lundi 24 mars 2014

L'illusion de la taxe sur les transactions financières (billet invité)


Billet invité de l'Oeil de Brutus

Même si la proposition de taxe Tobin existe depuis 1972, l’idée de taxe sur les transactions financières est un véritable serpent de mer politique depuis le début de la crise des subprimes. Il n’est pas un politicien de haut vol qui clame haut et fort l’urgence de la mise en place de cette taxe. Sauf que, voilà, cela fait maintenant six ans, et l’on attend encore.


Au niveau français
La France peut certes s’enorgueillir, depuis le 1er août 2012, d’être une des rares nations à appliquer une forme de taxe sur les transactions financières (TTF). Mais il ne faut pas aller bien loin pour faire  blêmir l’orgueil : cette taxe de 0,2% ne s’applique qu’exclusivement aux achats d’actions de sociétés françaises (et pas étrangères …). En sont donc exclus toutes les opérations en Service de règlement différé (SRD), ventes à découverts et produis dérivés. Les opérations les plus spéculatives ne sont donc pas touchées. Les plus mis à contribution (comme d’habitude) sont donc les membres des classes moyennes qui font le choix de placer une partie de leur bas de laine pour financer des sociétés … françaises. Encore une belle poudre aux yeux !

Au niveau européen
Chaque sommet européen, ou presque, est l’occasion de remettre le sujet sur le tapis et de taper du poing sur la table au nom de la moralisation de la finance. Sauf qu’à part la table, personne n’a bien mal, et surtout pas « notre ennemi la finance ». La taxe européenne sur les transactions financières demeure dans les limbes et perpétuellement remise aux calendes grecques. On notera que, derrière les embrassades de façade, le principal point de blocage réside dans un profond désaccord franco-allemand : les Allemands veulent taxer principalement les marchés d’actions, secteur sur lequel les banques françaises sont largement leaders, tandis que les Français veulent s’en prendre aux produits dérivés les plus spéculatifs, notamment ceux liés à la spéculation sur la dette des Etats. Grand hic : les banques allemandes sont en pointe sur ce dernier secteur[i]. On notera, encore une fois, comme sur le sujet de la réforme bancaire, l’ambivalence, pour ne pas dire l’hypocrisie, de Mme Merkel : d’accord pour « moraliser » la finance, mais pas touche à la Gross Deutsch finanz

Tout bien pesé, on en reste donc bien à la régulation bancaire au pistolet à bouchon. Et ce n’est pas près de changer … 


[i] En pratique, les banques allemandes spéculent donc contre la dette des autres Etats, notamment ceux du Sud de l’euro, ce qui met ces pays en difficultés sur les marchés financiers et permet au gouvernement allemand, via la fameuse Troïka (BCE, FMI, Commission européenne) de dicter à ces pays les conditions qui lui permettront de s’assurer que ses banques seront bien remboursées. Un beau jeu de dupe au cours duquel la finance allemande (mais pas seulement elle) gagne deux fois, et les peuples perdent deux fois …

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