vendredi 10 janvier 2014

La SNCM, double victime de l’Union Européenne


Dans une logique néolibérale myope, les salariés de la SNCM ne seraient que des privilégiés qui feraient grève pour défendre des avantages acquis injustifiés. Mais quand on se penche sur le sujet, on constate que cette présentation des choses ne résiste vraiment à l’analyse.



Une demande irréaliste de la Commission

A la base des problèmes actuels à la SNCM, il y a la plainte de Corsica Ferries, l’opérateur à bas prix franco-suisse qui navigue sous pavillon italien, à la Commission Européenne. Comme le rapportait le Monde en octobre, Bruxelles a d’abord exigé que la compagnie rembourse à l’Etat français 220 millions d’euros d’aides publiques versées à la compagnie de 2007 à 2013, dont l’objectif est de renforcer la rotation des navires durant l’été. Pour mémoire, le chiffre d’affaire de la SNCM était de 300 millions d’euros en 2012, pour une perte de 12 millions. Bref, cette demande revient à l’acculer à la faillite.

Pire, la Commission a également remis en cause, pour un montant équivalent, des aides touchées de 2002 à 2006, alors même, comme le rapporte le Monde, qu’elle avait donné son accord à cette subvention en 2008. Malheureusement, « le tribunal de première instance de l’UE a annulé cette autorisation en septembre 2012, sur plainte, une nouvelle fois, de Corsica Ferries ». Du coup, la SNCM se voit demander 440 millions, un an et demi de chiffre d’affaire. Elle vient de répliquer en affirmant que « Corsica Ferries, en dévoyant le système de l’aide sociale aux passagers, a touché illégalement 180 millions d’aides depuis 2002 » et demande que son concurrent justifie le versement de ces aides !

Une concurrence déloyale

La CGT dénonce également la concurrence déloyale de Corsica Ferries en pointant que la SNCM, société française naviguant sous pavillon français, n’emploie que des nationaux, aux salaires et conditions sociales de notre pays. Ce n’est pas le cas de Corsica Ferries, dont le holding de contrôle est immatriculé en Suisse, après l’avoir été au Luxembourg, et qui navigue sous pavillon italien. Résultats, aujourd’hui, la compagnie pratique un dumping social agressif, en employant de nombreux marins roumains. Il faut rappeler ici que le SMIC roumain dépasse à peine 10% du SMIC français !

Mercredi, la réunion entre le ministre des transports, Frédéric Cuvellier et les syndicats de la SNCM, s’est conclue de manière positive. Non seulement l’Etat devrait mettre la main à la poche pour sauver l’entreprise, mais le ministre étudie un décret anti-dumping social « unique en Europe. Un Etat qui souhaite donner des règles qui sont les mêmes pour tous ». En clair, Corsica Ferries serait contrainte de passer sous pavillon français, ce qui pourrait l’empêcher d’avoir recours à des roumains et stopper la distorsion de concurrence que les syndicats de la SNCM dénoncent depuis longtemps.

Que penser de ce décret anti-dumping ? D’abord, pourquoi ce qui est valable pour la SNCM ne le serait pas pour d’autres activités ? Appliqué dans les pneus, l’acier, ou le transport routier il aurait protégé beaucoup d’emplois. Ensuite, il n’est pas sûr qu’il résiste à l’ordre juridique européen actuel… promu par le PS.

11 commentaires:

  1. SNCM : le tonneau des danaïdes. 440 millions de subventions considérés comme illégaux, plus les 30 que l'on va remettre, pour sauver 1600 emplois, ils auraient mieux fait de directement leur donner 300.000 euros chacun et vendre les actifs.

    Sans compter les subventions qui n'ont pas été remises en cause. De toute manière, l’Europe et les emploi détachés font le bonheur des détenteurs du capital, et par conséquent de leurs sbires grassement payés à Bruxelles.

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    1. Ils sont peut être très privilégié, mais les remplacer par des roumains à 150 euro par jour, il y a de la marge. Libre concurrence oui, mais loyale.

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    2. Sans compter le service, je ne suis pas Corse mais j'imagine que c'est quand même utile! Si on abandonne tout au privé, les destinations les moins rentables continueront elles à être desservie?

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    3. Karg, je ne dis pas qu'ils sont privilégiés, ils ressortent du droit Français et confrontés, comme d'autres secteurs, aux roumains à 150 euros plutôt par mois.

      Donc plutôt que de les laisser crever à petit feu, une enveloppe de 300.000 à chacun leur aurait permis d’arrêter cette mascarade qui aura la même fin que mital.

      Certains en auraient certainement profité pour se tourner vers d'autres secteurs, et le seul que je recommanderais pour l'avenir est le service de proximité, les grosses boites en France, avec des salariés relevant de nos systèmes, c'est fini, bruxelles l'a dit

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  2. L'acier et les pneus en France relèvent du droit français et n'emploient pas de roumains à ma connaissance, donc ce n'est pas comparable.

    olaf

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  3. Bonjour Laurent,

    Pourriez-vous clarifier dans cette affaire ce qui est du au fonctionnement general de l'UE et ce qui est du simplement à l'ineptie politique de la bande à Barroso (en d'autres termes, ce qui vient d'un vice de construction de l'Europe, et ce qui vient simplement qu'on a un abruti à sa tete en ce moment) ?

    Merci bien.

    Talisker.

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  4. @ Anonyme

    Pas aussi évident que cela quand on commence à rentrer dans le dossier. Vous ne comparez pas des choses comparables. Les 440 millions correspondent à 10 ans de subventions. Et certains transports publics sont subventionnés (RATP par exemple).

    Votre raisonnement ne tient pas car si les 1600 postes sont supprimés, cela signifie aussi des recettes en moins pour l’Etat, des dépenses en plus (allocations) étant donné que ceux qui les remplaceront seront roumains.

    @ Karg se

    C’est tout à fait cela

    @ Red2

    Très juste

    @ Olaf

    Sauf que l’on peut produire en Roumanie ou ailleurs pour moins cher et importer ensuite.

    @ Talisker

    Plusieurs phénomènes sont à l’œuvre à mon sens. Plus que les personnes à la tête de l’UE, il y a clairement des traités dont l’orientation générale est ultra-libérale, assurer la libre circulation, sans la moindre restriction, des biens, des capitaux et des personnes, ce qui aboutit à ce genre d’absurdité étant donné l’écart dans le niveau de développement des différents pays.

    Ensuite, les membres de la Commission sont tous des libéraux dogmatiques :
    - coupés de la réalité, pensant faire partie de la classe moyenne supérieure
    - conformistes et fermés à des opinions hétérodoxes

    L’addition des deux fait qu’il n’y a rien de bon à attendre de l’UE.

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  5. Pour information, le flux rss ne fonctionne plus pour les derniers articles.

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  6. Il n'y a aucune raison qu'on ne puisse pas avoir une liaison maritime rentable sur cette distance entre la Corse et la Côte d'Azur même en respectant les meilleures normes sociales et environnementales.

    La question qui se pose est donc le marché est-il suffisant pour faire vivre le nombre d'opérateurs privés nécessaire pour animer une concurrence authentique qui profite au consommateur ? (un banal oligopole ne suffit pas)

    Dans la négative la liaison doit devenir un service public assuré par une entreprise publique avec des personnels du même statut.

    Ivan

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  7. Ce que je trouve magnifique et qui est loin d'être anecdotique pour les citoyens que nous sommes, c'est que la société franco-suisse en question, qui emploie de surcroît des marins roumains, a choisi le nom de Corsica Ferries. Encore un bel exemple de duperie, qu'aucun journaliste de l'establishment n'aborde bien entendu jamais. Les seules images commentées par Pujadas et ses semblables parlent de passagers, qu'on prend en otages. Si quelqu'un pouvait leur adresser la définition du mot "déontologie", Pujadas pourrait proposer un débat à ses amis lors des dîners mensuels du Siècle.

    Demos

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  8. @ Anonyme

    Il faut que je m'en occupe.

    @ Ivan

    Bien d'accord

    @ Démos

    Bien d'accord également

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