La reconnaissance partielle du vote blanc

Billet invité de Magali Pernin, du blog Contre la Cour

Il aura fallu plus d'un an et demi de navette parlementaire pour que la proposition du groupe UDI visant à la reconnaissance du vote blanc soit définitivement adoptée.

Après deux aller-retour parlementaires, les sénateurs ont en effet adopté aujourd'hui en seconde lecture la proposition de loi.

Bien que satisfaits par cette approbation, les auteurs de cette proposition regrettent deux points : un calendrier retardé, qui empêche la comptabilisation durant les élections municipales, et la non prise en compte des bulletins blancs dans les suffrages exprimés.

La loi permet tout de même de donner une véritable définition juridique distincte au vote blanc.

Un calendrier repoussé

La proposition de loi, dans sa version initiale, était muette sur la question de sa date d’application, mais il était convenu, dans l’esprit de tous, qu’elle devait s’appliquer aux élections municipales. Le Sénat, au mois de février 2013 a, avec l’accord du Gouvernement, indiqué qu’elle devrait s’appliquer au 1er mars 2014, c’est-à-dire avant les élections municipales.

Neuf mois plus tard, les députés du groupe socialiste ont cependant proposé et adopté un amendement repoussant la date d’application de la loi du 1er mars au 1er avril. Raison invoquée: « le processus électoral [étant] déjà bien engagé [...], l’application informatique de comptage des votes ne permet actuellement pas la prise en compte des bulletins blancs » .

Selon l’opposition, cet amendement était justifié par la volonté des socialistes de favoriser le vote extrême et d’augmenter leur chance de victoire dans les cas de triangulaires. En effet, avec la comptabilisation distincte des votes blancs, les parlementaires estiment que les électeurs mécontents seront plus attirés par un vote blanc que par un vote extrême.

En novembre, le gouvernement s'était cependant engagé à tout faire pour que la proposition « revienne au Sénat dans les meilleurs délais, afin qu’elle puisse effectivement être mise en application dès les élections européennes ».

Les votes blancs exclus des suffrages exprimés

Alors que la proposition de loi initiale prévoyait que les votes blancs « entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés », cette formule n'a pas été retenue par les deux Assemblées.

La loi n’innove que par deux éléments:

1°) Les enveloppes vides seront désormais considérées comme des votes blancs. Actuellement, de tels bulletins sont considérés comme nuls.

2°) Les bulletins « blancs » et les bulletins « nuls » seront désormais comptabilisés de façon distincte.

En réalité, la prise en compte des votes blancs parmi les suffrages exprimés pose de sérieuses difficultés politiques et juridiques lorsqu’il s’agit d’élections visant à désigner des personnes.

En effet, lorsqu’il s’agit de répartir les sièges d’une Assemblée, on voit mal en effet comment attribuer 10% des fauteuils à ce qui relève d’une absence de choix.

Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’on considère une élection visant à choisir un seul candidat: comment trancheriez-vous un résultat donnant 36% des voix au candidat A, 33% au candidat B et 33% à aucun d’entre eux?…

De plus, comptabiliser les votes blancs parmi les suffrages exprimés nécessiterait une réforme constitutionnelle car l’article 7 de la Constitution dispose que « le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ».

Les résultats nous démontrent qu’une telle condition n’était pas réunie lors des élections de Jacques Chirac (49,5% des votants) et François Hollande (48,6%).

Néanmoins, au plus on imagine un nombre élevé de bulletins blancs, au plus la légitimité de la répartition des sièges entre les candidats est remise en question.

Pour aller pour loin, les citoyens et les parlementaires devront se donc pencher sur la question délicate du seuil au delà duquel le nombre de vote blanc rend l’élection illégitime.

Note: Cet article est un résumé des deux articles publiés sur le blog ContreLaCour

- Un vote blanc enfin reconnu mais toujours non comptabilisé parmi les suffrages exprimés

- Les députés socialistes reportent la reconnaissance du vote blanc après les élections municipales