samedi 9 novembre 2013

Baisse des taux de la BCE : causes et conséquences


Finalement, la Banque Centrale Européenne a pris les marchés par surprise en baissant ses taux de 0,25 point et en maintenant un programme de refinancement des banques plus longtemps. Une décision pas mauvaise pour une zone euro menacée par la déflation mais qui pose des problèmes à long terme.



Le spectre de la déflation

La chute de l’inflation à 0,7% dans la zone euro a sans doute emporté la décision. Car sa baisse continue revient à une augmentation des taux réels (hors inflation) si les taux nominaux restent stables. Du coup, la décision de jeudi est un moyen de la compenser en partie. Et c’est important car au 2ème trimestre, la zone euro est sortie de la récession après 6 trimestres de baisse du PIB. Mais cette sortie reste menacée de toute part : entre un euro trop cher pour la grande majorité des économies, les coupes dans les budgets (même si elles se sont ralenties) et la menace de baisse des prix, une action de la BCE était psychologiquement importante. C’est ce qu’elle a fait, même si cela est tardif.



Car depuis le début, la politique monétaire de la BCE est une calamité. Le meilleur exemple, c’est de constater que le nombre de chômeurs dans l’UE hors zone euro est stable depuis 2010, alors qu’il a progressé de plus de 3 millions dans la zone euro, comme le rappelle Edgar sur son blog. Il faut dire que depuis le début, la BCE réagit à contre-temps. Elle a tardé et monté trop timidement ses taux en 2006. Puis, alors que la Fed les avait déjà baissé de plus de 3 points, elle les a monté en 2008 avant la crise, faisant exploser le cours de l’euro, à 1,6 dollars, et poussant la zone euro dans la récession avant les Etats-Unis ! Enfin, en 2011, elle avait aussi monté les taux à contre-temps

Alerte à la bulle financière ?

Même si je pense que nous n’avons pas d’autres choix aujourd’hui que d’avoir des politiques monétaires ultra-accomodantes, pour sortir de la récession et relancer la demande, tout le problème est que cela se fait avec une réglementation financière largement insuffisante. Les leçons de la crise n’ont pas été tirées et cela fait peser un gros risque sur l’économie. Il est difficile, en effet, de ne pas comprendre qu’une telle poltiique monétaire porte en elle des risques majeurs de bulles financières et de distorsions des marchés financiers à partir du moment où l’Etat laisse sa bride trop lâche sur les banques.

Cela fera bientôt 5 ans que la Fed maintient une politique ultra-souple, du jamais vu, au moins récemment. Certes, les prix à la consommation ne dérapent. C’est même, paradoxalement, le contraire. La faiblesse de la demande mondiale, la compression des salaires et la globalisation poussent les prix à la production vers le bas. Mais du coup, les torrents de liquidités émis par les banques centrales du monde entier finiront par avoir des conséquences. On les pointe déjà sur certains marchés immobiliers (Etats-Unis, Grande-Bretagne) mais aussi dans les marchés boursiers, Wall Street ayant battu un nouveau record cette semaine. Tout ceci revient à admettre que la timide reprise actuelle est très déséquilibrée.

Cette décision est positive pour l’économie européenne. Elle a permis de ramener l’euro à un niveau moins délirant pour notre économie, une nouvelle bienvenue alors que les plans sociaux se multiplient. Mais ce faisant, il est difficile de ne pas y distinguer les ferments de la prochaine crise financière.

12 commentaires:

  1. La rénovation politique que vous appelez de vos voeux ne passe t-elle pas d'abord par une rénovation des outils du dialogues politiques ?

    Ainsi, penser l'action publique au travers des mots et concepts de l'économie politique ne conduit-il pas nécessairement à de se rendre aux logiques propres aux concepts énoncés ?
    Les logiques attachées à une vision économique du monde, et produites par ce vocabulaire-là, ne mènent-elle pas nécessairement à ces mêmes rets politiques dans lesquels nous nous débattons depuis 20 ans ?

    Les révolutions du XVIIIème siècle ont vu s'imposer un nouveau souffle d'abord pour la raison que le parti de la citoyenneté et de la république a repensé la politique avec les mots de son engagement et de sa vision du monde.
    Parler de politique en économiste c'est, pour moi, en 2013, refuser de fait de changer de vision du monde, et donc de politique.

    Les économistes ont échoué. Ils se sont montrés incapables de penser véritablement l'action politique dans toutes ses dimensions. La politique a besoin de verticalité bien plus que de capacité technicienne et de rapports d'experts. Je pense qu'il faut commencer par abandonner ce tropisme économique dans le discours politique afin d'avancer véritablement.

    La BCE n'est pas grand chose, juste quelques textes de droit. Les techniques de gestion de la BCE ne sont pas le coeur, ne doivent pas être le coeur, du discours public. Remettons au coeur du débat la philosophie politique, la littérature, l'histoire des idées et des hommes. Prenons acte de ce que l'économie politique n'est pas un cadre opérant à hauteur des exigences de la pensée et de l'action politique véritable.

    Parlons d'une politique d'affranchissement de la nation et des individus. Parlons avec cette philosophie et cette littérature qui ont forgé le pays, et ainsi notre vision du monde et de la liberté. Nous avons trop parlé d'économie ou en économiste, et pas assez de politique et en citoyen.

    La théorie économique a échoué, son vocabulaire est celui du parti des experts de l'économie : changeons d'ère politique et retrouvons les mots de la liberté.

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    1. Désolé pour les fautes, je viens de me relire. Les deux s de trop de la première phrase déjà me navrent.
      Cordialement.

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    2. Si vous avez des "s" en trop passer m'en quelques , souvent ils me manquent .
      Mais je suis bien d'accord avec vous nous ne refondrons rien sans une vision politique l’économie est l'intendance et doit rester a cette place loin d’être secondaire seulement insuffisante seule .

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    3. @PL,
      S'il n'y avait que les s...
      L'intendance, d'accord avec ça, ce qui pour moi - et pour vous j'en suis sûr - n'induit aucune forme de mépris. Chacun apporte sa pierre. Que fait une armée en campagne sans l'intendance ? Elle perd très probablement la bataille si celle-ci s'éternise.

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  2. Concrètement, comment vont se dérouler les "saignées" en Europe ?

    1- D'abord, une dizaine de pays européens vont se déclarer en défaut de paiement, les uns après les autres. Les gigantesques bulles obligataires européennes éclateront.

    2- L'éclatement de ces bulles obligataires va provoquer :

    - la disparition des retraites par capitalisation (massivement placées en obligations d'Etat)

    - la disparition de l'assurance-vie (massivement placée en obligations d'Etat)

    - la faillite des banques (massivement détentrices d'obligations d'Etat)

    - la faillite des sociétés d'assurances (massivement détentrices d'obligations d'Etat), etc, etc.

    3- Nous entrerons dans une période de chaos. Les Etats européens seront incapables de sauver de la faillite les banques européennes, contrairement à ce qui s'était passé en septembre 2008. Les Etats européens ne pourront que contempler le spectacle. Ils seront des spectateurs impuissants.

    4- La BCE injectera des centaines de milliards de liquidités, mais ce sera inefficace. Les banques arrêteront de prêter le moindre euro aux particuliers et aux entreprises privées. Les banques essaieront de sauver les meubles en replaçant aussitôt les crédits octroyés par la BCE dans leur compte de réserves auprès de la BCE.

    5- Les épargnants se précipiteront vers les distributeurs automatiques de billets, mais ils ne pourront pas retirer d'argent. Les guichets des banques seront fermés. Les sites internet des banques seront fermés eux-aussi.

    6- Les épargnants se tourneront vers leur Etat. Ils demanderont à leur Etat le remboursement de leur épargne (100 000 euros maximum, en théorie). Mais en pratique, les Etats européens seront incapables de rembourser l'épargne volatilisée des épargnants.

    7- Il y aura un effondrement des Bourses.

    8- Les banques européennes seront en faillite, la BCE sera en faillite. Les rentiers, les actionnaires, les épargnants et les retraités européens auront tout perdu. Ils seront en colère. Les foules en colère chercheront des boucs émissaires. Après le chaos financier, il y aura le chaos social et le chaos politique.

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    1. Bon il leur faudrait une bonne guerre quoi !

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  3. Philippe Murer a exprimé tout récemment les même craintes relatives aux risques de déflation et de reconstitution de bulles financières et immobilières : http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20131106trib000794376/l-europe-et-les-etats-unis-vont-finir-par-entrer-en-deflation.html

    YPB

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  4. L’austérité budgétaire et salariale déprime la production et l'emploi. Le laxisme monétaire prolonge l'existence d'un système financier dysfonctionnel, et crée les conditions de nouvelles bulles. La sortie de crise suppose de faire tout le contraire : soutenir l'activité par une politique budgétaire ambitieuse et l'augmentation des salaires. En contrepartie, assumer la faillite des banques et entreprises incapable de s'adapter. En termes de théorie économique : revenir à Keynes et renoncer à Friedman. Vaste programme...

    Non, BA, les Etats ne feront pas défaut, sauf ceux qui sont qui n'ont plus de banque centrale ou qui se sont endettés en devises étrangères. Mais ni les Etats-Unis, ni le Japon ne sont menacés. Même pas la France, car elle conserve le recours de revenir au franc. Tant qu'un état conserve la maîtrise de sa monnaie, il peut toujours monétiser sa dette. Et pour cette raison, contrairement à ce que vous affirmez, les dettes publiques seront toujours remboursées.

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  5. @ Georges

    Je ne pense pas que l’on puisse dire que la théorie économique a échoué. Il n’y a pas une théorie économique, mais des théories économiques. Les néolibéraux ont échoué. En revanche, l’analyse keynésienne prouve tous les jours davantage sa pertinence.

    Après, d’accord sur le fait que l’économie doit être au service d’une vision politique, qui la dépasse et est bien plus importante.

    @ BA

    Difficile d’avoir des certitudes sur le scénario de la prochaine crise. On pourra éviter les défauts si les Etats recouvrent leur monnaie, ce qui leur donnera de la souplesse.

    @ YPB

    La prochaine bulle a déjà commencé à gonfler…

    @ J Halpern

    Bien d’accord sur l’ensemble de votre commentaire

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  6. @LP,

    Je n'ai jamais douté de votre accord quant à une hiérarchisation des sphères économique et politique.. Ce que je dis intéresse principalement, en tout premier lieu, "l'occupation" sémantique du champ politique et les conséquences de cette prédominance .

    La langue et le langage sont des déterminants politiques de tout premier ordre. Orwell et Klemperer, notamment, l'ont dit avec force.

    Une certaine langue porte un certain ordre idéologique ; et la "langue" économique est pour moi la langue des économismes en général, qu'ils soient de droite ou de gauche.

    En 2013, la langue économique est principalement, pour moi, la langue du néo-libéralisme, de cette idéologie m'apparaissant comme un économisme de droite - sens ancien si j'ose dire, en ce sens un individu comme FH est clairement de droite.

    La prééminence de la langue économique et des "sciences" économiques apparaît d'ailleurs concomitamment au développement du monde industriel et marchand, puis surtout du monde financier.

    Reprendre possession du débat public commence, à mon sens, par une interrogation sur les mots et notions utilisés dans ce débat. Tout part de ce point. Ce travail n'indique bien évidemment pas qu'il y a lieu de récuser la connaissance économique et les apports de nombreux chercheurs et techniciens dans ces domaines.

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  7. Bonjour Laurent.
    Concernant la dette, elle appartient je crois pour environ 70% à des étrangers donc pour solder celle-ci comment faire ? le défaut de paiement n'est il pas la solution. Concernant le risque de déflation, je pense qu'il est en grande partie dû à l'augmentation des impôts sur les classes moyennes qui en réalité connaissent une baisse du pouvoir d'achat considérable, n'est ce pas le syndrome de la déflation par la dette.
    merci de vos réponse.

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  8. Le franc oui mais le franc en or comme le souhaitait le Général!Et enfin réduire la dépense publique à des niveaux raisonnable (40-42% du PIB).Donc une pression fiscale raisonnable qui ne tue pas l'activité (34% sous De Gaulle en pleine prospérité, 46% en pleine faillite)...

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