Billé invité de Magali Pernin, du très
recommandable blog Contre la Cour
Le Parlement européen : une institution récente
Le Parlement
européen tel qu'on le connait est né en 1979, année où pour la première fois
les membres ont été élus au suffrage universel direct. Avant cela, l'Assemblée
européenne était composée de parlementaires nationaux mandatés par leurs paires
pour représenter leur pays.
Par
conséquent, 1979 est en soit une petite révolution car il marque la naissance
d'une assemblée composée d'élus exclusivement choisis pour défendre l'intérêt
européen. Seul le Conseil est désormais en charge de la défense des intérêts
nationaux.
Avant 1979,
plusieurs dates doivent cependant être retenues :
- En
septembre 1952, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) a établi
une Assemblée commune de 78 membres issus des parlements nationaux des six pays
constituant la CECA.
- En mars
1957, une Assemblée parlementaire européenne est créée avec la mise en place de
la Communauté économique européenne (CEE)
- En 1962,
cette Assemblée est renommée Parlement européen.
Depuis 1979,
l'effectif du Parlement européen a été augmenté à chaque élargissement, passant
de 78 députés en 1952 à 788 en 2004. Depuis le 1er juillet 2013, ce nombre est
de 766 (736 élus en 2009, 18 supplémentaires depuis l'entrée en vigueur du
traité de Lisbonne, 12 députés croates élus en 2013). Le nombre maximum de
parlementaires est désormais plafonné à 751.
Les modalités d'élections
En France,
le scrutin était "national" jusqu'aux élections de 1999. En 2003, le
gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait déposé un projet de loi mettant en
place huit grandes circonscriptions françaises : Nord-Ouest, Sud-Est, Est,
Massif-Central-Centre, Sud-Ouest, Île-de-France, Ouest et Outre-Mer.
L'an
dernier, un
débat s'est tenu au Parlement français sur le rétablissement de la
circonscription unique. Après l'approbation de la proposition de loi au
Sénat en 2010, les députés des groupes PS, UMP et UDI se sont réunis autour
d’une opposition commune à ce texte: les uns jugeant le système actuel
suffisamment satisfaisant du point de vue du pluralisme politique, les autres
satisfaisant du point du vue du « non émiettement » des voix.
Face à eux,
les députés de gauche entendaient, eux, aider les petits partis à gagner
quelques sièges au Parlement européen, espérant ainsi susciter l’intérêt des
français pour ce scrutin déserté.
La France
compte le plus fort taux d'abstention aux élections européennes.
Les pouvoirs du Parlement européen
"Le
Parlement européen est sans doute l'institution dont le pouvoir a plus évolué à
travers le temps. En résumant, on pourrait dire qu'il passe du presque rien au
presque tout" (Florence Chatel)
Doté
initialement d'un simple pouvoir consultatif en matière d'adoption des textes
(directives ou règlements), le Traité de Lisbonne (article 14 TUE) a fait du
Parlement européen un véritable législateur de l'Union. Désormais, le Parlement
est placé quasiment sur un pied d'égalité avec le Conseil de l'Union
européenne.
Il faut
savoir que la procédure de "consultation" a été jusqu'en 1986 la
seule procédure d'association du Parlement européen à la décision européenne.
Aujourd’hui elle n'existe pratiquement plus que dans les cas où le Conseil de
l'UE statue à l'unanimité.
Dans la
procédure de consultation, le Parlement ne dispose d'aucun pouvoir de blocage.
Les députés sont simplement saisis pour "avis".
L'Acte
unique européen a institué une nouvelle procédure, dite de
"coopération", qui a permis d'associer plus étroitement le Parlement
européen à la prise de décision.
La procédure
de codécision est apparue avec le Traité de Maastricht. Chacun des traités
ultérieurs a contribué à la généralisation de cette procédure, devenue
"procédure législative ordinaire" de l'UE avec le Traité de Lisbonne.
Le Traité de
Lisbonne renforce également le poids du Parlement européen dans l'adoption du
budget européen (règlement fixant le cadre financier pluriannuel). Celle-ci
nécessite désormais un vote à la majorité des membres qui le composent, et non
des seuls suffrages exprimés.
Un
véritable co-législateur
Dans
procédure législative ordinaire, les propositions de texte sont transmises par
la Commission au Parlement européen et au Conseil.
Le Parlement
européen arrête sa position en première lecture et la transmet au Conseil. Si
le Conseil approuve la position du Parlement, l'acte concerné est adopté. Dans
le cas contraire, le Conseil transmet sa position au Parlement.
Ce dernier
dispose d'un délai de trois mois pour soit approuver la position du Conseil,
soit rejeter, à la majorité des membres qui le composent, la position du
Conseil (l'acte proposé est réputé non adopté) ou alors proposer, à la majorité
des membres qui le composent, des amendements à la position du Conseil, le
texte ainsi amendé est transmis au Conseil et à la Commission, qui émet un avis
sur ces amendements.
Le Conseil
dispose à son tour d'un délai de trois mois après réception des amendements du
Parlement européen pour approuver tous ces amendements (l'acte concerné est
réputé adopté). S'il n'approuve pas tous les amendements, le président du
Conseil, en accord avec le président du Parlement européen, convoque le comité
de conciliation dans un délai de six semaines.
Le comité de
conciliation, qui réunit les membres du Conseil ou leurs représentants et
autant de membres représentant le Parlement européen, a pour mission d'aboutir
à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée des membres du Conseil
ou de leurs représentants et à la majorité des membres représentant le
Parlement européen dans un délai de six semaines à partir de sa convocation. Ce
comité est souvent appelé "trilogue".
S'il
n'approuve pas de projet commun, l'acte proposé est réputé non adopté. Si, dans
ce délai, le comité de conciliation approuve un projet commun, celui-ci est
transmis aux deux institutions pour troisième lecture. Le Parlement européen et
le Conseil disposent chacun d'un délai de six semaines à compter de cette
approbation pour adopter l'acte concerné. À défaut, l'acte proposé est réputé
non adopté.
Les domaines
soumis à la procédure législative ordinaire sont nombreux. Ils sont
principalement liés au marché intérieur (par exemple : interdiction des
discriminations, liberté de circulation, transport, ...). Les domaines les plus
sensibles demeurent soumis aux procédures législatives spéciales, c'est à dire
à l'unanimité du Conseil de l'UE.
A coté de
l'approbation des directives et des règlements contraints à ces domaines, le
Parlement européen vote un nombre considérable de rapports et de résolutions. Beaucoup
de parlementaires regrettent ce gaspillage de temps et d'énergie.
Pas de
pouvoir d'initiative réel
La
Commission dispose du monopole de l'initiative. Elle seule peut décider de
porter un texte à l'approbation des institutions européennes.
Les Etats et
les parlementaires ne disposent que d'un droit d'initiative indirect. Selon
l'article 225 du TFUE, le Parlement européen peut, à la majorité des membres
qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition
appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration d'un
texte. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les
raisons au Parlement européen.
Le
contrôle de la Commission européenne
Si la motion
de censure existe depuis l'origine des Traités, le rôle du Parlement européen
dans l'investiture du président de la Commission et des commissaires est allé
croissant. Désormais, le Parlement se livre à des auditions poussées des
commissaires avant de voter leur investiture.
Pour les
prochaines élections européennes, les grands groupes parlementaires ont choisi
leur candidat à la présidence de la Commission. Ils espèrent ainsi offrir un
enjeu mobilisateur aux citoyens européens. Néanmoins, cela n'est pas sans poser
problème. D'une part parce que les résultats ne donneront vraisemblablement pas
une majorité absolue à un groupe parlementaire. Le choix du Président de la
Commission devra donc faire l'objet d'un compromis entre les partis. D'autre
part, parce que la Commission européenne est composée d'autant de membres que
d'Etat et que le choix d'un candidat par les parlementaires engage l'Etat dont
il partage la nationalité.
Le fonctionnement interne
Connaissez-vous
la loi d'Hondt ? Cette règle, non écrite, est pourtant fondamentale dans le
fonctionnement du Parlement européen. C'est elle qui, par un savant partage de
points entre les groupes parlementaires selon leur poids respectif, permet
d'attribuer les rapports ainsi que les postes dans les 22 Commissions composant
le Parlement.
Ainsi, les
groupes politiques positionnent leurs "points" sur les Commissions
qu'ils souhaitent présider.
Il y a, à ce
propos, une anecdote caractéristique de l'ambiance unique qui règne au
Parlement. Celle de la Commission du commerce international qui, lors de sa
création en 2004, a vu Jean-Marie le Pen présider la séance (car il en était
alors le doyen) et organiser ainsi le vote désignant Helmuth Markov, membre de
la Gauche unitaire, comme président de la Commission.
Un Président
issu de la gauche radicale applaudi par un doyen d'extrême droite ? L'exemple
est cocasse et certes tiré par les cheveux. En tout cas, il montre que, loin
des caméras et de la pression médiatique et électorale, le travail au Parlement
européen est souvent fait de consensus et de compromis.
Si la
plupart des textes sont adoptés par les deux grands groupes politiques (les
socialistes et le parti populaire), c'est parce qu'avant les séances plénières,
les groupes d'opposition échangent souvent leur approbation contre des
amendements.
Puisque dans
la plupart des cas, la droite disposant de la majorité des sièges, les textes
proposés par la Commission seraient adoptés, les groupes d'opposition cherchent
à améliorer, plus ou moins à la marge, les directives et les règlements.
Lors des
séances plénières, on voit ainsi selon les amendements, des vagues alliant
tantôt socialistes, centristes, et parti populaire, tantôt socialistes,
écologistes et gauches radicales.
Avant chaque
séance de votes, on peut dire que les jeux sont faits, les alliances décidées.
Chaque parlementaire entre dans l'hémicycle avec une "feuille de
vote" précisément remplie. Pour chacun des amendements et textes votés,
les consignes de votes sont connues.
Ces feuilles
de vote sont tellement sensibles que les passages menant à l’hémicycle sont
sérieusement surveillés. L’idée serait bien vite venue à l’esprit d’un
lobbyiste d’échanger la feuille de vote d’un parlementaire avec une autre plus
favorable à ses causes.
C'est
certain, il faut au moins une fois dans sa vie, assister à une séance de vote
au Parlement européen. C'est là un spectacle très étonnant, voire effrayant, que
de voir pendant près d'une heure les mains des parlementaires sans cesse se
lever, se baisser, à un rythme effréné.
Merci ... mais ça ne me donne vraiment pas l'envie de voir l'UE et ses instances perdurer sous cette forme ...
RépondreSupprimer« Lors des séances plénières, on voit ainsi selon les amendements, des vagues alliant tantôt socialistes, centristes, et parti populaire, tantôt socialistes, écologistes et gauches radicales. » En effet. Je ne peux que recommander le site VoteWatch pour suivre les alliances politiques et nationales possibles.
RépondreSupprimerPar exemple, dans un vote récent sur le renforcement des outils anti-dumping (douanes sur les produits chinois par exemple..), la majorité était assez intéressante : tous les eurodéputés socialistes, écolos et gauchistes pour, ainsi que tous les députés « latins » et la plupart des pays de l'Est. Ainsi on avait une majorité « protectionniste » sud-orientale..
http://www.votewatch.eu/en/protection-against-dumped-and-subsidised-imports-from-countries-not-members-of-the-eu-draft-legislat-8.html
« C'est là un spectacle très étonnant, voire effrayant, que de voir pendant près d'une heure les mains des parlementaires sans cesse se lever, se baisser, à un rythme effréné. » En effet !
@ A-J
RépondreSupprimerBien d'accord
@ CJWilly
Merci pour ce témoignage
Gilbert Perrin a partagé un lien.
RépondreSupprimeril y a 14 heures
TR: C'est court, mais virulent
> C'est peut être excessif mais... oui, c'est éloquent, voilà qui est dit.
> C'est court et virulent ! C'est plutôt rare pour être passé en boucle...
> ...Afficher la suite
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