samedi 30 novembre 2013

Loi de 1973 : ne pas tomber dans le panneau du complot


La loi de 1973 sur le statut de la banque de France est une des lois qui suscitent le plus de réflexions et alimentent un nombre de fantasmes incroyable. Non seulement les apprentis complotistes ont tort d’un point de vue factuel, mais ils ne prennent pas en compte le contexte de sa rédaction.



Délires complotistes et réalités juridiques

Alors que la polémique semblait close l’an dernier grâce à l’énorme travail réalisé par Lior Chamla et Magali Pernin, elle a paradoxalement repris ce printemps, un an après la publication de leurs travaux, avec la sortie du livre de Pierre-Yves Rougeyron et l’article de Michel Santi dans la Tribune. Ignorant étrangement ces travaux qui ont pourtant agité Internet, ils font de la loi du 3 janvier 1973 le point de départ de l’indépendance de la banque de France, s’appuyant sur l’article 25 selon lequel « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ».

Cette interprétation est contredite par le papier de Lior et Magali, que j’avais résumé l’an dernier. D’abord, il faut rappeler que le premier objectif de cette loi était de clarifier l’ensemble des textes concernant la Banque de France, « 192 articles disséminés dans 35 lois ou ordonnances, 16 conventions, 6 décrets-lois et 40 décrets ». Le fameux article 25 existait depuis 1936 et n’était donc pas neuf. Mieux, la loi permettait toujours à l’Etat de passer des conventions (devant être approuvées par le Parlement) avec la Banque de France pour obtenir des avances (20,5 milliards en septembre 1973).

Mieux, le contrôle de l’Etat y était encore renforcé en donnant à son représentant un droit de veto sur les décisions. Bref, la rupture est bien davantage venue du traité de Maastricht, qui a imposé à l’ensemble de la zone euro la vision allemande de la banque centrale, prix à payer pour que Bonn accepte à l’époque de sacrifier le deutsche mark, comme le rapportent Magali Pernin et Lior Chamla dans leur critique précise et argumentée du livre de Pierre-Yves Rougeyron, qui tord le cou à de nombreuses contre-vérités. Le point de départ, c’est l’article 104 du traité de Maastricht (article 123 du TFUE).

Du contexte historique et politique

vendredi 29 novembre 2013

Nouvelle campagne de désinformation sur le démontage de l’euro





Les incantations de Nicolas Baverez

Il développe un scénario cataclysmique de dévaluations compétitives en chaine, d’implosion des bilans bancaires et de contrôle des changes. Le franc serait dévalué de 20 à 30%, la dette passerait à plus de 120% du PIB, interdisant à notre pays l’accès aux marchés et mettrait les banques et les assurances en faillite. Le pouvoir d’achat serait amputé immédiatement de 20 à 25%. A terme, une baisse de 20% du PIB, un millions d’emplois de moins et un pays à la merci des marchés financiers. C’est le scénario ING, qui a perdu en force en se réalisant en Grèce par le maintien dans l’euro.

Comme d’habitude, les partisans de la monnaie unique ont recours à la peur. D’abord, on note l’incohérence crasse qu’il y a à parler d’une dévaluation de 20 à 30% et d’une baisse du pouvoir d’achat de 20 à 25%. Vu que la France importe un peu plus de 20% de son PIB, une telle dévaluation produirait au pire 4 à 5 points d’inflation en plus, et sans doute moins car certains de nos partenaires commerciaux dévalueraient plus (Italie, Espagne) et les importateurs passeraient une partie de la dévaluation dans les prix (il suffit de voir les prix de vente mondiaux des produits Apple pour s’en convaincre).

Ensuite, la dette serait convertie au démontage. Au pire, plus de 80% de la dette est de droit français (et donc dénominée en monnaie nationale), ce qui assure qu’elle resterait stable. Enfin, des pays plus endettés, comme le Japon, parviennent à se financer sans problème, en utilisant leur banque centrale. Enfin, les 20% de baisse du PIB, c’est ce qui est arrivé à la Grèce pour essayer de rester dans l’euro, et la crise de la zone euro nous a déjà coûté près d’un million d’emplois. Enfin, il est très révélateur que Nicolas Baverez n’évoque aucun des précédents historiques, qui infirment ses écrits.

Quand Le Monde « passe au crible » le programme du FN

jeudi 28 novembre 2013

Chalutage profond, saumon, viande aux antibiotiques : prenons soin de nous et de la planète !


Internet devrait permettre une meilleure information des citoyens, cette fameuse information parfaite des théoriciens néolibéraux. Mais au final, nous restons trop souvent pris entre des enquêtes inquiétantes de journalistes ou associations et les communiqués rassurants des lobbys. Qui croire ?



Menace sur notre alimentation ?

Dimanche, France 5 diffusait un reportage sur l’utilisation d’antibiotiques dans les élevages. Cette pratique a pour but de maximiser les rendements en limitant le plus possible les pertes. Elle est d’autant plus forte dans les élevages industriels, où la promiscuité des animaux rend la contamination particulièrement rapide. Mais cela pose de nombreux problèmes. Tout d’abord, cela contribue sans doute à l’émergence de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques du fait d’une exposition trop fréquente. Enfin, on ne peut pas ignorer les risques qu’il y a à utiliser de trop nombreux produits chimiques.

Il y a quelques jours, c’était Arte qui diffusait un reportage sur la pêche en eau profonde. Les journalistes dénonçaient notamment les pratiques de la flotte d’Intermarché, qui utilise des filets qui raclent les fonds marins, emportant tout sur leur passage, coraux et espèces menacées. Une pétition demandant l’interdiction de cette pratique a déjà réuni plus de 600 000 signataires. Les lobbys s’affairent pour éviter une interdiction de cette méthode dans toute l’Europe. Il est difficile de ne pas comprendre qu’une telle pêche est totalement aberrante étant donné son caractère extrêmement destructeur.



Malheureusement, il semblerait que l’alternative du saumon d’élevage ne soit pas sans poser de problème. Envoyé Spécial a diffusé un reportage qui a fait du bruit dénonçant la présence de produits toxiques dans le saumon d’élevage norvégien. Les industriels du secteur ont réagi en lançant une campagne assurant qu’il n’y avait aucun risque. Mais comment savoir qui a raison ? Du coup, une autre pétition circule, qui a déjà rassemblé plus de 60 000 signatures, pour demander à l’Etat de mener une expertise indépendante pour nous assurer de la non dangerosité du saumon de Norvège.

Un Etat triplement aux abonnés absents

mercredi 27 novembre 2013

Prostitution : le gouvernement au milieu du gué


Aujourd’hui commence à l’Assemblée l’examen du projet de loi visant à sanctionner les clients des prostitués qui avait déclenché le pathétique appel de 343 salauds. L’occasion de se pencher plus sérieusement sur un sujet complexe, en essayant de prendre un peu plus de recul.



Une question qui se pose ailleurs

Le débat sur la prostitution n’est pas une particularité française. The Economist rappelle de manière très utile que d’autres pays se sont penchés sur la question. En 2001, en Allemagne, la coalition de centre gauche a décidé de libéraliser la prostitution, pour donner un statut légal au plus vieux métier du monde, permettant une converture sociale complète (maladie, retraites). L’exploitation est restée illégale mais cela a permis le retour de bordels légaux. En 1999, la Suède a pris la direction opposée en criminalisant le fait de payer des prostitués, après l’avoir déjà fait pour le fait de faire le trottoir.

Sans prendre partie, l’hebdomadaire revient sur la situation en Allemagne, en disant que : « la prostitution semble avoir diminué en Suède, à moins qu’elle ne soit entrée dans la clandestinité ». The Economist ajoute que l’Allemagne est devenu un « bordel géant », qui aurait 400 000 prostitués, dont seulement 44 seraient enregistrés par la Sécurité Sociale. Des associations de prostitués disent que les travailleurs du sexe le sont de leur plein gré, que le nombre de cas de traite humaine aurait été divisé par deux et que l’esclavage et la prostitution sont deux faits distincts. Cependant, une étude sur 150 pays affirme que la légalisation augmente la taille du marché et également la traite des humains.

Que faire aujourd’hui ?

mardi 26 novembre 2013

Oui à une révolution fiscale !


Après avoir suscité un « ras-le-bol fiscal », le gouvernement essaie de reprendre la main sur ce dossier, en exhumant une promesse de campagne du candidat François Hollande : une grande réforme fiscale. Si le principe est intéressant, en revanche, tout dépendra de ce qui sera mis en place.

Le joker du gouvernement

Il y a quelques jours, le gouvernement était au plus mal après des semaines de polémiques sur Léonarda, les hausses d’impôt ou l’écotaxe. Sans même en informer ses ministres semble-t-il, Jean-Marc Ayrault a décidé d’essayer de reprendre la main en annonçant une réforme de la fiscalité, qui faisait partie du programme du candidat Hollande. Hier, le premier ministre a donc reçu les partenaires sociaux pour discuter du cadre de la réforme, sans la présence de Pierre Moscovici, retenu par un autre engagement. Le Monde a consacré un papier assez complet et intéressant sur le sujet.



Après, il y a réforme fiscale et réforme fiscale. Le gouvernement osera-t-il la révolution prônée par Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez dans leur très bon livre ? L’oubli de cette promesse électorale a été sévèrement jugé par le premier, qui critique souvent le gouvernement. Rien n’est moins sûr quand on voit la capacité de cette équipe à reculer juste après avoir avancé, devant les protestations des uns et des autres. En outre, les Français sont assez sceptiques, beaucoup craignant, logiquement, que cela aboutisse à une nouvelle hausse des impôts, comme l’explique le Figaro.

Ce qu’il faudrait faire

lundi 25 novembre 2013

Contre l’invasion de l’anglais


Lentement, mais sûrement, et insidieusement, l’anglais grignote de la place dans notre vie de tous les jours. De plus en plus d’entreprises, françaises comme étrangères, utilisent des noms de marque ou des slogans en anglais. Une pratique choquante que l’Etat devrait interdire.



Do you speak English ?

Il y a quelques décennies, les films étrangers avaient souvent un nom en français. Aujourd’hui, de moins en moins de producteurs prennent cette peine. Pire, dans la communication, il semble de plus en plus courant d’utiliser l’anglais pour vendre de nouveaux produits ou services. Citroën a appelé sa boutique de vente en ligne Citroëncarstore et a traduit en anglais le nom DS, devenu Distinctive Series, de quoi faire se retourner dans sa tombe le créateur de la célèbre voiture. La nouvelle banque de BNP Paribas s’appelle HelloBank. Carrefour a enterré Champion pour le remplacer par Market.

Malheureusement, cette mode délétère est encore plus forte dans la communication publicitaire. EDF a lancé une grande campagne EDFpulse pour promouvoir ses innovations. Peugeot vend ses voitures en France sous le slogan mystérieux motion and emotion, qui ne doit pas parler à grand monde dans notre pays. Evian, qui n’avait quand même pas beaucoup d’effort à faire pour dire « vivez jeune », a préféré le slogan anglais « Live Young » pour sa nouvelle campagne. Dans les médias, ce n’est pas beaucoup plus fameux : on peut par exemple penser à la Team Toussaint d’Itélé.

Combattre la globalisation

dimanche 24 novembre 2013

Fin de l’euro : les options espagnoles et italiennes avancent aussi


Le calme des marchés depuis plus d’un an est trompeur. De manière souterraine, les forces qui vont tôt ou tard mener au démontage de la monnaie unique continuent à se renforcer. Outre l’éloignement progressif de l’Allemagne vis à vis de l’euro, le même phénomène est en marche à Rome et Madrid.



L’Espagne et l’Italie à la dérive

Bien sûr, certains observateurs à courte vue voient dans le rééquilibrage rapide des balances commerciales des deux pays un signe que la situation va mieux. Néanmoins, il s’agit presque du seul rayon de soleil dans une situation très difficile. En outre, cette amélioration vient d’abord de la baisse de la demande intérieure, qui provoque une baisse des importations. Beaucoup de signaux restent extrêmement inquiétants, entre la hausse continue des créances douteuses en Espagne, qui ont atteint un nouveau record en septembre ou surtout le maintien d’un niveau de chômage absolument colossal.

D’ailleurs, à l’occasion de la mise en place de la surveillance des budgets nationaux décidée avec le TSCG, la Commission Européenne a émis des doutes sur la situation de l’Espagne et de l’Italie. Elle a contesté l’hypothèse de croissance de Rome pour 2014. Il faut dire que 1,1%, cela semble optimiste. Et cela pose problème car le manque de croissance a fait exploser la dette, à plus de 130% du PIB. L’Espagne est visée pour ses déficits qui tardent décidemment à se réduire, avec 6,8% cette année. Les marches seront hautes pour atteindre l’objectif de 3% du PIB, fixé actuellement pour 2016.

La 2ème phase de la crise européenne

samedi 23 novembre 2013

Fin de l’euro : l’option allemande progresse


En quelques jours, la probabilité d’une telle issue a fortement augmenté. En effet, non seulement la BCE a décidé de baisser ses taux contre la volonté unanime de l’Allemagne (SPD compris), mais en plus, Bruxelles a lancé une procédure visant les excédents excessifs de notre voisin.



Bataille pour la politique de la BCE

Et si le début du divorce avait commencé il y a quinze jours, quand la banque centrale européenne a décidé de baisser ses taux ? Malgré le secret qui entoure ses décisions, un article du Telegraph résume bien toutes les tensions provoquées par cette décision, peu perceptibles en France, et souligne qu’outre la baisse des taux, un membre éminent de la BCE a déclaré que « le bilan de la banque centrale peut également être utilisé. Cela inclut les rachats directs (de créances) que n’importe quelle banque centrale peut le faire ». Cela se rapproche des pratiques plus anglo-saxonnes de la Fed.

Mais le problème est que l’Allemagne toute entière est vent debout contre une telle politique, comme le rapporte l’Agefi. Le patron du groupe parlementaire CDU-CSU a affirmé que « le risque de bulle dans le prix des actifs existe et il ne va pas être abaissé par cette décision. Il y a déjà trop de liquidités qui circulent », position soutenue par le SPD. Ceci est relayé par le Bild Zeitung qui parle d’une menace contre le pays. La Bundesbank évoque les « risques pour la stabilité financière », du fait notamment de la hausse des prix immobiliers. Pour le Telegraph « une politique adaptée au Club Med est destructrice pour l’Allemagne. Et une politique adaptée à l’Allemagne est destructice pour le Club Med ».

Bruxelles en guerre contre Berlin

vendredi 22 novembre 2013

OGM : The Economist plus féodal que libéral


Après la Californie, les partisans d’un étiquetage des produits contenant des OGM ont perdu une nouvelle bataille dans l’Etat de Washington. Malheureusement, les lobbys de soutien des OGM ont beaucoup plus d’argent. L’occasion pour The Economist de montrer qu’il est plus féodal que libéral.



La victoire de l’opacité

Il est tout de même incroyable que le pays qui se veut celui de la liberté résiste à la simple information des consommateurs. S’il est légitime d’indiquer les ingrédients ou la composition nutritionnelle des produits, on ne voit pas bien pourquoi il faudrait leur cacher la présence d’OGM, d’autant plus qu’il y a des polémiques scientifiques sur leur innocuité. Après tout, si les consommateurs ne veulent pas en consommer, c’est leur choix. Jusqu’à présent, les Etats-Unis résistent. Après la Californie l’an dernier, un nouveau référendum a été perdu par les soutiens d’un étiquetage, dans l’Etat de Washington.



Il faut dire que les lobbys OGMs n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, dépensant la bagatelle de 25 millions de dollars en campagnes publicitaires, trois fois plus que les soutiens de l’étiquetage. Monsanto était logiquement le premier contributeur… De manière habile, ils n’ont pas cherché à faire la promotion des OGMs mais ont plutôt soutenu que la mesure n’était pas nécessaire, qu’elle risquait d’augmenter le coût de la nourriture et qu’il y avait trop d’exemptions, comme le rapporte The Economist. L’autre camp insistait logiquement sur le simple besoin d’information du consommateur.

Défenseur des oligarques plus que libéral

jeudi 21 novembre 2013

Immobilier : et si les conditions de crédit justifiaient les prix ?


C’est curieusement un angle mort de la réflexion. Pourtant, selon l’Observatoire du Crédit Logement, environ 75% du coût d’achat est financé par l’emprunt. Les prix de l’immobilier devraient donc être mesurés en coût complet, incluant le coût du crédit. Voilà qui donne une perspective différente.

Des conditions de crédit bien plus favorables


D’abord, je tiens à remercier Jacques Friggit et la CGEDD pour les données accumulées, et mises à disposition, ce qui m’a permis de faire une analyse remontant à 1984. Sans eux, il serait difficile de remonter aussi loin en ayant des données consistantes, nécessaires à toute analyse statistique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les conditions de crédit se sont grandement améliorées. En 1984, le taux d’emprunt était de 13,3% par an, contre 3,1% aujourd’hui. Jusqu’en 1993, il est resté supérieur à 8% par an. Il est tombé autour de 5% au tournant du siècle et encore plus bas après la crise, sous l’effet des politiques monétaires. Ceci a permis une remontée de la durée d’emprunt, passée de 14 ans à 17/18 ans depuis. Il faut noter que ce niveau n’est pas exceptionnel puisqu’en 1919, 50% des emprunts étaient à plus de 30 ans et 40% à 21-30 ans !



Mais si ces chiffres démontrent bien l’amélioration des conditions du crédit, un calcul, réalisé sur le site lafinancepourtous, permet d’en saisir plus concrètement l’impact en prenant l’exemple d’un crédit de 100 000 euros. En 1984, aux conditions moyennes de crédit (taux et durée), la mensualité pour le rembourser était de 1335 euros. Jusqu’en 1995, nous sommes restés autour de 1000 euros. Aux conditions actuelles, emprunter 100 000 euros revient à seulement 628 euros par mois. Si la durée est plus longue, il faut noter que le coût total du crédit a énormément baissé. Quand on empruntait 100 000 euros en 1990, les intérêts ajoutaient la bagatelle de 86 000 euros au coût total. Depuis la fin des années 1990, les intérêts n’ajoutent qu’environ 40% au coût d’un achat et même seulement 29% début 2013. Du coup, si le prix d’achat d’un bien immobilier a bien progressé de 106% par rapport aux revenus depuis 1984, en revanche, le coût complet pour un bien acheté 100% à crédit, n’a progressé que de 23% par rapport aux revenus, presque cinq fois moins ! Pour un crédit finançant 75% du prix du bien (la moyenne en 2013), alors, la progression est de 44%, certes importante, mais beaucoup moins inquiétante que les 106% initiaux.



Un niveau d’endettement à relativiser

mercredi 20 novembre 2013

Pourquoi le krach immobilier semble inévitable


Depuis l’effondrement des marchés immobiliers étasunien, espagnol et irlandais, plusieurs analystes, dont je fais partie, soutiennent qu’il y a un risque de krach du marché immobilier en France. Il est vrai que de nombreuses données indiquent que la situation est très dangereuse.

Des prix objectivement très élevés

Ici, il faut remercier Jacques Friggit, du CGEDD, qui a amassé et traité une quantité phénoménale de données, permettant d’analyser les prix de l’immobilier depuis 1200 ! Dans un dossier extrêmement complet, il fait un historique du marché immobilier dans notre pays qui donne une perspective de long terme aux prix de l’immobilier. Il est notamment connu pour ce que l’on appelle « Le tunnel de Friggit », une mesure du prix des logements, rapporté au revenu disponible par ménage. Avec cet indicateur, il montre qu’en France, depuis 1965, ce rapport a évolué dans un tunnel de plus ou moins 10% pendant près de 40 ans. Certes, Paris et l’Ile de France sont sorties de ce tunnel à la fin des années 1980, mais y sont revenus à la fin des années 1990.



La France est sortie du tunnel au début des années 2000. Alors que l’indice évoluait entre 0,9 et 1,1 (1 étant la base de 1965), il a atteint 1,8 en 2007. Et s’il a chuté pendant la crise, il est revenu à ces niveaux dès 2011. Il est aujourd’hui à 1,76. La situation est encore plus préoccupante au niveau de l’Ile de France, à 2,06, et à Paris, à 2,46. Au plus haut de la précédente bulle immobilière, au début des années 1990, l’Ile de France avait dépassé 1,4 et Paris 1,5. L’analyse du tunnel de Friggit implique que le marché français devrait baisser de 37,5% pour retrouver un niveau cohérent avec la tendance de long terme, de près de 47% en Ile de France et de 55% à Paris ! Il faut rappeler ici que dans les années 1990, les prix avaient baissé de 35% à Paris.

D’autres facteurs d’inquiétude

mardi 19 novembre 2013

PS, UMP, FN : la grande désillusion


François Hollande est officiellement devenu le président le moins populaire de la 5ème République, naviguant entre 15 et 20% d’opinions positives selon les sondages. Mais il est aussi marquant que les deux principaux partis d’opposition, UMP et FN, semblent incapables de gagner les faveurs des Français.



Hollande : déception puissance dix

Le plus cruel pour l’équipe actuellement au pouvoir, c’est sans doute que les Français avaient des espoirs limités. On peut penser que la victoire de Hollande était d’abord la défaite de Sarkozy. Mais la déception est tellement grande que le couple exécutif bat tous les records d’impopularité. Avec 20% d’opinion positive dans le baromètre du JDD, François Hollande tombe plus bas que Nicolas Sarkozy (tombé à 28%), Jacques Chirac (27%) ou François Mitterrand (22%) ! Encore pire, pour le Huffington Post, sa popularité tombe au niveau dérisoire de 15%, signe que quelque chose est cassé.

Il faut dire que les dernières semaines ont été l’occasion d’une séquence absolument effarante. L’épisode Léonarda a sans doute beaucoup compté, entre une majorité profondément divisée, indisciplinée, et à mille lieues de l’opinion du pays, et un président qui a pris une décision totalement ubuesque. Puis est venue la farce de l’écotaxe, entre un contrat absolument scandaleux et un énième recul du gouvernement, qui ne fait qu’attiser toutes les contestations. Enfin, la créativité fiscale désordonnée et fréquente du gouvernement nourrit un ras-le-bol fiscal renforcé par une conjoncture difficile.

L’UMP et le FN, pas crédibles

lundi 18 novembre 2013

Todd et Le Bras expliquent la hausse du FN… et prévoient sa disparition !





Une polarisation Est / Ouest

Les auteurs notent un vrai clivage politique régional, avec un grand axe Ouest et une pointe Nord, votant à gauche, quand l’Est vote largement à droite. Pour eux, la France se droitise, avec une UMP qui court après le FN et a libéré un espace central occupé par le PS. Ils notent que si François Hollande a fait à peu près le même score que François Mitterrand en 1981, en revanche, il a nettement amélioré ses scores à l’Ouest, mais a beaucoup perdu à l’Est, où le Front National est le plus fort. Ils rappellent que l’émergence géographique du FN dans les années 1980 ne correspondait pas vraiment au vote communiste des années 1970. Ils soulignent aussi que la chute du vote trotskystes (LO et NPA) entre 2002 et 2012, qui était fort dans le Nord-Ouest, ne correspond pas à la montée de Mélénchon, plus importante dans le Sud-Ouest, et également terre d’élection de François Hollande. Le vote Mélenchon est plutôt un vote de socialistes plus radicaux que d’anciens communistes. Ils montrent également qu’en gagnant l’Est, Sarkozy a laissé une partie de l’Ouest de tradition chrétienne à François Bayrou.

De manière passionnante, les auteurs notent qu’alors qu’il y avait une corrélation négative entre pratique religieuse et vote à gauche jusqu’en 1995, il n’y a plus de corrélation depuis 2007. Ils montrent également que les régions du catholicisme zombie ont davantage voté « oui » en 2005, dans la lignée de tous les référendums qui tendaient à réduire le pouvoir de l’Etat jacobin. Il y avait aussi une forte composante sociologique puisque 79% des ouvriers ont voté « non » en 2005, comme 67% des employés et 53% des professions intermédiaires alors que les cadres et les personnes âgées votaient « oui ». La crise fait que les régions de famille complexe tendent à voter de plus en plus à gauche. Pour les auteurs, l’Ouest a aussi un rapport plus optimiste à l’avenir car les dernières décennies ont vu un progrès continu, de moindres conséquences de la crise et que la situation des grands-parents étaient nettement moins bonne. C’est moins le cas dans l’Est, poussant à une vision plus pessimiste. Ils notent que la gauche domine dans les villes moyennes et grandes, quand la ruralité vote à droite.

Le vote FN est un vote essentiellement social

dimanche 17 novembre 2013

Quand Todd et Lebras décryptent l’économie par les cartes


Après une mise à nue par les cartes de notre hexagone, jusque dans ses moindres recoins, les auteurs passent à une analyse plus économique des raisons et des caractéristiques de la crise de notre pays. Une réflexion originale, qui se fonde sur leurs analyses démographiques.



La globalisation contre la société

Ils citent Schumpeter pour qui « le capitalisme (est) parfaitement viable en tant que système économique mais dépendant, pour son insertion et sa survie sociale et politique, de ‘couches protectrices’, ensemble de mœurs et de valeurs venues de l’âge féodal ». Rejoignant Jacques Généreux, pour eux, le capitalisme et la recherche de profit peuvent miner les bases de l’organisation d’une société. Ils soulignent que l’Ouest de la France disposait traditionnellement d’un niveau d’intégration plus fort, au contraire d’un grand bassin parisien et du bassin méditerranéen. Ils notent que la déchristianisation du pays, à partir du 18ème siècle est allée de pair avec l’émergence d’une foi laïque, égalitaire et individualiste qui s’est substituée à la religion, notamment dans les espaces centraux et méditerranéen. Elle s’est incarnée dans le vote communiste, fort dans les régions déchristianisées. Pour les auteurs, « l’idéologie communiste et le parti du même nom ont constitué (…) une véritable couche protectrice dans la France des années 1936-1981 ». Mais alors que l’on observe un « catholicisme zombie », « le communisme, lui, est vraiment mort ».

Pour eux « La spécialisation que la globalisation entraine tend à dissocier, dans chaque pays, l’évolution économique, désormais internationale, de la dynamique des mentalités, qui reste nationale. (…) Dans le cas de la France, comme dans ceux des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, le reflux du secteur secondaire est allé largement au-delà de celui qu’une trajectoire historique autonome, sans globalisation, aurait impliqué ». Ils notent qu’en 1975, l’industrie employait 40% des actifs. C’est à peine 23% en 2009. L’industrie a quitté les villes, le Sud, l’Ile-de-France pour se concentrer sur trois poches principales : l’Ouest intérieur, les frontières de l’Est et autour de Lyon. Les ouvriers se sont ruralisés, autour d’une Ile-de-France qui les a rejettés. Ils occupent 21% de la population active et seulement 21% sont des femmes. Les artisans et commerçants sont plutôt dans le Sud, recoupant la carte des paysans propriétaires en 1851. Les auteurs parlent d’une « nouvelle noblesse urbaine », ces cadres et professions libérales qui représentent jusqu’à 25% de la population active des centres villes. Enfin, les agents de l’Etat sont très présents (30 à 38% de la population active) dans l’Occitanie et une longue frange Nord-Est.

La montée inégale des inégalités

samedi 16 novembre 2013

Todd et Le Bras lisent dans les cartes de la France


C’est une somme absolument passionnante pour les amateurs de cartes, de géographie de la France et de nos particularismes régionaux. Emmanuel Todd, avec Hervé le Bras, revisite sa théorie des systèmes familiaux avec une masse de données mises en carte. Une vraie nourriture intellectuelle.



De la géographie des systèmes familiaux

Ce qui est passionant avec ce livre, c’est qu’il se place dans le temps long. Loin des livres à courte vue, il présente une analyse historique qui donne une perspective rafraîchissante. Les auteurs illustrent par des cartes les différentes composantes des systèmes familiaux. Ils notent les signes de la famille complexe avec des pointes à 2% de ménages vivant à plusieurs couples sous le même toit dans l’extrême Sud-Ouest, mais aussi en Alsace-Lorraine, les deux terres d’élection des familles souches (où cohabitaient plusieurs générations avec un héritier unique). A l’opposé, l’Ouest intérieur apparaît comme hypernucléaire avec des taux qui peuvent tomber à 0,1%. Les statistiques par âge montrent que la cohabitation pour les personnes de plus de 80 ans varie de 0% dans la Mayenne à 20% dans les Pyrénées Atlantiques. Puis vient la différence entre l’organisation groupée en villages (les régions de tradition égalitaire, comme le Nord, l’Est ou le littoral méditerranéen) ou dispersée en hameaux (le Sud-Ouest inégalitaire).



En synthèse, on trouve 5 types. L’individualisme égalitaire (hypernucléaire) dans un grand Bassin parisien. La hiérarchie et la coopération familiale (souche) domine dans le Sud-Ouest et en Alsace-Lorraine, et se retrouve aussi dans les Alpes. L’individualisme familial pur se trouve dans l’Ouest intérieur. Des nuances coopératives familiales se rencontrent dans le Nord, la pointe de la Bretagne, et le centre-Ouest. Enfin, il y a une famille nucléaire patrilocale égalitaire sur la façade méditerranéenne. Les auteurs lient cette géographie à la pratique religieuse, qui subsistait dans les Pyrénées Atlantiques, la Bretagne, l’Alsace-Lorraine ainsi que l’Aveyron et la Lozère au début des années 1960. De manière assez extraordinaire, on constate que cette carte correspond à s’y méprendre aux choix des prêtres de 1791 de ne pas prêter serment à la Constitution civile. Il est assez incroyable de voir son influence 170 ans plus tard ! Tout ceci montre à quel point le passé peut expliquer le présent et permettre d’anticiper l’avenir.

Une France transformée

vendredi 15 novembre 2013

Rechute préoccupante de la croissance



-0,1%. Certes, l’écart avec les prévisions, qui tournaient entre 0 et 0,1% est faible, mais la première estimation de la croissance du PIB pour le troisième trimestre est plus décevante qu’il n’y paraît. La reprise pourrait bien être encore plus faible, inégale et temporaire que prévue.



Des chiffres inquiétants


Au second trimestre, nous avions eu la bonne surprise d’une croissance de 0,5%, soit 2% en rythme annuel. Néanmoins, il fallait déjà relativiser ce chiffre car plus de 50% de la progression s’expliquait par la hausse des stocks et le printemps froid, qui avait soutenu la consommation d’énergie. En outre, il faut noter que l’investissement était toujours en berne. Sur RTL, en s’appuyant, il est vrai, sur le fait que la prévision pour 2013 est inchangée, à 0,1%, Pierre Moscovici a osé dire que « nous sommes sur un rythme de croissance (annuelle) toujours à 1% (…) Nous sommes au moment où la machine économique redémarre, où la croissance repart, où les entreprises françaises vont mieux ».


Pourtant l’examen détaillé des chiffres de l’INSEE contredit cette vision un peu idéaliste. En effet, nous ne sommes pas passés loin d’une chute plus forte. Car si la demande intérieure a été stable, l’augmentation de 0,2% de la consommation étant compensée par la baisse de 0,6% des investissements, la hausse des stocks a apporté pas moins de 0,5 point de croissance, compensant la contribution négative du commerce extérieur de 0,7 point ! En clair, à stock étal, le PIB de la France aurait chuté de 0,6%, effaçant l’intégralité des gains du trimestre précédent. Pire, après trois trimestres de hausse des stocks, il est probable qu’ils baisseront au 4ème trimestre, comme ils l’avaient fait en 2011 et 2012.

Nuages sur la croissance en 2014

jeudi 14 novembre 2013

L’extrême-droite et la contestation du pouvoir



Atlantico : Réagissant aux événements du 11 novembre, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a souhaité dénoncer les "factieux" qui menacent les valeurs républicaine du pays. En sur-représentant le poids des associations d'extrême-droite dans le paysage français, ne joue t-on pas un jeu dangereux ? Plus dangereux même qu'une sous-estimation du pouvoir de ces mêmes formations ?



Le terme « factieux », selon le dictionnaire, qualifie des personnes « qui s’opposent violemment au pouvoir établi pour provoquer des troubles ». Même si je pense que les cérémonies du 11 novembre ne sont pas le moment pour siffler le président de la République, le terme est sans doute exagéré pour qualifier un tel incident.

Une partie de la gauche a la fâcheuse habitude de sombrer dans des qualificatifs excessifs pour dénoncer certaines critiques venues de la droite ou de l’extrême-droite, tombant rapidement dans le point Godwin. On peut penser récemment à Jean-Luc Mélenchon, qui évoquait une « rafle » dans l’affaire Léonarda. Ces caricatures outrancières posent de nombreux problèmes. Outre le fait de trivialiser des moments graves de notre histoire, convoqués à tort et à travers (et de faire une comparaison très hasardeuse pour la mémoire des victimes de ces régimes), on peut se demander si cela ne concourt pas à promouvoir l’extrême-droite en collant une étiquette d’extrême-droite à des faits qui n’en sont pas. En effet, cela peut déculpabiliser les citoyens pour aller vers l’extrême-droite si les comportements qui sont qualifiés comme tel ne le sont pas.

Atlantico : Alors que le Front-National souhaite se débarrasser du qualificatif "d'extrême droite", la définition du terme fait polémique. Comment pourrait-on qualifier les mouvances d'extrême droite à l'heure actuelle ?

mercredi 13 novembre 2013

Les paradoxes de la déflation


C’est un immense paradoxe de la situation actuelle. Jamais les banques centrales n’ont mené des politiques monétaires aussi expansionnistes (la BCE restant la plus timide des grandes banques occidentales). Mais la déflation semble menacer. Pourquoi en sommes-nous arrivés là et quels sont les risques ?



Au bord de la déflation

C’est bien ce qui inquiètent un nombre grandissant d’économistes, et de médias, comme The Economist. C’est sans doute ce qui a poussé la BCE à baisser ses taux par surprise la semaine dernière. Les raisons de cette inquiétude sont simples : dans la zone euro, l’inflation est tombée à 0,7% en septembre, loin des 2% de l’objectif de la banque centrale. Aujourd’hui, il y a davantage d’inflation au Japon que dans la zone euro, signe que les temps ont changé. En outre, en Grèce, les prix baissent déjà et l’Italie et l’Espagne pourraient bien suivre du fait de leur effort pour restaurer leur compétitivité.

La déflation pose de gros problèmes (même s’il ne faut pas surestimer les maux de l’économie japonaise). Tout d’abord, elle complique grandement la politique monétaire en limitant l’efficacité de la baisse des taux nominaux, ce qui prive l’économie d’un de ses deux leviers d’action. Moins d’inflation, c’est aussi un poids plus important pour la dette. Enfin, la déflation, c’est aussi un poids pour la croissance puisque les acteurs économiques tendent à repousser leurs achats pour profiter de la baisse des prix. On n’a jamais vu une économie très dynamique à partir du moment où les prix baissent. Quelques économistes, Olivier Blanchard, du FMI, et Paul Krugman, plaident ouvertement pour plus d’inflation.

La situation n’est pas très brillante au Japon ou aux Etats-Unis, qui ont une inflation à peine supérieure à celle de la zone euro : 1% dans le pays du soleil levant, 1,2% outre-Atlantique. Pour les Japonais, il s’agit d’une grande réussite des Abenomics que d’avoir sorti le pays de la baisse structurelle des prix alors même que le contexte international n’est guère porteur. Cela s’explique par la baisse du yen et la politique monétaire ultra-accomodante menée depuis un an. Aux Etats-Unis, les effets de la politique de la Fed sont compensés par la baisse de la dette des acteurs privés et la baisse du déficit.

Causes et conséquences