La double
contrainte environnementale
Le poids que
l'activité humaine en général fait peser sur l'environnement présente deux
composantes : d'une part, la pollution au sens large, et d'autre part,
l'épuisement des ressources naturelles.
La forme la plus
souvent évoquée de pollution est celle liée à la montée du dioxyde de carbone
(CO2) dans l'atmosphère, fréquemment évoquée comme source du réchauffement
climatique. La focalisation sur le CO2 présente cependant plusieurs
inconvénients. Tout d'abord, elle élude la responsabilité croissante
d'autres gaz à effet de serre dans le réchauffement climatique, comme le
méthane ou les hydrofluorocarbones. Par ailleurs, elle donne l'impression que
le principal inconvénient des gaz émanant des voitures ou des usines se
jouerait à des dizaines de kilomètres au-dessus de nos têtes dans la sphère
céleste, alors que dès leur émission ils créent des problèmes bien plus proches
de nous : irritation
et infection des muqueuses respiratoires, risque accrû de cancers, etc.
Enfin, l'effet de mode autour du CO2 a permis la création d'un marché des
droits à polluer, qui n'a
pas tenu ses promesses et a ouvert un nouveau
terrain de jeu à la spéculation financière.
L'autre aspect
de la contrainte environnementale est le risque avéré d'épuisement des
ressources naturelles. Passons sur la controverse autour de la fin du pétrole,
dont l'échéance sans cesse repoussée semble servir de prétexte à gaspillage
alors que de toute évidence sa quantité n'est pas illimitée. Hormis les métaux
souvent évoqués, tels
que l'argent, le chrome, le palladium, le zinc ou l'étain, on peut signaler
le scandium, l'yttrium ou les lanthanides utilisés dans la production des
objets de dernière technologie comme l'iPhone. Aujourd'hui, les Etats-Unis ou l'Europe ont
épuisé l'essentiel voire l'intégralité de leurs réserves en certains
minéraux, et sont devenus intégralement dépendants de leurs importations pour
s'approvisionner – ce qui dans certains cas fait courir un risque de rupture
d'approvisionnement pour des raisons géopolitiques.
La construction
de machines et de plates-formes numériques dont la vocation serait de remplacer
le travail humain est conditionnée à la disponibilité en quantité suffisante de
ressources à propos desquelles nous savons qu'elles sont finies, tandis que la
population mondiale augmente. Par ailleurs, les déchets issus de ces métaux
ainsi que leur recyclage sont actuellement entachés de nombreux problèmes
sanitaires – bien soigneusement délocalisés dans des pays
pauvres comme l'Inde sous couvert de participer à leur développement – ce
qui ramène au problème précédemment évoqué de la pollution.
Une solution
: substituer le travail au capital
Face à la
pollution, plus de travail est nécessaire à double titre : premièrement, pour
dépolluer c'est-à-dire diminuer la pollution existante (dans la mesure du
possible), deuxièmement, pour adopter des méthodes de production recourant
moins à des facteurs de production polluants. Face à la rareté de certaines
ressources, il est nécessaire de chercher des techniques de production
alternatives, sans quoi la montée du prix de ces matières s'abattra comme un
couperet sur le pouvoir d'achat des citoyens des pays pris au dépourvu.
La substitution
du travail au capital polluant ainsi qu'aux ressources naturelles doit être
envisagée. Elle a déjà commencé dans un secteur comme la viticulture où de
nombreuses exploitations font le choix de passer à des modes de culture plus
respectueux de l'environnement, comme la biodynamie, en remplaçant les machines
et les produits chimiques par du travail humain ou animal. Elle se produit
également dans l'industrie : Thierry
Moysset, repreneur en 2007 de la Forge de Laguiole, a procédé à une ‘démécanisation’
en supprimant toutes les machines qui pouvaient être remplacées par des hommes.
Une telle manœuvre, en réintroduisant une dimension artisanale haut de gamme,
permet de créer de l'emploi de qualité, mais également d'améliorer la
différenciation des produits, laquelle est une composante essentielle de la
compétitivité hors-prix.
Conclusion(s)
Ce passage en
revue de quelques faits significatifs permet de tirer deux conclusions. La
première est que nous n'entrons vraisemblablement pas dans l'ère de la fin du
travail, mais que les types de travail à fournir vont changer. Si l'on peut
admettre que la satiété de certains besoins ainsi que l'amélioration absolue de
certaines techniques vont permettre de libérer du travail d'un côté, il faut
également admettre que la contrainte environnementale nous empêche de laisser
cette force de travail libérée totalement vacante.
La deuxième
conclusion que l'on peut tirer, est que l'investissement dans la dépollution et
la substitution progressive de travail aux ressources naturelles non
renouvelables doivent commencer aussi tôt que possible. Leur financement doit
en partie, voire essentiellement, être public dans la mesure où il s'agit non
pas de produire plus, mais de reproduire ce qui a été détruit ou endommagé. De
ce point de vue, l'austérité budgétaire apparaît comme une politique de suicide
environnemental et donc économique à long terme, dans la mesure où elle recule
des dépenses stratégiques à long terme, pour arbitrer en faveur d'ajustements
financiers de (très) court terme.
Le financement
de la transition écologique doit être considéré comme un objectif bien plus
important que la stabilité des prix ou des marchés financiers, et il ne faut
pas s'interdire d'en faire le nouvel objectif prioritaire des banques centrales.
Passionant.
RépondreSupprimerTalisker.
"La construction de machines et de plates-formes numériques dont la vocation serait de remplacer le travail humain est conditionnée à la disponibilité en quantité suffisante de ressources à propos desquelles nous savons qu'elles sont finies, tandis que la population mondiale augmente"
RépondreSupprimerPour remplacer le travail humain il suffit de consommer moins de ressources. C'est l'exemple classique du passage au lave-vaisselle qui demande moins d'eau, d'énergie et de détergent que la même tâche réalisée à la main.
Il est vrai que l'industrie électronique use et abuse des terres rares, mais est-ce par nécessité ou par facilité ? La chlorophylle des plantes convertit l'énergie solaire avec un bien meilleur rendement que les panneaux photovoltaïques et sans exiger de terres rares.
Je ne crois pas que l'électronique et l'informatique soient menacées par l'épuisement des ressources naturelles. Elles sont encore bien trop loin de ce que leur autorise les lois de la physique et même les logiciels gaspillent la mémoire et la puissance de calcul de manière éhontée.
D'accord avec vous sur l'ampleur colossale du chantier qu'il faudrait lancer pour nettoyer l'environnement.
Ivan
L'approche économique traditionnelle table sur les évolutions techniques permettant la substitution de nouvelles technologies à d'anciennes technologies. Dommage que cet auteur passe sous silence cette donnée. La micro-électronique actuelle utilise des terres rares, soit. Mais les recherches en cours montrent que de toutes autres technologies sont envisageables, basées sur d'autres support matériels pour traiter et stocker l'information, comme les bio-molécules à l'image de l'ADN et du cerveau, la spintronique aussi, évacuant ainsi la nécessité des composés actuels utilisés pour doper le silicium.
RépondreSupprimerDe même, les matériaux de fabrication tels que l'acier pourraient bien être remplaçables par des matériaux structurés à base de carbone.
Toute la panoplie des recherches en NBIC, dans lesquelles Google, entre autres, investit à tour de bras, sont susceptibles de changer la donne. A savoir, imiter en partie la nature qui s'est développée à partir d'éléments atomiques courants pour créer des structures matérielles et informationnelles reproductibles dans un recycle production-destruction-reproduction...
Ce qui fait la spécificité humaine, mais aussi celle de l'évolution du vivant, est son inventivité jamais vraiment prévisible ni planifiable dans le détail.
olaf
La fin du travail est une rhétorique qui n'est pas neuve et qui empêche de penser le travail autrement. Par exemple l'informatique a procédé à une révolution dans le travail et ce n'est pas pour autant qu'il faut moins de travail. Les révolutions technologiques en cours révolutionnent constamment le travail La contrainte environnementale n'annonce en rien la fin du travail mais de repenser tout notre monde dont celui du travail.
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