touche la corde sensible de toute personne. Cependant, il faut savoir garder la tête froide. Après tout, on peut supposer que l’histoire de presque tous les immigrés illégaux peut déclencher la compassion, entre voyages dangereux entre les mains de passeurs peu scrupuleux et avides, et destin forcément difficile dans un nouveau pays dont ils ne parlent pas forcément la langue. Mais il faut savoir ne pas se laisser dicter son attitude par l’émotion.

Il faut rappeler ici que la famille de Léonarda (deux adultes et six enfants) était arrivée en France en 2009. Elle avait essayé à plusieurs reprises de gagner le statut de réfugiés pour pouvoir rester. Mais, par six fois, l’administration et la justice ont refusé de lui donner ce statut ou un permis de séjour. Il semble que cette famille ne répondait pas aux différents critères qui auraient pu lui permettre de rester en France, certains évoquant le manque d’intégration du père. Du coup, il était normal qu’elle soit expulsés. Idem pour le jeune arménien de 19 ans, qui, en plus, était un délinquant (ce que Le Monde, bizarrement, oublie d’évoquer) et pour lequel des lycéens ont pris fait et cause lors des manifestations d’hier dans Paris.

Dis-moi pour qui tu compatis

jeudi 17 octobre 2013

Les paradoxes de la fessée





Revendications libérales-libertaires

Ces activistes, partisans de la libéralisation économique, construisent une société toujours plus violente, où la protection sociale est de plus en plus limitée, les droits des travailleurs déconstruits, tout en essayant de faire de la vie des enfants un cocon ultra protecteur. Car les mêmes qui refusent les fessées sont souvent ceux qui veulent que l’école s’adapte à l’enfant ou supprimer les notes. Ne se rendent-ils pas compte qu’ils construisent un monde totalement schizophrène qui rend de plus en plus violent le passage à l’âge adulte, générant des souffrances bien plus grandes que celles d’une fessée.

Ce faisant, voici un nouvel exemple de cette « dissociété » qu’a bien analysée Jacques Généreux. Et, on y retrouve aussi tous les travers de cette société néolibérale, gouvernée par le seul droit, comme si la vie en société ne pouvait être envisagée que par un droit normatif et froid, où les traditions et la volonté arbitraire et culturelle d’une société particulière n’auraient plus leur place. Bien sûr, les opposants de la fessée se feront les avocats des « droits de l’enfant » mais que font-ils pour qu’ils apprennent à lire, à écrire et à compter à l’école, puis trouvent un emploi à la fin de leur parcours scolaires ?

Une tradition justifiée ?

mercredi 16 octobre 2013

François Fillon, en perdition


Grisé par cinq années de meilleurs sondages que Nicolas Sarkozy, qui n’étaient, en fait, que le fruit de sa tranparence, l’ancien premier ministre multiplie les initiatives pour exister médiatiquement. Mais à chaque sortie, il semble se tirer dans le pied. Retour sur une année de descente vers les abîmes.



L'homme qui change l'or en plomb

Il y a encore un an, François Fillon pouvait être pris pour l’homme fort de l’UMP. Il avait réuni une majorité des hiérarques du parti pour sa campagne pour la présidence du mouvement. Il était en position d’être candidat à la mairie de Paris. Sa transparence pendant le mandat précédent le rendait rassurant. Il semblait bien placé en vue des élections présidentielles de 2017. Et patatras ! Après une élection encore plus pathétique que le congrès de Reims du PS, il se laisse souffler la présidence de l’UMP par son rival, Jean-François Copé. Il ne participe même pas aux primaires pour Paris.

En un mois, l’ancien Premier Ministre vient de commettre trois bourdes. Tout d’abord, il a secoué la classe politique avec ses déclarations sur le choix du moins sectaire dans un second tour entre le PS et le FN, avant de se dégonfler sur les réseaux sociaux en disant qu’il ne votera jamais pour le Front National. Puis, il a affirmé de manière bien péremptoire qu’il était le mieux placé pour la présidentielle et que les militants de l’UMP choisiront sur foi des sondages. Manque de chance : 49% des Français et 70% des militants UMP lui préfèrent Nicolas Sarkozy. Enfin, le Premier Ministre qui a monté les impôts de 30 milliards propose de faire des élections municipales « un référendum contre l’assomoir fiscal ».

Courage, Fillon !

mardi 15 octobre 2013

Remettre en perspective la victoire du FN à Brignoles


Dimanche, le FN a repris le canton de Brignoles, gagné en 2011, puis perdu en 2012. Si le succès du parti de la famille Le Pen est indéniable, parler d’échec du front républicain reste néanmoins un peu abusif si on prend en compte l’histoire et les reports de voix, comme le rapporte le Monde.



Un vrai succès pour le Front National

Certains, comme Libération, voulaient se rassurer à bon compte en évoquant la stabilité du nombre de voix qui s’étaient portées sur le candidat frontiste en 2011, puis en 2012, et enfin en 2013. Cependant, une telle analyse est à courte vue. Il ne faut pas oublier que le candidat FN a progressé régulièrement, passant de 33% il y a deux ans et demi,  à 35% l’an dernier, pour dépasser les 40% cette année. Et encore, il ne faut pas oublier la candidature d’un dissident du Front National, présent sous les couleurs du Parti de France, qui a réuni 9% des suffrages (mais qui a appelé à voter UMP).

Cependant, entre temps, la participation a progressé de 12 points, passant de 33 à 45%. Du coup, Laurent Lopez a recueilli plus de 5000 voix, contre 2700 le dimanche précédent. Le candidat du Front National a réussi à gagner plus de 80% de suffrages supplémentaires en une seule semaine. C’est encore mieux qu’en 2011, où il était passé de 2700 à 4400 voix, avec une participation de 48%. Le FN n’a pas seulement réussi à attirer les électeurs du candidat du Parti de France, mais également des abstentionnistes qui se sont spécialement déplacés pour permettre sa victoire.

Un plafond de verre pas remis en question

lundi 14 octobre 2013

Jusqu’où le PS et l’UMP peuvent-ils faire monter le Front National ?


Comme le souligne Jack Dion dans Marianne, alors même qu’il fait de la lutte contre le parti de la famille Le Pen sa priorité, le PS a reçu un coup de massue avec la victoire du FN lors de l’élection cantonale partielle de Brignoles. Loin d’d’affaiblir le Front National, la stratégie du PS et de l’UMP le renforce.



Un profond ras-le-bol

Le symbole du ras-le-bol des Français contre les partis qui nous gouvernent depuis quarante ans, c’est sans doute le coup de gueule de cette chômeuse dans Des Paroles et Des Actes, face à Jean-François Copé, qui proposait de réduire les allocations chômage. Après le mandat de Nicolas Sarkozy et le début calamiteux de celui de François Hollande, les Français ne sont plus très loin de vouloir renverser la table et de renvoyer les ambiteux égotiques, déconnectés de la réalité et incapables de trouver des solutions à nos problèmes. Le temps du PS et de l’UMP est peut-être définitivement passé.

Avec un discours qui raisonne pour une partie importante de la population, le FN est aujourd’hui le premier réceptacle de cette colère populaire et légitime contre les partis de gouvernement. Et, comme je l’écrivais en 2011, indépendamment de mon jugement sur ce parti, cela est largement compréhensible. Jusqu’à présent, le système fonctionne comme un auto-bloquant puisque depuis 41 ans qu’il existe, ce parti n’a jamais été en position de prendre le pouvoir. Et même s’il devenait le premier parti de France, il est plus que probable que jamais une majorité de Français ne lui confierait le destin de la nation.

Bien sûr, les résultats de Brignoles sont significatifs. Mais il faut rappeler ici quelques faits : les 19,2% faits par Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2002, qui se comparent avec les 19% des cantonales de 2011 et les 17,9% de 2012. Certes, un sondage du NouvelObs donne le FN en tête aux élections européennes, avec 24% (avec des limites), mais il faut rappeler que Marine Le Pen avait déjà été créditée de ce score à l’automne 2011. Tout compte fait, je pense que dans le contexte actuel, qui lui extrêmement favorable, ce score reste décevant et démontre qu’il y a un plafond de verre solide, qui sera néanmoins sérieusement testé l’an prochain.

Le Parti Socialiste, au-delà du ridicule