Billet invité de Roger
Franchino
Le référendum du 17 mars sur le rattachement de la Crimée en
dépit des vociférations occidentales confirme donc le grand
retour de la Russie déjà
perceptible de façon croissante dans les affaires de l’Iran et de la Syrie.
L’Occident s’en alarme comme s’il fallait s’attendre à un
retour de l’URSS alors que c’est la Russie éternelle qui renait des cendres où l’avait entrainée pendant 70 ans un
régime exécrable.
« la Russie absorbera le communisme comme le buvard
boit l’encre » disait De Gaulle.
La Russie aujourd’hui est la 9ème économie
mondiale, avec 145 millions d’habitants sur une superficie égale à 30 fois la
France, et, membre du Conseil de Sécurité, elle reste la seconde puissance
nucléaire derrière les USA.
Naturellement, compte tenu de cela et de son Histoire
millénaire , elle aspire à retrouver la place qui fut la sienne sous l’Empire
ou du temps de l’URSS.
Faut- il s’en étonner ? Faut-il s’en inquiéter ?
Sur l’affaire de l’Ukraine d’abord.
Histoire ancienne
et convulsive certes comme
l’a si bien démontré voici longtemps déjà Mme Hélène Carrère d’Encausse dans « l’Empire Eclaté »
prophétisant la chute de l’URSS.
Histoire moderne aussi, puisque depuis toujours la Russie
n’a de cesse de se ménager l’accès aux mers chaudes qu’elle détient depuis
longtemps grâce à Sébastopol, et qu’évidemment elle ne saurait abandonner au
bénéfice d’une Ukraine qui ouvrirait cette base aux navires de l’Otan
Histoire contemporaine enfin de la Russie nouvelle qui,
quelles que soient ses oligarchies et ses réflexes héritées d’un passé récent,
est un pays qui aspire profondément au développement économique c’est-à-dire à la paix dans le cadre d’une
coopération équilibrée avec ses voisins.
C’est ainsi que l’Europe, l’Allemagne en premier, la France,
l’Italie, la Grande Bretagne ensuite,
ont développé extrêmement rapidement leurs échanges et investissements
avec cet immense marché qui les approvisionne principalement en matières
premières et en énergie.
La Russie n’est plus l’URSS autarcique, ni l’ennemi
idéologique du système économique
occidental !
Dès lors le passé comme le bon sens et l’avenir auraient dû retenir l’Occident, de Washington à Bruxelles, de
laisser leurs boute feux
atlantistes aller agiter jusque sous les fenêtres de Moscou le drapeau
de l’Alliance Atlantique via l’Otan et sa succursale économique qu’est devenue
l’UE.
La Russie est une nation, un continent, un grand peuple fier doté d’une conscience ancienne qui est en train de retrouver le monde libéral à son
rythme, un pays pas plus
impérialiste que ses principaux concurrents américain ou chinois, mais soucieux
de tenir son rang dans un monde qui ne soit plus livré à la seule Pax
Americana.
Il convient donc que l’Occident ultra fasse son
aggiornamento de la paix Mac Do,
prenne acte que le monde change et
que dans les prochains équilibres, notamment face à une Chine superpuissance,
il faudra compter avec la Russie et peut être même sur elle.
En particulier, il est temps que cessent de donner des
leçons de droit international ceux en Europe et aux USA qui ont laissé
l’Allemagne financer la déstabilisation de la Yougoslavie, allumer la guerre civile et l’éclatement du
pays en reconnaissant le 23 décembre
1991 la sécession de la Croatie et de la Slovénie, sans d’ailleurs que
Mitterand soit consulté par Kohl ni même qu’ensuite il s’y oppose. Pire, la
Commission Badinter de la Communauté Européenne lui donnera l’apparence de la
légalité .
Enfin la sécession du Kosovo en 2008 qui parachève la disparition de la
Yougoslavie a été instrumentée et
avalisée sans sourciller par les grands pays occidentaux au premier rang
desquels les USA et la France.
La France justement, dans cette affaire en Ukraine, aveuglée
qu’elle est par son atlantisme militant et sa soumission à une Europe allemande
travestie en farce fédéraliste, ne sait pas prendre le parti que son Histoire
et ses intérêts lui dictent.
Sauf exception napoléonienne, la Russie a généralement été
notre alliée, assurant à l’autre bout du continent un contrepoids efficace dans les épreuves que nous avons traversées.
Et l’on ne peut nier que le capitalisme ultra libéral anglo
saxon a trouvé dans l’existence de
la défunte URSS motif à
modérer ses ardeurs jusqu’au début des années 90 qui marquèrent l’essor de ses
excès, que ce soit ceux de la finance et de la dérégulation, de la
mondialisation et des délocalisations, ou
de l’affaiblissement des Etats.
C’est ce qu’avaient compris De Gaulle et Pompidou qui tout
en condamnant le régime soviétique, voyaient bien que l’intérêt de la France et
d’une Europe en paix, ambitieuses
donc souveraines, passait par le juste équilibre entre la Russie et les USA
comme l’y incitent la géographie et non par l’alignement en supplétifs aveugles
de l’un ou de l’autre.
Tenir le juste milieu, tendre la main à la Russie en lui
ouvrant largement la porte d’une coopération économique tout autant qu’aux
autres républiques indépendantes de l’ex URSS sans tenter de les enrôler dans
l’UE et l’Otan, en contrepartie du
respect des frontières reconnues, voilà
ce que le bon sens dicte à l’Europe , voilà ce qui s’impose de toutes manières
à la Russie, et voilà le chemin que devrait montrer la France .
Etre le partenaire qui peut entendre l’un et se faire comprendre de l’autre, voilà le rôle que son Histoire propre assigne
évidemment à la France tant
que sa voix a encore quelque résonance dans le monde et particulièrement sur ce
continent européen où rien ne peut se faire sans-elle pour autant qu’elle le
fasse savoir.
Cela évidemment ne peut s’accommoder des intérêts à courte
vue de l’oligarchie atlantiste qui truffe nos palais et ceux de Bruxelles et
décrie bruyamment ses compères oligarques de l’Est tout en se régalant
à leurs tables à Courchevel, Cannes, ou
Londres.
La France est absente aujourd hui, mais le retour de la
Russie nous montre à nous Français qu’un vent du renouveau est possible.
"Sauf exception napoléonienne, la Russie a généralement été notre alliée, assurant à l’autre bout du continent un contrepoids efficace dans les épreuves que nous avons traversées"
RépondreSupprimerDisons que quand elle n'a pas été notre alliée (1812, suites de la guerre de Crimée en 1870, pacte germano-soviétique) ça s'est mal passé.
Mais ce n'était pas toujours la faute à Poléon : en 1812, si la Russie avait maintenu le blocus comme elle s'y était engagée contre avantages à Tilsit, la face du monde en aurait été changée.
Très bon texte, l'essentiel est dit: retour de la nation russe, absence de la France.
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