mercredi 30 avril 2014

La mauvaise foi des partisans de l’euro


De plus en plus d’intellectuels prennent position contre l’euro : journalistes de l’Express et l’Expansion, pas moins de neuf « prix Nobel d’économie », d’innombrables économistes. Mais il reste encore quelques partisans à la monnaie unique européenne. Leur argumentation n’est vraiment pas solide.


Déni de réalité caractérisé

Challenges a réussi à dégoter une économiste pour essayer de défendre l’euro : Anne-Laure Delatte, vue à la télévision. Elle soutient que « si la France récupérait sa souveraineté monétaire, nous ne serions pas plus forts, mais bien plus vulnérables face à la spéculation ». La Grande-Bretagne, malgré des déficits supérieurs aux nôtres, démontre le contraire, comme la Suède, les Etats-Unis ou le Japon, du fait des interventions de leur banque centrale. Ensuite, elle nous fait le coup de la menace inflationniste, évoquant les années 1970, en oubliant juste de noter le rôle de l’explosion des prix du pétrole… Là encore, l’exemple des quatre pays plus hauts démontre qu’il est parfaitement possible de dévaluer et monétiser sans provoquer un cataclysme inflationniste. Les taux n’y sont pas plus hauts que dans la zone euro.

Quelle malhonnêteté d’évoquer le cas de l’Allemagne des années 1920 pour la monétisation alors même que le cas britannique montre que cela est possible à large échelle (375 milliards de livres en 5 ans) sans gros dérapage inflationniste. Cette argumentation rappelle celle d’Henri Weber, du PS, corrigé par Jacques Sapir, qui prédit lui aussi une catastrophe en cas de fin de la monnaie unique. Le problème est que ce qu’ils prévoient s’est réalisé, mais pour les pays qui sont restés dans l’euro. De manière intéressant, ils n’évoquent aucun des nombreux exemples de fin d’union monétaire, qui démontrent l’exact contraire de ce qu’ils souhaitent démontrer. L’euro est un boulet et non pas une bouée.

Peur (injustifiée) sur la dette

mardi 29 avril 2014

Ne faut-il pas protéger Alstom de GE, mais aussi de Siemens ?


Alors que la menace d’un rachat d’Alstom par GE se précise puisque le patron de l’entreprise a rencontré le président hier, le gouvernement semble vouloir faire de Siemens le chevalier blanc. Mais, il n’y a pas qu’un choix entre ces deux maux pour cette belle entreprise, contrairement à ce que beaucoup indiquent.


De la peste et du choléra

La perspective du rachat de 70% d’Alstom par General Electric, le colosse étasunien (au CA de plus de 100 milliards) n’est guère réjouissante. Cela reviendrait à entériner la vente par appartement d’un des fleurons de notre industrie. Jean-Pierre Chevènement a écrit à Manuel Valls pour s’y opposer, pointant notamment les conséquences désastreuses du rachat des turbines à gaz du groupe par le même GE en 1999. Nicolas Dupont-Aignan affirme que « l’objectif de GE est de reprendre les brevets et ensuite de les rapatrier aux Etats-Unis ». Un scénario que l’on ne peut pas exclure, surtout quand on se rappelle les précédents de Péchniney et Arcelor, comme le note Bruno Dive dans Sud-Ouest.

Du coup, Siemens peut apparaître comme une meilleure solution, pour bâtir un Airbus, de l’énergie et des transports. Mais cette vision des choses est totalement naïve. D’abord, ce ne serait pas un mariage d’égaux. De plus, comme le souligne le patron d’Alstom, toute fusion risquerait rapidement d’avoir de grosses conséquences sur les emplois du fait de la proximité des activités des deux groupes. Pire, la proposition de Siemens de céder ses actifs dans les transports à Alstom est un jeu de dupes, comme le révèle son rapport annuel, page 188 : c’est la branche la plus mal en point du groupe, qui a perdu 448 millions d’euros en 2013 pour un chiffre de 6,3 milliards ! Bref, il n’y aurait qu’un gagnant dans un tel montage, Siemens, qui serait plus gros et aurait fourgué sa branche la moins performante !

Une troisième voie, nationale

Eric Hazan décrypte le choix des mots et la propagande

Papier publié une première fois en juin 2008, introduction au papier de demain sur la guerre des mots autour du traité transatlantique

Le livre LQR, la propagande au quotidien propose une réflexion particulièrement instructive sur l’influence du choix des mots dans la perception de la réalité. Il dénonce l’emploi par les élites d’un vocabulaire étudié pour étouffer le débat démocratique.

LQR signifie Lingua Quintae Republicae (langue de la Cinquième République). En créant ce terme, Eric Hazan fait un parallèle avec la Lingua Tertii Imperii (langue du Troisième Reich) et la novlangue du 1984 de Georges Orwell. La thèse de l’auteur consiste à soutenir que les élites du pays (politiques, médiatiques et économiques), qui ont toutes suivies les mêmes formations dans les Grandes Ecoles, ont créé petit à petit un langage, qui, en substituant un terme par un autre, transforme la perception de la réalité à des fins politiques, notamment de manière à contraindre l’adhésion aux politiques néo-libérales. Cette LQR viserait à établir un consensus politique en supprimant les opinions alternatives, par un double processus de dé-crédibilisation des opinions contradictoires et de présentation flatteuse de la « pensée unique ».

lundi 28 avril 2014

L’UMP se moque du monde sur Schengen !



L’approche des élections européennes fait redécouvrir à l’UMP la question de l’immigration et le fait qu’elle est liée aux traités européens. Le parti fait donc des propositions pour permettre à l’Europe de reprendre le contrôle de sa politique migratoire. Une énorme escroquerie intellectuelle !


Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Tout d’abord, il faut rappeler ici que le traité de Schengen, comme tous les autres traités européens, a été accepté par l’UMP, comme le PS. L’opposition est donc co-responsable des dérives que provoque ce mauvais accord. Pire, il faut quand même rappeler que l’UMP a été au pouvoir de 2002 à 2012, et a donc eu dix longues années pour essayer de changer ce qui n’allait pas en Europe. Et elle a eu deux occasions majeures, puisqu’elle pouvait chercher à inscrire les modifications qu’elle jugeait nécessaires dans le TCE rejeté par les Français en 2005, et suite à ce « non », elle pouvait chercher à obtenir des compensations lors de la négociation du traité de Lisbonne, avant de le ratifier.

Bref, on ne peut pas dire que l’UMP n’a pas eu l’occasion d’améliorer la politique européenne d’immigration. La seule chose qui a été faite, en 2008, était un « Pacte sur l’immigration et l’asile », pendant la présidence française de l’UE. Cela signifie de facto que ce pacte n’était que du vent, qui ne réglait aucun problème. La faillite de la politique européenne de l’immigration est aussi et surtout la faillite des politiques menées par l’UMP et le PS qui ont accepté des traités nous privant des moyens de contrôler nos frontières. Il est quand même effarant de lire dans le programme de l’UMP que « nous souhaitons également rendre possible l’expulsion dans leur pays, hors Schengen, des délinquants récidivistes et des criminels ». Parce que cela n’était pas possible avant et qu’ils n’ont rien fait pour changer cela ?

Ici encore, le problème, c’est l’Europe

dimanche 27 avril 2014

Aurélien Bernier développe sa vision de la « désobéissance européenne »



Après avoir fait une synthèse bien balancée de toutes les carences de cette Europe, Aurélien Bernier analyse les propositions des autres partis puis détaille sa vision de « la désobéissance ».

L’Europe dans le débat public

Pour lui, « la social-démocratie utilise l’Europe pour justifier son inaction, après l’avoir construit telle qu’elle est », et ironise sur le programme du PS qui dit que : « nous ne voulons plus du dumping social et de la casse des services publics imposés par les gouvernements de droite au pouvoir à la Commission Européenne », comme si Lionel Jospin n’avait pas signé ces directives … Il n’est pas plus tendre pour les Verts, dont il dénonce les « réactions irrationnelles » sur une Europe aux mains des lobbies.

Pour lui, le PS et les Verts devraient indiquer dans leur programme : « nous prenons acte du fait que le droit européen s’impose aux Etats, et que bon nombre de nos propositions ne sont pas compatibles avec les textes communautaires. Nous voulons changer l’Europe de l’intérieur, ce qui prendra un temps certain, pour ne pas dire quelques décennies. D’ici là, nous renonçons à appliquer le programme que nous soumettons au vote des électeurs. Nous nous en excusons d’avance auprès du peuple ».

Par rapport au texte initial, l’auteur a remis à jour la partie concernant DLR, même s’il conserve la référence à un texte de 2006. Du coup, dans cette nouvelle mouture, il propose une analyse plus à jour du programme du mouvement, même s’il en sous-estime sans doute un peu la radicalité dans la rupture avec le néolibéralisme (protectionnisme, taxe sur les transactions financières, monétisation… etc), même s’il faut reconnaître qu’il a raison de dire qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec le capitalisme.

La désobéissance européenne en pratique

samedi 26 avril 2014

Le RDIE : la bombe à retardement démocratique du traité transatlantique


Dans son livre consacré à l’accord transatlantique, Danièle Favari donne toutes les raisons pour s’y opposer. Et par-delà les risques sanitaires et le fait de servir les multinationales, il y a un mécanisme peu connu mais révoltant, survivance du défunt AMI, les RDIE, ces tribunaux qui asservissent les démocraties.

Le RDIE, qu-est-ce que c’est ?

Le RDIE (Règlement des Différends entre Investisseurs et Etats), ou ISDS en anglais (Investor-State Dispute Settlement) est « un mécanisme d’arbitrage privé entre les investisseurs et les Etats qui se substituerait aux juridictions existantes, permettant ainsi aux investisseurs privés de s’affranchir de toutes les lois et, de contourner les décisions qui leur seraient gênantes et de sanctifier la privatisation du pouvoir législatif ». Les Etats et les Parlements ne peuvent rien contre ces jugements. 6514 cas ont été soumis en 2012. Danièle Favari note que « 15 arbitres ont décidé de 55% de tous les litiges connus » et que « les revendications des Investisseurs ont été acceptées dans 70% des décisions arbitrales connues en 2012 », avec 1,77 milliards de dollars d’indemnité à Occidental contre l’Equateur.

Selon le mandat de la Commission « l’accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseur / Etat efficace et à la pointe, assurant la transparence, l’indépendance des arbitres et la prévisibilité de l’accord, y compris à travers la possibilité d’interprétation contraignante de l’accord par les Parties. Le règlement des différends d’Etat à Etat devrait être inclus, mais ne devrait pas interférer avec le droit des investisseurs d’avoir recours à des mécanismes de règlement des différends investisseur-Etat ». Il doit protèger les investisseurs contre « la discrimination (par rapport à des locaux, l’expropriation, un traitement injuste et inéquitable et la possibilité de transfert de capitaux ».

La démocratie dans une cage

L’arnaque du mode du calcul de l’inflation 2/2 (billet invité)



Le vif du sujet : la part des différentes dépenses dans le calcul de l’inflation


Le site de l’INSEE permet d’avoir accès la courbe suivante d’évolution de l’inflation de ces quatorze dernières années :

En première approche, on se dirait donc que la BCE a bien son fait travail : l’inflation demeure maîtrisée et inférieure à 2%. Mais il faut aller plus loin. Car lorsque l’on trouve les coefficients de pondération utilisés on peut être estomaqués :

vendredi 25 avril 2014

Les colères stériles de la gauche du PS


La présentation du plan d’économie par Manuel Valls a de nouveau réveillé la gauche du PS, logiquement choquée par la direction politique prise. Mais parce que cette direction n’est pas nouvelle et remonte au moins à 1983, on peut se demander à quoi sert l’aile gauche du PS ?


Une rébellion bienvenue ?

A priori la contestation de la ligne du gouvernement par une partie de sa majorité est plutôt une mauvaise nouvelle. Et par contestation, je ne parle pas des ajustements dérisoires autour des 50 milliards d’économie que proposent quelques députés, qui valident le cadre de réflexion profondément antisocial de la majorité, ceux-ci proposent de changer la décoration du Titanic alors qu’il se dirige vers l’iceberg. Les vrais rebelles, ce sont ceux qui remettent en cause le montant même des économies à réaliser et qui proposent de ne pas respecter les engagements européens de la France. Au bémol près qu’ils s’étaient vite calmés après un premier coup de sang suite à la nomination de Manuel Valls.

Marie-Noelle Lienmann a qualifié la politique du gouvernement de « scandale » ! Mardi, Manuel Valls a reçu quelques députés récalcitrants avec Bruno Le Roux. Mais son discours n’est pas très offensif puisqu’il suit la logique du président, à savoir quête de compétitivité et baisse de la dépense publique. Les annonces de Michel Sapin ont confirmé la direction prise : quelques ajustements semblent pouvoir les amadouer. Au final, on en vient à se demander si ces incessantes querelles entre le gouvernement et l’aile gauche de sa majorité ne sont pas chorégraphiées pour servir l’un et l’autre ? En effet, l’aile gauche gagne une importance et un positionnement. Et le gouvernement y gagne une image plus centriste en montrant qu’il est plus « raisonnable » que l’aile gauche du PS. Et en cédant sur quelques points, il pourrait bien au final garder la même direction tout en espérant montrer une certaine humanité.

Un rêve qui en restera un

L’arnaque du mode du calcul de l’inflation 1/2 (billet invité)



C’est le seul et unique objectif de la BCE[i] : la maîtrise de l’inflation (inférieure à 2%). Qui suit quelque peu les questions économiques entend d’ailleurs régulièrement les orfèvres de la pensée (unique) libérale et monétariste que cela est indispensable à la bonne santé de l’économie[ii]. On pourra épiloguer plus tard sur la pertinence de cette assertion. Mais avant de cela, il faudrait plutôt voir si l’inflation est réellement maîtrisée, car telle ne semble pas être la perception de nombre de Français[iii].
Perception de l’inflation

En France, l’inflation est calculée par l’INSEE[iv] et celle-ci a mis en ligne une fiche explicative à vocation pédagogique sur le sujet[v]. Ainsi, si les Français ont le sentiment que les prix montent (beaucoup), c’est tout simplement que leur perception est mauvaise : « La mémoire humaine est sélective. Il est certain que nous retenons mieux les fortes hausses. De plus, la mémoire humaine est imprécise en ce qui concerne les chiffres et, quand nous effectuons un achat, nous ne nous souvenons pas avec une grande précision du prix que nous avions payé lors du précédent achat du même produit. » Passons cette approche pseudo-cognitive qui mériterait d’être étayée par quelques études scientifiques dignes de ce nom et admettons. Il n’est effectivement pas évident d’une course à l’autre de se rappeler du prix du paquet de lardons ou du pot de Nutella ®[vi]. Par contre, il est beaucoup plus aisé de se rappeler le montant global du caddie d’une semaine sur l’autre. Et si l’on a la mémoire qui flanche, il suffit de se replonger dans ses vieux relevés de compte bancaire. Si vous payez votre caddie 100 euros aujourd’hui et que l’inflation a bien été de 2% par an en moyenne, alors votre caddie de 2004 (à situation familiale équivalente) devait être d’environ 83€. Jugez par vous-même.

Oui, mais … nous dit l’INSEE : « l'indice des prix prend en compte la baisse de certains produits, en particulier les ordinateurs et l'électroménager ». Les ménages modestes, qui n’ont pas toujours un ordinateur et qui change leur électroménager uniquement lorsqu’il est à bout de souffle (et encore, si leurs finances le permettent) seront ravis de l’apprendre. Et d’ailleurs, même pour les revenus plus aisés, le changement de leur matériel informatique ou leur machine à laver n’intervient pas tous les quatre matins. Ce qui est important à prendre en considération sur ce point est le coefficient de pondération qui est appliqué à ces produits par rapport à ceux qui sont absolument nécessaire au bien-vivre des familles. Nous y reviendrons un peu plus bas.

Subjectivité du calcul de l’inflation

jeudi 24 avril 2014

Mobilisation générale contre le traité transatlantique !


Le traité transatlantique, qui vise à créer un grand marché réunissant l’Europe et les Etats-Unis symbolise à lui tout seul tous les débats que nous devrions avoir sur notre avenir. Merci à Danièle Favari d’en résumer les principaux enjeux dans un livre court mais assez complet.

Un sujet qui s’impose

Les négociations commerciales pour créer un grand marché transatlantique sont longtemps restées à l’écart du débat démocratique. Mais cela change. Il faut saluer ici deux pionniers, Lior Chamla, du blog la théorie du tout, et Magali Pernin qui tient le blog Contre la Cour (cité par Danièle Favari). J’ai écrit quatre papiers sur le sujet en février, mai et juin 2013 et janvier 2014. Marianne a consacré un dossier et sa une il y a quelques jours, rapportant les discussions entre la commission et les multinationales ainsi que l’influence des lobbys. Le Monde le couvre de manière moins critique, mais y a consacré plusieurs papiers. Sud-Ouest se demande « pourquoi ce traité est en train de mettre le feu à l’Europe ».

Le livre de Danièle Favari, qui a lancé une pétition sur le sujet, que je vous invite à signer, est un outil majeur dans le combat contre ce traité. Son livre est court (et donc accessible, à 8,9 euros), mais complet. Il comprend notamment l’intégralité du mandat de la Commission Européenne, fourni par Magali Pernin, mais aussi de nombreux liens et sources qui permettent d’approfondir les questions que l’on souhaite. Le mandat de négociation est effarant, disant tout et son contraire (unification des marchés, mais préservation des spécificités, même si au global, on devine dans quel sens il penche).

Pourquoi il faut absolument s’y opposer

Les « compétences » à l’école : une lubie euro-mondialiste (billet invité)

Chronique d’une instrumentalisation néolibérale des discours pédagogistes




Billet invité de Rodolphe DUMOUCH, Professeur agrégé, Docteur de l’Université d’Artois

Des idéaux scolaires dévoyés façon Pascal Lamy


Nous l’avons bien compris : le socialisme, le progressisme et même l’avenir ne sont plus ce qu’ils étaient. Cela crève les yeux en observant le devenir idéologique d’un Manuel Valls depuis son syndicalisme étudiant ; cela crève les yeux en écoutant, le matin, sur France Culture les infâmes chroniques euro-atlantistes et « gauche moderne » de Brice Couturier. Ces gens-là sont passés du libertarisme au néolibéralisme et du permissif au répressif ; mais si vous les contredisez, ils osent dire que c’est vous le « réac ». Si cette oligarchie arrive, cependant, à tromper tant de monde avec une étiquette « progressiste », c’est que leur changement de discours s’est fait par glissement. Glissement accompagné en douceur par toutes leurs complicités médiatiques et plumitives (à commencer par le Libé), ce depuis les années 1990. C’est la stratégie de la grenouille mise dans l’eau froide puis chauffée lentement… et aujourd’hui, l’eau est bouillante, pour ceux qui ne s’en sont pas aperçus.

La semaine dernière, le susnommé Brice Couturier appelait, toute honte bue, à rendre les universités française aussi chères que leurs homologues américaines. On voit ainsi que la « gauche » « brise » un « tabou » (sic.) : celui de la libéralisation du système scolaire... vers laquelle elle rampait déjà  depuis longtemps, il est vrai. Eh oui, aujourd’hui, même la subversion n’est plus ce qu’elle était : voici donc nos nouveaux « rebelles »  et nos nouveaux « briseurs de tabou ». Ou quand la « tradition du nouveau » 68tarde rejoint la bonne vieille tradition bourgeoise-conservatrice sur laquelle ils crachaient il y a 45 ans... La seule difficulté, dans ce processus de dégénérescence, est qu’il est difficile de distinguer ce qui relève de la trahison, de l’aboutissement logique de leur idéologie d’origine ou de la sénilité approchante…

Le détournement graduel du discours pédagogique vers le « management » autoritaire

mercredi 23 avril 2014

Manuel Valls, Laval des temps modernes


La semaine dernière, le premier ministre a présenté le détail des 50 milliards d’économies d’ici à 2017, allant défendre le tout sur France 2. Une persistance effarante dans une politique qui ne marche pas depuis plus de 3 ans, un biais néolibéral marqué et un oubli incroyable des leçons du passé.


Une austérité démentielle et suicidaire

Comme ceux qui ont mené dans le passé une politique d’austérité, Manuel Valls a récusé ce mot, parlant d’effort et s’appuyant sur le maintien de créations de postes dans la fonction publique. Mais cette langue de bois était totalement contredite par l’intervention de François Lenglet qui rappelait juste avant que si on additionne les mesures des deux premières années du mandat de François Hollande et de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy (60 milliards de hausses d’impôt), alors jamais la France n’avait connu un tel plan sous la Cinquième République. Si nous n’atteignons pas les extrêmes de certains pays, Manuel Valls va bien mener néanmoins une politique d’austérité extrêmement sévère.

Nicolas Dupont-Aignan a bien raison de prédire un « désastre social et économique ». Car il est bien évident que la baisse de 50 milliards de la demande publique va, comme partout ailleurs, peser sur la consommation et donc la croissance. Si certaines économies ne sont sans doute pas injustifiées, la baisse uniforme du pouvoir d’achat des retraités et des fonctionnaires ne peut rien apporter de bon. Il faut rappeler ici que ce sont ces politiques d’austérité qui ont plongé le continent européen dans une seconde récession en 2012-2013, qui a provoqué une nouvelle hausse du chômage. La majorité mène ici une politique comparable à celle de Laval en 1935, malgré de nombreux avertissements.

Les dangers de la politique de l’offre

Cabotage : la course au moins-disant social en Europe (billet invité)


Billet invité de Matias Kévin


Définition 

Le cabotage consiste à quitter un pays avec un véhicule et à charger puis à décharger, à plusieurs reprises, dans un pays frontalier, avec retour obligatoire au pays d'origine. A l'issue du déchargement international, la réglementation impose aux transporteurs de ne pas excéder trois opérations de chargement puis de déchargement sur le sol national.

Le cabotage en France et en Europe 

Le cabotage est régi par la loi du 08 décembre 2009 relative à l'organisation des transports. La France est le pays le plus « caboté » en Europe soit 1/3 du cabotage total. Depuis le 1er janvier 2012, il est ouvert à la Roumanie et à la Bulgarie.

Concurrence déloyale 

mardi 22 avril 2014

Réforme de la finance : l’Europe encore plus conservatrice que les USA !


Fait trop souvent ignoré : outre le fait que la grave crise financière de 2008 n’a en aucun cas permis de mener une réforme suffisante du secteur, les pays européens avancent encore moins vite que les Etats-Unis sur le sujet, ce qui est en dit long sur l’incompétence notoire de nos dirigeants.


Une histoire d’effet de levier

Ici, c’est un papier de The Economist sur l’évolution des régles bancaires outre-Atlantique qui révèle le pot aux roses. De nombreux économistes ont souligne le rôle joué par l’utilisation de l’effet de levier dans les crises financières. Pour une même somme de capital, les banques prêtent et placent davantage, ce qui augmente mécaniquement les résultats mesurés en fonction de ce capital. Comme les banques privées peuvent créer de l’argent, il leur suffit de parier plus pour gagner plus… L’histoire des crises financières repose souvent sur ce simple mécanisme, rappelée par The Economist dans la même édition, qui n’a été que très partiellement remise en cause par les règles Bâle 3.

En effet, les règles Bâle 3 imposent un minimum de couverture de 3% : les banques doivent avoir un capital équivalent à 3% de leur bilan. Déjà, on reste stupéfait par un chiffre aussi bas, qui ne semble pas du tout à la hauteur des leçons du passé. Mais les Etats-Unis ont décidé d’aller plus loin que les règles de Bâle 3, en imposant un ratio de 5%, et même de 6% pour certaines unités. Du coup, les banques étasuniennes vont devoir lever entre 22 et 68 milliards de dollars de plus de capital, somme qualifiable de « faisable » par The Economist étant donnés leurs profits. Il note que depuis 2008, les banques US ont levé plus de 500 milliards, contre 324 pour les banques européennes, pourtant plus lourdes…

L’Europe, pire que les Etats-Unis

Europe : schizophrénie chronique à l’UMP (billet invité)


Billet invité

L’approche d’élection, est toujours l’occasion de voir fleurir des prises de positions plutôt surprenantes. Ainsi, certains ténors de l’UMP, ont trouvé opportuns, à un mois et demi des élections européennes, de critiquer leurs propres échecs. Ils ont signé tous les traités : Maastricht, Schengen, ainsi que le traité de Lisbonne, contre une majorité de Français, qui, avait exprimé leur rejet de plus d’intégration, lors du référendum de 2005.


L’impossible réconciliation de deux visions européennes

 L'UMP depuis sa création, a toujours été parcouru par deux courants. Tout d'abord, celui des libéraux apatrides, voyant dans l'Union Européenne un grand marché libéralisé. Une ligne qui dirige la droite depuis trente ans, trouvant ses origines notamment, dans les mouvements centristes, très vite rejoints par les libéraux de droite. Cela, l'a conduit à détricoter honteusement la souveraineté française.

De l'autre côté, les souverainistes, défenseurs des nations, descendant des mouvements Gaullistes. La réunion de ces deux visions de l’Europe contraires au sein de l'UMP, ne pouvait se terminer, que par l'écrasement d'une doctrine sur l’autre. La bataille est terminée, et ce n'est pas la ligne Gaulliste d'Henry Guaino qui l'a emporté, dans cette bataille interne. Celui-ci l’a bien compris, est là d'ailleurs exprimé, en désavouant le très européiste Alain Lamassoure (tête de liste UMP île de France). Ce parti à cesser de se préoccuper de la nation France, quitte à encourager le vote extrémiste, pour s'engouffrer dans l'idéologie européiste qui nous étouffe. Laissant orphelin tous ceux qui croient en une autre Europe, instaurant des coopérations économiques entre nations, plutôt que leurs disparitions, au profit du libre-échange, et du fédéralisme.

Discours de circonstance

lundi 21 avril 2014

L’appel à la désobéissance européenne d’Aurélien Bernier


Je ne connaissais pas vraiment le M’PEP avant d’être allé à un colloque passionnant qu’ils organisaient sur la question européenne en juin 2011. L’occasion d’acheter le dernier livre du porte-parole du mouvement, Aurélien Bernier, « Désobéissons à l’Union européenne ».


Une vraie communauté de pensée

Il faut être clair, au sujet de l’Europe, je n’ai pas trouvé l’épaisseur d’un papier à cigarette entre les idées du M’PEP et les nôtres. Naturellement, sur d’autres questions, nous pouvons diverger (encore que, beaucoup moins qu’on ne pourrait le croire), mais l’ensemble de l’analyse de l’auteur sur les carences de l’Europe qui s’est construite depuis l’Acte Unique rejoint complètement la mienne.

Aurélien Bernier commence par évoquer les « non » français (à 54,7%) et hollandais (à 61,6%) du printemps 2005 pour regretter une « victoire gâchée ». Il dénonce cette Europe qui « interdit toute mesure contraire aux intérêts des transnationales et des marchés financiers ». Il souligne que les plans européens « ne relèvent en rien de la solidarité entre Etats européens, (ils) assurent d’abord et avant tout aux banques et aux investisseurs qu’ils sauveront leurs mises ».

Il affirme très pertinemment que « les déficits et la dette publics créés par l’eurolibéralisme justifient d’aller encore plus loin dans l’eurolibéralisme ». Il dénonce « l’échec de la gauche de gouvernement qui entend pratiquer l’alternance mais ne propose aucune alternative » et « un ordre juridique qui ne repose sur aucune légitimité populaire, qui prétend planifier une politique invariable, (…) qui ne laisse plus aucune place pour d’autres politiques économiques, sociales ou environnementales ».

Une forteresse ultralibérale et anti-démocratique


De l'austérité à l'implosion sociale (billet invité)


Billet invité de l’Oeil de Brutus


A quel pays et quelle époque s’appliquent ces citations ?

« Les classes moyennes, pour leur part, ont vu s’approfondir les fractures apparues durant la dictature militaires. Le chômage, la chute dans l’informel, la dégradation des services publics, la contraction de l’emploi dans le secteur bancaire affectent leurs strates inférieures, qui tendent à se prolétariser, tandis que la sophistication des services et l’expansion du secteur financier ont permis à une autre frange de se raccrocher à la dynamique mondialisée de modernisation de l’investissement du capital. Les différences de revenus, de patrimoine et, en conséquence, d’idéologie permettent de moins en moins d’englober ces secteurs intermédiaires dans une seule catégorie. »

dimanche 20 avril 2014

Casser l’euro pour sauver l’Europe d’une impasse démocratique et sociale


Outre le fait d’avoir exposé tous les mécanismes qui font de la monnaie unique un monstre économique, les auteurs du livre présente une synthèse très convaincante de l’après-euro, mais le livre est également une intéressante réflexion politique sur l’Europe.


Le difficile problème allemand

Si l’euro a « des fondations bancales », c’est parce qu’il est « made in Germany », une copie du mark sur tous les plans. Et l’obsession allemande de l’inflation et des déficits des voisins les a poussé à promouvoir la libéralisation, qui impose la surveillance des marchés. Sur la base de nombreux témoignages, ils détaillent la genèse de la monnaie unique. Le journaliste du Financial Times, David Marsch confirme les propos de l’ancien président de la Bundesbank, Karl Otto Pöhl : « je pensais qu’il était très peu probable que les autres européens adoptent simplement le modèle de la Bundesbank ». Ce serait la chute du mur de Berlin qui aurait poussé la France à accepter les conditions drastiques des Allemands.

Comme Sapir, ils notent que « l’Allemagne obtient un droit d’accès sans restriction tarifaire à des marchés voisins qui ne peuvent plus dévaluer » et ils le citent en notant cela « leur offre la possibilité de s’endetter à bon compte pour… acheter des produits allemands ». Mais ils ne blâment pas l’Allemagne, qui ne fait que défendre ses intérêts dans le cadre que nous avons accepté. Ils notent aussi que la hausse des prix de l’immobilier, pousse Berlin à refuser l’assouplissement de la politique monétaire, qui n’est pas adapté à la situation du pays. Ils notent néanmoins la logique très culpabilisatrice et superficielle du pays en citant Angela Merkel qui disait fin 2013 : « la vie n’est pas juste : si vous avez trop mangé et trop grossi, mais que d’autres personnes sont toujours minces, je vous aiderai à payer le docteur ».

Un problème démocratique et social

samedi 19 avril 2014

Quand des journalistes de l’Express et de l’Expansion décryptent le démontage de l’euro


Dans « Casser l’euro pour sauver l’Europe », outre le fait de présenter une bonne synthèse des raisons pour lesquelles la monnaie unique européenne provoque un tel cataclysme économique, les auteurs ont le mérite de présenter une synthèse très recommandable de toutes les questions que l’on peut se poser sur le retour aux monnaies nationales, en s’appuyant sur les nombreuses études disponibles.


L’impasse des variantes de la monnaie unique

Ils citent Michel Aglietta pour qui la zone gagnante « tend à agglomérer les activités les plus productives dans les mêmes pôles et à désertifier les régions (…) les moins industrialisés ». Ils notent que 150 années d’unification italienne n’ont pas permis la convergence du Nord et du Sud et que le fait que les salaires soient la seule variable d’ajustement de la compétitivité mène à une concurrence suicidaire. Ils citent de larges extraits de l’étude réalisée par Jacques Sapir et Philippe Murer pour Res Publica et notent qu’ils prévoient une augmentation de 4 à 10% du PIB des pays du Sud au bout de deux ans seulement (et une baisse de 3,5% du PIB de l’Allemagne). Ils défendent le principe des dévaluations en montrant comment elles ont contribué à la réussite de la Corée du Sud et de Samsung au détriment du Japon, et que Tokyo utilise cette arme à profit depuis l’arrivée de Shinzo Abe au pouvoir.

Ils étudient l’option de scinder l’euro en deux : un euro du Nord et un euro du Sud mais cela reviendrait à créer les mêmes problèmes à des échelles différentes. Ils citent une étude des économistes de la banque centrale Polonaise sur le démontage contrôlée de la zone euro qui évoque la possibilité que l’Allemagne prenne l’initiative de sortir de la monnaie unique. Pour eux, il faut passer d’une monnaie unique à une monnaie commune et ils se désolent que Marine Le Pen en ait fait un de ses chevaux de bataille, souillant l’idée dans le débat public. Pour eux, un retour aux monnaies nationales a deux avantages : économique, en permettant d’adapter le taux de change à la situation de chaque pays, et démocratique, en permettant de redonner aux citoyens une prise sur le cours des choses.

Le démontage de la monnaie unique en pratique

vendredi 18 avril 2014

Bitcoin chez Monoprix : de la fausse monnaie qu’il faut interdire !


Il y a quelques jours, François Lenglet, pourtant généralement bien inspiré, a consacré son billet au fait que Monoprix devrait prochainement accepter les bitcoins pour payer ses courses. Nullement choqué par ce qui n’est que de la fausse monnaie, il y voyait une annonce de notre avenir. Grosse erreur.


En réalité, un retour en arrière

Il y a quelque chose de fascinant avec bitcoin. Peut-être parce que certains y voient une innovation symbole de la modernité et de notre avenir, ils n’arrivent pas à voir la réalité de ce qu’est ce phénomène de foire dont on parle tant. D’où le fait qu’une partie d’entre eux arrivent même à imaginer que notre avenir sera rempli de différentes monnaies, souvent émises par des entreprises technologiques étasuniennes, comme Google ou Facebook. Avec des citoyens qui ont une opinion souvent très mauvaise de leurs gouvernements et de l’Etat, cette idée peut apparaître comme une évolution moderne et logique de nos sociétés, une nouvelle possibilité offerte par la technologie, qui pourrait même faciliter notre vie.

Mais cette interprétation de l’histoire repose sur une méconnaissance de l’histoire monétaire, rappelée par The Economist dans un papier sur sur les conséquences des crises financières. En effet, les grands pays n’ont pas toujours fonctionné avec une monnaie centrale (fût-elle partagée avec d’autres pays). Par exemple, les Etats-Unis ont expérimenté, à partir du début du 19ème siècle, une période d’anarchie monétaire où chaque banque pouvait émettre son propre dollar, le système dit de « la banque libre ». Mais la grande instabilité de ce système et les nombreuses crises financières qui l’accompagnèrent, poussa les banques à mettre en place en 1913 la troisième banque centrale des Etats-Unis, la Fed, garantissant une seule monnaie, le dollar, et qui joue toujours un rôle comparable aujourd’hui.

Les gouvernements doivent interdire son usage